Cet après-midi-là, au Centre dramatique national de Montreuil, les enfants allaient entendre parler de Dieu. Et ce ne serait pas un prêtre, ni un rabbin, ni un imam, mais un « philosophe ». Le Monsieur s’appelle Jean-Luc Nancy : il a l’air très sérieux et gentil. Il paraît qu’il a écrit beaucoup de livres. Dans la série des « Petites conférences » se sont déjà succédé un historien de la Grèce ancienne, un écrivain, une physicienne. Il y en aura d’autres : zoologues, artistes, paysagistes, astrophysiciens, etc. Le « philosophe » annonce justement qu’il parlera du ciel. On ne comprend pas tout ce qu’il dit. Il explique que Dieu, c’est le ciel, mais qu’il n’est pas dans le ciel, qu’il n’est pas une chose ou une personne, et que de toute façon il ne faut pas demander s’il existe, parce que ce n’est pas une bonne question. Il dit aussi quelque chose de très amusant sur « Célestin Dupont qu’on cherche dans le Minitel », comme si Dieu avait le téléphone. Il parle de fidélité, et beaucoup d’« ouverture ». Il dit qu’il n’y a rien derrière le monde, pas de « face cachée » comme pour la lune...
On pourrait continuer sur ce ton, mais il y a toujours quelque chose d’obscène à faire l’enfant, fût-ce au style indirect libre. Qui peut prétendre parler pour eux ? Les enfants comprennent toujours mieux et plus qu’on ne pense. Jean-Luc Nancy le savait bien en se risquant ainsi, sans filets, à entretenir un très jeune public de la question la plus difficile, la plus périlleuse qui soit. Il y réussit d’ailleurs admirablement, en s’adressant à lui de façon simple et directe, sans toujours éviter les complications de certaines tournures philosophantes, mai…