Il n’est pas impensable que l’ampleur de L’Idiot de la famille ait fini par faire oublier aux lecteurs impressionnés la rigueur théorique du projet. En étudiant le « cas Flaubert », Sartre s’était pourtant proposé de répondre à une question majeure où devait culminer son œuvre de philosophe, de théoricien politique et d’écrivain – « que peut-on savoir d’un homme aujourd’hui ? »L’Idiot de la famille est la suite de Question de méthode. Son sujet : que peut-on savoir d’un homme aujourd’hui ? Il m’a paru qu’on ne pouvait répondre à cette question que par l’étude d’un cas concret : que savons-nous – par exemple – de Gustave Flaubert ?
La question théorique formulée au présent (aujourd’hui) dans son extension maximale (un homme) ne peut être posée qu’à partir d’une étude de cas concret. Encore faut-il comprendre ce que Sartre entend par-là. Soit l’indéfini de l’homme – un homme. Pour respecter le programme de son étude, Sartre demande donc qu’on passe par un cas : un cas d’homme. L’anthropologie philosophique (le savoir concret) voit donc réduit son champ transcendantal à la portée indéfinie (un homme) par l’étude empirique du cas (le cas concret). L’exemple de cas sera Flaubert. Deux séries comptent ici : les articles et les noms. On a la série des articles : un homme, un cas, puis l’article zéro devant le nom propre. On a la série des noms : homme, cas, exemple qui sont des noms communs, et un nom propre, Flaubert, où les noms communs viennent se rassembler, converger, culminer…