Nombreux aujourd’hui sont les artistes qui, à l’interface de l’art et des sciences humaines, actualisent les puissances du document par des opérations de traduction ou de montage. Le document n’est plus seulement convoqué comme trace référentielle, il induit une pratique sociale, parfois collective, qui excède le champ strict de l’art en renouvelant nos usages. Deux ouvrages récents illustrent ce tournant en questionnant la relation entre puissance et usage.
Le premier, UIQ (the unmaking-of). Un livre de visions / A Book of Visions (bilingue français / anglais : il faut retourner le livre entre ses mains pour passer d’une version à l’autre), dû à Silvia Maglioni et Graeme Thomson, propose les transcriptions de séances collectives dont les participants sont invités à imaginer un film non réalisé, à partir des fragments d’un scénario de Félix Guattari, Un amour d’UIQ.
Le second, de Franck Leibovici et Julien Seroussi, dans l’esprit de la poésie objectiviste, retranscrit les minutes du procès de la Cour pénale internationale relatif au massacre perpétré en 2003 à Bogoro (République démocratique du Congo), procès où comparaissent comme accusés Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo. La sélection et l’articulation des propos opérées dans bogoro – conservons la minuscule initiale du titre pour respecter les choix graphiques de l’auteur – restituent dans leur complexité les débats juridiques, mais aussi les problèmes techniques rencontrés lors des témoignages, les obstacles sur lesquels butent la traduction et la transcription, les ambiguïtés sémantiques…