Se demander ce qu’est l’homme semble bien intempestif. Notre époque n’aime pas les définitions. Toute question « qu’est-ce que ? » lui semble suspecte de charrier des relents « essentialistes ». Faudrait-il, pourrait-on encore, définir « la » femme ? Et pourquoi pas le Français, le Noir, le Juif ? Qui s’aviserait encore de vouloir dire ce qu’est l’Art ? – la question même paraît « réactionnaire ». Ce que nous aurait appris la « modernité », c’est qu’aucune réalité n’est constante, universelle, ni clairement déterminée.
Mais la question « qu’est-ce que l’homme ? » souffre de deux maux supplémentaires. Elle était liée, dans la tradition religieuse, philosophique ou scientifique, à une biologie fixiste. Prétendre aujourd’hui enfermer une espèce dans une définition autre que nominale (« est chien ce qui est né d’une chienne et d’un chien »), c’est implicitement nier que tout vivant soit le fruit particulier de l’adaptation évolutive à son milieu ; c’est refuser d’admettre que les frontières d’une espèce sont floues, ce serait revenir à une biologie pré-darwinienne. Dieu n’a pas créé de toute éternité l’essence du Chien ou du Singe. Il en va de même, a fortiori, de l’Homme. Comme toutes les autres espèces, il est sans limites clairement définies. On cherchait encore, naguère, un ancêtre commun à l’homme et au singe, mais la question perd progressivement de sa pertinence. Qu’en est-il de l’Homo erectus ? Et qu’en est-il des néandertaliens, qui gagnent chaque jour un peu plus en « humanité » par rapport à la « nôtre » …