Pierre Guyotat dit n’aimer ni le mot « littérature » ni le mot « écrivain ». Dans sa position, il doit souffrir beaucoup. Mais il a raison. Le mot « littérature » n’aura eu que peu de temps – deux siècles environ, le xixe et le xxe – le sens exclusif et raréfié que nous lui donnons. Au Moyen Âge, le mot désigne soit la grammaire (le mot « grammaire » désignant pour sa part le latin, comme chez Dante), soit les commentaires sur une œuvre, soit tout ce qui s’écrit. M. de Norpois est encore médiéval quand il cite en exemple de bonne littérature l’essai de son jeune ami sur l’emploi du fusil à répétition dans l’armée bulgare. Proust ricane. Mais M. de Norpois triomphe aujourd’hui où le mot « littérature » désigne la notice que l’on découvre dans l’emballage de l’étagère IKEA ou dans la boîte du médicament. L’autre inconvénient de ce mot est qu’il conduit fatalement à utiliser l’expression absurde de littérature orale.
Quant au mot « écrivain », il est poseur, appliqué, enfermé lui aussi dans la lettre. Guyotat préfère « artiste », que je n’aime pas non plus. J’entends bien que l’artiste est l’homme de l’ars, que l’ars désigne une maîtrise technique, que l’artiste est un artisan, qu’il se coltine avec la langue comme l’artisan avec la matière. C’est précisément pour couper court à ce genre de considérations que je préfère éviter « artiste » : il y a, dans la pose de l’homme de plume qui se prétend artisan, une modestie de mauvais aloi. Pour ma part, j’aime bien poète – que Pierre Guyotat accepte également…