Au milieu d’une liasse d’archives, une gravure sur bois. Découpée par un fonctionnaire de la préfecture de Police de Paris, elle met en scène le retour en vogue de la Marseillaise lors du déclenchement de la guerre contre la Prusse. Moment capital. Après dix-huit ans d’interdiction, le chant de Rouget de Lisle était à nouveau entonné sur la scène de l’Opéra. Une décision prise par Napoléon III en personne. « Vous pouvez autoriser la chanson », fit-il télégraphier au ministre des Beaux-Arts, le 15 juillet 1870. Comme l’observera Jules Clarétie, en réhabilitant cet hymne « l’Empire entendait bénéficier de la fièvre de Rouget de Lisle ».
Ce geste – lever l’étendard musical du peuple –, Jann Pasler, professeur de musicologie à l’université de Californie, en propose l’étude dans un livre fort original que les Éditions Gallimard viennent de traduire. Interrogeant le rôle social de la musique – un aspect souvent négligé de l’histoire politique de la France –, elle porte son attention non pas sur des portraits de grands compositeurs ou les mystères de la création, mais sur une politique précise, celle des représentations chorales et instrumentales de la IIIe République. Ce véritable réveil musical forme comme le pendant de la « politique visuelle » étudiée par Michèle Martin. On dira qu’il ne s’agissait que de galvaniser les troupes ou de divertir les foules, rien de plus. Le livre de Jann Pasler vient convaincre de tout le contraire. Dans ce triomphe sonore de la République, il se jouait bien plus que cela…