À chaque élection, son mot-totem : depuis l’automne 2001 et la publication d’un sondage accordant à Jean-Pierre Chevènement plus de 10 % des intentions de vote aux prochaines élections présidentielles, l’expression de « troisième homme » jouit d’un succès inespéré. Rares sont les journalistes, politologues et autres sondeurs à ne pas user à tout bout de champ de ce qualificatif pour désigner le premier des outsiders.
En parcourant l’histoire électorale de la Ve République, il n’apparaît pourtant pas que Jean Lecanuet, Jacques Duclos, Jacques ChabanDelmas, Jacques Chirac, Raymond Barre ou Édouard Balladur aient été désignés comme tels. Chacun a bien obtenu, pourtant, la troisième place aux différents scrutins présidentiels qui se sont succédé depuis 1965. D’où vient, alors, le succès de cette formule ? Correspondelle à une situation politique inédite, en rapport avec le célèbre film éponyme de Carol Reed, mettant en scène Joseph Cotten et Orson Welles et dont la musique lancinante résonne encore dans nos têtes ?
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Aux yeux des analystes politiques, le troisième homme se situe à la marge du traditionnel clivage gauche-droite dont la vie politique française ne s’est jamais départie. Même s’il ne peut maîtriser le report de ses voix, il est en mesure d’imposer ses conditions à celui auquel il consent de se rallier. Son accession au second tour a beau être peu probable, il rassemble pourtant les espoirs d’électeurs lassés des querelles de clans, des langues de bois et des belles promesses…