Christian Biet – Le mot dramaturgie et la fonction de dramaturge ont-ils encore une place au théâtre aujourd’hui ?
Joseph Danan – On sait que le mot dramaturgie a grosso modo deux sens. Dans son sens premier, il désigne ce que l’on appelle de moins en moins « l’art de la composition des pièces ». Dans son sens second, la dramaturgie désigne cette autre pratique, qui pense les conditions du passage à la scène d’un texte de théâtre, ce en quoi elle a de très près à voir avec la mise en scène. De nos jours, on a généralement tendance à séparer ces deux sens et à traiter séparément l’une ou l’autre de ces deux fonctions ; or, l’un de mes premiers soucis est d’essayer d’articuler les deux. Dans « dramaturgie », il y a drama, l’action. Je dirai que la dramaturgie, dans son sens 1 comme dans son sens 2, est « organisation de l’action ». Jean-Luc Nancy dit exactement : « mise en œuvre du drame »/« activation de l’action ».
Il y a aujourd’hui une crise évidente de la dramaturgie dans son premier sens – crise que Hans-Ties Lehmann radicalise lorsqu’il parle du « théâtre postdramatique ». L’actualité montre qu’une bonne partie du théâtre que l’on peut voir échappe, en partie ou en tout, à la dramaturgie de type 1 et ne prend plus appui sur une pièce écrite en fonction d’une dramaturgie traditionnelle, une dramaturgie « dramatique ». Je distinguerai les « pièces de théâtre », qui relèvent encore de celle-ci, de certains textes « écrits pour le théâtre ». Pour prendre un exemple, je dirai qu…