Un double diagnostic contradictoire incite à réfléchir, à nouveaux frais, sur la société moderne occidentale. D’un côté, les « clans », les « tribus » et le « cocooning » prospèrent, et le communautarisme est stigmatisé telle la maladie sociale à conjurer. Le combat des valeurs, l’âge des identités groupusculaires seraient advenus sur fond de « guerre des dieux » et de « querelle des valeurs » (Max Weber) avec un corollaire, le retour du religieux. L’explosion serait proche... De l’autre côté, l’individualisation progresse sans cesse, fondant l’ordre social moderne sur l’individu, contrairement aux sociétés traditionnelles, inclusives, hiérarchiques se fondant sur la « loi de l’autre », ou hétéronomie. L’excès d’individu ferait que la société est de plus en plus atomisée et segmentée, ce qui, combiné à sa financiarisation et sa marchandisation, la conduirait dans une impasse. L’implosion serait également proche.
Pour essayer d’y voir clair entre ces thèses opposées, cet article propose l’hypothèse suivante : une révolution anthropologique affecte nos sociétés contemporaines. Depuis les années 1980, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la modernité. Mais pourquoi retenir cette décennie en particulier ? Parce qu’elle est frappée de plein fouet par la congruence de trois crises majeures, crises qui constituent le cadre de cette révolution anthropologique. Celleci consiste dans une série de retournements des rapports de l’individu à luimême et à son environnement qui justi…