La pensée française est connue ou reconnue, à l’étranger mais aussi bien en France, comme French Thought ou French Theory : mixtes variés, pas toujours bien digérés, de déconstruction derridienne et de bio-pouvoir foucaldien, d’anarchie désirante deleuzo-guattarienne ou de post-moderne lyotardien. Le contraste avec le genre d’objets promus par La Philosophie en France au XXe siècle de Frédéric Worms n’en est que plus frappant : à côté des analyses consacrées au Panthéon des années 1960, on y trouvera, par exemple, une étude sur la différence des conceptions métaphysiques d’Alain et de Maurice Blondel, une autre sur les poèmes de Jean Wahl, une troisième sur la philosophie du « presque-rien » de Vladimir Jankélévitch pour ne rien dire des pages étonnantes sur Léon Brunschvicg, Georges Politzer ou Jean Nabert.
À Frédéric Worms, on doit déjà une entreprise de dépoussiérage historien et de remise au travail philosophique de l’ uvre de Bergson. Longtemps confondu avec un vague spiritualisme, le bergsonisme moisissait sur les rayons des bibliothèques ou dans les mémoires de nos grands-parents qui avaient eu à lire L’Évolution créatrice pour le bachot. Même le rajeunissement opéré par les reprises inspirées de Deleuze n’avait pas suffi à relancer les études bergsoniennes au sein de l’université. Depuis sa thèse de 1997 sur Matière et Mémoire, Frédéric Worms a intéressé un nouveau public et entraîné à sa suite une foule de jeunes chercheurs, via les volumes successifs de ses Annales bergsonienne…