« Somme toute, M. Jabot est un livre amusant, médiocrement imprimé, fort cher, et à sa place dans un salon surtout. » C’est par ces termes qu’avec son sens habituel de l’autodérision Rodolphe Töpffer (1799-1846) présentait le premier de ses sept albums à avoir été diffusé dans le public, en 1835 (bien qu’imprimé dès 1833, six ans après que le Genevois eut dessiné, pour le seul divertissement de ses proches, une première « histoire en estampes », l’Histoire de monsieur Vieux Bois).
Töpffer était écrivain, pédagogue et dessinateur. Son œuvre incarne ce moment où ce qui s’appellera plus tard « bande dessinée » gagne son autonomie par rapport à la tradition millénaire du récit en images. Il a, en effet, toujours existé des formes de narrativité séquentielle dans les arts visuels, sur les supports les plus divers : stations des chemins de croix, fresques, polyptyques, manuscrits enluminés, portes de bronze, broderies, etc. Mais c’est bien à l’auteur de Monsieur Jabot, de Monsieur Crépin et du Docteur Festus qu’il revient d’avoir, par une série de gestes inauguraux, installé la bande dessinée comme un produit de librairie, un mode d’expression voué d’abord à la fiction – comme une autre forme de littérature, en somme. Il devait, du reste, en ébaucher la théorie dans un livre testamentaire, l’Essai de physiognomonie, insistant particulièrement sur l’importance, cardinale à ses yeux, de l’expressivité faciale.
Une seule de ses histoires, celle de Monsieur Cryptogame, sera publiée dans la presse (avec la complicité du caricaturiste Cham) …