À première vue, il semble bizarre de parler de « moment républicain », alors que nous vivons dans une République bien établie. L’article 1er de notre Constitution rappelle que la France est une « République indivisible, laïque, démocratique, et sociale ». Et l’article 89 de cette même Constitution précise que la forme républicaine de notre nation « ne peut faire l’objet d’une révision », au point que certains juristes parlent de la forme républicaine comme d’une réalité supra-constitutionnelle. Tous les enfants apprennent à l’école la devise inscrite au fronton de nos édifices publics : « Liberté-Égalité-Fraternité ». Le pays n’est plus en proie à des controverses pour savoir quel est le meilleur régime, de la monarchie ou de la république. Cette question semble tranchée depuis 1877, après le siècle de tâtonnements décrit par François Furet, à telle enseigne que nous pourrions presque dire que la République est pareille à l’air que l’on respire : elle est une évidence ; elle ne mérite pas que l’on s’y attarde plus que ça. Comment, dès lors, pourrait-il y avoir quelque chose comme un « moment républicain », c’est-à-dire un morceau de temps, sécable dans le cours de l’histoire, alors que la république est devenue la forme intangible d’organisation de notre pays ?
Il y a deux façons de répondre à cette question. D’une part, en considérant que la république dont il est question, dans ce « moment républicain », renvoie non pas à la forme de notre organisation collective, mais plutôt à une certaine philosophie de l’action, une certaine exigence normative…