Vous croyiez appartenir au triste peuple des réfractaires au voyage ? Voici que vous pouvez voyager très simplement, grâce à une opération que le dernier livre de Pierre Bayard met en lumière avec élégance. Plutôt que d’utiliser votre voiture, le train ou l’avion, vous voyagerez sans bouger : par la pensée. Souvent ce moyen s’avère plus efficace que les autres, et il comporte quelques avantages secondaires que l’ouvrage détaille avec minutie.
La pensée cependant ne s’émancipe pas toujours de manière identique du déplacement physique. S’offre à cet égard toute une gamme de possibilités, que Pierre Bayard illustre d’exemples choisis et dont on devine les deux extrêmes : être allé en effet quelque part, mais pas tout à fait dans l’endroit dont on parle, et ne pas y être allé du tout.
Il y a d’abord le cas des voyageurs naïfs ou aveuglés : ils se déplacent, mais ce qu’ils vivent et comprennent tient moins à leur déplacement qu’à leur entrée dans un lieu imaginaire qu’ils ne reconnaissent pas. Exemple amusant de ce cas de figure : celui de l’anthropologue Margaret Mead, dont les travaux ont connu un grand succès avant de susciter de sérieuses polémiques. C’est qu’elle démontrait, après s’être effectivement rendue dans leur pays, que les habitantes des îles Samoa avaient des mœurs bien étranges et très attrayantes pour les années 30 du siècle dernier, puisque leur existence était toute tissée d’une joyeuse et tranquille liberté sexuelle. Il valait donc bien la peine de se déplacer, pour aller recueillir les témoignages si intéressants des femmes de ce lieu fortuné…