Dans son livre Aux aguets, Pierre Pachet incite son lecteur à poser une question déconcertante qu’on pourrait formuler ainsi : peut-on dire de quelqu’un qu’il est trop conscient ? Est-il concevable qu’on soit conduit à penser cela ? D’ordinaire, c’est plutôt le défaut de conscience qui est en cause : il aurait fallu se montrer plus vigilant. Peut-il arriver qu’on le soit excessivement ? Puis-je penser que mon ami fait preuve, selon moi, d’une conscience « hypertrophiée » (p. 10) ? Puis-je le penser de moi-même ? En quoi serait-ce mieux pour lui (pour moi) d’être moins conscient (comme on pourrait dire : ce serait mieux d’être moins susceptible, moins chatouilleux) ?
Notez qu’avant de parler ici d’éthique personnelle et de parénétique, il faut d’abord considérer la logique même de l’attribution d’une conscience à quelqu’un. La question porte sur la possibilité même de concevoir l’insuffisance et l’excès lorsque nous esquissons le portrait moral d’une personne. Par exemple, on peut être trop irascible, on peut être trop insouciant devant un danger, mais on ne peut pas être trop courageux. Le sens même du mot « courage » est ainsi déterminé, dans notre usage, qu’il n’existe pas une conduite devant un danger qui manifesterait l’excès de courage. En revanche, on peut manquer de courage, soit par excès dans l’appréciation du danger, soit par excès dans la confiance en soi. Il me semble que le mot « consciencieux », tout comme « scrupuleux », ou « pointilleux », accepte d’être qualifié selon le degré…