Romancier, poète, essayiste, Henri de Régnier est l’auteur de plus de cinquante volumes publiés au Mercure de France, dont il fut, en son temps, un écrivain-vedette. Né en 1864, mort en 1936, il a été successivement l’élève favori de Heredia, puis de Mallarmé, qui le situait « au premier rang » de la poésie de son temps. Symboliste, il prit ses libertés par rapport au mouvement et développa sa propre manière littéraire. Cependant, ce n’est pas sa place dans son époque ni son style si singulier que l’on retient le plus souvent de lui ; ce sont bien plutôt trois mésaventures qui, loin de dresser un portrait réaliste du personnage, n’en font qu’une triste caricature.
La première, c’est son mariage : époux de Marie de Heredia, fille de son maître, il en est ouvertement trompé avec ses plus proches amis, de Pierre Louÿs, son confident et le père de son fils, à son propre disciple Jean-Louis Vaudoyer. Ensuite vient le discours venimeux que prononça Albert de Mun au moment de sa réception à l’Académie française, en 1912 : l’orateur déclara ne plus se sentir « assez cuirassier » pour apprécier les récits historiques, parfois teintés de libertinage, de celui auquel il accordait, par ce mot cruel, sa part d’immortalité. Enfin, à l’agonie, Henri de Régnier lui-même demanda à son fidèle ami Vaudoyer de ne pas créer de « société d’amis » après son décès. Cette volonté de ne pas consacrer la reconnaissance de son œuvre, marque de son refus des conventions, lui fut souvent imputée à péché d’orgueil…