L’ampleur des bouleversements infligés par la civilisation industrielle au système terrestre offre matière à de sombres réflexions. À une autre échelle, les évolutions de l’enseignement supérieur et de la recherche en cours dans de nombreux pays sont souvent perçues, en particulier depuis les départements de sciences sociales et d’humanités, comme une menace pesant sur les conditions nécessaires au déploiement d’une libre réflexion. Ce que l’on peut escompter en rapprochant ces deux thèmes apparemment disjoints n’est pas plus réjouissant aux États-Unis qu’en France. Ken McKenzie Wark, de la New School for Social Research de New York, avait ébauché en 2013 une réflexion crépusculaire sur les perspectives de l’Université à l’ère du « thanatisme », une version noire de l’Anthropocène qui serait, selon lui, le résultat d’« un ordre social qui subordonne la production de valeur d’usage à la production de valeur d’échange, au point où celle-ci menace de détruire les conditions d’existence de la valeur d’usage ». Même parcellisés à outrance et coupés d’une vue d’ensemble, les savoirs universitaires menacent le thanatisme ; c’est pourquoi ils seraient en passe d’être remplacés par de nouvelles disciplines, des « sciences anti-sociales » et des « inhumanités ». Ce curieux rapprochement entre Anthropocène et avenir des Humanités peut aussi, moyennant quelques paradoxes, dessiner une voie de salut à travers la catastrophe planétaire et la destruction universitaire. Un ancien étudiant de McKenzie Wark s’est essayé à décrire ce chemin dans un essai remarqué aux États-Unis et publié sous un titre retentissant que l’on peut traduire en français pa…