Voici un livre inattendu et stimulant, un livre foisonnant et rigoureux à la fois. Il peut être lu selon deux perspectives assez différentes (même si elles sont, en fait, imbriquées). Tout d’abord et avant tout, il nous donne l’occasion de (re)découvrir l’objet de pensée qu’il élit et, corrélativement, les « résultats » (la série de thèses) obtenus dans le mouvement de saisie de cet objet. Quel objet ? Appelons-le provisoirement : le crédit en général, même si cette dénomination masque un peu sa complexité, la façon dont il se trouve traversé de points et de lignes d’hétérogénéités, la nécessité qui s’impose de le construire simultanément dans des domaines réputés hermétiques les uns aux autres. Mais lire Le Temps du crédit, c’est également suivre une démarche qui souvent déroute, qui ne ménage pas le lecteur, qui n’hésite pas à le déloger de toute position de confort ou de maîtrise reposant sur des savoirs constitués. Qu’est-ce que « le crédit » désigne ici ? Un mot tout d’abord. Des œuvres ensuite. Et puis un événement. Cette réponse en trois temps ne suit pas le plan de l’ouvrage, Le Temps du crédit ayant plutôt tendance à mettre d’abord l’accent sur l’événement et sur son écho dans des œuvres, et à proposer pour finir certaines ouvertures vers la question lexicale. Elle vise à rendre compte des principales hypothèses de Jean-Michel Rey à propos du crédit, mais aussi à éclairer son travail de façon plus générale, en recourant à certains de ses autres livres, et en mettant l’accent sur sa démarche, à la croisée de la philosophie et de la théorie de la littérature…