Il était une fois le suffixe -able qui menait une vie tranquille et florissante au sein de la langue française. Il travaillait beaucoup et jouissait de l’estime générale, malgré ses bons et mauvais côtés. Il y avait le charmant adorable, le compromettant justiciable, le joyeux risible, le triste misérable...
Or, voilà qu’un matin il se pique de faire parler de lui. Il veut faire de la politique.
À lui seul, il prétend être autant que le monopole du cœur, la force tranquille ou la fracture sociale. Il s’enfle pour devenir aussi gros qu’une campagne électorale. En plus, c’est un transfuge. Il ne connaît ni parti ni idéal. Il est prêt à les servir tous.
D’emblée, il frappe fort. Un homme, qui se croyait le préféré, a été éconduit par ses « amis » au profit d’un rival. Mais cette trop belle mariée semble avoir perdu son pucelage dans des circonstances bien décourageantes. Les « amis », retrouvant leur tête froide, se tournent à nouveau vers le soupirant dédaigné. Il leur oppose un non. Irrévocable. Jusqu’au surlendemain. Il ne faut jamais coucher le premier soir, c’est bien connu, mais ça n’empêche pas les sentiments.
Le suffixe triomphe. Il a mis les rieurs de son côté.
Un peu plus tard, un autre homme vient gravement faire son bilan. Comme d’habitude. Si ce n’est que, cette fois, le suffixe est tapi dans l’ombre du plateau de télévision. L’homme ne se méfie pas. Voici qu’il se déride. Avec un opportunisme inouï, le suffixe se jette sur lui. Probable, oui, probable…