Dans une célèbre lettre de 1813, Thomas Jefferson comparait la propagation des idées à la manière dont on allume une chandelle à une autre : « Qui reçoit une idée de moi, reçoit lui-même une instruction sans amoindrir la mienne ; de même que celui qui éclaire sa chandelle à la mienne reçoit de la lumière sans me plonger dans l’obscurité. »
Sans doute l’idéal de la diffusion des Lumières du xviiie siècle nous paraît-il archaïque aujourd’hui, mais il peut acquérir un lustre du xxie siècle si on l’associe avec internet, qui transmet des messages à un coût voisin de zéro. Et si l’enthousiasme pour internet semble d’un idéalisme suspect, on peut étendre la chaîne d’associations à un concept clé de l’économie moderne : celui de bien public. Des biens publics comme l’air pur, un réseau routier efficace, l’évacuation hygiénique des eaux usées et une scolarisation adéquate bénéficient à l’ensemble des citoyens, sans que le bénéfice des uns ne diminue celui des autres. Les biens publics ne sont pas des actifs dans un jeu à somme nulle. En revanche, ils ont des coûts : des coûts préalables, habituellement payés par la fiscalité, du côté de la production des services et des installations dont les citoyens profitent en tant qu’usagers. L’idéal jeffersonien de l’accès au savoir comme bien public ne signifie pas que le savoir n’ait pas de coût. Nous jouissons de la liberté de l’information, mais celle-ci n’est pas gratuite. Quelqu’un a dû payer la chandelle de Jefferson.
J’insiste sur ce point, parce que j’entends présenter un rapport préliminaire sur la Digital Public Library of America …