L’œuvre de Gérard Macé s’invente à la lisière des genres : biofictions dans Vies antérieures, proses poétiques dans Bois dormant ou enquêtes érudites dans Le Manteau de Fortuny et Les Trois coffrets. Pourtant, de livre en livre, c’est toujours la même passion des signes et le goût des déchiffrements, qui donnent à cette écriture l’allure à la fois libre et lucide de l’« essai ». C’est là un mot qu’il ne refuse pas, et s’il revendique volontiers la filiation montaignienne, c’est pour rappeler la teneur d’expérience d’une pratique littéraire qui permet de concilier la bibliothèque et le réel, en élaborant un usage du monde. Il revendique également la proximité avec les Divagations de Mallarmé, dont il aime rappeler la célèbre formule : « Seulement, je me renseigne. » S’affirme alors l’alliance entre l’épiphanie du savoir attesté et une écriture divagante, qui aime les détours et les chemins de traverse, c’est-à-dire la complicité entre le souci de l’élucidation et la vocation rêveuse de l’écriture.
Cette alliance, j’aimerais l’envisager en termes spatiaux dans une géographie de l’écriture, tendue entre mouvement vagabond et principe de rassemblement. Car les essais de Gérard Macé mêlent divagation capricieuse et goût des coffrets, ars peregrinandi et retraite dans le cabinet. D’un côté, un usage des voyages et une « fréquentation du monde » dans la tradition de Montaigne pour qui la mobilité est exigence éthique et impulsion stylistique. De l’autre, boîtes, vitrines et coffrets sont les emblèmes d’une œuvre qu…