En France, « la réforme de l’État » constitue une figure emblématique du discours politique promu par des oligarchies parlant au nom mais aussi à la place des citoyens. Rap populaire de hauts fonctionnaires, de publicistes, de gouvernants, la réforme de l’État martèle des formules (efficacité, avantages acquis), exorcise gaspillages et conservatismes, scande des slogans salvateurs (« libéraliser »). Sésame d’une société post-moderne, « nuit du 4-Août » impérative, sans cesse attendue, la réforme de l’État n’en demeure pas moins toujours insaisissable et indécidable.
« Réforme de l’État, partout… sauf en France », titre Sociétal, un magazine de réflexion du grand patronat. L’immobilisme de l’État, dit-on, perdure et prospère. « La plus grande faiblesse de notre réflexion sur l’État, c’est de considérer qu’il est pérenne dans sa configuration, donc intouchable : nous sommes là au cœur de “l’exception française” », ajoute Sociétal. « Oui, l’État est en danger », clame Dominique Strauss-Kahn. Des volte-face de commis de l’État fabriquent de vrais croyants fondamentalistes en libéralisme. Au ciel du « Changer la vie » de 1981, l’avant-garde socialiste de la fondation Jean-Jaurès se rabat aujourd’hui sur le terre-à-terre, « changer l’État ».
Cet immobilisme de l’État est tout à fait remarquable au vu du rang de la France – quatrième ou cinquième puissance économique mondiale. Cette distinction devient exploit, comme le reconnaissait un magazine économique américain. La France aurait-elle découvert une formule inédite de société efficace associant de belles performances à un État bloqué …