Le Débat 2013/2 n° 174

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Article de revue

Mars 83 ou comment la France a perdu la guerre monétaire

Pages 10 à 25

Notes

  • [1]
    Cité par Jean-Pierre Chevènement, Défis républicains, Fayard, 2004.
  • [2]
    Les sorties de capitaux commencent début avril. Elles sont facilitées par la suppression du contrôle des changes. Mais Raymond Barre refuse de le rétablir pendant la campagne électorale.
  • [3]
    Philippe Bauchard, La Guerre des Deux Roses, Grasset, 1986.
  • [4]
    Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, Éd. du Seuil, 1990.
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Gabriel Milési, Jacques Delors, Belfond, 1985.
  • [7]
    Ph. Bauchard, La Guerre des Deux Roses, op. cit.
  • [8]
    Jacques Attali, Verbatim, Fayard, 1993.
  • [9]
    Il devra, en juillet 1985, arbitrer un conflit entre les deux hommes sur l’avenir de Canal +. Le premier, estimant que la création de la chaîne cryptée était un échec, voulait en changer la nature et en prendre le contrôle. Le second croyait à juste titre à la viabilité de son projet. François Mitterrand tranchera en sa faveur.
  • [10]
    J. Attali, Verbatim, op. cit.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Il réunit, autour de Jacques Attali, Jean-Louis Bianco, François-Xavier Stasse, Élisabeth Guigou et Christian Sauter.
  • [14]
    P. Favier et M. Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, op. cit.
  • [15]
    En ces temps-là, la hausse du dollar a moins d’impact sur la facture énergétique allemande, une bonne partie de son électricité provenant du charbon. Elle favorise également les exportations allemandes hors d’Europe. La France, elle, ne profite pas encore du nucléaire, et exporte moins que son voisin hors d’Europe.
  • [16]
    L’Élysée avait relayé les critiques sur la bureaucratie tatillonne du ministère de l’Industrie formulées par quelques patrons d’entreprises nationalisées au cours d’un déjeuner avec le Président, hors la présence du ministre. Ulcéré par ce qu’il considère comme un désaveu, Jean-Pierre Chevènement avait envoyé une lettre de démission le 2 février. Le Président lui demande de ne pas la rendre publique. Il lui proposera l’Équipement, dans le futur gouvernement Mauroy, qu’il refusera.
  • [17]
    Note d’Alain Boublil : « Les premières années de la présidence de François Mitterrand », mars 2011.
  • [18]
    J. Attali, Verbatim, op. cit.
  • [19]
    Ph. Bauchard, La Guerre des Deux Roses, op. cit.
  • [20]
    G. Milési, Jacques Delors, op. cit.
  • [21]
    J.-P. Chevènement, Défis républicains, op. cit.
English version

1Ce 25 mars 1983, autour de la grande table du Conseil des ministres, les visages sont graves, voire, pour certains des participants, fermés. C’est le deuxième Conseil de la semaine. Il est exceptionnel et se tient un vendredi. François Mitterrand, puis Pierre Mauroy et Jacques Delors expliquent et justifient les choix économiques, monétaires et sociaux qui ont été faits à l’issue d’une folle quinzaine.

2Jacques Delors, qui trône désormais à la droite du Président, deuxième dans l’ordre protocolaire après Pierre Mauroy, renommé in extremis Premier ministre, ne cache pas sa satisfaction. Certes, il n’a pas été nommé à Matignon, mais c’est lui qui va incarner cette politique de rigueur, condition nécessaire pour que la France reste dans le serpent monétaire européen et qu’il n’y ait pas de rupture de l’axe franco-allemand. C’est lui qui a négocié, quelques jours auparavant, les conditions d’un réajustement monétaire avec nos partenaires : une dévaluation de 2,5 % du franc et une réévaluation de 5,5 % du mark. Il aurait voulu un écart plus important, afin que l’industrie française retrouve des marges de compétitivité par rapport aux Allemands, mais ces derniers, soutenus par le Benelux, ont refusé d’aller au-delà de 8 %.

3On retrouve, dans cette négociation cruciale sur les parités monétaires, une constante des relations franco-allemandes. Que ce soit au sein du Système monétaire européen (sme), ou plus récemment de l’euro, nos voisins d’outre-Rhin ont toujours réussi à préserver leurs intérêts. Ce que le comte Otto von Lambsdorff, alors président du parti libéral et ministre de l’Économie pendant plus de dix ans, reconnaissait non sans cynisme : « Le sme fonctionne comme un système de subventions à l’industrie allemande [1]. » Cette fois encore, Bonn a exigé, en échange de cette petite réévaluation du mark, des garanties supplémentaires de la part de Paris. Ce n’est pas un diktat, mais un des participants à ce sommet européen emploiera le terme d’« humiliant ».

4Ces garanties, elles, sont contenues, ce vendredi matin, dans le plan présenté par Jacques Delors. Un plan draconien, qui prévoit notamment :

  • un prélèvement de 1 % sur tous les revenus de 1982, afin d’alimenter les régimes de la Sécurité sociale ;
  • un emprunt forcé de 10 % du montant de l’irpp pour tous les contribuables payant plus de 5 000 francs d’impôt ;
  • l’annulation de 7 milliards de crédits budgétaires et le gel de 25 milliards supplémentaires ;
  • la hausse des tarifs des entreprises publiques ;
  • l’augmentation des taxes sur les carburants et l’alcool ;
  • l’instauration d’un forfait hospitalier.
Enfin, pour frapper les esprits, les services du ministère des Finances ont exhumé de leurs tiroirs un des dispositifs qui accompagnaient les dévaluations de la IVe République et que la Ve République avait réactivés en mai 1968 : le contrôle des changes, avec, pour tout Français souhaitant se rendre à l’étranger, l’obligation de détenir un carnet de change. Le montant maximal d’achat en devises est limité à 2 000 francs par adulte et par an. En outre, l’utilisation des cartes de crédit à l’étranger devient quasi interdite. Ce carnet suscite une levée de boucliers ! Il revient pratiquement à interdire les voyages à l’étranger, à un moment où l’on prône, au nom de l’Europe, la libre circulation des hommes et des capitaux. Une mesure ressentie comme une punition, et la sanction de la politique de relance de la consommation menée… par la gauche, depuis deux ans. Les cigales ayant chanté tout l’été, il leur faut maintenant se mettre au régime de la fourmi, réclamé sans relâche depuis le premier jour par l’austère Jacques Delors.

5Telle est, du moins, l’histoire que l’on s’efforce de raconter depuis près de trente ans. Grâce au tandem Delors/Mauroy, sans oublier Jacques Attali qui œuvrait dans l’ombre, François Mitterrand se serait ainsi rendu à la raison. Devenu plus gestionnaire que socialiste, il aurait définitive ment tourné le dos aux tenants de cette « autre politique », qui risquait d’isoler la France en Europe et de distendre les liens avec l’Allemagne. Nul ne saura jamais ce qui se serait passé si le chef de l’État avait alors fait un autre choix. Était-il possible ? Sans nul doute. Ce qui est certain, c’est que le psychodrame de mars 1983 trouve ses origines dans les premiers jours qui suivent l’élection de François Mitterrand, le 10 mai 1981.

Le péché originel

6Au soir de sa victoire, François Mitterrand précise qu’il ne prendra la responsabilité des affaires que le jour effectif de la passation des pouvoirs, le 21 mai. En attendant, c’est à Raymond Barre, qui n’est plus qu’un Premier ministre chargé des affaires courantes, de gérer le pays. Or, le 11 mai au matin, la Bourse de Paris perd 15 %, l’or s’envole, les capitaux fuient [2]. Ce même jour, Michel Jobert est reçu à déjeuner rue de Bièvre, au domicile de François Mitterrand. En partant, il lui donne ce conseil : « Si vous voyez le moindre frémissement sur les marchés des changes, vous devrez flotter, vous sortirez du serpent. C’est la seule menace réelle qui pèse actuellement sur vous. Si vous dévaluez ou si vous flottez à temps, vous éviterez de perdre beaucoup d’argent [3]. »

7En quatre jours, trois milliards de dollars passent la frontière. L’hémorragie se poursuit ensuite, au rythme d’un milliard de dollars par jour. Le directeur du Trésor, Jean-Yves Haberer, qui n’est pas de gauche, et les experts socialistes qui appartiennent à cette institution prônent la mise en place immédiate d’un contrôle des changes. Raymond Barre se rallie, quelques jours plus tard, à cette idée… à condition que le nouveau Président le lui demande. Rien ne se passe. Les dollars sortent de plus belle. En dix jours, le tiers des réserves s’est envolé.

8Le 21 mai, les socialistes prennent possession des palais nationaux. Dans la grande salle de l’Élysée, juste après la cérémonie officielle, Michel Rocard prend Pierre Mauroy à part : « Pierre, tu dois dévaluer tout de suite, car dans quarante-huit heures on ne pourra plus dire que c’est de la faute des autres. Il faut solder la gestion de nos prédécesseurs et apurer nos 7 % à 8 % d’écart avec le mark. Et, en plus, nous devrions prendre une marge. Il faut dévaluer de 15 %, sans sortir du sme, sauf si nos partenaires ne nous en laissent pas le choix [4]. » Un peu ébranlé, Pierre Mauroy redemande quelques minutes plus tard au nouveau Président si la ligne est toujours la même : « Pas question de dévaluer », répète François Mitterrand, qui a la tête ailleurs… au Panthéon, où il doit se rendre l’après-midi pour une cérémonie dont il a lui-même mis en scène la liturgie.

9À Matignon, Jacques Delors et Pierre Mauroy préparent les mesures de contrôle des changes. Renaud de La Genière, gouverneur de la Banque de France, est maintenu à son poste, afin de donner un signal positif aux marchés. Mais les dix jours perdus ont coûté une bonne partie des réserves de la Banque de France. L’argent perdu, l’argent parti, ne reviendra pas. Pourquoi ne pas avoir dévalué tout de suite ? Pourquoi ne pas être sorti provisoirement du sme ? La décision de ne pas dévaluer aurait été prise, quelques jours avant le 10 mai, au cours d’une réunion autour de François Mitterrand, où Jacques Delors, Pierre Mauroy et Jacques Attali étaient présents [5].

10François Mitterrand ne veut pas commencer son septennat par une dévaluation. La droite peut dévaluer. La gauche, non. D’autant qu’une dévaluation, pour être réussie, doit s’accompagner d’une politique de rigueur. Ce qui est à l’opposé des promesses de la gauche : retraite à soixante ans, hausse du smic, nationalisations, relance de la consommation – autant de mesures qui vont peser sur les comptes publics. Enfin, les Allemands ne veulent pas d’une dévaluation du franc, encore moins d’une sortie du sme. Ils craignent par-dessus tout que la France, à l’image du Royaume-Uni, ne retrouve sa liberté de manœuvre monétaire, et des marges de compétitivité pour son industrie. Or, pour François Mitterrand, l’axe franco-allemand est le pilier de la construction européenne qui garantit la paix sur le Vieux Continent. Tel sera son credo tout au long de ses deux septennats.

11Cette ligne, c’est aussi celle de Jacques Attali, « l’homme qui murmure à l’oreille du Président ». Il pense que, grâce aux réserves accumulées sous le gouvernement de Raymond Barre, on pourra défendre la parité du franc, en attendant une reprise qui se profile à l’horizon. Jacques Delors, lui, n’est pas très loin de partager ce point de vue. Il était, bien évidemment, hostile à une sortie du sme, qui aurait replongé la France dans ses mauvaises habitudes… celles de l’inflation et du laxisme. S’il n’était pas opposé à une dévaluation, forcément négociée avec les Allemands, il estimait qu’elle était incompatible avec le respect de tous les engagements du candidat Mitterrand. Il va finalement se faire une douce violence et se ranger à l’avis de tous ceux qui pensent que la situation n’est pas aussi catastrophique qu’on le dit et que la reprise est au bout du tunnel. Au président du cnpf, François Ceyrac, qu’il reçoit très discrètement au lendemain de son installation rue de Rivoli, il explique qu’il tiendra la monnaie. « J’en ai les moyens financiers. Les caisses sont pleines. Nous allons rattraper nos concurrents et même les dépasser en utilisant d’autres méthodes : la relance de la consommation [6]. » Ce qui ne l’empêchera pas, affirme-t-il, de « serrer les boulons ». Par la méthode Barre.

Une erreur de diagnostic

12La gauche, en ces temps-là, surestime la situation de l’économie française, et sous-estime les difficultés, notamment les déficits extérieurs et l’impact de la guerre monétaire déclenchée par les États-Unis. Structurellement, l’Allemagne a une politique anti-inflationniste, alors que la France est plus encline à s’en accommoder. Entre 1971 et mars 1979, le différentiel d’inflation entre les deux pays avait atteint 48 %. Un écart que de multiples dévaluations ou réalignements monétaires avaient permis, peu ou prou, de compenser. La création du sme, en mars 1979, au moment où le monde est confronté à un second choc pétrolier, va compliquer la donne. D’autant que l’Amérique de Ronald Reagan change brutalement de politique monétaire. Pour lutter contre l’inflation et faire remonter le dollar, tombé au plus bas, la Banque centrale des États-Unis (fed) fait grimper les taux d’intérêt à court terme jusqu’à 20 % : le dollar remonte. Cette politique monétaire américaine, très brutale, plonge les États-Unis dans la récession et produit des dégâts collatéraux à l’intérieur du sme. Les prix du pétrole et du gaz étant fixés en dollars, la facture énergétique de la France s’envole et creuse les déficits extérieurs. L’Allemagne, structurellement, digère beaucoup plus vite les chocs inflationnistes liés à l’énergie, grâce à son parc de centrales au charbon. Reste qu’elle subit, elle aussi, les contrecoups de la politique américaine : sa croissance est en berne et son chômage en hausse. Mais de cela la gauche ne prendra conscience que peu à peu.

13Les mesures de contrôle des changes enfin prises, les attaques se font moins virulentes, même si chaque week-end les rumeurs de dévaluation se font de nouveau entendre. De toute façon, il faut maintenant attendre le résultat des législatives. Le premier tour des élections ayant été un succès pour la gauche, la question d’un ajustement monétaire se repose. Le 15 juin, entre les deux tours, Jean-Pierre Chevènement écrit à François Mitterrand. Il lui rappelle que de Gaulle et Pompidou « ont commencé leur septennat par des dévaluations réussies ». Depuis la création du sme, le franc a subi une inflation supérieure à celle de toutes les monnaies européennes, à l’exception de la lire. « Les milieux financiers internationaux se sont déjà fait une opinion sur le caractère inévitable d’une dévaluation et dans ce domaine ce sont les anticipations qui finissent par créer les réalités. » Et le ministre d’État, ministre de la Recherche, de craindre qu’un « Verdun monétaire n’aboutisse qu’à une dilapidation de nos réserves et une asphyxie de l’activité intérieure… ». Un ajustement de la parité du franc dans le sme est le seul moyen rapide de reconquérir le marché intérieur, qui est très pénétré notamment « en biens de consommation durable sur lesquels se portera la relance de la demande ». Sur ce point particulier de sa missive, Jean-Pierre Chevènement ne sera pas plus entendu qu’auparavant.

14Car l’heure est à l’euphorie chez les socialistes. Une vague rose s’installe au Palais-Bourbon. Les mesures techniques de contrôle des changes ont calmé la spéculation contre le franc. Les communistes vont entrer au gouvernement. Fort de son triomphe quasi inespéré, François Mitterrand « va répéter l’erreur historique de Léon Blum en différant une dévaluation qui était nécessaire et en relançant trop vite, à partir d’industries vieillies et sclérosées, une demande intérieure qui va d’abord faire le jeu des exportateurs étrangers ». De son côté, Jean-Yves Haberer reconnaît que « la dévaluation aurait sans doute facilité les choses si elle avait été faite tout de suite. Mais l’erreur a été commise plus tard, à l’automne 81, quand on n’a pas su à la fois exploiter une dévaluation trop courte et le retour préconisé par Jacques Delors à une politique de rigueur [7] ».

15La dévaluation est d’autant plus inéluctable que le gouvernement est une véritable pétaudière. Avec des lignes contradictoires qui s’affichent au grand jour, avec des ambitions et des inimitiés qui s’expriment ouvertement. À cela rien d’étonnant, c’est dans les gènes de la gauche, notamment des socialistes, de cultiver les tendances ; c’est aussi dans la manière de gouverner de François Mitterrand. Si ce dernier est unanimement respecté, il n’est pas homme à se confier, ni à afficher des convictions tranchées, notamment en matière économique – domaine avec lequel il n’est pas familier. Il consulte beaucoup, écoute les avis des uns et des autres, mais comme ceux-ci sont le plus souvent contradictoires, il a du mal à trancher.

16De subtils jeux d’influence vont donc se nouer autour du monarque. Comment rester en cour, l’influencer pour qu’il fasse les bons choix ? Ainsi, Jacques Delors souffre de n’être alors que le numéro dix-sept dans l’ordre protocolaire des ministres. Il enrage de ne pas avoir de prise sur le jeune ministre du Budget, Laurent Fabius, proche du Président. Il va donc s’appuyer sur Jacques Attali pour convaincre François Mitterrand de la justesse de ses positions, en espérant que ce dernier, à son tour, convaincra le Premier ministre. Lorsqu’une décision ne lui convient pas, il brandit la menace de sa démission, tout en la démentant dans la foulée.

17Au début de l’été, les sorties de devises reprennent. Elles s’accélèrent au fur et à mesure que la gauche annonce sa politique de relance et prépare un budget 1982, en très fort déficit. Fin septembre, le rythme est d’un milliard de francs par jour et les caisses seront bientôt vides. Il faut se résoudre à dévaluer. Le 4 octobre à Bruxelles, Jacques Delors, après un numéro d’autocritique devant ses collègues européens – « mettez-vous à notre place après vingt-quatre ans d’opposition, il faut qu’on apprenne » –, obtient un réajustement monétaire. Mais on est loin du compte. Le ministre de l’Économie espérait une dévaluation par rapport au mark de 12 % à 15 %. Il n’obtiendra que 8,5 %. Le mark et le florin réévaluent de 5,5 %. Le franc et la lire dévaluent de 3 %. Il n’a rien pu obtenir de plus de Bonn, qui refuse un fort décrochage du franc.

18Du coup, cette dévaluation sera un coup pour rien, d’autant qu’elle ne s’accompagne pas des mesures d’austérité nécessaires. Jacques Delors obtient tout au plus le gel d’une quinzaine de milliards de francs des dépenses prévues au budget de 1982 et un ralentissement des hausses de salaires. On limite les augmentations de loyer, on plafonne celles des prix industriels et on bloque ceux des services. Des mesures destinées à satisfaire « le peuple de gauche », mais qui pèsent encore plus sur les marges des entreprises et le btp. Politiquement, on va présenter la dévaluation comme l’apurement du passé, un solde de tout compte de la gestion Giscard-Barre. Pour le reste, on croise les doigts et on attend la reprise internationale, qui devrait arriver en 1982. C’est en tout cas ce qu’espère Jacques Attali qui promet 4 % de croissance en 1982. Et ce que prévoit l’ocde, qui s’attend, elle, à un taux de l’ordre de 2 %, pour l’ensemble des pays membres. Elle sera négative de 0,3 %.

La Banque de France assèche le Trésor

19Tout au long de l’année 1982, François Mitterrand va hésiter en permanence entre la politique de relance, l’application de son programme qu’incarne Laurent Fabius, et la politique du freinage, « de la pause dans l’annonce des réformes », prônée par Jacques Delors. À Matignon, l’indécision est tout aussi grande, Pierre Mauroy étant mobilisé par les nationalisations. François Mitterrand, lui, s’investit pleinement dans les affaires du monde et il prépare le sommet du G 7, prévu à Versailles pour le mois de juin. Au conflit Delors/Fabius va s’ajouter une sourde bataille entre la direction du Trésor et la Banque de France. Renaud de La Genière ne cache pas son hostilité à la politique menée par la gauche et multiplie les mises en garde auprès de Jacques Delors. Les moyens de coercition de la Banque sont, en principe, limités. Si elle est chargée de la mise en œuvre de la politique monétaire, sa définition lui échappe. Renaud de La Genière va utiliser les avances de trésorerie que la Banque de France consent à l’État pour tenter d’infléchir la politique économique du gouvernement. Plafonné à 20 milliards de francs, leur montant est réévalué chaque semestre, en fonction des bénéfices ou pertes réalisés par le fonds de stabilisation des changes qui gère les avoirs en devises du pays. Au fur et à mesure que les réserves s’évaporent, les avances de la Banque au Trésor se réduisent. Jean-Yves Haberer, toujours directeur du Trésor, demande le relèvement du plafond à 50 milliards. Refus du gouverneur, qui en fait une question de principe, et qui ne veut pas céder à un « État laxiste dont la politique aggrave le dérapage des finances publiques ».

20Le Trésor doit trouver de nouvelles sources de financement, sur les marchés financiers internationaux. La Banque de France se satisfait de cette internationalisation, qui lui permet de contrôler la croissance monétaire et place le gouvernement français sous le jugement des marchés. L’internationalisation de la dette publique française date de cette époque. Elle ne fera que croître et embellir. Renaud de La Genière, qui a fait plier le gouvernement, reste à son poste jusqu’en 1984. Jean-Yves Haberer, lui, est exfiltré à la présidence de Paribas nationalisée. Il est remplacé au Trésor par Michel Camdessus, qui va normaliser les relations avec la Banque de France.

21La dévaluation ratée, la reprise qui se fait attendre, l’investissement en panne… Toutes les conditions d’une relance de la spéculation sur le franc sont réunies. Le dollar flambe, la facture énergétique de la France augmente et le déficit de la balance commerciale se creuse, atteignant dix milliards de francs pour le seul mois d’avril 1982. Rien d’étonnant à cela, puisque la consommation, soutenue par les transferts sociaux, progresse. Quant à l’inflation, elle reste toujours bien plus élevée qu’en Allemagne. Une Allemagne qui entre en récession, ce qui explique sa volonté de ne pas donner au franc, et à l’industrie française, le ballon d’oxygène nécessaire, à travers une réévaluation du mark trop importante.

22Le paradoxe de cette époque est que l’Allemagne présente encore un déficit budgétaire et des paiements courants supérieurs à celui de la France. Helmut Schmidt n’a pas d’atomes crochus avec François Mitterrand. Certes, ils sont tous deux sociaux-démocrates, mais l’un aimait travailler avec Valéry Giscard d’Estaing et l’autre aurait préféré discuter avec son ami Willy Brandt. L’un est fidèle à la vision traditionnelle allemande de l’économie, qui s’appuie sur une monnaie forte et un complexe industriel très puissant. L’autre est un politique pur. Helmut Schmidt est de plus en plus contesté dans son pays. Pour détourner les critiques, il attaque publiquement la France, reprenant à son compte les propos que Jacques Delors tient régulièrement sur la nécessité d’appliquer une politique de rigueur. Il n’en faut pas plus pour que les marchés jouent un nouveau réalignement monétaire qui devient ainsi inévitable – au nom du principe bien connu des prophéties autoréalisatrices. Impossible pourtant de le faire à la veille du sommet du G 7 de Versailles. Ce serait du plus mauvais effet et gâcherait la fête du Président. On va donc, une fois de plus, différer, gérer au jour le jour et dilapider ce qui reste de réserves.

La naissance des 3 % et de la tva sociale

23Les équipes à Bercy et à Matignon préparent le plan d’accompagnement du second réalignement monétaire du septennat. Il comporte trois volets : lutte contre l’inflation avec le blocage des prix et des salaires ; fixation d’une norme de 3 % à ne pas dépasser, en 1983, en matière de déficit budgétaire. Pour faire passer la pilule amère, il est prévu quelques mesures de soutien à l’investissement. Quant à la dévaluation, il faudrait, selon les travaux des équipes d’experts, que le franc décroche par rapport au mark de 12 % à 14 %. Comme personne, du moins dans les équipes Mauroy-Delors, n’envisage une sortie du sme, l’ampleur du réajustement dépend, encore une fois, d’une Allemagne en proie à ses propres difficultés. Finalement, le 12 juin, un accord est trouvé à Bruxelles. Le mark et le florin réévaluent de 4,25 % ; le franc dévalue de 5,75 %. Paris a obtenu un prêt à moyen terme de deux milliards d’écus pour reconstituer ses réserves.

24C’est peu de dire que cette seconde dévaluation, et surtout son plan d’accompagnement, passe mal auprès du peuple de gauche et d’une partie des députés. Un an après l’euphorie de la victoire, cet épisode est vécu comme une humiliation. Pierre Mauroy, très contesté, parvient de moins en moins à affirmer son autorité sur ses ministres. François Mitterrand va en profiter pour procéder à un important remaniement ministériel, à travers lequel il cherche à satisfaire les uns et les autres, tout en espérant améliorer le fonctionnement de la machine gouvernementale. Pierre Mauroy avait demandé le départ de Pierre Bérégovoy, alors secrétaire général de l’Élysée. Il le jugeait par trop omniprésent dans l’action quotidienne de son gouvernement. Il est vrai que tout remontait à l’Élysée. Le Président va donc nommer Pierre Bérégovoy ministre des Affaires sociales – un poste qu’il aurait souhaité avoir en mai 1981. Il y remplace Nicole Questiaux, qui ne cachait plus son hostilité à une politique de rigueur. Jean-Pierre Chevènement est promu de la Recherche à l’Industrie. Michel Rocard ne bouge pas du Plan. Jacques Delors n’obtient pas satisfaction sur sa demande principale : le contrôle du budget. Laurent Fabius conserve son autonomie.

25Au cours d’un Conseil restreint, qui se tient le dimanche 13 juin 1982 à l’Élysée, Michel Rocard rappelle qu’il est en désaccord avec la stratégie monétaire suivie. « J’étais pour le flotte ment. Je ne crois pas que le déficit budgétaire annoncé pour 1983 sera tenu. Les choix faits ici mettent en cause l’emploi et la croissance. » Jean-Pierre Chevènement renchérit : « Nous chaussons les bottes de Barre. La France du travail s’affole. Nous devons nous donner plus de liberté, déconnecter notre politique financière interne, pour mobiliser mieux nos richesses. Pour cela, peut-on garder l’actuel gouverneur de la Banque de France ? Non, évidemment. Il faut décider du flottement du franc. » Quant à Laurent Fabius, il propose de « réduire les charges [des entreprises], de remplacer les allocations familiales par des déductions fiscales et d’augmenter la tva pour réduire le déficit ». Le jeune ministre du Budget venait d’inventer la tva sociale ! Ce à quoi Jacques Delors s’oppose formellement car « les prix deviendraient incontrôlables [8] ».

26Quelques jours plus tard, en visite à Vienne, avec Laurent Fabius et en présence de Jacques Attali, François Mitterrand exprime ses doutes sur la politique qu’il vient pourtant d’avaliser : « Avec cette dévaluation n’est-on pas en train de se mettre entre les mains des inspecteurs des finances ? Avons-nous perdu notre liberté ? » Formidable intuition ! Laurent Fabius explique alors au Président que le pays est effectivement en train de perdre cette liberté, mais « que l’on pourrait faire autre chose ». La dette interne de la France est une des plus faibles en Occident (12 % du pib contre 60 % en Italie, 30 % aux États-Unis et près de 20 % en rfa). Cependant, « en raison des taux d’intérêt élevés, le service de la dette augmente fortement et l’endettement extérieur est de plus en plus coûteux. Il faut baisser la charge qui pèse sur les entreprises et l’investissement repartira », poursuit Laurent Fabius, ajoutant que « Mauroy et Delors ne veulent pas d’une relance de la croissance par des grands travaux et des investissements des entreprises publiques ». François Mitterrand paraît séduit par les propos de son jeune ministre et lui dit qu’il va écrire à Pierre Mauroy dans ce sens.

27Quelques jours plus tard, Jean Riboud, l’industriel patron de la société franco-américaine Schlumberger, frère d’Antoine, président, à l’époque, de bsn-Gervais Danone, vient plaider, une nouvelle fois, pour une autre politique monétaire. Jean Riboud est un vieil ami de François Mitterrand, comme André Rousselet. Ce sont des hommes en qui il a toute confiance [9]. Jean Riboud explique au Président que la lutte contre l’inflation, du moins de la manière dont elle est menée, est mortelle pour les entreprises. D’un côté, on bloque leurs prix ; de l’autre, leurs charges augmentent, notamment celles du service de leurs dettes. Résultat : leurs profits s’effondrent. Sans bénéfices, pas d’investissements. Il faut donc baisser les taux d’intérêt. Et ne pas s’en servir pour maintenir le cours du franc à l’intérieur du sme.

Les « visiteurs du soir »

28Cet entretien sera suivi de beaucoup d’autres, donnant naissance à la légende des fameux « visiteurs du soir ». François Mitterrand s’interroge sur la pertinence de la politique suivie. Il n’est pas satisfait de la manière dont fonctionne le gouvernement. Il a toujours beaucoup d’affection pour Pierre Mauroy, mais il est prêt à le remplacer. À condition de disposer d’une équipe de rechange crédible et qui lui propose « une autre politique ». Trois hommes vont prendre la tête de cette alternative : Pierre Bérégovoy, qui ne cache plus ses ambitions de devenir Premier ministre ; Laurent Fabius, en opposition quotidienne avec Jacques Delors ; Jean Riboud, qui rêve de conclure une carrière remarquable par un poste de « super » ministre de l’Industrie. À ce trio vont s’adjoindre des personnalités d’horizons divers, qui ne sont ni des anti-européens, ni de dangereux marxistes. À commencer par Gaston Defferre, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Christian Goux.

29Deux ministres, partisans depuis l’origine du décrochage par rapport au sme, ne se joindront pas formellement à ce groupe des « visiteurs du soir » : Michel Rocard et Jean-Pierre Chevènement. Le premier, sans doute, parce qu’il boudait dans son coin et avait compris que ces « visiteurs » poursuivaient aussi des ambitions personnelles. Le second, tout à son nouveau job de ministre de l’Industrie, avait fort à faire face à certains P.-D.G. d’entreprises nouvellement nationalisées qui supportaient mal que l’État leur fixe un cadre stratégique, leurs critiques étant relayées à l’Élysée par ceux qui n’avaient pas apprécié le remplacement de Pierre Dreyfus par Jean-Pierre Chevènement. Le leader du ceres se doutait aussi que, mis au pied du mur, François Mitterrand n’oserait pas sauter le pas et sortir du sme, de crainte de remettre en question toute la construction européenne.

30Au fil des semaines et des rencontres, François Mitterrand paraît pourtant de plus en plus sensible aux discours des « visiteurs du soir ». Leur analyse de la crise française et des faiblesses de son économie le séduit. Le rétablissement des comptes extérieurs et le retour de la croissance, martèlent-ils, passent par l’investissement et la modernisation de l’appareil productif, ce que les taux d’intérêt trop élevés ne permettent pas. Seule une mise en congé provisoire du sme peut redonner les marges de manœuvre nécessaires. Pierre Bérégovoy explique alors que l’on ne peut pas passer son temps à négocier avec Bruxelles et les Allemands pour faire, tous les six mois, une mini-dévaluation, de toute façon insuffisante. Si l’on reste dans le sme, la France aura chaque fois à accepter un mauvais compromis. Les Allemands ne sont pas idiots et ne nous laisseront pas dévaluer suffisamment. Voilà pourquoi il faut se débrouiller seul, sortir du sme et rétablir notre compétitivité avec tout ce que cela implique, y compris de mesures rigoureuses. Puis revenir dans le sme.

31Pour André Gauron, l’un des plus proches conseillers de Bérégovoy, la France était, à l’époque, « écartelée entre deux contraintes. La contrainte dollar, en raison de nos importations pétrolières qui s’exprimaient dans la devise américaine. Et la contrainte allemande, notre voisin étant notre premier client. Dévaluer contre le mark pouvait doper nos exportations vers l’Allemagne, mais renchérissait nos importations énergétiques en dollars. L’avantage pour nos exportateurs vers le reste du monde étant régulièrement effacé, les Américains contraignant les Allemands à réévaluer régulièrement le mark par rapport au dollar ». Comme le reconnaît aujourd’hui le même André Gauron, « d’un strict point de vue macro-économique, il n’y avait pas de solution miracle ». La différence entre les deux écoles était que les « visiteurs du soir » voulaient une dévaluation compétitive et en faisaient une arme de combat. Les autres, comme Jacques Delors, la subissaient.

Deux conceptions de l’Europe

32En filigrane, deux approches de l’Europe vont s’affronter. Au centre du débat, la relation franco-allemande. Pierre Bérégovoy n’en est pas un thuriféraire. Ce fils d’immigré ukrainien a commencé à travailler à l’âge de seize ans comme ouvrier fraiseur. À dix-sept ans, en 1942, il entre à la sncf et intègre le réseau Résistance-Fer. Avec Roland Leroy, jeune communiste, ils font dérailler les trains. Son tropisme le pousse plutôt vers les Britanniques, les alliés d’hier. « Il ne voulait surtout pas rester, explique André Gauron, dans un face-à-face avec l’Allemagne, estimant que la France n’en sortirait pas gagnante. » Lorsqu’il sera à Bercy, puis Premier ministre, il donnera même satisfaction à Margaret Thatcher sur la libre circulation des mouvements de capitaux. Sa lecture de la construction européenne n’est pas celle de François Mitterrand. Ce dernier est convaincu que la construction de l’Europe passe par l’entente franco-allemande, quel qu’en soit le prix ; rompre cet axe, c’est risquer de rallumer la guerre. Au fond, les « visiteurs du soir » ont une vision plus anglo-saxonne de l’Europe. Jean Riboud raisonne déjà sur un plan international et cherche à améliorer les positions de la France sur le marché mondial. Même chose pour Jean-Jacques Servan-Schreiber, grand admirateur du modèle entrepreneurial américain. Tous pensent déjà que, dans cette relation monétaire contraignante du sme, la France a plus à perdre qu’à gagner.

33De l’autre côté, les tenants de l’alliance franco-allemande – pour ne pas dire alignement – pensent, sans encore le dire ouvertement, que le sme, la contrainte monétaire sont les seuls moyens de rendre les Français vertueux, et d’en finir avec le démon de l’inflation. Cette école, très présente dans la haute fonction publique, estime que la France, en tant que telle, n’a plus les moyens de sa politique. Son avenir, ses ambitions passent désormais par l’Europe. Une Europe qui doit adopter les bonnes règles de gestion allemandes. Nos élites sont, toujours et encore, fascinées par ce qui se passe de l’autre côté du Rhin. Comme si, depuis 1871, l’Allemagne était leur horizon indépassable.

34En cet automne 1982, les positions se tendent, à l’intérieur du gouvernement, du ps, de la majorité, et même de l’Élysée. Les conseillers en charge de la macro-économie et Jean-Louis Bianco, le secrétaire général, qui a remplacé Pierre Bérégovoy, sont sur la ligne de Jacques Attali. En revanche, ceux, comme Alain Boublil, qui s’occupent des dossiers industriels sont plus sensibles aux arguments des « visiteurs du soir ». Ce sont eux qui vont, avec Pierre Bérégovoy, rédiger en septembre 1982 le fameux discours de Figeac, où le Président prône une relance par de grands travaux pour soutenir le btp et un maintien des budgets de l’industrie, de la recherche, de la culture et de l’éducation nationale. Dans ce discours, le Président demande au gouvernement d’agir pour que les entreprises voient leurs charges financières et leur endettement diminuer. Sous-entendu : à travers une baisse des taux d’intérêt, ce qui ipso facto implique de ne pas s’épuiser à défendre le franc à l’intérieur du sme.

35Un discours qui résonne comme un signal d’alarme pour tous ceux qui ne veulent pas entendre parler d’une sortie du sme. Ils tentent d’organiser une contre-offensive. Mais celle-ci a du mal à se mettre en place car, jour après jour, les mauvaises nouvelles s’accumulent, témoignant de l’échec de la politique de mini-dévaluations prônée par Jacques Delors. Les attaques contre le franc n’ont pas cessé, bien au contraire. Michel Jobert, ministre du Commerce extérieur, annonce que le taux de couverture de la balance commerciale est tombé à 80 %. Et que le déficit avec l’Allemagne, pour les huit premiers mois de 1982, a doublé par rapport à 1981. Dans les caisses de la Banque de France, il ne reste pratiquement plus que l’or. Jacques Delors propose au Président de ne pas appliquer les mesures prévues dans son discours de Figeac, prononcé il y a seulement trois semaines. Il s’en prend ouvertement à Pierre Mauroy [10] qui « doit partir. Il faut cesser de promettre tout à tout le monde ». Il ne veut ni dévaluation ni flottement, mais une politique de rigueur… sinon il démissionne.

Quand l’« autre politique » séduit le Président

36Pendant des semaines, on va assister à une partie de ping-pong entre les deux camps, avec un Pierre Mauroy pris entre deux feux, un François Mitterrand demandant à chacun de faire la critique des propositions du camp adverse, et un jeu pour le moins ambigu de la part de Jacques Attali. Dans ses notes écrites au jour le jour, ce dernier ne cache pas son scepticisme, son hostilité face aux thèses des « visiteurs du soir », mais dans son comportement il apparaît beaucoup plus équilibré. Du coup, il est au centre des réflexions. C’est à lui que le Président demande de tester telle ou telle proposition. Il assiste aux entretiens que les « visiteurs » ont avec le Président, il connaît donc leurs arguments, leurs propositions. Ainsi, le 22 novembre, deux scénarios de sortie du sme sont débattus. L’un à appliquer immédiatement. L’autre, après les municipales de mars. Avec une série de mesures d’accompagnement : création d’une tva sociale de 3 % ; grands travaux ; programme d’économie d’énergie dans le logement ; déconnexion des taux d’intérêt interne et externe, etc. Un programme qui passe aussi par une restructuration profonde de l’appareil gouvernemental en donnant la priorité au commerce extérieur et par le remplacement, bien sûr, du gouverneur de la Banque de France. De l’aveu même de Jacques Attali, « ce programme tente François Mitterrand. Le choix est entre une troisième dévaluation avec ce qu’elle aurait d’humiliant, et le flottement avec ce qu’il aurait de panache au service des entreprises et de l’emploi [11] ».

37Le Président donne alors ses instructions : ne rien faire d’ici aux municipales. En attendant, il faut conforter le franc pour disposer de réserves, avant d’affronter un flottement. Il demande que les réserves pétrolières stratégiques soient réduites et que les entreprises publiques augmentent leurs emprunts en dollars. Tout cela devant, bien entendu, rester secret. En fait de secret, les rumeurs vont aller bon train. D’où viennent-elles ? Au départ, plutôt du camp des adversaires d’une sortie du sme. Puis, à l’approche des municipales, les « visiteurs du soir » vont communiquer à leur tour, via Serge July qui décrira, dans Libération, les grandes lignes de l’« autre politique ».

38Pour avoir, une fois de plus, trop tardé et donné la priorité à la cuisine politique, François Mitterrand va rater le coche. Certes, dans le domaine monétaire, le secret est une condition nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Il faut aussi l’effet de surprise, incompatible avec cette notion chère à François Mitterrand : laisser du temps au temps. Plus on repousse l’échéance, moins on dispose de marges de manœuvre.

39Dans les premières semaines de 1983, le climat politique devient exécrable. « Delors, écrit Philippe Bauchard [12], multiplie les petites phrases hargneuses. » Edmond Maire, sur le perron de l’Élysée, laisse entendre qu’un deuxième plan de rigueur est nécessaire. Déchaînant la fureur de Pierre Mauroy, qui le juge « irresponsable ». Petites phrases, démentis, rumeurs, nouveaux démentis ponctuent la vie quotidienne. La croissance n’est toujours pas au rendez-vous, et le budget 1983 est caduc avant même d’être mis en application. Les prévisions les plus alarmistes circulent. Tous les vendredis, les hauts fonctionnaires de la rue de Rivoli communiquent à Jacques Delors les chiffres des entrées et des sorties de devises. Ils sont catastrophiques. Il y a, bien sûr, le climat général, mais il y a aussi une raison technique : à l’approche de chaque week-end, les opérateurs et les entreprises craignent une opération monétaire, du coup ils laissent l’argent en dépôt à l’étranger, et le lundi, comme rien ne s’est passé, l’argent rentre… jusqu’au jeudi suivant, où le même scénario se reproduit. C’est alors que Jacques Attali et le Club des cinq [13] vont tenter de trouver une troisième voie. Ils ont bien senti que ce qui séduisait François Mitterrand dans l’« autre politique », c’était surtout son côté volontariste, industrialiste. En revanche, ce qui le faisait hésiter, c’étaient les risques liés à une sortie du sme. Ce qu’il expliquera plus tard aux auteurs de La Décennie Mitterrand : « Sortir du serpent aurait été embêtant sur le plan européen et illogique par rapport à la finalité de mon action. Mais en même temps, je sentais que contrainte par les obligations du sme, la France n’avait pas les coudées franches [14]. »

La naïveté du Club des cinq

40Le Club des cinq va accoucher d’un programme, baptisé « Nouvel Élan », qui ambitionne de redresser l’économie française en trois ans. « Si la France sort du sme, écrit Élisabeth Guigou dans une note au Président, elle sera conduite, pour financer la balance des paiements, à solliciter avant la fin de l’année, des prêts à la cee ou au fmi. » La France, menacée d’être sous tutelle du fmi comme un vulgaire pays du tiers monde ! C’est l’épouvantail absolu pour le Président. Et la future ministre des Affaires européennes d’en foncer le clou : « Cet argent ne nous serait prêté qu’à condition d’appliquer un plan de redressement imposé par l’extérieur. » Comment mener une politique industrielle, rétablir les comptes extérieurs, tout en maintenant le franc dans le sme ? En obtenant de nos partenaires, à commencer par l’Allemagne, leur soutien à ce Nouvel Élan que ses auteurs ne sont pas loin de comparer au New Deal de Roosevelt. L’idéal serait que le mark soit fortement réévalué pour tenir compte du différentiel d’inflation entre les deux pays et redonner une marge à nos exportateurs. Une forte réévaluation qui nous éviterait de dévaluer et n’aurait donc pas d’incidence sur la facture énergétique libellée en dollars [15]. Les auteurs du Nouvel Élan en viennent même à rêver que, dans un élan de générosité, Bonn aille encore plus loin et que la réévaluation du mark soit suffisamment importante pour que le franc soit, lui aussi, un peu réévalué !

41Jean-Louis Bianco est dépêché de l’autre côté du Rhin, pour tester cette idée auprès de la nouvelle équipe gouvernementale, dirigée cette fois par un chrétien-démocrate, Helmut Kohl. Une demande vouée à l’échec, car l’Allemagne doit, elle aussi, voter pour des législatives, le 6 mars. En outre, il n’est pas question, à Bonn et dans le monde industriel allemand, de faire un tel cadeau aux Français ! Le Club des cinq n’avait pas compris que, dans les relations internationales, quel que soit l’habillage des propos, les rapports de force priment la générosité.

42Les conseillers de Matignon et de la rue de Rivoli ont, de leur côté, multiplié les réunions secrètes avec la bénédiction de Jacques Attali et du Club des cinq. Des réunions qui se font plus ou moins à l’insu des ministres, notamment de Pierre Mauroy. Ce dernier n’en peut plus, il lui faut régulièrement monter au créneau pour démentir les rumeurs de la rigueur prochaine, en sachant que son entourage la prépare. Il sait que Pierre Bérégovoy lorgne son poste et que Jacques Delors lui tire dans les pattes et se voit, lui aussi, à Matignon. Alain Boublil résume ainsi la situation gouvernementale à la veille des municipales : « Un ministre d’État [Jean-Pierre Chevènement] a démissionné [16], mais on lui a demandé d’attendre les élections. Un autre ministre d’État [Michel Rocard] a contredit publiquement le Premier ministre et deux ministres importants [Pierre Bérégovoy et Laurent Fabius] abreuvent le Président de lettres pour le convaincre d’imposer à celui-ci une autre politique. Quant au ministre des Finances, il annonce toutes les semaines sa démission, en raison des catastrophes à venir. Vu l’ampleur des divergences et leur caractère public, il n’est pas surprenant que la presse en rende compte et que les marchés financiers en soient affectés [17]. »

43Quant au Président… il flotte. Quels hommes ? quel Premier ministre ? pour quelle politique ? Il respecte Pierre Mauroy, qui a toujours été loyal avec lui. Mais, en même temps, il veut rebattre les cartes, resserrer le gouvernement, retrouver un second souffle, afin d’aborder les législatives de 1986 en meilleure position. En attendant, il faut passer le cap des municipales.

Les dix jours qui ébranlèrent Mitterrand

44Le premier tour des municipales est une défaite pour la gauche. Elle n’est plus majoritaire en voix, et le Front national fait sa première percée. Helmut Kohl, lui, gagne les législatives allemandes. Une simultanéité qui fait dire à Jean Boissonnat, dans sa chronique matinale sur Europe 1, que « la semaine la plus longue vient de commencer pour le franc ». Ce double résultat « ne peut qu’accroître la tension entre le franc et le mark au sein du sme ».

45À tous les « visiteurs », qui viennent plaider en faveur de l’une ou l’autre solution, François Mitterrand « donne à chacun le sentiment d’avoir décidé en sens contraire de la thèse qu’il défend [18] ». Ce n’est pas pour rien qu’on l’avait qualifié de « Florentin » !

46Le Président a désormais sur son bureau trois projets : celui de Pierre Mauroy et de Jacques Delors ; celui du Nouvel Élan, qui en est très proche ; et celui des « visiteurs du soir ». Deux scénarios monétaires sont donc possibles : sortir du sme et flotter ; ou discuter avec les Allemands, en posant sur la table « tout le contrat de mariage franco-allemand » et en menaçant de sortir du sme si un réajustement monétaire important n’est pas obtenu. Dans les deux cas, un gouvernement remanié devra annoncer un programme économique, forcément draconien, d’accompagnement.

47Le second tour des municipales est moins mauvais que le premier. La gauche sauve quelques municipalités. Et surtout, aucun ministre n’est battu. Du coup, le remaniement ministériel n’est plus aussi urgent. Le lundi 14 mars au matin, François Mitterrand reçoit Pierre Mauroy et lui demande de « rester à Matignon pour amorcer une autre politique plus hardie, qui commence par une sortie du franc du sme, continue par une accélération de la production et implique une politique de rigueur ». Le tout avec un nouveau gouvernement, composé autour de trois hommes forts : Fabius rue de Rivoli, Riboud à l’Industrie et Bérégovoy au Social. Pierre Mauroy hésite. Il considère que sortir du sme serait une catastrophe. Le Président, surpris et agacé de cette résistance, lui demande de réfléchir avant de présenter sa démission. Mais, dans le même temps, il demande au trio Fabius-Bérégovoy-Riboud de lui proposer un plan d’action concret. Il a déjà une autre idée en tête : faire conduire l’« autre politique » par… Jacques Delors. La sortie du sme reste donc toujours d’actualité, d’autant qu’à Bonn Jean-Louis Bianco a encore essuyé un échec. Les Allemands continuent de faire la sourde oreille.

48Jacques Attali tente alors un coup de bluff. Il explique au tandem Mauroy/Delors que le seul moyen pour faire changer d’avis le Président est de rallier un des ministres « visiteurs du soir ». Comment ? En décrivant la situation apocalyptique des réserves de change. Curieusement, même le ministre du Budget n’a pas accès à ces chiffres. Jacques Attali demande donc à Jacques Delors d’autoriser le directeur du Trésor à communiquer à Fabius le montant réel des réserves de devises. Il couvre ses arrières en faisant avaliser son initiative par le Président.

Fabius change de camp

49Le 16 mars 1983, Michel Camdessus décrit la situation au ministre du Budget. Les réserves en devises étaient, en février 1981, de l’ordre de 60 à 70 milliards de francs. En juin 1981, elles étaient tombées à 41 milliards. À la fin mars 1983, elles devraient se situer, ajoute le directeur du Trésor, autour de 30 milliards de francs : à peine de quoi tenir une quinzaine de jours en cas d’attaque généralisée. Sortir du sme entraînera une baisse de 20 % du franc, affirme Michel Camdessus. Ce qui alourdira mécaniquement la dette, qui atteint alors 330 milliards de francs. En outre, la France ne pourra plus obtenir de crédits en écus. « Il faudra se battre à découvert, poursuit Michel Camdessus, en augmentant brutalement les taux d’intérêt pour défendre le franc. » Argument suprême ! « À ce moment-là, se souvient Michel Camdessus, j’ai vu brusquement Laurent Fabius changer de visage [19]. » Le ministre du Budget se dit que si l’opération de sortie du sme ne réussit pas, les taux d’intérêt vont asphyxier les entreprises, le chômage va augmenter avec, au bout du compte, le spectre d’une intervention du fmi.

50Pourtant, ce scénario catastrophe n’était pas écrit d’avance. Le flottement d’une monnaie permet précisément d’éviter les interventions automatiques de soutien de la part d’une banque centrale. Le marché a ses propres cordes de rappel. Le franc aurait certainement baissé pendant quelques jours, mais il y a un moment où l’intérêt des opérateurs n’est plus de le jouer à la baisse, mais à la hausse. Si la baisse est trop forte, les capitaux reviennent, et un point d’équilibre correspondant à la valeur réelle de la devise par rapport aux autres est atteint. Reste qu’en ces temps-là la haute fonction publique française, sans parler des politiques, n’avait pas d’expérience en matière de flottement d’une monnaie. À Paris, on n’avait pas compris qu’avec Reagan et Thatcher un nouveau monde se mettait en place. Un monde dominé par les idées néo-libérales et la dérégulation. Un monde où le risque, le jeu occupent une place prépondérante. Un monde où les monnaies, comme les actions ou les matières premières, sont soumises à la loi des marchés financiers. Ce nouveau monde, les socialistes ne le comprennent pas. Ils sont donc bien incapables de le prendre à son propre jeu, ce que les Américains, mais aussi les Anglais, sauront faire avec leur monnaie. Ce ne sont pas des joueurs. Ils ont peur. Ils vont donc rallier ce qu’ils pensent être la solution raisonnable : celle prônée par la haute administration, le Club des cinq de l’Élysée et Jacques Delors, celle qui consiste à coller à l’Allemagne, au mark, en essayant d’obtenir de notre voisin quelques concessions – et en lui laissant de facto la conduite de notre politique monétaire.

51Laurent Fabius n’a pas osé franchir le Rubicon. Il bascule dans l’autre camp, tout comme Gaston Defferre. Il en informe François Mitterrand, qui trouve dans le retournement de son jeune ministre le prétexte qu’au fond il attendait. Dès lors, c’en est fini de l’« autre politique ». Reste à finaliser les détails de la politique d’austérité qu’il va falloir mettre en œuvre, et à négocier un nouveau réajustement monétaire avec nos partenaires. Reste aussi à savoir quel est l’homme qui va incarner cette politique. Jacques Delors se voit déjà à Matignon, où Pierre Mauroy n’a plus de contact avec un Président quelque peu froissé par son refus de conduire l’« autre politique ».

Delors rate Matignon

52Avant d’intégrer l’hôtel Matignon, le ministre de l’Économie doit négocier avec les Allemands l’ampleur et les conditions de l’ajustement monétaire. Pendant trois jours, il va faire la navette entre Paris et Bruxelles, multiplier les rencontres avec le Président, ses homologues européens et les Allemands. Vis-à-vis de ces derniers, il va exercer une sorte de chantage, en donnant le sentiment de reprendre à son compte les arguments des « visiteurs du soir ». Il utilise la presse pour faire monter la pression : « Si rien n’évolue, la France quittera le sme. » Après une négociation qui dure toute une nuit de samedi à dimanche, les Allemands ont fait un tout petit pas en avant, tout en posant des conditions jugées par certains inacceptables, même si elles sont proches du plan de rigueur que les équipes Delors préparent de leur côté. Le chancelier Kohl exige, en échange d’une petite dévaluation du franc et d’une réévaluation du mark qui permette de sauver la face aux Français, le redressement des comptes et la réduction de la consommation par l’épargne forcée. Jacques Delors reconnaîtra qu’il a brandi, lui l’Européen convaincu, la menace d’une sortie du sme pour trouver un compromis. Il dit aux Allemands : « ce n’est pas une crise du franc, mais du système monétaire européen [20] ».

53Le 21 mars, les changements de parité monétaire sont finalement entérinés. Le franc dévalue de 2,5 % comme la lire, et le mark réévalue de 5,5 %, soit 8 % d’écart, bien loin des 12 % que demandait Jacques Delors ! Au lendemain du sommet de Bruxelles, son arrivée à Matignon semble un peu moins certaine. Non seulement Fabius et Bérégovoy font le barrage, mais il va commettre une double erreur tactique. Dune part, il ne veut pas composer avec eux, comme le lui demande le Président. D’autre part, il exige de cumuler Matignon et la rue de Rivoli, afin d’avoir le contrôle de la politique monétaire, comme Raymond Barre l’avait obtenu de Valéry Giscard d’Estaing – Raymond Barre, cette figure tutélaire qui pèse tant sur les épaules de l’ancien syndicaliste de la cfdt. Dès lors, la messe est dite. On ne pose pas de conditions au Prince. Ce dernier s’est certes rallié à la politique Delors et à sa vision pro-européenne, mais ce n’est pas lui qui la pilotera. Ce sera finalement… Pierre Mauroy.

54Le gouvernement est recomposé dans la douleur. Mince consolation pour lui, Jacques Delors devient le numéro deux dans l’ordre protocolaire, et Fabius est parti à l’Industrie. Michel Jobert a claqué la porte, tout comme Jean-Pierre Chevènement. Michel Rocard boude. L’« autre politique » est enterrée. Le 24 mars, les technocrates s’affairent. Ils tiennent enfin leur revanche sur les politiques et ceux, comme Jean Riboud ou JJSS, qu’ils considèrent comme des trublions. Jean Peyrelevade à Matignon, le Club des cinq à l’Élysée, et l’équipe de Jacques Delors rue de Rivoli s’affairent aussi. Ils concoctent, en vingt-quatre heures, un plan de rigueur ultra-orthodoxe, gommant toutes les dispositions tant soit peu protectionnistes qui avaient pu être envisagées dans le programme du Nouvel Élan.

55Les mesures de relance, prises après le 10 mai, représentaient 1 % du pnb. Le coup de frein de mars 1983 se traduit par une ponction de 65 milliards de francs sur la consommation des ménages et les dépenses de l’État en 1983, soit 2 % du pnb. La rigueur ne sera pas au service d’une reconquête de la compétitivité française, mais d’une certaine vision de l’Europe. « Faute de compter d’abord sur soi, écrira plus tard Jean-Pierre Chevènement, la France rêvait encore de trouver dans l’Europe un prolongement d’elle-même et de sa puissance déclinante. Mais ce grand dessein de substitution n’était guère partagé par nos voisins, sauf peut-être, et pour son compte, par l’Allemagne qui savait ne pouvoir revenir dans l’histoire que sous couvert européen [21]. » Au nom de cet impératif européen, l’alignement sur Bonn, puis sur Berlin, deviendra désormais l’alpha et l’oméga de la politique française. Paris n’a plus la main.


Date de mise en ligne : 05/04/2013

https://doi.org/10.3917/deba.174.0010

Notes

  • [1]
    Cité par Jean-Pierre Chevènement, Défis républicains, Fayard, 2004.
  • [2]
    Les sorties de capitaux commencent début avril. Elles sont facilitées par la suppression du contrôle des changes. Mais Raymond Barre refuse de le rétablir pendant la campagne électorale.
  • [3]
    Philippe Bauchard, La Guerre des Deux Roses, Grasset, 1986.
  • [4]
    Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, Éd. du Seuil, 1990.
  • [5]
    Ibid.
  • [6]
    Gabriel Milési, Jacques Delors, Belfond, 1985.
  • [7]
    Ph. Bauchard, La Guerre des Deux Roses, op. cit.
  • [8]
    Jacques Attali, Verbatim, Fayard, 1993.
  • [9]
    Il devra, en juillet 1985, arbitrer un conflit entre les deux hommes sur l’avenir de Canal +. Le premier, estimant que la création de la chaîne cryptée était un échec, voulait en changer la nature et en prendre le contrôle. Le second croyait à juste titre à la viabilité de son projet. François Mitterrand tranchera en sa faveur.
  • [10]
    J. Attali, Verbatim, op. cit.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Il réunit, autour de Jacques Attali, Jean-Louis Bianco, François-Xavier Stasse, Élisabeth Guigou et Christian Sauter.
  • [14]
    P. Favier et M. Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, op. cit.
  • [15]
    En ces temps-là, la hausse du dollar a moins d’impact sur la facture énergétique allemande, une bonne partie de son électricité provenant du charbon. Elle favorise également les exportations allemandes hors d’Europe. La France, elle, ne profite pas encore du nucléaire, et exporte moins que son voisin hors d’Europe.
  • [16]
    L’Élysée avait relayé les critiques sur la bureaucratie tatillonne du ministère de l’Industrie formulées par quelques patrons d’entreprises nationalisées au cours d’un déjeuner avec le Président, hors la présence du ministre. Ulcéré par ce qu’il considère comme un désaveu, Jean-Pierre Chevènement avait envoyé une lettre de démission le 2 février. Le Président lui demande de ne pas la rendre publique. Il lui proposera l’Équipement, dans le futur gouvernement Mauroy, qu’il refusera.
  • [17]
    Note d’Alain Boublil : « Les premières années de la présidence de François Mitterrand », mars 2011.
  • [18]
    J. Attali, Verbatim, op. cit.
  • [19]
    Ph. Bauchard, La Guerre des Deux Roses, op. cit.
  • [20]
    G. Milési, Jacques Delors, op. cit.
  • [21]
    J.-P. Chevènement, Défis républicains, op. cit.

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