La dernière leçon de Roland Barthes au Collège de France, le 23 février 1980, fut mélancolique. Barthes tirait les conclusions de deux années d’enseignement sur La Préparation du roman. Or le roman n’avait pas suivi. Deux jours plus tard, Barthes fut victime d’un accident près du Collège, accident qui n’aurait pas dû mettre sa vie en danger, mais dont il ne se remit pas. Certains n’ont pas manqué de donner un sens à cette coïncidence.
« [Q]uelle serait la conclusion de ce cours ? – L’œuvre elle-même », demandait et répondait Barthes le 23 février (p. 377). Mais le cours s’achevait sans l’œuvre : « Hélas, en ce qui me concerne, il n’en est pas question : je ne puis sortir aucune Œuvre de mon chapeau, et de toute évidence sûrement pas ce Roman dont j’ai voulu analyser la Préparation. » L’interjection, qui exprime le regret, vaut un aveu : Barthes n’aurait pas été contrarié que le cours eût abouti à un roman; un roman n’eût pas été une conséquence inopportune du cours.
Suivait un passage biffé, ou plutôt deux, que Barthes ne prononça donc pas le 23 février 1980. Premier passage : « Y arriverai-je un jour ? Il ne m’est même pas évident, aujourd’hui où j’écris ces lignes (1er novembre 1979) que j’écrirai encore, sinon des choses sur la lancée, l’acquis, dans la répétition, et non dans la Novation, la Mutation. » Barthes renonça à livrer cette confidence désabusée, à dire tout haut son incertitude sur l’avenir de ses travaux ; il ne voulut pas exposer la panne qu’il vivait, consignée, il est vrai, trois mois plus tôt, un jour peu favorable aux projets, la Toussaint…