Âmes scrupuleuses, vies d’angoisse, tristes obsédés et La Fin des coupables de Pierre-Henri Castel constituent une vaste fresque historique dont il nous dit, en toute simplicité, dès le début du premier volume, que ce « livre a au moins quelque chose pour lui : il n’y en aura plus beaucoup dans son genre » (I, p. 9). Cela est bien possible mais, selon moi, pour des raisons autres que celles que suggère l’auteur, des raisons qui néanmoins sont au cœur de son propos. Cette recherche sur les « embarras de l’agir » et la « contrainte intérieure » s’étend depuis l’Antiquité jusqu’aux neurosciences. L’ampleur de l’entreprise a de quoi impressionner. Comme pour s’en excuser, Pierre-Henri Castel nous dit que bientôt arrivera le jour « où plus personne ne pourra prétendre embrasser d’un regard les phases successives de l’élaboration de sa propre culture [...]. Il sera juste devenu tout à fait impossible de dominer les informations foisonnantes [...] accessibles à tous » (ibid.). Peut-être. Mais ce jour semble en fait arrivé depuis longtemps, ce qui n’a pas empêché ce livre remarquable d’être élaboré et publié. Les raisons qui font qu’il y en aura peu d’autres du même genre sont ailleurs.
Ce qui a changé, c’est la réalité même qu’on prétend reconstruire, celle du moi et celle de son histoire. La démarche de Castel s’apparente assez à ce que Ian Hacking nomme l’ontologie historique. Cette dernière traite « des possibilités de choix et des manières d’être, qui surgissent dans l’histoire […] en tant que formations explicites au sein desquelles nous nous constituons nous-même…