Logiques des mondes comporte plusieurs crépuscules remarquables, réels ou symboliques. La doctrine de l’apparaître proposée dans ce livre semble en effet démultiplier et presque banaliser la notion d’une fin du monde, sans perdre la puissance affective que sa mention implique. Peut-être est-ce alors une appréhension singulière de la mélancolie qui se laisse reconnaître ici, et déjà dans les phases antérieures du projet systématique d’Alain Badiou. À cette mélancolie ne manqueraient ni l’intensité ni l’ambiguïté, car l’aspect crépusculaire des phénomènes, loin de susciter un affect exclusivement sombre, s’éprouve au moment inouï où se produit, avec l’apparition d’une vérité indestructible, la fin d’un monde et sa relève par un autre. Mais si la mélancolie est réellement pensée dans cette entreprise philosophique, pourquoi doit-elle y demeurer à ce point secrète ?
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Que dans la catégorie du crépusculaire puisse se concentrer l’épreuve d’une vie s’exerçant au milieu des phénomènes, mais intensifiée, aussi hautement qu’il est possible, par sa fidélité à une idéalité éternelle, on l’observe à travers les exemples de couchants disséminés dans ce livre. La ferveur des crépuscules réels, qu’on remarque tout d’abord, a pour envers plus décisif le sentiment du crépuscule comme épreuve de l’événement.
De belles pages, dans Logiques des mondes, relatent un séjour de l’auteur à Brasilia. Un épisode biographique y témoigne de ce que peut être un instant d’intensité existentielle, et même, semble-t-il, d’extase…