Le Débat. – Dans le titre même de votre dernier livre, vous avez introduit le terme d’« hyperterrorisme ». Ce terme nouveau est supposé décrire un phénomène qui, lui aussi, est nouveau. Quelle est, alors, la spécificité de l’hyperterrorisme par rapport au terrorisme tel qu’on le connaît depuis la fin du xixe siècle ?François Heisbourg. – L’hyperterrorisme c’est la conjonction de deux choses : de la volonté de destruction de masse et de la capacité de destruction de masse par une organisation non étatique qu’on a coutume de qualifier de terroriste. Au cours des années 1990, un débat dans le milieu des spécialistes du terrorisme – l’Institut des études stratégiques de Londres, un centre de recherches de l’université d’Édimbourg – a opposé deux écoles. Les uns affirmaient que les terroristes ne s’intéressent pas à la destruction de masse et visent surtout à semer la terreur en portant atteinte à des cibles symboliques, l’ampleur du bilan humain étant secondaire. Les autres prétendaient que certains groupes terroristes ne connaissent pas de limites à la destruction qu’ils veulent provoquer. Désormais, le débat est tranché. Dans la fameuse cassette vidéo qui le montre en conversation avec un visiteur saoudien, Oussama ben Laden a pris clairement le parti de la destruction massive.
Le bilan de la destruction du World Trade Center est en effet très différent de tout ce qu’on a connu dans le passé. Auparavant, l’acte terroriste individuel qui avait fait le plus de victimes, c’était la chute de l’avion d’Air India que les terroristes sikhs avaient fait exploser en vol il y a plus de quinze ans : 329 morts…