Pourquoi enseignons-nous l’histoire ? Parce que nous la croyons utile. Utile à qui ? Utile en quoi ? Rarement posées de façon explicite, ces questions exigent des réponses claires, car c’est en fonction de l’objectif que l’on assigne à l’enseignement de l’histoire que celui-ci aurait dû être programmé, ce qui apparemment n’est pas le cas. Utile à qui, donc ? Aux élèves, cela va sans dire. Mais qui sont aujourd’hui les élèves, dans quelle société vivent-ils et à quel avenir doit-on les préparer ? On ne saurait réfléchir à l’enseignement de l’histoire sans avoir des idées sur ce sujet. Au demeurant, il en a toujours été ainsi.
Dans la société d’ordres, on était noble pour être né de parents nobles, nés eux-mêmes de parents nobles, et ainsi de suite jusqu’à un temps immémorial. C’était très souvent une fiction mais elle avait des effets bien réels. Entre autres, elle suscitait chez les nobles le besoin de l’histoire. D’une histoire indispensable pour connaître la lignée dont on faisait partie, pour savoir situer les individus que l’on fréquentait par rapport aux ancêtres communs, pour avoir en mémoire leurs liens de sang et d’alliance, pour donner à chacun le titre qui lui était dû, pour partager avec d’autres nobles les mêmes références, pour disposer d’un stock de sujets de conversation. D’une histoire identifiée, par conséquent, à des généalogies, à des récits des faits glorieux de jadis, au rappel de précédents et d’exemples à suivre ou à éviter. D’une histoire capable à la fois de divertir, d’instruire et de donner des leçons de morale…