Olivier Cadiot
Parce qu’il a théorisé l’emploi du sample en littérature au début des années quatre-vingt-dix, parce qu’il s’est choisi Robinson pour héros, l’archétype du naufragé, génie de la survie, forçat du recyclage, Olivier Cadiot est devenu pour beaucoup le représentant de ce que pourrait être une littérature « postmoderne ». Et sans doute l’est-il (virtuose), peut-être l’a-t-il en effet été (post-quoi ?). On conçoit que Futur, Ancien, Fugitif et L’Art Poétic’ aient pu en tout cas le laisser croire.L’Art Poétic’ parce qu’il s’agissait effectivement d’un livre fait de samples, encore que le genre très particulier des citations prélevées aurait dû retenir l’attention : échantillonner de la grammaire, ce n’est pas exactement faire des cut-up, ce n’est pas détourner, neutraliser ou recycler du langage déjà investi de sens, mais précisément le contraire, injecter du sens dans du machinal, dans du neutre, (é) motiver de l’infiniment recyclable (et au fond, ce n’est rien d’autre qu’« écrire »).Futur, Ancien, Fugitif parce que son Robinson s’y trouvait vraiment être Crusoë, le naufragé contraint de se fabriquer des outils avec les restes de son bateau, et un bateau avec les restes de ses outils, comme Olivier Cadiot aime à dire qu’il est contraint d’élaborer sa poésie avec de la prose et sa prose avec de la poésie. Il y avait vraiment une île, un perroquet et des caisses en bois avec de vrais morceaux de souvenirs et de correspondance dedans. Mais il y avait aussi autre chose, et on peut se demander si, faute d’avoir vu assez tôt qu’il y avait plus à ses livres que des collages, plus à sa vision du monde que la « fin des grands récits » – ce pont aux ânes de la pensée contemporaine – plus à son Robinson, en somme, que des robinsonnades, on n’a pas fini par faire d’Olivier Cadiot une sorte de caricature de lui-même…