Notes
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[1]
The World Viewed, Penguin Books, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971, 1979.
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[2]
Pursuits of Happiness, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1981, trad. C. Fournier et S. Laugier, À la recherche du bonheur, Paris, Éd. des Cahiers du cinéma, 1993. Voir aussi S. Cavell, Cities of Words, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2004. Et les textes rassemblés dans Stanley Cavell, Cinéma et philosophie, M. Cerisuelo et S. Laugier (éds.), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2000.
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[3]
C’est le titre d’un chapitre de La Projection du monde.
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[4]
Voir E. Panofsky, « Style and Medium in the Moving Pictures », D. Talbot (dir.), Film, New-York, Simon & Schuster, 1959, p. 31 (trad. B. Turle, « Style et matière du septième art », Trois essais sur le style, Paris, Le Promeneur, 1996, p. 139).
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[5]
J. L. Austin, Sense and Sensibilia, Oxford, Oxford University Press, 1962, p. 26.
-
[6]
Dans son essai « Experience ». Voir le dossier « Emerson, L’autorité du scepticisme », Revue française d’études américaines, 2002 et aussi S. Laugier, Une autre pensée politique américaine, la démocratie radicale d’Emerson à Cavell, Paris, Éd. Michel Houdiard, 2004.
-
[7]
Cambridge, Cambridge University Press, 1969, 1976.
-
[8]
S. Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 46.
-
[9]
En particulier, dans son dernier ouvrage Cities of Words.
-
[10]
S. Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 19.
-
[11]
J. L. Austin, « Pretending », Philosophical Papers, Oxford, Oxford University Press, 1962, p. 271, trad. L. Aubert et A.-L. Hacker, Écrits philosophiques, Paris, Éd. du Seuil, p. 228. Voir aussi M. Cerisuelo, « L’importance du cinéma », Stanley Cavell, Cinéma et philosophie, op. cit.
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[12]
J’ai été récemment frappée, par exemple, de l’incapacité des critiques à simplement décrire ce qui se passe (raconter l’histoire) dans un film, par ailleurs bien apprécié, Eternal Sunshine of the Spotless Mind (M. Gondry, 2004)
-
[13]
J. L. Austin, Écrits philosophiques, op. cit., p. 144.
-
[14]
Voir sur ces questions J. Benoist et S. Laugier (éds.), Husserl et Wittgenstein, de la description de l’expérience à la phénoménologie linguistique, Hildesheim, Olms, 2004.
-
[15]
S. Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 194.
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[16]
Voir les textes cruciaux de R. Warshaw sur la culture populaire et notamment la présentation qu’en donne Cavell, dans Trafic, n° 50.
-
[17]
Voir le texte de M. Cerisuelo, « L’importance du cinéma », art. cit.
-
[18]
Voir l’analyse d’E. Bourdieu, « Stanley Cavell, pour une esthétique d’un art impur », Stanley Cavell, Cinéma et philosophie, op. cit.
-
[19]
C. Diamond, The Realistic Spirit, Cambridge Mass., MIT Press, 1991, trad. E Halais et J.-Y. Mondon, Wittgenstein, l’esprit réaliste, Paris, PUF, 2004.
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[20]
Ibid., p. 28.
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[21]
Voir À la recherche du bonheur, op. cit., et le dossier « Lien conjugal et recherche du bonheur », Esprit, mai 1999.
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[22]
On retrouve cette structure, radicalisée, dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, en particulier dans le « Okay » final prononcé par Jim Carrey, symétrique du « I do » qu’il énonce dans une des premières conversations du film (que l’héroïne entend comme la formule du mariage).
-
[23]
De ce point de vue, Eternal Sunshine (encore) constitue, non seulement une reprise des comédies du remariage, mais aussi – par la figure de son héros s’accrochant à des morceaux de son existence au moment où, effacés de sa mémoire, ils disparaissent – une forme de reprise de La Vie est belle : l’horreur réside cette fois-ci non pas dans un monde où je ne suis pas, mais dans un monde où l’autre n’est pas, mais d’où par là même je disparais aussi. Le film est, tout comme le film de Capra, une réflexion sur le cinéma – et du cinéma – en tant qu’il projette l’expérience de la perte du monde et de notre propre expérience, constituée de fragments de souvenirs et d’images (voir M. Cerisuelo, art. cit.).
-
[24]
The Claim of Reason, Oxford, Oxford University Press, 1979, trad. S. Laugier et N. Balso, Les Voix de la raison, Paris, Éd. du Seuil, 1996.
-
[25]
Voir CM, ch. 4, et Conditions nobles et ignobles, Paris, Éd. de l’éclat, 1993, ch. 3.
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[26]
Ibid., p. 196.
Stanley Cavell | |
Le cinéma nous rend-il meilleurs ? textes rassemblés par É. Domenach, trad. C. Fournier et É. Domenach | Paris, Bayard, 2003, 219 p. |
La Projection du monde trad. C. Fournier | Paris, Belin, 1999, 299 p. |
1Il n’est pas exagéré de dire que Stanley Cavell, avec deux ouvrages de tonalité très différente, La Projection du monde [1] et À la recherche du bonheur [2], a révolutionné notre approche philosophique du cinéma. Une thèse ici sera que cette révolution ne porte pas « seulement » sur le cinéma, mais sur la définition à donner du réalisme. Le travail de Cavell sur le cinéma est de ce point de vue entièrement cohérent avec son œuvre philosophique consacrée à la philosophie du langage ordinaire, qu’il identifie à Wittgenstein et Austin, et avec sa plus récente redécouverte du perfectionnisme moral d’Emerson et Thoreau. Dans un nouvel ouvrage, Le cinéma nous rend-il meilleurs ?, qui rassemble un certain nombre d’essais théoriques importants (dont plusieurs ont été publiés dans la revue Trafic ces dix dernières années, et d’autres sont inédits), il précise un enjeu central de son œuvre. Cet enjeu peut se résumer d’un mot : redéfinir le réalisme non seulement au cinéma, mais par le cinéma. Il peut s’expliciter en trois points : 1) l’importance du cinéma est dans notre expérience du cinéma, 2) le réalisme du cinéma n’est pas dans sa représentation d’une réalité, mais dans son caractère démocratique, dans le fait qu’il fait partie de nos vies ordinaires, 3) le réalisme du cinéma est dans l’éducation morale qu’il nous donne – en un sens spécifique, celui du perfectionnisme.
L’expérience du cinéma
2Cavell note dans la préface à Le cinéma nous rend-il meilleurs ? que son premier livre, La Projection du monde avait été critiqué, à sa publication en 1971, pour être « réaliste », alors que son but était bien plutôt de mettre en cause la capacité du réalisme, dans ses différentes versions philosophiques, « d’approcher la question de la relation du cinéma avec les choses du monde, ou avec la question de ce qu’il advient des choses à l’écran » (Le cinéma nous rend-il meilleurs ?, désormais abrégé CM, p. 7). Malgré la difficulté à donner une définition univoque du réalisme, on peut remarquer qu’il se définit souvent en termes de représentation, ou de connaissance, qui nous donneraient un accès véridique à un monde indépendant de nous (ou d’elles). Il y a un sens où le cinéma est d’emblée réaliste : le film est dépendant de la réalité qui s’imprime sur la pellicule, et qu’on projette à l’écran (d’où la question : « What becomes of things on film ? », qu’advient-il des choses à l’écran [3] ?). Il s’agissait déjà, chez Cavell, d’un réalisme radical, qui fut à l’époque considéré comme « naïf » et qu’on dirait maintenant « direct ». Le cinéma, ce sont des choses filmées et projetées. Pas des représentations de choses, mais des choses projetées (viewed) sur un écran. Partant de la remarque simple et géniale de Panofsky : « La matière [medium] des films est la réalité physique en tant que telle [4] » (La Projection du monde, désormais abrégé PM, p. 42-43), Cavell pose la question du réalisme de la façon suivante : qu’arrive-t-il à la réalité quand elle est projetée et passée sur un écran ? et affirme : « C’est à la réalité, ou à un mode de la dépeindre, que nous avons affaire, dans la manière dont on se souvient des films, et dont on les déforme en s’en souvenant. » Les souvenirs de films – même lointains – peuvent vous harceler, un peu comme des rêves mais pas exactement, car ils sont les souvenirs d’une expérience. Ce qui donne au cinéma son statut de réalité, c’est qu’un souvenir de film est exactement aussi réel qu’un souvenir de la réalité.
3Le film, comme la photographie, nous présente les choses elles-mêmes. Cela peut sembler faux, puisque « la photographie d’un tremblement de terre ou de Greta Garbo n’est (heureusement) pas un tremblement de terre en train de se produire ni (malheureusement) Greta Garbo en chair et en os ». Pourtant, on dit ordinairement, devant une image de film : « c’est Garbo », et en racontant un film : « Tom Cruise monte dans le taxi. » Exactement comme, en écoutant un disque, on pourrait dire « c’est un cor anglais » ; on trouverait bizarre de spécifier « attention, c’est un enregistrement ». Austin, dans Sense and Sensibilia, remarque ainsi qu’il serait stupide (it would plainly be silly [5]) de se demander si montrer une photographie revient à produire une illusion. On ne corrige pas l’enfant qui s’écrie devant une photo « c’est maman » en lui disant « mais enfin, c’est une photo ». Cavell pense, comme son maître Austin, qu’il n’y a pas non plus de sens à dire que la photographie de la chose (ou la chose projetée) donne des sense-data identiques à ceux de la chose, puisque nous faisons parfaitement la différence. Mais contrairement à Austin, il soutient qu’il y a là un mystère. « Mon sentiment est plutôt que nous avons oublié à quel point ces choses sont mystérieuses. De fait c’est là quelque chose que le cinéma nous enseigne. » Le cinéma est un médium réaliste, mais qui passe par le scepticisme pour revenir au réalisme. Pour comprendre cela, il faut voir ce qu’entend Cavell par l’importance de l’expérience du cinéma.
4Une telle approche du réalisme sort du cadre de la réflexion proprement « esthétique » sur le cinéma, et évite la question de la représentation. Car le point essentiel de la réflexion de Cavell, fort érudit en matière de cinéma (européen, hollywoodien ou de production américaine récente), c’est qu’il ne se demande pas si le cinéma est un art, et se contrefiche (en un sens) de ce que nous apporte la critique d’art appliquée au cinéma. Ce qui l’intéresse, c’est l’ œuvre cinématographique en tant que constitutive de notre expérience, en tant qu’elle nous apprend quelque chose, par son propre travail – et non par ce que nous, critiques et interprètes, y découvrons. Il semble reprendre en cela une revendication d’Emerson, qui dans The American Scholar rejetait le grand art en faveur du commun : « Je ne demande pas le grand, le lointain, le romantique, ce qu’on fait en Italie et en Arabie, ce qu’est l’art grec, ou la poésie de ménestrels provençaux : j’embrasse le commun, j’explore le familier, le bas, et suis assis à leurs pieds. » Le cinéma, répondant à la demande émersonienne, est un art démocratique et ordinaire, apte à décrire la réalité quotidienne.
5Ce qui intéresse Cavell, c’est en effet le cinéma comme description de l’ordinaire : des moments de la vie quotidienne. Cela rejoint le mot d’ordre de Wittgenstein : ramener les mots de leur usage métaphysique à leur usage ordinaire. L’idée première de Cavell est que le propre de la pensée américaine se trouve dans son invention de l’ordinaire. Sa seconde idée est que cette invention, commencée avec Emerson et Thoreau, s’accomplit dans le cinéma hollywoodien. Il ne s’agit pas, par ce retour aux usages ordinaires, de mettre fin à la philosophie, mais de la réinventer ou, comme dans ces comédies du remariage dont Cavell a fait un de ses sujets favoris, lui donner une seconde chance.
6L’idée d’ordinaire ne prend cependant son sens qu’en réponse au risque du scepticisme, à cette perte ou cet éloignement du monde qui se révèlent et trouvent leur remède dans le cinéma. Cela nous conduit à voir l’ordinaire non comme immédiateté ou évidence, mais comme perdu, lointain : ce qu’on a sous la main, mais qu’il reste à découvrir. Comme si l’expérience de l’ordinaire était la chose la plus difficile (ce qu’Emerson appelle : « la part la plus ignoble [unhandsome] de notre condition [6] ») et qu’il s’agissait de la recouvrer. Une des affirmations fondamentales de Cavell – dans son premier ouvrage Must We Mean What We Say ? [7] – est que nous ne savons pas ce que nous voulons dire et que la tâche de la philosophie est de nous ramener à nous-mêmes – ramener nos mots à leur usage quotidien, ou ramener la connaissance du monde à la proximité de soi-même. L’appel à l’ordinaire n’est pas une évidence ni une solution ; il est traversé par le scepticisme, par l’« inquiétante étrangeté de l’ordinaire ». Ce qui caractérise l’expérience du cinéma, c’est ainsi d’être à la fois ordinaire (rien n’est plus partageable et évident que d’aller voir des films et de les commenter) et mystérieuse :
Il nous faut toujours revenir à la réalité du mystère que constituent ces objets qu’on appelle des films, qui ne ressemblent à rien sur la terre. Ils ont l’évanescence des exécutions musicales, et la permanence des enregistrements, mais ils ne sont pas des enregistrements (parce qu’il n’existe rien indépendamment d’eux à quoi ils doivent être fidèles) ; et ils ne sont pas non plus des exécutions ou des représentations théâtrales (parce qu’on peut les réitérer parfaitement). Si ce que je pourrais appeler l’évanescence historique du cinéma est effectivement surmontée […] nous devrions en tirer une conscience d’autant plus forte de l’évanescence naturelle du cinéma, le fait que ses événements n’existent qu’en mouvement, en passant.
8Il y a une proximité entre l’expérience du cinéma et ce qui constitue l’ordinaire de notre expérience, son évanescence et sa rémanence. Cette adéquation curieuse définit l’ordinaire du cinéma. Elle permet de comprendre comment on peut apprendre de l’expérience du cinéma, se laisser éduquer par elle, et, pour reprendre une expression de Cavell, parvenir, par l’expérience du film, de ses objets et de ses personnages, à « s’intéresser à sa propre expérience ».
Ces films figurent dans leur expérience comme des événements publics mémorables, des fragments constitutifs des expériences, des souvenirs d’une vie ordinaire. Si bien que la difficulté que nous avons à les juger est la même que celle que nous avons à juger notre expérience de tous les jours, à nous exprimer de manière satisfaisante, à trouver des mots pour ce que nous voulons dire [8].
10S’intéresser à son expérience, savoir ce qui compte pour soi, n’a en l’occurrence rien d’aisé. En effet, rien n’est plus difficile que de décrire l’expérience que nous avons d’un film, puisqu’elle est structurée par le couple vision-souvenir. Le projet de Cavell depuis La Projection du monde est de « se soumettre fidèlement aux exigences stylistiques d’une expression requise par la vision et le souvenir des films » (CM, p. 6). C’est un projet descriptif. Dans toute son œuvre, on trouve des descriptions de films [9] qui sous des dehors modestes parviennent à donner du film une vue synoptique. Comme si le plus difficile était de décrire (Wittgenstein vise constamment cette Übersicht sans l’accomplir lui-même), de dire ce qui se passe moment par moment. Ici la véritable description de l’expérience n’a rien de privé (au sens mythologique, de secret) ou de personnel. Elle est partageable, et inclut la compagnie de ceux avec qui l’on a vu le film. Et la seule source de vérification de la description (qui peut être adéquate ou fausse, rien de relatif là-dedans), c’est soi-même : ce que cherche Cavell, c’est la confiance, la fidélité en sa propre expérience. « Sans cette confiance dans notre expérience, qui s’exprime par la volonté de trouver des mots pour la dire, nous sommes dépourvus d’autorité dans notre propre expérience [10]. »
11Cette question de la description est plus importante qu’il n’y paraît. Combien de comptes rendus, dans les journaux ou les revues de cinéma, sont truffés d’erreurs factuelles sur ce qui se passe dans le film ? Ce phénomène a été relevé très tôt par Cavell. Lors de son premier séminaire sur le cinéma, en 1963, il proposa d’ouvrir les séances en invitant un des participants à faire le compte rendu de l’expérience d’un film – pensant qu’en l’absence de canon critique, ils ne pourraient s’en remettre qu’à leur propre expérience et à leur désir d’en faire part. Or les participants produisirent des descriptions qui n’étaient jamais tout à fait exactes : ou bien l’ordre de la narration n’était pas respecté, ou bien des détails étaient oubliés et, plus souvent encore, rajoutés, etc. « Après cela, note Cavell, j’ai remarqué que quasiment tous les résumés de films […], contiennent au moins une inexactitude de description, et souvent davantage. Est-ce parce que les résumés n’ont pas vraiment d’importance ? » Ici émerge un enjeu premier de la pensée sur le cinéma (« the thought of movies ») : savoir ce qui est important, ce qui compte (matter) pour nous. Cavell parle à ce propos dans À la recherche du bonheur de « l’importance de l’importance », corrigeant en passant une remarque d’Austin (« Importance is not important : truth is [11] »). L’importance est aussi importante que la vérité ; ou plutôt, la vérité se définit aussi par ce qui importe, ce qui compte.
12Pourquoi accorde-t-on si peu d’importance à la description du film ? Pourquoi la critique est-elle d’emblée évaluative (« c’est génial », « c’est sympathique », « c’est inepte »), sinon parce qu’il est plus difficile de décrire que d’évaluer [12] ? L’incapacité à raconter est aussi impuissance à dire l’importance et la signification (significance, concept central chez Cavell) d’un film, et donc ce qu’il peut nous apporter. Arriver à décrire nécessite d’avoir confiance en son expérience, d’avoir les mots pour en rendre compte. Bref, avoir confiance en son langage pour dire les choses, trouver une adéquation entre les mots et ce qu’ils décrivent : c’est cette définition du langage ordinaire qu’Austin propose dans « Plaidoyer pour les excuses » : « Nous nous servons de la conscience affinée que nous avons des mots pour affiner notre perception des phénomènes [13]. » À propos de cette « phénoménologie linguistique », (l’expression est d’Austin [14]), Cavell écrit, dans Must we Mean What We Say ? : « La clarté qu’Austin recherche en philosophie est à atteindre par l’établissement de la carte des champs de conscience qu’éclairent les occasions d’un mot. » Le réalisme se définit à partir de cette capacité d’élucidation de soi par les choses, projet reformulé pratiquement dans les mêmes mots, quelques années après, dans La Projection du monde, à propos de la « technique » qui consiste à parler des films à partir des souvenirs qu’on en a : « Ce qui m’intéresse, c’est de mettre en lumière par la réflexion les causes de ma conscience des films telle qu’elle existe. »
13Cavell, dans la lignée d’Austin, cherche à établir et clarifier le lien entre le langage et les choses, non dans les termes analytiques traditionnels du réalisme ou de la correspondance, mais en fonction de notre adéquation à nos mots, et de nos mots à la description de ce que nous voyons. Arriver à reconstruire un véritable réalisme à partir de cela, savoir montrer par l’examen du langage ordinaire, puis de l’ontologie du cinéma, ce qu’il nomme, dans À la recherche du bonheur, « l’intériorité réciproque des mots et du monde [15] » ; telle est l’ambition de Cavell. Austin demandait, dans « Truth », « Percevons-nous l’image ou le cuirassé ? », « Définissons-nous le mot ( “éléphant”) ou la chose ? ». Comprendre que c’est la même chose (et dans les deux cas la même question), c’est avancer vers la définition d’un réalisme du cinéma, et du réalisme tout court.
La démocratie du cinéma
14Le cinéma, dont le réalisme tient donc à son intrication dans notre expérience ordinaire, est par là même démocratique. La réflexion de Cavell ne se réduit pas à une approche sociologisante de la pratique du cinéma, (quoique Cavell ait aussi écrit sur la culture populaire [16]). Le cinéma est démocratique parce que tout le monde s’en préoccupe et s’en soucie.
Les riches et les pauvres, ceux qui ne se soucient d’aucun (autre art et ceux qui vivent de la promesse de l’art, ceux qui s’enor gueillissent de leur éducation et ceux qui s’enorgueillissent de leu pouvoir ou de leur esprit pratique – tous se soucient de cinéma attendent la sortie des films, y réagissent, se souviennent de ce films, en parlent, en détestent certains et sont reconnaissant pour d’autres.
16Comme l’a rappelé Marc Cerisuelo [17], il n’avait pas échappé à Panofsky que si le cinéma est important pour nous, c’es parce qu’il n’a pas perdu le contact avec un large public – contrairement aux grands arts traditionnels. Pour Panofsky « le film a été créé d’abord et avant tout, comme un divertisse ment populaire sans prétention esthétique qui a redynamisé les liens entre production et consommation artistiques [les quels] sont plus que ténus, pour ne pas dire rompus, dans de nombreuses disciplines artistiques ».
17La technique de Cavell va à l’encontre d’une certaine approche critique, qu’on pourrait dire française si elle n’étai pas aussi « le cauchemar de la critique américaine » : l’obsession de l’esthétique et de l’auteur de cinéma, au détriment de la reconnaissance des genres [18] ; l’obsession de la représenta tion et de l’image, au détriment de l’expérience de la vision du film, de son contexte. Le caractère de « compagnonnage » que revêt l’expérience du cinéma est au centre de l’analyse de Cavell : « Il est dans la nature de ces expériences de films d’être tapissées de lambeaux de conversations, de réactions d’amis avec lesquels je suis allé au cinéma. » On n’a pas le même sou venir, la même expérience d’un film selon la personne avec laquelle on l’a vu. C’est dire, dans les termes d’une certaine philosophie du langage, que l’importance et la signification (significance) d’un film sont « sensibles au contexte ».
18À l’exploration de l’expérience s’ajoute une nouvelle définition du privé. « On apportait avec soi à l’intérieur de la salle ses fantasmes, ses camarades et son anonymat, et on repartait avec, sans qu’il leur soit rien arrivé. » Cette compagnie intime détermine notre mémoire du film : on va au cinéma avec son privé (ce qui définit le privé et le démarque du langage privé, mythologique, que critique Wittgenstein). Cavell ne dit pas voir un film, mais « aller au cinéma » (moviegoing) ; il s’agit d’une pratique, qui articule et réconcilie le privé et le public.
19Le but de Cavell est de proposer un changement de perspective – qu’il appelle parfois révolution – sur le cinéma (ou la culture américaine, constamment surévaluée et sous-évaluée d’un même mouvement). Pour saisir toute l’« importance » du cinéma, il convient d’accepter, comme Cavell l’indique dans le chapitre intitulé « La pensée du cinéma », que le cinéma hollywoodien, par exemple, a autant à nous dire sur la possibilité d’établir un contact avec le monde que la philosophie telle que nous la connaissons, qu’il y a, par exemple chez Capra, une réflexion sur le scepticisme aussi radicale que celle de Hume ou de Kant. Il faut prendre Cavell au sérieux lorsqu’il veut associer, dans À la recherche du bonheur, le propos de It Happened One Night (New York – Miami, F. Capra, 1934) avec celui de la Critique de la raison pure. Évidemment, c’est choquant ; mais c’est cela même qui intéresse Cavell. La pertinence philosophique d’un film est dans ce qu’il dit et montre lui-même, pas dans ce que la critique va y découvrir, ou élaborer à son propos. À cet égard, le public d’aujourd’hui, qui va au cinéma d’abord pour les acteurs, a raison : en tout cas, la lecture que fait Cavell des films, centrée sur l’incarnation des personnages par les acteurs (voir la photogenèse décrite dans CM, p. 74-75, à propos de James Stewart) et sur les types qu’ils peuvent créer rend justice à cette tendance ordinaire, qui est aussi un tribut au réalisme (c’est bien l’acteur que l’on voit, et que l’on nomme).
20L’acteur de cinéma a cette mystérieuse capacité, résumée par Cavell sous le nom de « photogenèse », de se rendre sensible au spectateur, lui permettant ainsi de constituer son expérience. De même que les films s’inscrivent dans des genres, les rôles qu’incarnent les acteurs de cinéma se rangent sous des types constitués par « ressemblance familiale », en fonction de l’interprétation que donne l’acteur. Le type cinématographique ne repose pas sur l’existence d’un « personnage » distinct de l’acteur et transcendant à lui (comme au théâtre), mais sur la récurrence de ce dernier dans ses films différents : « Au cinéma, le type n’est pas avant tout le personnage, mais l’acteur » (PM, p. 228). Dans le cinéma classique mais aussi récent, au même titre que tel ou tel film ou que telle œuvre d’un auteur, on peut voir émerger un objet spécifique, à savoir le type moral (rassemblé par un air de famille) constitué par les différents rôles, disons, d’un John Cusack. Ce serait là une nouvelle définition de l’ œuvre (qui n’aurait rien à voir avec la personnalité ni même l’intelligence de l’acteur) ou de l’objet cinématographique, mieux connectée au genre d’intérêt qu’on peut avoir pour le cinéma.
21Et c’est aussi un intérêt moral, à condition de redéfinir la morale en des termes nouveaux – ni ceux de la valeur, ni ceux du jugement, mais ceux de l’exploration de nos formes de vie ordinaire. Si l’on veut retrouver un intérêt pour la réflexion morale, la sortir de l’« étroitesse de vue » que Cora Diamond, en conclusion de Wittgenstein, l’esprit réaliste [19], déplore dans la philosophie morale (celle des années 1940-1950, dominée par l’émotivisme, mais aussi bien la philosophie morale actuelle), il faut le chercher dans l’exploration de nos conceptions morales, et non dans des théories normatives et moralisantes de l’action bonne ou mauvaise, du jugement et du choix moral, etc. « La justification, en éthique comme ailleurs, a lieu dans le cadre de vies que nous partageons avec d’autres ; mais ce que nous voulons faire compter pour nous dans cette vie n’est pas fixé à l’avance [20]. » La capacité d’improvisation et de deuil propre au cinéma lui donne sa dimension morale.
La morale du cinéma
22Cette dimension morale est chez Cavell une réponse au scepticisme. Le cinéma ne nous donne pas un (autre) monde, ou une certaine vision de notre monde : il nous retire de ce monde. Emmanuel Bourdieu prend à ce propos l’exemple de La Vie est belle (It’s a Wonderful Life, F. Capra, 1946), où le héros est confronté à un monde identique en tout point au monde réel, à ceci près qu’il en est radicalement absent. La signification morale du film est tout entière dans ce moment sceptique : le héros voit un monde de cauchemar d’où son action (positive) a été retirée. Il réintègre et accepte le monde à partir de cette expérience. On a pu remarquer que cette structure sceptique (plongée dans le doute suivie d’une résurrection) était semblable à celle des comédies hollywoodiennes dites « du remariage [21] » : un couple se sépare, puis se retrouve ; la réconciliation est alors une figure de l’acceptation de la finitude et de la différence des êtres, une forme de pardon et d’oubli [22]. On a moins remarqué que cette structure est inhérente à la projection opérée par le cinéma lui-même. Notre expérience du cinéma nous met en présence d’une réalité à laquelle nous n’appartenons pas et qui, par définition, n’est plus ; mais, par le caractère mécanique de la projection du monde, elle permet de surmonter le scepticisme en le vivant. Les êtres et objets qui sont projetés sur l’écran sont là, « trouvés », « c’est-à-dire que nous, en tant que spectateurs, sommes toujours déjà déplacés devant eux » (CM, p. 81).
23Ce qui crée le scepticisme est précisément ce qui nous en fait sortir et mène à une autre forme de réalisme, radicalement non métaphysique. La seule donnée pour le cinéma c’est le réel, en tant que certains de ses fragments comptent (matter) pour nous, font partie de nous, sont des fragments de notre expérience [23].
Pour répondre à la question « qu’advient-il des objets quand ils sont filmés et projetés ? » – et à la question : « qu’advient-il à des personnes données, à des lieux précis, à des sujets et à des motifs » – il n’existe qu’une seule source de données, c’est-à-dire l’apparition et la signification (significance) des objets et des personnes qui se trouvent précisément dans la série des films ou passages de films qui comptent (matter) pour nous.
25Pour explorer ces données, comme en philosophie du langage ordinaire, il faut « déterminer la nature de ces apparitions, de ces significations, de cette importance » (mattering). Cela signifie se laisser éduquer par l’expérience du film, et retrouver là aussi une passivité de l’expérience, et aimerait-on dire de l’impressivité, qui est (comme le montre Cavell d’une autre façon dans Les Voix de la raison [24]) ce que la philosophie veut constamment dépasser pour atteindre le réel, en le perdant ainsi le plus sûrement. Pour Cavell, qui reprend Emerson, le problème du réalisme – notre problème – n’est pas d’interpréter ou de dépasser l’expérience, mais de l’avoir, tout court. S’il y a une réalité que le cinéma représente (projette) c’est bien celle-là ; du coup le cinéma permet de surmonter le scepticisme, non par une nouvelle certitude, mais par la reconnaissance de notre condition. Comme dans les comédies du remariage, où les retrouvailles du couple ne signifient pas la disparition du problème, mais l’acceptation de la finitude et de la répétition du remariage, en somme : la reconnaissance (acknowledgement) de la condition ordinaire. Une telle acceptation est au centre de ces comédies dont nombre de films récents (commentés par Cavell dans le chapitre intitulé « Ce que le cinéma sait du bien ») sont héritiers aujourd’hui, constituant ainsi un nouveau genre.
26On comprend mieux dans cette perspective la nature de l’approche morale de Cavell dans Le cinéma nous rend-il meilleurs ?. La morale du cinéma n’est certainement pas dans un « contenu » moral, dans une inspiration morale, ou dans la conformité de ce que nous verrions à l’écran à des règles ou valeurs morales. Pour Cavell, par exemple, il n’y a rien de moral dans le remariage : il y a même quelque chose d’immoral, une transgression, comme il le remarque à propos de La Marquise d’O ou du Conte d’hiver, deux films de Rohmer auxquels il a consacré de brillantes analyses [25] : « Qu’ils se remettent ensemble, ce n’est pas une bonne chose du point de vue utilitariste, et ce n’est pas juste, ce n’est pas la chose à faire, d’un point de vue d’inspiration kantienne [26]. »
27Dans La Marquise d’O., le remariage a lieu, dit Cavell, après « un tort de l’espèce la plus vile » (le viol de la Marquise), et le pardon final n’a pas de justification : il vient « quand s’épuisent les justifications morales et qu’on doit montrer quelque chose ». La morale du cinéma émerge dans l’immanence des situations, des conversations et des pratiques que nous voyons à l’écran : elle est là, sous nos yeux ; comme le sens de nos mots est là, dans ce que nous disons, et pas ailleurs. C’est en cela que le cinéma nous éduque ou peut « nous rendre meilleurs » : pas dans des conclusions morales à tirer, mais dans des exemples – des exemples ordinaires. Cavell, dans « Ce que le cinéma sait du bien », voit dans cette aspiration morale une raison de ce que le cinéma peut « maintenir une relation si heureuse avec un si vaste public ».
28Il y a ainsi une sorte d’affinité entre le cinéma, les bons films, et une conception particulière du bien, une conception totalement étrangère, ou transversale, aux « théories morales dominantes dans les universités ». Mais qu’est-ce alors, selon Cavell, qu’un « bon film » (good) ? Répondre à cette question, c’est précisément « proposer une caractérisation de cette conception différente du bien ». Le « bon film » nous permet de nous connaître, de comprendre à quoi nous nous intéressons, par sa qualité et sa profondeur intellectuelle propre. Les mélodrames ou comédies auxquels Cavell a consacré ses livres en sont des exemples ; ce ne sont pas les seuls. Pour Cavell, reconnaître la valeur intrinsèque d’un « bon film » revient à reconnaître sa valeur morale, dès lors qu’une telle valeur n’a rien d’une édification. La conception du bien de Cavell est plus proche des éthiques de la vertu (de l’éducation et l’élucidation de soi) que des éthiques normatives ; elle est définie par le perfectionnisme et la confiance en soi – cette confiance qu’il nous faut éduquer pour pouvoir apprendre nous-mêmes quelque chose du film. « Cette conception aura quelque chose à voir avec le fait d’être fidèle à soi-même ou (d’après le titre de Foucault) avec le souci de soi, donc avec une insatisfaction, parfois un désespoir, envers le moi tel qu’il est » (CM, p. 87).
29Les comédies et les mélodrames, qui permettent « de devenir (ou d’être changé en) une certaine sorte de personne (la même mais différente) », constituent un « laboratoire » de la conversation (ou de la revendication) morale, le lieu où se trouve, réellement, la morale. Le réalisme (moral) consiste alors à voir les choses telles qu’elles sont, à les accepter (ainsi le « Okay » de Jim Carrey). Ce réalisme est aussi celui que propose Cora Diamond : non pas l’affirmation ou la connaissance d’une réalité ou de réalités mythologiques, mais l’acceptation du fait que nous faisons partie de cette réalité, que nous sommes dedans – ordinaires. Il faut alors la décrire dans ses détails :
[…] voir dans le laboratoire du cinéma la démocratisation du perfectionnisme, reconnaître ce dont nous sommes capables dans les confrontations quotidiennes, répétées, non dramatiques sur lesquelles le cinéma attire notre attention. […] les affronts que nous nous infligeons, une pensée méchante inexprimée ou déguisée, un regard dur, une mauvaise foi délibérée, une fluctuation de notre loyauté, une louange ou un blâme aveugles ou désinvolte – les innombrables signes de notre scepticisme à l’égard de la réalité, de la séparation, de l’autre – nous font courir le risque de souffrir, ou d’endurer, des petites morts quotidiennes.
31La moralité, comme le cinéma, n’est plus un domaine séparé, et au contraire, le véritable réalisme moral consiste à reconnaître que la morale n’est pas ailleurs que dans ces fragments de nos expressions quotidiennes, verbales et physiognomoniques,
32Mais il s’agit ici de films d’une certaine époque de Hollywood, et la question demeure pour Cavell : est-ce qu’on réalise encore aujourd’hui des comédies du remariage ? Y a-t-il quelque chose qui y ressemble dans le cinéma actuel, et qui prolongerait cette « affinité entre le cinéma en général et la moralité perfectionniste » ? Cavell examine un certain nombre de films récents qui, tout en n’étant plus (pour des raisons sociologiques évidentes) des comédies du remariage, « présentent tous une interprétation de l’un ou l’autre des traits du remariage » : parmi lesquels Groundhog Day (Un jour sans fin) auquel il a consacré de remarquables passages, et surtout une série de films avec John Cusack (Say Anything, Grosse Point Blank, The Sure Thing) qui construit, à travers les incarnations successives de l’acteur (auxquelles on pourrait ajouter sa performance plus récente dans High Fidelity), par une exploration de la qualité de sa sensibilité, de sa photogenèse (définie par Cavell comme « ce qu’il advient de son tempérament à l’écran », sa « capacité à souffrir », à sentir), quelque chose comme une éthique immanente.
33Les moments de ces films, comme les moments où nous les avons vus, font partie de nos existences ordinaires.
34Être réaliste, c’est simplement accepter que des choses, des moments, des gens s’inscrivent en nous. Le cinéma nous éduque à cette acceptation – qui n’a rien de facile, comme le montre la tentation du scepticisme (ou le fantasme parallèle d’un esprit sans inscription, celui d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind). Pour comprendre ce qu’est être réaliste en philosophie, il faut comprendre cette variété de réalisme moral, et voir la place du cinéma dans notre forme de vie – percevoir le fait que des choses, des moments, des expressions, projetés sur un écran, font partie de cette vie. Le plus difficile en philosophie, a dit Wittgenstein, c’est de savoir où commencer. C’est par l’expérience du cinéma que devrait aujourd’hui commencer la réflexion sur le réalisme.
Notes
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[1]
The World Viewed, Penguin Books, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971, 1979.
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[2]
Pursuits of Happiness, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1981, trad. C. Fournier et S. Laugier, À la recherche du bonheur, Paris, Éd. des Cahiers du cinéma, 1993. Voir aussi S. Cavell, Cities of Words, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2004. Et les textes rassemblés dans Stanley Cavell, Cinéma et philosophie, M. Cerisuelo et S. Laugier (éds.), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2000.
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[3]
C’est le titre d’un chapitre de La Projection du monde.
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[4]
Voir E. Panofsky, « Style and Medium in the Moving Pictures », D. Talbot (dir.), Film, New-York, Simon & Schuster, 1959, p. 31 (trad. B. Turle, « Style et matière du septième art », Trois essais sur le style, Paris, Le Promeneur, 1996, p. 139).
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[5]
J. L. Austin, Sense and Sensibilia, Oxford, Oxford University Press, 1962, p. 26.
-
[6]
Dans son essai « Experience ». Voir le dossier « Emerson, L’autorité du scepticisme », Revue française d’études américaines, 2002 et aussi S. Laugier, Une autre pensée politique américaine, la démocratie radicale d’Emerson à Cavell, Paris, Éd. Michel Houdiard, 2004.
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[7]
Cambridge, Cambridge University Press, 1969, 1976.
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[8]
S. Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 46.
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[9]
En particulier, dans son dernier ouvrage Cities of Words.
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[10]
S. Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 19.
-
[11]
J. L. Austin, « Pretending », Philosophical Papers, Oxford, Oxford University Press, 1962, p. 271, trad. L. Aubert et A.-L. Hacker, Écrits philosophiques, Paris, Éd. du Seuil, p. 228. Voir aussi M. Cerisuelo, « L’importance du cinéma », Stanley Cavell, Cinéma et philosophie, op. cit.
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[12]
J’ai été récemment frappée, par exemple, de l’incapacité des critiques à simplement décrire ce qui se passe (raconter l’histoire) dans un film, par ailleurs bien apprécié, Eternal Sunshine of the Spotless Mind (M. Gondry, 2004)
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[13]
J. L. Austin, Écrits philosophiques, op. cit., p. 144.
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[14]
Voir sur ces questions J. Benoist et S. Laugier (éds.), Husserl et Wittgenstein, de la description de l’expérience à la phénoménologie linguistique, Hildesheim, Olms, 2004.
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[15]
S. Cavell, À la recherche du bonheur, op. cit., p. 194.
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[16]
Voir les textes cruciaux de R. Warshaw sur la culture populaire et notamment la présentation qu’en donne Cavell, dans Trafic, n° 50.
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[17]
Voir le texte de M. Cerisuelo, « L’importance du cinéma », art. cit.
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[18]
Voir l’analyse d’E. Bourdieu, « Stanley Cavell, pour une esthétique d’un art impur », Stanley Cavell, Cinéma et philosophie, op. cit.
-
[19]
C. Diamond, The Realistic Spirit, Cambridge Mass., MIT Press, 1991, trad. E Halais et J.-Y. Mondon, Wittgenstein, l’esprit réaliste, Paris, PUF, 2004.
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[20]
Ibid., p. 28.
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[21]
Voir À la recherche du bonheur, op. cit., et le dossier « Lien conjugal et recherche du bonheur », Esprit, mai 1999.
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[22]
On retrouve cette structure, radicalisée, dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, en particulier dans le « Okay » final prononcé par Jim Carrey, symétrique du « I do » qu’il énonce dans une des premières conversations du film (que l’héroïne entend comme la formule du mariage).
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[23]
De ce point de vue, Eternal Sunshine (encore) constitue, non seulement une reprise des comédies du remariage, mais aussi – par la figure de son héros s’accrochant à des morceaux de son existence au moment où, effacés de sa mémoire, ils disparaissent – une forme de reprise de La Vie est belle : l’horreur réside cette fois-ci non pas dans un monde où je ne suis pas, mais dans un monde où l’autre n’est pas, mais d’où par là même je disparais aussi. Le film est, tout comme le film de Capra, une réflexion sur le cinéma – et du cinéma – en tant qu’il projette l’expérience de la perte du monde et de notre propre expérience, constituée de fragments de souvenirs et d’images (voir M. Cerisuelo, art. cit.).
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[24]
The Claim of Reason, Oxford, Oxford University Press, 1979, trad. S. Laugier et N. Balso, Les Voix de la raison, Paris, Éd. du Seuil, 1996.
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[25]
Voir CM, ch. 4, et Conditions nobles et ignobles, Paris, Éd. de l’éclat, 1993, ch. 3.
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[26]
Ibid., p. 196.