Partout en Europe s’immisce le populisme. Ce populisme et l’électorat qu’il courtise présentent l’immigration en provenance de l’Afrique comme un danger criant. Plongeant sa source dans un racisme systémique, la désignation de cette cible repose sur trois prémisses fausses : qu’entre en Europe une véritable déferlante venue d’Afrique ; que l’origine en est avant tout d’ordre économique et non politique ; qu’être à l’abri de l’insécurité économique ne relève pas des droits humains. À gauche, ces affirmations sont rejetées en ce qu’elles sont constitutives du projet néolibéral. Au centre, on tend à s’écarter de considérations structurelles de cet ordre au profit d’arguments plus propres à attirer les suffrages du grand nombre ; d’où des campagnes focalisées d’abord sur les risques mortels qu’encourent ceux qui cherchent à fuir le continent africain et sur la déshumanisation qui les attend. Dénoncer ces conditions est indispensable, mais se cantonner à cela peut être délétère : c’est risquer de faire des gens dont ces campagnes « prennent la défense » des figures de pathos. C’est les priver d’agentivité, leur refuser le statut de protagonistes en prise sur leur sort, tout catastrophique qu’il puisse s’annoncer.
En Afrique et dans les diasporas, cette problématique est prise à bras le corps par des artistes contemporains. Via des œuvres précisément axées sur le problème de l’agentivité, elles et ils rejettent la désautonomisation. Faisant fi d’un repli dans la tristesse ou la pitié, et se détournant du sensationnel, ces artistes déploient une critique acerbe de la violence néolibérale et du discours sur l’immigration qui en exsude…