Voilà bien longtemps qu’une décision de la Cour suprême n’avait pas suscité auprès des trois pouvoirs dont se compose l’État américain un tollé comparable à celui de Citizens United v. Federal Election Commission, arrêt 5-4 rendu en janvier 2010. De leur propre initiative, sans y avoir été requis par aucune des parties, les cinq juges conservateurs ont statué qu’il n’y avait pas de limite constitutionnelle aux dépenses engagées par les entreprises et les syndicats pour la diffusion de spots publicitaires prenant explicitement parti pour ou contre certains candidats. Le président Obama a aussitôt dénoncé une telle décision comme désastreuse pour la démocratie américaine et, dans un geste pour le moins inhabituel, il a réitéré cette condamnation lors de son discours sur l’état de l’Union, en présence de six des magistrats concernés.
« Avec tout le respect dû à la séparation des pouvoirs, a-t-il déclaré, la Cour suprême vient de renverser un siècle de droit. Elle a lâché la bride aux intérêts particuliers, et notamment aux entreprises étrangères, qui pourront désormais intervenir sans limites dans le financement de nos élections. » Pendant l’allocution présidentielle, Samuel Alito, l’un des juges conservateurs, n’a pas hésité à faire une entorse au protocole en manifestant son désaccord et, peu de temps après, le juge John Roberts a publiquement reproché au président d’avoir choisi cette occasion pour exprimer son opinion. Le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, a cherché à justifier cette remarque d’Obama : « Depuis longtemps déjà, le président s’emploie à restreindre l’influence abusive qu’exercent les intérêts particuliers et leurs lobbyistes sur l’administration…