Je suis particulièrement heureux de devoir répondre à Roger Chartier. Évoquant le titre Au bord de la falaise, emprunté à Michel de Certeau caractérisant lui-même le travail de Foucault, je disais : « L’image est belle pour désigner l’inquiétude propre à toute histoire, qui tente cette opération limite, rendre compte dans l’ordre du discours de la “raison” ou de la déraison des pratiques – aussi bien de ces pratiques dominantes qui organisent normes et institutions que de celles, disséminées et mineures, qui tissent le quotidien ou portent les illégalismes. » Chartier s’attachait alors à nouer et dénouer la crise de l’intelligibilité historienne dans la phase post-braudélienne de l’historiographie. C’est à un changement au niveau de ce qu’il appelait, avec d’autres, « régime d’historicité » qu’il entendait contribuer, en compagnie d’auteurs qui ont été pour moi aussi des « maîtres de rigueur », Michel Foucault, certes, mais aussi Michel de Certeau et le cher Louis Marin.
Les questions que me pose Chartier me reconduiront in fine « au bord de la falaise ».
Je lis l’essai de Roger Chartier à la fois comme une lecture fidèle de mon travail, dont il adopte les articulations principales, et une lecture critique qui ponctue chaque étape de sa traversée par des questions et des objections. Celles-ci me sont d’autant plus précieuses qu’elles soulignent le caractère exploratoire et souvent aporétique du livre. À cet égard, il est remarquable que la critique de la partie épistémologique de mon travail débouche sur l’…