Le 6 août 1945 à 8 h 15 du matin, l’Enola Gay (bombardier américain B-29 piloté par le colonel Paul Tibbets) jetait sur Hiroshima la première bombe atomique de l’Histoire : Little Boy rasa la ville, tuant sur le coup cent mille personnes. Après l’explosion, les fragments de façades qui tenaient encore debout devinrent les supports des stigmates de l’éclair. Jusqu’à nos jours, le fantôme de la bombe hante les lieux, éparpillant dans l’espace et le temps les bribes de sa signature. On appelle cela les « conséquences ». La résistance de ce fantôme indique ce qui reste en souffrance : la fission atomique, blessure de la matière, laisse entendre son lamento à travers les survivants, sur plusieurs générations. Retour sur un événement reconstitué après-coup.
Première arme de destruction massive, la bombe à uranium jetée sur Hiroshima ouvre une nouvelle ère historique. Les mots peinent à décrire ce qui fut vu lors de l’explosion. L’ ouvrage du journaliste américain John Hersey, composé à partir du témoignage de six survivants, est si bouleversant qu’Albert Einstein voulut en commander mille exemplaires. Il décrit la déflagration comme « une nappe de soleil » (p. 16), « une lueur fulgurante… d’un jaune éclatant » (p. 23), « un gigantesque éclair de magnésium » (p. 28), une « lueur aveuglante » (p. 30). La bombe explosa en plein jour, sa lumière superlative brûla les yeux des habitants pourtant éloignés de l’épicentre, irradiant jusqu’au plus profond des bâtiments. À l’hôpital de la Croix-Rouge, en marge de la ville, le sous-directeur descendit au sous-sol pour prendre, dans la chambre forte, des plaques à rayons X…