Durant des années, plusieurs décennies même, depuis la Lulu d’Alban Berg créée en 1937, on a désespéré d’un avenir pour l’opéra. Et même d’un présent. Non que des opéras n’aient continué de s’écrire, des Soldats de Zimmermann au Saint François d’Assise de Messiaen en passant par Lear de Reimann ou plusieurs ouvrages de Berio, Henze, Ligeti et quelques autres. Mais si l’un ou l’autre ont pu avoir un retentissement passager, voire plus durable à l’intérieur du monde musical, aucun n’a sanctionné la réconciliation du public avec l’opéra contemporain. Non que les représentations de ces opéras n’aient recueilli quelque succès, mais le public restreint qui y a eu accès en est demeuré, à peu de choses près, toujours le même, et nul effet d’entraînement ne s’en est suivi, ni en termes de reprises de ces opéras, ni en termes discographiques. Cela a longtemps été – et demeure encore en partie – un circuit fermé qui s’autocélèbre. C’est-à-dire que le répertoire ne progresse pas, ne se renouvelle pas. Alors que, si l’on songe au xixe siècle, des partitions audacieuses, novatrices, réellement modernes, comme les symphonies de Beethoven ou, pour rester dans notre sujet, les opéras de Wagner, si elles n’ont en effet pas rencontré le public – ou un public restreint là encore – à leur création, l’ont trouvé quelques décennies après ! Or aujourd’hui, alors que les supports de diffusion sont considérablement plus nombreux, du disque à la radio en passant par des institutions qui soutiennent la création musicale, le public mélomane bloque toujours sur la plus grande partie du répertoire contemporain – même chez les mélomanes curieux qui, san…