Les familiers des discussions entre musicologues anglophones, les lecteurs de Charles Rosen, Carl Dalhaus, Suzanne Langer ou Lydia Goehr, les (trop) rares connaisseurs de l’œuvre de Bela Szabados, peuvent se réjouir de cette double publication qui vient enrichir la littérature francophone sur Wittgenstein et la musique. On appréciera l’ambition spéculative du livre d’Antonia Soulez, riche en mises en parallèle des vues d’Adorno et de Schoenberg avec celles de Wittgenstein, et qui déploie une grande érudition en matière de littérature musicologique. Mais aussi le livre très exact, complet, cultivé, fin et très sûr en matière technique, du musicologue Alessandro Arbo, qui procède à une vérification des idées de Wittgenstein sur des exemples musicaux, partitions à l’appui. Sa bibliographie exemplaire montre en fait tout l’intérêt que suscite la pensée de Wittgenstein sur la musique ailleurs qu’en France, y compris dans des pays non anglo-saxons comme l’Italie. L’objectif d’Alessandro Arbo est original. Très bien informé philosophiquement, son livre fait le tour des réflexions du philosophe sur l’« entendre-comme » et l’expérience auditive, en vérifiant musicalement ses suggestions, de manière convaincante ; ce faisant, il brise le cadre où est généralement enfermé le philosophe viennois. Dans un autre genre, le livre d’Antonia Soulez, ambitieux et pétri de culture, fait aussi sortir Wittgenstein de ses limites convenues en l’affrontant à des penseurs de la musique moderne comme Schoenberg, Adorno ou Cage, mais aussi à des écrivains comme Kafka et Valéry…