Il est, dans l’histoire des sociétés, et même dans l’histoire du monde, des événements majeurs, qui rompent avec le cours des travaux et des jours, provoquent des changements cruciaux dans les domaines les plus divers et marquent un seuil entre des périodes de relative stabilité où l’on a l’impression qu’il ne se passe rien : ce sont les révolutions et les guerres. La révolution de 1789 nous a fait passer de l’Ancien Régime à la société moderne ; la guerre de 1914, du xixe au xxe siècle. L’importance même de ces grands événements explique et justifie qu’ils soient commémorés.
Pour préparer, coordonner et animer la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, le gouvernement a créé une mission qui comprend un conseil scientifique. Celui-ci réunit des historiens reconnus, français ou étrangers, dans le respect de la diversité du champ disciplinaire et de ses tendances, ainsi que des représentants du monde de la culture, musées, archives, médias, et des responsables d’institutions concernées par les manifestations commémoratives qui pourront être organisées. Mais c’est une instance consultative. Il ne lui appartient en aucune façon de définir le sens que les autorités politiques entendront donner aux manifestations qui marqueront le centenaire. Je n’entreprendrai donc pas de définir ici les messages qu’il me semblerait important d’adresser à la nation. Le Conseil se limitera à remplir une double fonction : une fonction d’animation et de coordination des manifestations qui s’annoncent, par exemple des nombreux colloques ou des expositions en préparation ; une fonction de vigie, pour éviter que la commémoration ne tombe dans des raccourcis simplistes, des exagérations ou, plus grave, des interprétations contraires à ce que nous savons, en ce domaine exploré sous ses multiples aspects par une historiographie française, et plus encore anglo-saxonne, particulièrement féconde…