« Méprise » (Hannah Arendt), « mésentente » (Jacques Rancière) : tels
sont les termes par lesquels on désigne souvent le rapport entre deux
ordres qui, unis, semblent former une alliance de mots : philosophie
politique. Quelles sont les conditions de possibilité de la philosophie
politique ? S’il semble que la compréhension de son objet ne fasse pas
problème (alors que son extension devient vite problématique si « tout
est politique » et si l’on veut de surcroît distinguer la politique du politique – à moins que tel soit l’objet de la philosophie politique), la position
de son discours semble plus incertaine. Qu’est-ce qu’un philosophe politique ? Que dit-il de la politique que les autres spécialistes ne disent pas ?
Écartons d’emblée la réponse qui voudrait qu’un philosophe politique soit un philosophe qui fait de la politique (il peut en faire à titre
personnel). Du philosophe qui écrit « à l’épreuve du politique » (l’expression est de Claude Lefort), on attend qu’il formule des propositions
philosophiques qui se distingueront de celles de l’historien des idées
politiques, du politiste, ce spécialiste de la science politique (discipline
qui pose d’autres problèmes), ou du politologue, ce commentateur
asservi au présent ou ce conseiller assujetti aux princes.
Pour répondre à cette question dont l’urgence n’échappe à personne,
Critique a choisi de faire le portrait d’un philosophe politique français
influent et singulier : Jean-Fabien Spitz. L’importance de son œuvre n’a
cessé de croître depui…