Tenant son carnet secret, la jeune Ronce-Rose, dans le roman éponyme, affirme y inscrire les « secrets précieux », la « collection d’ornithologue étymologiste », le « trésor de flibustière » constitués par son apprentissage du monde. Entre aventure de la langue et piratage de l’univers adulte, l’auteure en herbe se définit elle-même comme un drôle d’oiseau. La métaphore pourrait aisément se généraliser au monde des Lettres tel que l’image s’en dessine dans les différents volumes de L’Autofictif ou les chroniques publiées par l’auteur dans Le Monde jusqu’à une date récente. Éric Chevillard y esquisse les contours d’une grande volière dans laquelle évoluent différents types d’animaux à plumes. Il se plaît à épingler les innombrables variétés de perroquets qui élèvent le psittacisme au rang d’activité créatrice, moque les pigeons qui s’en laissent conter et les triples buses toujours prêtes à prendre pour une envolée d’albatros le cacardement de quelque oie médiatique.
Voilà qui atteste la belle vitalité du milieu littéraire – si l’on raisonne en termes mondains de réseaux d’influences contraires –, du champ littéraire – si l’on adopte le regard plus analytique d’une sociologie s’intéressant aux conflits d’autorité institutionnels circonscrivant l’idée de littérature –, de l’espace littéraire – si l’on porte à distance le regard du philosophe sur la manière littéraire d’habiter le monde, ou mieux encore de le hanter. Le roman industriel triomphe aujourd’hui en termes de ventes, l…