Entre le logos immuable et le visible en flux, entre les idées cristallines et les ombres sur le mur de la caverne, entre l’immobilité du Premier Moteur et le cycle de générations et corruptions, entre l’intellect et les sens, entre la spiritualité et l’animalité : la place de l’homme dans le monde interroge la philosophie depuis sa naissance. Le christianisme a hérité des Juifs la réponse qu’apportent les versets de la Genèse : Dieu a créé l’homme à son image et sa ressemblance, et l’a installé au sommet de toutes les créatures. Mais cela n’a défini de façon univoque ni les rapports entre l’âme et le corps, ni la place de l’homme dans la hiérarchie des êtres entre l’ange et la bête : plus près du premier ou de la seconde ? Aussi la controverse portant sur la place de l’homme n’a-t-elle cessé de diviser les philosophes et les théologiens. Et il en est ainsi jusqu’à ce jour, à ceci près qu’elle se poursuit maintenant non pas tant dans le cadre traditionnel que dans celui que tracent conjointement la théorie de l’évolution de Darwin et la paléo-anthropologie.
Laissons de côté les fondamentalistes religieux et tous ceux qui ne reconnaissent pas la science contemporaine et tout particulièrement la biologie. Les savants s’accordent en général pour dire que les êtres humains sont des animaux et que l’espèce Homo sapiens, comme toutes les espèces vivantes, résulte des mutations accidentelles qui modifiaient les génotypes déjà existants ; de ces mutations, se stabilisaient et se propageaient dans une espèce donnée celles seulement qui permettaient à l’une de ses populations de surpasser en nombre ses concurrentes dans le biotope qu’elles partageaient et en ce sens – s’adapter mieux qu’elles aux conditions existantes…