Notes
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[1]
Le ministre des Affaires économiques de l’époque, Willy Claes, se serait opposé à la publication des premiers résultats de l’enquête, ceux-ci induisant d’importantes différences de consommation entre les régions du pays et pouvant, par là, mener à la revendication d’indices particuliers pour chacune de celles-ci.
-
[2]
A.Wibail, "Evolution comparée des index-numbers de prix", Revue du Travail, octobre 1938, pp.1220 et suivantes.
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[3]
Voir infra, II, La naissance de l’index.
-
[4]
V.Lion, "La modernisation de l’index des prix de détail", C.S.C., Revue d’étude de la Confédération des syndicats chrétiens belges, juillet-août 1955, n°4, pp.235 à 271.
-
[5]
Sur Jean Bodin, voir Jean Touchard, Histoire des idées politiques, "Thémis", PUF, T.1, 4e éd., pp.286-293.
-
[6]
Jean-Louis Boursin, Les indices de prix, Presses universitaires de France, Collection "Que sais-je ?" n°1777, 1977.
-
[7]
V.Lion, "La modernisation de l’index des prix de détail", op.cit., p.238.
-
[8]
"L’index des prix de détail", Bulletin hebdomadaire de la Kredietbank, 11 juin 1966, n°24, p.226.
-
[9]
Fernand Baudhuin, Histoire économique de la Belgique, Tome I, "Grandeur et misère d’un quart de siècle", Bruylant, 1946, pp. 275-276 et 309-310.
-
[10]
Sur la réforme intervenue en 1939, voir Armand Julin, "La réforme de l’indice des prix de détail", Revue du Travail, mai 1939, pp.701 à 716.
-
[11]
A propos de cette équivalence entre les deux indices, se rapporter à Aimé Wibail, "Evolution comparée des index-numbers des prix de détail et du coût de la vie", Revue du Travail, octobre 1938, pp.1209 à 1229.
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[12]
V. Lion, "La modernisation de l’indice des prix de détail", op.cit., p.236.
-
[13]
Voir à ce sujet "La réforme de l’index des prix de détail", Courrier Hebdomadaire du CRISP n°362, 14 avril 1967. Cette étude relate de manière minutieuse les négociations qui se déroulèrent à propos de la réforme de l’index de 1960 à 1967.
-
[14]
Cf. "Le nouvel indice des prix à la consommation", Bulletin hebdomadaire de la Kredietbank, 7 septembre 1968, n°33.
-
[15]
Pour tout ce qui concerne la localisation des relevés de prix dans l’indice de 1968, voir "L’indice des prix à la consommation", C.H. du CRISP n°771, 20 février 1970.
-
[16]
Ministère des Affaires économiques, La réforme de l’indice des prix à la consommation en 1976, Direction générale des études et de la documentation, Bruxelles, juin 1976, p.3.
-
[17]
Voir ci-dessous, V, p. 23.
-
[18]
Voir "Le nouvel indice des prix à la consommation", Bulletin hebdomadaire de la Kredietbank, 4 juin 1976, n°23, p.3.
-
[19]
Ministère des Affaires économiques, "La réforme de l’indice des prix à la consommation en 1976", M.A.E., Direction générale des études et de la documentation, Bruxelles, juin 1976, p.29.
-
[20]
L’Administration du Commerce appartient au Ministère des Affaires économiques.
-
[21]
En réalité, ce ne sont pas toujours les prix de 358 postes qui sont relevés, puisque la composition du panier des fruits et légumes frais varie d’un mois à l’autre.
-
[22]
Pour les coéfficients de pondération par article et par centre de relevés, ainsi que pour les formules mathématiques utilisées, se rapporter à "La réforme de l’indice des prix à la consommation en 1976", Ministère des Affaires économiques, Administration du Commerce, Direction générale des études et de la documentation.
-
[23]
Moniteur belge du 6 janvier 1968.
-
[24]
Moniteur belge du 4 avril 1935.
-
[25]
Voir notamment celle publiée en 1981 par André Moreau, administrateur délégué de l’Institut pour la promotion de la formation permanente du Hainaut.
-
[26]
Voir, à ce sujet, "50 centimes sur l’essence, ou comment "aménager" l’index", Pourquoi Pas ?, 20 mai 1982.
-
[27]
La C.G.T., en France, calcule son propre indice des prix à la consommation, à partir de 15.000 relevés opérés chaque mois dans la seule région parisienne.
-
[28]
Voir à ce sujet Jos Schoonbroodt, "L’escalade des prix", La Cité, 3, 4 et 5 mars 1981.
-
[29]
Bureau international du Travail, L’indexation des salaires dans les pays industrialisés à économie de marché, Genève, p.25.
-
[30]
Josef Stadlbauer, Rapport sur les indices des prix à la consommation dans les pays des communautés européennes, Eurostat, p.11.
-
[31]
Bureau international du Travail, Guide Technique, tome I, les prix à la consommation, Genève.
-
[32]
Jacqueline Poelmans, "Calcul d’un indice de prix pour les "cadres"", Cahiers économiques de Bruxelles, n°58, 2e trimestre 1973, pp.189 à 218.
INTRODUCTION
1Le 9 octobre 1982, à la suite de l’échec de la concertation sociale sur la modération salariale et la réduction de la durée du travail, le Premier ministre Wilfried Martens annonçait, outre le retour prochain au système d’indexation, la réforme de l’indice des prix à la consommation qui devrait entrer en vigueur à partir de juillet 1983.
2Déjà l’on s’interroge dans les milieux patronaux et syndicaux invités à participer à cette révision : le futur indice restera-t-il l’indicateur économique "objectif" que l’on connaît aujourd’hui, ou bien optera-t-on pour un index "épuré", expurgé" ? A partir de quelles données la nouvelle nomenclature de l’indice serait-elle élaborée ?
3D’ores et déjà, les interlocuteurs sociaux semblent unanimes sur deux points : l’indice doit conserver, à peine de perdre sa crédibilité tant dans l’opinion que le monde économique, le caractère scientifique qui est le sien aujourd’hui. Faut-il lui adjoindre un indice particulier qui servirait de base à la liaison des rémunérations à l’évolution du coût de la vie ? La question n’est pas encore tranchée.
4Autre point d’accord : l’enquête réalisée par l’Institut national de Statistiques sur le budget des ménages, d’octobre 1978 à septembre 1979, ne peut, comme telle, être utilisée pour la confection de la nomenclature du nouvel indice. C’est que, d’une part, elle a été réalisée il y a plus de trois ans et que, depuis, en raison de l’accentuation de la crise et du second choc pétrolier, les comportements des consommateurs se sont sensiblement modifiés. D’autre part, certains ne cachent pas leurs réticences à l’égard de résultats qui n’ont été rendus publics que près de deux ans après la clôture de l’enquête [1]. Quoi qu’il en soit, les négociations qui vont s’engager entre les interlocuteurs sociaux, au sein de la Commission de l’indice, voire à un échelon plus élevé (avec le gouvernement), s’annoncent aussi serrées que celles qui se déroulèrent lors des deux précédentes réformes.
5C’est l’un des objectifs de ce présent Courrier : permettre au lecteur de mieux saisir l’enjeu des discussions qui, de décembre 1982 à juin 1983, auront pour objet de dégager les grandes lignes de la réforme annoncée.
6A cet effet, ont été rassemblées dans cette étude un certain nombre de données relatives à la signification de l’indice des prix à la consommation, à sa naissance en 1920, aux réformes qu’il a connues en quelque soixante ans, à sa structure, aux procédures qu’implique son établissement, aux manipulations auxquelles il risque d’être soumis. Une analyse comparative des indices des prix belges et étrangers clôture ce Courrier Hebdomadaire.
7Le CRISP publiera dans les prochaines semaines un Courrier spécifiquement consacré à la problématique de l’indexation des rémunérations.
I – LA SIGNIFICATION DE L’INDICE
81. L’indice des prix à la consommation du Royaume, dénomination officielle, de l’indicateur économique couramment appelé "index", est un instrument d’appréciation de l’évolution des prix au cours d’une période déterminée. Plus précisément, il s’agit d’un rapport chiffré entre les prix relevés à un moment donné et les prix relevés à une période de référence.
9Autrement dit, si l’indice d’octobre 1982 se situe à 171,87 par rapport à la base juillet 1974-juin 1975=100, cela signifie qu’au cours des sept dernières années, la moyenne des prix à la consommation a augmenté de 71,87 %.
102. Si l’indice des prix vise donc à reproduire les mouvements des prix, il ne fournit aucune indication sur le niveau des prix en termes absolus.
11Si deux pays introduisent à un même moment un indice identique qui, au bout d’un an, se situe à 107 dans l’un et à 110 dans l’autre, on ne peut en déduire que le coût de la vie dans le second est plus élevé que dans le premier. Ainsi, si on prend 1975=100 comme indice de base commun à la Belgique, à l’Allemagne, à la France et à l’Italie, le niveau des prix se situait en juin 1982, respectivement à 158,8, 136,7, 208,9 et 292,2. Pareille évolution ne signifie pas que le coût de la vie en Belgique ou en Allemagne soit inférieur à celui de la France ou de l’Italie ; elle indique simplement qu’entre 1975 et 1982, les prix ont augmenté plus rapidement dans ces deux derniers pays que dans les deux premiers.
12De même, en Belgique, sont calculés chaque mois des indices provinciaux. Alors que la base juillet 1974-juin 1975=100 était identique pour chacune des neuf provinces, l’indice observé en octobre 1982 s’établissait à 170,81 pour la Flandre orientale, à 171,10 en Flandre occidentale, à 173,53 dans la province d’Anvers et à 175,68 dans la province du Luxembourg. Ici aussi, il serait erronné d’en conclure que le coût de la vie dans ces deux dernières provinces est supérieur à celui des deux Flandres. On peut uniquement en déduire qu’entre 1975 et 1982, les prix ont augmenté de manière plus sensible dans certaines provinces que dans d’autres.
133. L’indice des prix à la consommation porte sur les prix des produits et services offerts aux ménages consommateurs. Il doit donc être distingué de l’indice des prix de gros, également établi et publié chaque mois.
14Ce dernier mesure l’évolution des prix des matières premières, des produits demi-finis et des produits finis, qu’ils soient agricoles ou industriels.
15Si, sur un intervalle de plusieurs années, il existe une certaine relation entre les mouvements de ces deux indices, en revanche, sur une période de courte durée, leurs évolutions respectives sont souvent dissemblables : les prix de gros évoluent plus rapidement, et avec des écarts plus sensibles que les prix de détail. L’explication de cette divergence doit être trouvée d’une part dans des différences de méthode de calcul (nombre restreint d’articles, utilisation de la moyenne géométrique, etc.), et, d’autre part, dans la nature particulière des produits pris en considération pour l’indice des prix de gros, dont l’évolution est largement influencée par le comportement des marchés mondiaux.
164. Depuis la réforme de 1976, l’indice belge des prix à la consommation est un indice de type budgétaire, alors qu’auparavant, il était de type dit monétaire.
17Dans l’indice budgétaire, appelé également "indice du coût de la vie", un coéfficient de pondération différent est attribué à chaque produit ou service repris dans l’indice. Il s’agit de suivre au plus près et dans toute sa complexité, l’évolution des dépenses d’un budget familial type qui est supposé être représentatif de l’ensemble des budgets familiaux. Les dépenses d’une famille, même si on ne prend qu’un type de famille en considération, sont extrêmement diversifiées et, dès lors, la nomenclature de l’indice doit comprendre un nombre très élevé d’articles (au moins 400 à 500), et chacun de ces articles ne représente évidemment qu’une fraction infime du budget, fraction déterminée après une enquête approfondie auprès de milliers de familles. Puisque les habitudes de consommation d’une famille peuvent évoluer très rapidement, en fonction de l’évolution des revenus et des modifications apportées aux produits et services offerts sur le marché, il convient de procéder régulièrement à de nouvelles enquêtes et de réviser périodiquement la nomenclature, de manière à en enlever les articles qui ont tendance à tomber en désuétude et à revoir les coéfficients de pondération.
18Dans le cas d’un indice monétaire, appelé parfois "indice des prix de détail", les différents articles repris dans la nomenclature ont la même importance, quelle que soit leur part dans le budget des ménages ; l’objectif n’est pas de mieux cerner l’évolution du coût de la vie et du pouvoir d’achat, mais bien de refléter des mouvements de prix de manière absolument générale. Généralement, le nombre d’articles qui le compose est relativement limité (aux alentours de 100), et la nomenclature elle-même n’est revisée que très périodiquement. On perçoit évidemment très vite les avantages de ce type d’indice : il est établi de manière très rapide et les risques de contestation sont réduits, tant les manipulations seraient vite décelées. En même temps, on devine aisément le reproche qui peut être formulé : les hausses de prix qu’il révèle correspondent-elles à celles que le consommateur moyen subit ?
19La distinction est évidemment importante du point de vue théorique. Elle l’est moins sur le plan pratique.
20Diverses études réalisées en Belgique ont en effet abouti à la constatation qu’il existait une corrélation très étroite, voisine de l’unité, entre les évolutions respectives des deux indices, au moins sur une période moyenne. La première, réalisée avant la deuxième guerre mondiale [2] indique que l’indice des prix de détail, qui a servi de base à l’indexation des salaires entre 1921 et 1940, et l’indice du coût de la vie [3], ont connu des courbes extrêmement convergentes et ont atteint en 1938 le niveau 760 pour le premier et 742 pour le second (base 1921=400). La seconde, réalisée en 1955 par le président de la Commission de l’index [4], compare l’évolution entre 1950 et 1955, de l’indice des prix de détail (l’indice du coût de la vie a été abandonné en 1940) et l’index du coût de la vie établi par l’Institut de recherches économiques et sociales de l’Université de Louvain (I.R.E.S.) : le premier a augmenté en cinq ans de 10,3 %, à comparer avec un accroissement de 12,2 % pour le second.
21Une explication à cette divergence somme toute fort restreinte : en Belgique, comme à l’étranger, les deux formules n’ont jamais été appliquées de manière très stricte, en ce sens que même l’indice des prix de détail est doté d’une pondération "implicite" ou "invisible" : le choix des produits qui le compose est inévitablement proche de celui qui pourrait être déduit d’une enquête budgétaire.
II – HISTORIQUE
22Les premiers relevés de prix, effectués de manière quelque peu systématique remontent au début du seizième siècle. Le jurisconsulte Jean Bodin [5] en cite un certain nombre dans un ouvrage intitulé "Réponses aux paradoxes de M. de Malestroit touchant l’enchérissement de toutes les choses et des monnaies". Quelques années plus tard, par l’Edit de Villers-Cotterêts, François 1er ordonne aux municipalités de tenir un état hebdomadaire des diverses marchandises.
23Il faudra toutefois attendre la fin du 19ème siècle pour voir apparaître les premiers indices réellement fiables, avec notamment celui publié par la revue américaine Bradstreet et fondé sur les prix de 110 marchandises (prix ramenés à une unité de poids commune). En 1902, le Bureau du Travail américain publie un indice officiel des prix de gros. En 1904, la Statistique générale de la France publie un indice annuel des prix de détail, qui deviendra mensuel à partir de 1911. Semblable indice n’apparaîtra en Belgique qu’au lendemain de la première guerre mondiale, en 1920 [6].
1 – La naissance de l’indice (1920)
24Entre 1914 et 1918, le coût de la vie a connu en Belgique une hausse extrêmement prononcée. Aussi, peu après l’armistice, parallèlement aux revendications de nature politique, les organisations ouvrières formulèrent un certain nombre d’exigences à caractère salarial. Elles réclamèrent notamment la garantie d’un pouvoir d’achat équivalent à celui dont les travailleurs bénéficiaient avant le déclenchement des hostilités.
25Devant l’absence d’accords entre les employeurs et les représentants des salariés à propos d’une base incontestée de comparaison et en raison de la multiplication des conflits sociaux, le ministre du Travail de l’époque, A.Wouters, fit effectuer des recherches sur les prix pratiqués en 1914. Une "Commission de la vie chère" fut créée et placée sous la direction de A.Julin, secrétaire général du Ministère du Travail. Ne disposant d’aucune donnée précise sur les différents postes du budget des ménages, la commission opta pour l’élaboration, dans l’immédiat, d’un indice des prix de détail de type monétaire [7].
26Publié officiellement au début de 1920, cet indice comprenait les prix pratiqués en avril 1914 (base 100) pour 56 produits et relevés dans 59 localités. Le nombre d’articles pris en considération (56, contre 358 actuellement) peut paraître peu élevé. C’est qu’il s’agissait d’une enquête portant sur des prix appliqués six ans auparavant, avec toutes les incertitudes qu’implique semblable recherche. Au demeurant, les dépenses d’un ménage moyen de l’époque étaient infiniment moins diversifiées qu’elles peuvent l’être aujourd’hui. En revanche, le nombre des centres de relevés (59, contre 62 actuellement) peut être jugé très satisfaisant, même si les différences entre les prix pratiqués à travers le pays étaient plus sensibles il y a soixante ans.
27Cet indice des prix de détail fut immédiatement utilisé dans plusieurs secteurs, et notamment par la Commission nationale mixte des mines qui, en juillet 1920, décida de lier les salaires des mineurs à l’évolution de l’indice des prix de détail [8].
28Parallèlement, une vaste enquête sur le mode de vie des ménages fut entreprise à Bruxelles, à Anvers et dans la région du Centre tout d’abord, à travers tout le pays ensuite. Ses résultats permirent de calculer des coéfficients de pondération et débouchèrent sur l’élaboration, en 1923, d’un index pondéré de type budgétaire, dit "index du coût de la vie". Les deux indices furent publiés mensuellement jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Mais seul l’index des prix de détail fut utilisé comme instrument régulateur des rémunérations, et l’indice budgétaire fut purement et simplement abandonné en 1940 [9].
29En avril 1935, la Commission de la vie chère fut remplacée par la "Commission des nombres-indices des prix de détail et du coût de la vie".
2 – La première réforme (1939)
30Après une quinzaine d’années de fonctionnement de l’indice, il apparut que l’éloignement progressif de la période de base imposait certaines modifications, tant pour des raisons techniques que pour des motifs d’ordre psychologique. Les deux reproches les plus souvent formulés étaient, d’une part, une sensibilité excessive de l’indice aux variations saisonnières et, d’autre part, l’inadéquation de la liste des articles aux habitudes de consommation. Depuis 1914, en effet, de nombreux produits avaient, sinon disparu, au moins vu leur substance ou leurs caractéristiques considérablement modifiées.
31La "Commission du nombre-indice des prix de détail" fut chargée d’examiner les diverses propositions de réforme. Si elle décida, d’emblée, de ne pas suivre la suggestion qui avait été émise d’éliminer purement et simplement, de l’indice l’incidence des variations saisonnières, elle préconisa néanmoins l’adoption d’une période de base très large (100=moyenne des années 1936-1937-1938), ce qui permettait d’échapper dans une certaine mesure à la forte sensibilité aux dites variations.
32En revanche, seuls treize produits furent retirés de l’indice, parmi lesquels l’huile d’olive, le lard américain, et remplacés par treize autres articles (conserves de légumes, bière en bouteille, conserve de saumon, etc.). En fait donc, le nombre des 56 articles fut maintenu.
33L’une des innovations les plus importantes de cette première réforme consista dans le fait que les enquêteurs étaient libérés de l’obligation de ne visiter que les magasins existant en 1914. A partir de 1939 en effet, 3.600 magasins furent visités chaque mois, et quelque 25.000 prix recueillis. En outre, les résultats étaient contrôlés à intervalles réguliers par une sous-commission d’experts [10].
34Autre élément marquant : la pondération des indices locaux et provinciaux en fonction des chiffres de la population établis lors du recensement général effectué en 1930.
35Cette première réforme n’a pas affecté l’indice du coût de la vie, qui, depuis 1920, fonctionnait parallèlement à l’indice des prix de détail. En fait, aucune convention ne l’a utilisé comme fondement de la liaison des salaires à l’évolution du coût de la vie, en raison de son évolution identique à celle de l’indice des prix de détail, que ce soit sur longue ou courte période [11].
36L’invasion de la Belgique, en mai 1940, et les perturbations qui en résultèrent sur le plan économique et social, mirent un terme à l’élaboration des indices. La disparition de nombreuses marchandises importées, la détérioration des caractéristiques des autres produits restant sur le marché, la mise en place du rationnement et du marché noir ne permettaient plus en effet le calcul d’un indice suffisamment crédible. Du reste, le blocage des salaires décrété par l’occupant rendait son maintien quelque peu superflu.
3 – La deuxième réforme (1955)
37Ce n’est qu’au début de 1947, la situation se normalisant progressivement, que le Ministère des Affaires économiques put reprendre l’élaboration et la publication de l’index des prix de détail tel qu’il avait été conçu en 1939. En revanche, la publication de l’index du coût de la vie continua à être suspendue, en attendant les résultats d’une nouvelle enquête budgétaire. On pouvait difficilement admettre en effet, pour pondérer cet index, les coéfficients établis en 1921 et même en 1928, date de la dernière enquête officielle.
38Dès 1950, les organisations syndicales réclamèrent un "rajeunissement" de l’indice des prix de détail, car en 15 ans, bien des changements étaient intervenus, non seulement dans la façon de vivre, mais aussi dans la qualité de certains articles et dans leur mode de distribution. Ainsi que l’explique V. Lion, président à l’époque de la Commission de l’index, "une marchandise peut conserver la même désignation, bien que sa fabrication se soit transformée et que sa qualité ne soit plus identique à celle de la période de référence ; or, le maintien de la même qualité pendant toute la durée de la comparaison est une des conditions essentielles à l’élaboration des nombres indices" [12].
39En outre, l’index ne tenait aucun compte des services. Vu l’ampleur qu’ils prenaient, il devenait indispensable de les introduire dans un indice rénové.
40Les négociations débutèrent dès 1950. La première question qui se posa fut de savoir quel type d’indice - monétaire ou budgétaire - il convenait d’adopter. Mais le débat tourna court assez rapidement, en l’absence d’enquête officielle sur les budgets des ménages et devant le refus du gouvernement d’ouvrir les crédits en vue d’en réaliser.
41La seconde difficulté qui se présenta fut de s’accorder sur une période de référence adéquate. Les premières années qui suivirent la libération du pays ne purent être retenues, les prix des produits de grande consommation étant faussés par les subsides gouvernementaux. Le déclenchement de la guerre de Corée et les troubles économiques qui en résultèrent contraignirent à un nouveau report. Finalement, la date de 1953 fut retenue.
42Autre problème important : la composition de la liste des articles repris dans l’indice des prix de détail. A partir des résultats d’une enquête effectuée en 1949 par l’Institut universitaire d’information sociale et économique, 65 postes (contre 59 précédemment) ont été retenus : 35 articles alimentaires, qui intervenaient à concurrence de 53 % du total de l’indice, 25 articles non alimentaires (39 %) et 5 prestations de service (8 %). Certains avaient suggéré d’augmenter le nombre d’articles pris en considération. La proposition fut écartée, car on craignait le risque de détérioration de la qualité des relevés.
43Le nombre de centres de relevés resta fixé à 62. La liste des magasins visités fut revue de manière à y inclure ceux des communes limitrophes des grandes agglomérations.
4 – La troisième réforme (1968)
44La préparation de cette troisième réforme a vu se renouveler l’opposition entre les partisans de l’indice de type monétaire et les tenants d’un indice budgétaire, d’un "indice du coût de la vie".
45Parmi les premiers, essentiellement le Service de l’index du Ministère des Affaires économiques et la C.S.C., qui souhaitaient se borner à un simple "rajeunissement" de l’indice de 1955. La F.G.T.B. avait demandé, dans un premier temps, l’élaboration d’un indice de chaque type. Mais, devant l’impossibilité de récolter des prix de base suffisamment sûrs pour les 400 articles de l’indice budgétaire, elle se rallia à cette proposition.
46Parmi les seconds, l’Institut national de Statistique, les organisations agricoles, qui estimaient la part des produits alimentaires dans l’indice supérieure à leur proportion réelle dans le budget des ménages, et surtout la Fédération des industries belges (F.I.B.) qui, attentive à la liaison des salaires à l’évolution du coût de la vie, marquait sa préférence pour un type d’indice intégrant avec une souplesse maximale les variations des prix.
47Finalement, après des discussions fort ardues [13] qui, dans un premier temps, confrontèrent directement les organisations patronales et syndicales et qui, par la suite, eurent lieu dans le cadre de la Commission de l’index, la décision fut prise de s’en tenir à un indice de type monétaire, vu les avantages invoqués en sa faveur : simplicité d’établissement et de compréhension, contrôle plus facile à exercer, manipulations malaisées à dissimuler, etc.
48Toutefois, ainsi qu’en témoigne déjà le changement de la dénomination de l’index ("indice des prix à la consommation" et non plus "indice des prix de détail"), plusieurs modifications apportées indiquent que des pas importants ont été accomplis en direction d’un indice budgétaire. Plus particulièrement, le nombre des articles retenus, 147 articles regroupés en 77 postes, contre 79 produits dans l’indice de 1955) et le choix de ces articles, en fonction de l’enquête sur les budgets des ménages réalisée par l’I.N.S. de janvier 1961 à janvier 1962, prouvent que l’on s’est efforcé d’établir un indice prenant en compte les habitudes de consommation des familles.
49La part des produits alimentaires était ainsi ramenée à 41,56 % (contre 53,84 dans l’indice précédent). Le poids des produits non alimentaires demeurait quasiment inchangé (37,01 % contre 36,93 %), tandis que la proportion des services passait de 9,23 % à 21,43 %. Mais, rappelons-le, aucun coéfficient explicite de pondération n’affectait les différents postes [14].
50Pour le reste, signalons que si le nombre de centres de relevés est resté identique (62), il a été convenu de procéder à un échantillon plus large des relevés dans les communes les plus importantes. Plus le centre était peuplé, plus le nombre de magasins visités était accru. En outre, la pondération géographique de chacun des centres a été revue sur la base des chiffres de la population au 31 décembre 1965 [15].
51L’année de référence choisie a été 1966=100.
5 – La quatrième réforme (1976)
52En mars 1972, en attendant qu’une enquête budgétaire permette de cerner les habitudes du consommateur, certaines modifications ont été apportées, à l’initiative de la F.G.T.B., dans le sens d’un second rapprochement vers un indice de type budgétaire, sur la base des données fournies par les comptes nationaux de 1970. Par ailleurs, une nouvelle base de référence a été définie (1971=100).
53L’importance relative des trois grandes catégories de dépenses a été revue et des coéfficients directs de pondération leur ont été appliqués : 30 % pour les produits alimentaires, 40 % pour les produits non alimentaires et 30 % pour les services. Dès lors, à l’intérieur du premier groupe, chaque poste intervenait pour 0,9375 % de l’ensemble tandis que pour le deuxième groupe, la contribution était de 1,4035 % et, pour le troisième, de 1,8181 %. Dans l’indice 1968, chaque poste intervenait pour 1,2983 %.
54En novembre 1973, une modification complémentaire demandée par la F.G.T.B. a été introduite, qui concernait les quatre postes "charbon". Ceux-ci furent regroupés en deux postes, et les deux postes rendus ainsi disponibles furent attribués aux combustibles liquides (fuel oil et gazoil). Ainsi, le nombre de postes a été maintenu à 77, mais celui des produits passa de 147 à 149 [16].
55L’apport fondamental de la réforme qui intervint en juin 1976 a été l’adoption d’un indice de type budgétaire, avec coéfficient de pondération directement appliqué aux différents postes, en lieu et place de l’indice de type monétaire jusqu’alors en vigueur. Conséquence directe : la nomenclature des articles de l’indice a été profondément modifiée : par rapport à l’indice précédant, le nombre des produits et services est passé de 149 à 358, dont 118 produits alimentaires, 151 autres produits, 88 services et une nouvelle rubrique (loyer). Seuls 111 produits et services de l’ancien indice ont été repris sans modification dans le nouvel indice et 17 articles n’ont été maintenus que moyennant un changement de spécification. A ces 128 articles, se sont ajoutés 230 nouveaux articles.
56Le choix de la période de référence n’a pas été opéré sans peine. On admet généralement que cette période doit présenter une certaine stabilité sur le plan de la conjoncture générale. Toutefois, au cours des trois dernières années, aucune période de 12 mois consécutifs ne répondait aux conditions posées. D’autre part, la fiabilité des prix de base des nouveaux articles diminue considérablement si la période de référence est éloignée dans le temps. En définitive, la période s’étendant de juillet 1974 à juin 1975 a été retenue.
57Pour assurer la soudure entre le nouvel indice et l’indice précédent (1971=100), le Conseil national du Travail a établi le coéfficient de conversion à 0,72993. Le nouvel indice est obtenu en multipliant l’ancien indice par le coéfficient de conversion. Exemple : en avril 1976, l’indice de 1971 s’établissait à 154,27, le nouvel indice serait alors de 154,27 × 0,72993 = 112,61. La multiplication par 1,37 redonne l’ancien indice.
III – LA STRUCTURE DE L’INDICE
58Deux questions seront abordées dans ce chapitre : les données à partir desquelles la composition de l’indice a été déterminée, et la nomenclature de l’indice, c’est-à-dire la liste des articles et les grandes rubriques dans lesquelles ils sont regroupés.
1 – L’enquête de 1973-1974 sur le budget des ménages
59Rappelons que depuis 1976, à l’instar des indices des autres pays de la Communauté économique européenne, l’indice belge est un indice de type budgétaire. Un facteur de pondération est donc attribué à tous les produits et services, en se fondant le plus possible sur la structure concrète des dépenses des ménages. Pour ce qui concerne l’indice entré en vigueur en 1976, la composition de l’indice belge résulte d’une enquête sur les budgets des ménages, effectuée entre le 19 mars 1973 et le 18 mars 1974 par l’Institut national de Statistique (I.N.S.). Cette enquête portait sur des ménages appartenant à quatre catégories socio-professionnelles : ouvriers, employés, inactifs et indépendants. Chacune des familles consultées reçut un carnet, sur lequel elle était invitée à mentionner les diverses affectations données à l’ensemble des revenus : épargne (sous ses diverses formes), investissement immobilier, dépenses de consommation, etc.
60La Commission de l’indice [17], arguant du fait que les résultats relatifs aux classes moyennes et aux indépendants étaient peu fiables, décida de ne prendre en considération que ceux recueillis pour les ménages des trois autres catégories.
61Lors du calcul de la consommation moyenne pondérée des trois catégories représentées, une correction a été opérée quant à la composition moyenne des ménages, à partir des résultats du recensement de la population de 1970.
62D’autres corrections ont encore été apportées entre la fin de l’enquête et l’entrée en vigueur de l’indice. La pondération des dépenses de chauffage a été revue, en raison du renchérissement des produits pétroliers.
63Au demeurant, les résultats de l’enquête budgétaire n’ont pas été repris comme tels dans la nomenclature du nouvel indice. Certes, les variations sont très faibles, mais il est à noter que les dépenses de logement, auxquelles l’enquête budgétaire accordait un poids relatif de 21,16 % dans l’ensemble des dépenses, n’ont été affectés que du coéfficient 15,14 % dans l’indice de 1976. La non prise en compte des logements occupés par leurs propriétaires explique cette différence.
2 – La nomenclature de l’indice
64L’indice des prix à la consommation compte, depuis la réforme de 1976, 358 produits et services (contre 149 dans l’indice précédent) classés en quatre catégories, selon la nature des articles, ou en huit catégories, si l’on adopte la nomenclature préconisée par l’Office statistique des Communautés européennes.
a – Selon la nature des articles
65La première catégorie est celle des produits alimentaires : elle comporte 118 articles (contre 60 précédemment) et intervient pour approximativement un quart de l’indice global (251,50 ‰ exactement contre 415,5 ‰ dans l’indice établi en 1968). La diminution de ce poids relatif résulte essentiellement des modifications des habitudes de consommation, ainsi que du fait qu’il n’existait pas de poste "loyer" dans l’ancien indice.
66La deuxième catégorie est celle des produits non-alimentaires et l’on y retrouve une vaste gamme d’articles allant du tabac aux médicaments, en passant par l’électricité et le fuel domestique. On y dénombre 151 articles, alors que l’indice de 1968 en comptait 48 pour cette catégorie et celui de 1955, 25 seulement. La proportion qu’elle a aujourd’hui reçue dans l’indice global est de 427,9 ‰, contre 370,2 ‰ dans l’indice de 1968.
67La troisième catégorie regroupe les services. Y figurent 88 prestations, parmi lesquelles les pompes funèbres, la place pour un match de football ou encore l’abonnement pour le dépannage d’une voiture. Sa part dans l’indice global est de 270,6 ‰ contre 214,3 ‰ en 1968.
68Le loyer, constitue la quatrième et dernière catégorie. Inexistant dans les indices antérieurs, le poste représente 50 ‰ de l’indice établi en 1976.
b – Selon la classification européenne
69La répartition traditionnelle en Belgique entre produits alimentaires, produits non alimentaires et services n’a pas été conservée comme telle dans l’indice. Lui a été substituée la classification européenne, qui répartit les différents articles en huit groupes comprenant aussi bien des biens que des services.
701° Le premier groupe comprend les produits alimentaires, les boissons et tabacs, et représente 263,7 ‰ de l’indice global. Les produits entrant dans ce groupe sont au nombre de 122 (contre 62 pour un groupe comparable dans l’ancien indice). On y retrouve, principalement, le pain et autres produits à base de céréales (33,8 ‰), la viande (79,3 ‰), les fruits et légumes frais (24,3 ‰), les boissons, alcoolisées ou non (30,7 ‰) et le tabac (12,7 ‰).
71La principale modification concerne l’incorporation des fruits et légumes frais, alors qu’auparavant, la représentation des produits saisonniers était dévolue aux seules pommes de terre. Pour éviter les importantes fluctuations observées, les prix des fruits et légumes frais ne sont suivis qu’au cours des mois où ces produits apparaissent en quantités suffisantes sur le marché. Ainsi, le panier de fruits et légumes n’a pas la même composition chaque mois et sa pondération interne varie de mois en mois. En outre, les prix de ces fruits et légumes ne sont pas comparés à ceux de l’année de base, mais avec ceux du mois correspondant de cette même année de référence.
72Le système a été perfectionné à partir d’octobre 1977, en vue de répartir sur trois mois les variations parfois excessives qui apparaissent dans la formation des prix de ces articles. Pour ce faire, on calcule la moyenne sur trois mois des indices particuliers des pommes de terre, des légumes frais du mois concerné et des indices correspondants des deux mois précédents.
732° Le deuxième groupe comprend 39 produits (contre 18 précédemment) et représente les articles d’habillement et de chaussures, en ce compris les réparations de chaussures. Il intervient à concurrence de 96,1 ‰ du total de l’indice.
74Ce sont essentiellement les articles pour dames qui ont bénéficié du nombre de produits figurant dans ce groupe. En revanche, selon les experts, les vêtements pour enfants continuent à y être mal représentés, avec deux articles seulement [18].
753° Le troisième groupe comporte les dépenses de logement, de chauffage et d’éclairage. Cette rubrique, qui représente 15,14 % de l’ensemble de l’indice, comprend également des services tels que l’assurance-incendie et le salaire horaire de divers ouvriers du bâtiment (électricien, plombier, peintre). Les prix de construction ou d’achat d’immeubles neufs n’ont pas été repris, selon certains parce qu’ils sont extrêmement difficiles à établir, selon d’autres parce qu’il s’agit plus d’un placement d’épargne que d’une dépense de consommation.
76On s’en est tenu, en fait, aux loyers, ventilés en huit types en fonction de l’année de construction et de l’équipement. Chaque année, on remplace un certain nombre de logements anciens par des nouveaux, en fonction du nombre de maisons nouvellement construites. Dans la mesure du possible, on prend en considération le loyer net, à l’exclusion de toutes les charges et autres coûts, tels que l’eau, l’électricité, etc…
774° Dans le quatrième groupe, figurent les meubles, les appareils ménagers et les produits d’entretien. Les services n’occupent dans ce groupe qui est affecté d’un coéfficient de pondération de 104,6 ‰, qu’une place relativement restreinte : ils concernent la blanchisserie, le placement de tapis-plain, le remplacement d’un thermostat de réfrigérateur et le salaire horaire d’une femme de ménage.
785° Le groupe soins personnels et dépenses de santé intervient à concurrence de 39,80 % dans l’indice. On y retrouve les produits pharmaceutiques - c’est la première fois que les médicaments sont repris -, les appareils et le matériel thérapeutique, les prestations des médecins, le prix de la pension en institution hospitalière.
79Les cotisations libres payées aux mutuelles figurent également dans ce cinquième groupe.
806° Les transports et communications composent le sixième groupe. On y retrouve, pour l’essentiel, les achats de voitures, les dépenses d’entretien, les tarifs de divers services publics (SNCB, bus, postes, téléphones, etc.).
81Entre 1961 et 1976, la part des transports individuels a plus que doublé, ce qui représente l’augmentation la plus forte de toutes les catégories de dépenses couvertes par l’enquête sur les budgets des ménages. A noter, en ce qui concerne les achats de voitures neuves, que ce type de dépense est représenté par 15 articles dans la nomenclature de l’indice [19], sous la dénomination "voiture A, Voiture B, voiture C,…". L’échantillonnage va de la 2CV Citroën et la Fiat 128 à la Peugeot 504 et à l’Opel Rekord, en passant par les Renault R4 et R12, la Simca 1100, la Toyota Corolla, les Ford Escort et Taunus, la VW Golf 1100, la Citroën GS et l’Opel Ascona. On remarquera que l’achat des véhicules d’occasion n’est pas repris dans l’indice : c’est qu’il est permis de considérer que ce type de dépense constitue également une source de revenu pour d’autres ménages.
827° Les dépenses des ménages, dans le domaine des activités culturelles et des loisirs constituent le septième groupe de l’indice des prix établi en 1976, groupe qui a reçu le coéfficient de pondération de 76,1 ‰. Les articles qui figurent dans ce groupe vont des œillets rouges à la carte-vue illustrée en couleur en passant par la redevance T.V. et le dictionnaire français-néerlandais.
838° Le huitième et dernier groupe reprend les "autres biens et services" non inclus dans les sept premiers : les soins corporels (coiffure, produits de beauté), les bijoux, les dépenses à caractère touristique, les services financiers, etc.
84Il intervient à concurrence de 125,7 ‰ dans le total de l’indice.
IV – L’ETABLISSEMENT DE L’INDICE
85Chaque mois, l’indice des prix à la consommation est établi et publié au Moniteur belge. A cette fin, il a fallu effectuer des milliers de relevés de prix, procéder à un ensemble impressionnant de calculs, en transmettre les principaux à la Commission de l’indice et, enfin, faire approuver par le Ministère des Affaires économiques, les chiffres jusqu’alors provisoires.
1 – Les relevés de prix
861. Plusieurs méthodes sont suivies par le Service de l’indice de l’Administration du commerce [20] pour recueillir les prix des 358 articles repris dans la nomenclature de l’indice.
87Pour certains produits, les relevés sont effectués sur la base des tarifs pratiqués : c’est le cas des prix de la S.N.C.B., des agences de voyages, des compagnies de gaz et d’électricité, de la R.T.T. et de la Régie des Postes, etc.
88Pour la majorité des produits toutefois, les prix sont relevés par enquête directe dans près de 5.000 points de vente. 19 fonctionnaires du Service de l’indice sont chargés de cette mission, qu’ils effectuent conformément à une série de directives touchant à la fois la dispersion géographique, les structures commerciales et les spécifications des produits.
892. Les points de vente visités sont répartis dans 62 "centres" de relevés répartis à travers tout le pays, qui sont jugés représentatifs de l’ensemble des localités. On y retrouve les grandes agglomérations (Bruxelles, Anvers, Liège, Gand, Charleroi), des villes moyennes (Turnhout, Nivelles, Saint-Trond, Dinant, etc.) et des centres ruraux (La Roche-en-Ardenne, Beauraing, Looz, etc.). En fait, l’échantillonnage vise à représenter, de manière équilibrée, l’ensemble de la population.
90La diversité géographique a été poussée plus loin encore, car les prix de détail peuvent varier non seulement d’une localité à l’autre, mais aussi d’un quartier à l’autre de la même localité, voire d’un magasin à l’autre dans un même quartier. Il s’agit en outre de se rapprocher le plus possible des habitudes d’achat des consommateurs. Aussi, toutes les formes de distribution (sauf les ventes par correspondance) sont-elles prises en considération : supermarché, grands magasins, coopératives, petits commerces, boutiques spécialisées, etc. La sélection des points de vente tient évidemment compte de l’importance du chiffre d’affaires de chacun des canaux de distribution.
91Dans la pratique, ces points de vente sont nominativement désignés lors de l’entrée en vigueur du nouvel indice et, tant que celui-ci demeure en vigueur, ils seront les seuls à être visités par les enquêteurs du Service de l’indice. En cas de fermeture, le remplacement sera opéré sur la base des mêmes caractéristiques.
923. Une minutie tout aussi explicite préside à la sélection des produits dont les prix sont relevés, et la latitude dont disposent les enquêteurs est sans conteste mesurée. Chaque article de la nomenclature est défini par certaines caractéristiques. Ainsi, pour les sardines en conserve (n°39 de la liste des articles suivis), les spécifications reprises dans les définitions remises aux vérificateurs précisent qu’il doit s’agir de "sardines avec arêtes, à l’huile d’olive en boîte de 1/4 club, 125 grammes net".
93Un problème peut évidemment se poser en cas de disparition d’un produit tel qu’il est spécifié dans les définitions de la nomenclature. Dans cette hypothèse, et pour les produits les plus importants, des propositions de substitution sont formulées par l’administration, elles sont soumises pour avis à la Commission de l’indice et la décision définitive est prise par le ministre. Le cas suscite particulièrement des difficultés, en raison de l’importance de la rubrique, lors de la disparition de tel ou tel modèle de véhicule automobile. Il s’agit de désigner un nouveau type, qui réponde aux mêmes caractéristiques que le précédent, chose malaisée, en raison des améliorations techniques constantes dans ce secteur.
944. Les prix relevés sont les prix réellement pratiqués. Il n’est donc pas tenu compte ni des prix maxima fixés par voie réglementaire ni des prix "imposés" qui peuvent résulter d’accords entre producteurs. En revanche, les réductions, les promotions, les rabais sont pris en considération, pour autant qu’ils se traduisent sur le plan monétaire et qu’ils soient proposés pendant une durée d’un mois minimum.
95Par exemple, les prix de l’essence relevés sont ceux affichés à la pompe de la station-service et l’on écarte aussi bien les prix maxima que les éventuels cadeaux promotionnels.
965. Par article repris dans la nomenclature de l’indice, il peut être procédé, dans le même point de vente, à plusieurs relevés de prix. C’est le cas par exemple des spécialités pharmaceutiques remboursables (n°235 dans la nomenclature) et non remboursables (n°236) : chacun de ces deux postes est représenté par 50 médicaments choisis en raison de leur importance en quantité et en valeur. Il avait été prévu que chaque année, la liste des différents produits soit revue en fonction des nouveaux produits apparaissant sur le marché ainsi que de l’évolution de la consommation. Ce projet n’a pu être mis à exécution, en raison des divergences de vue entre interlocuteurs sociaux.
976. Le relevé des loyers (article n°163), le seul à être effectué directement chez le consommateur, constitue un cas assez proche de celui des produits pharmaceutiques. L’indice particulier des loyers est en effet calculé d’après un sondage effectué auprès de 1.800 locataires, dont 456 familles d’ouvriers, 752 familles d’employés et 592 ménages d’inactifs. A l’intérieur de ces trois catégories, une pondération interne a été établie en fonction de l’année de construction et de l’équipement.
987. En vertu d’un arrêté royal du 29 mars 1976, les distributeurs ont été tenus, à peine de sanctions pénales, de communiquer aux fonctionnaires désignés à cette fin, les données nécessaires à l’établissement de l’indice. Cet arrêté n’est resté en vigueur que jusqu’au 31 décembre 1977, de sorte qu’actuellement, les enquêteurs du Service de l’index peuvent donc se voir interdire l’accès aux centres de distribution.
2 – Le calcul de l’indice
99Pour le calcul de l’indice, à partir du relevé jusqu’à la fixation du nouveau niveau de l’indice, il faut tenir compte, depuis 1976, de deux pondérations : la pondération directe de chacun des 358 articles et la pondération géographique, élaborée à partir des chiffres de la population au 31 décembre 1974.
a – La pondération par article
1001° Les prix des 358 postes sont relevés dans les différents points de vente repris dans l’échantillon de chacun des 62 centres de relevés [21]. Il est d’abord procédé au calcul du prix de base moyen de chaque article, qui est constitué par la moyenne arithmétique simple des prix enregistrés dans les magasins.
101De la même manière, pour le mois observé, on obtient le prix moyen de l’article. Après quoi, on calcule l’indice non pondéré de l’article en divisant le prix moyen du mois observé par le prix de base moyen, et en multipliant par 100. On obtient ainsi, pour les 62 centres, 358 indices non pondérés, sans préjudice du cas particulier des légumes et des fruits frais, des voyages organisés et des loyers.
1022° Les indices - non pondérés - de chacun des articles sont alors multipliés par les coéfficients directs de pondération repris dans la nomenclature. Citons, à titre d’exemple, quelques coéfficients de pondération :
- verre de bière pris au café ou au restaurant : 0,93
- abonnement annuel pour la télédistribution : 0,11
- prix du gazoil : 2,11
- prix de la communication dans une cabine téléphonique : 0,05
- prix du sucre en morceaux : 0,16
103On obtient ainsi 358 valeurs pondérées, dont la somme donne l’indice pondéré du centre.
b – La pondération géographique
1041° Il s’agit dans un premier stade d’obtenir les indices au niveau des provinces. L’on y arrive en pondérant la moyenne arithmétique des centres de relevés à l’aide des coéfficients calculés à partir des chiffres de la population au 31 décembre 1974.
105Voici, à titre d’exemple, les coéfficients des huit centres de la province de Brabant :
- Bruxelles : 669 ‰
- Louvain : 127 ‰
- Tirlemont : 26 ‰
- Nivelles : 62 ‰
- Asse : 33 ‰
- Wavre : 42 ‰
- Diest : 29 ‰
- Jodoigne : 12 ‰
1062° Les indices provinciaux sont alors affectés de leurs coéfficients de pondération particuliers, à savoir :
- pour la province d’Anvers : 159 ‰
- pour la province de Brabant : 226 ‰
- pour la province de Flandre occidentale : 109 ‰
- pour la province de Flandre orientale : 135 ‰
- pour la province du Hainaut : 135 ‰
- pour la province de Liège : 104 ‰
- pour la province du Limbourg : 69 ‰
- pour la province du Luxembourg : 23 ‰
- pour la province de Namur : 40 ‰
107La moyenne des indices ainsi pondérés donne l’indice des prix à la consommation du Royaume.
1083° A titre d’information, sont également calculés les indices nationaux par article, par groupe de produits (produits alimentaires, produits non alimentaires, services, loyers) ou par catégorie selon la classification européenne [22].
3 – La procédure d’approbation et de publication
109Trois instances interviennent dans cette procédure : l’Administration du Commerce (Service de l’indice), la Commission de l’indice ainsi que le ministre des Affaires économiques.
110Pour mieux appréhender son déroulement, il convient de tenir compte de la contrainte que représente la nécessité de publier l’indice du mois au plus tard le 30ème jour de celui-ci, en raison, notamment, de ses implications sur l’indexation des salaires.
1111° Les relevés de prix sont effectués par les enquêteurs du Service de l’indice du 1er au 20 du mois considéré. Les divers indices sont calculés dans les jours qui suivent et des chiffres, provisoires, à ce stade, sont transmis à la Commission de l’indice, vers le 25 du mois.
1122° Avant la réunion de la Commission, des experts désignés par les organisations qui y sont représentées, se livrent à des discussions à caractère technique à propos des chiffres transmis par le Service de l’indice. Les membres de la Commission, conformément à l’arrêté royal du 22 décembre qui l’a instituée, examinent ensuite les prix relevés et les divers indices.
113Ils formulent alors un avis par lequel ils approuvent ou désapprouvent les chiffres fournis par l’administration. Le cas échéant, ils proposent des corrections.
1143° Accompagnés de l’avis de la Commission, les chiffres sont enfin transmis au ministre des Affaires économiques, qui les approuve définitivement.
115Il y a quelques mois, le cabinet du ministre des Affaires économiques, Mark Eyskens, avait pris l’initiative de rendre publics, vers le 22 du mois, les chiffres non définitifs de l’Administration du Commerce, sans insister sur leur caractère provisoire. La Commission de l’indice en a pris ombrage et a fait part de sa réprobation au ministre.
1164° Une fois approuvés par le ministre, les indices deviennent définitifs et font l’objet, le 29 ou le 30 du mois, d’une publication au Moniteur, dans la rubrique "Avis officiel du Ministère des Affaires économiques".
117Cet avis reprend successivement :
- le niveau auquel s’établit le nouvel indice ;
- les indices particuliers des huit catégories recommandées par la Communauté économique européenne, des quatre groupes "traditionnels" de l’indice belge (produits alimentaires, produits non alimentaires, services et loyers), ainsi que ceux des sous-categories d’articles ;
- les indices spécifiques des 62 centres relevés et ceux des neuf provinces.
1185° En même temps que la publication au Moniteur, le ministre des Affaires économiques transmet à la presse un communiqué qui indique notamment les facteurs ayant le plus influencé l’évolution de l’indice.
V – LE CONTROLE DE L’INDICE
119En raison de ses implications considérables sur le plan social et économique, la crédibilité de l’indice des prix à la consommation est un élément fondamental auquel sont attachés tant les milieux économiques que les interlocuteurs sociaux. Un organe particulier y veille : la Commission de l’indice. C’est que, sur un plan théorique tout au moins, la tentation peut être grande, pour certains, de procéder à des manipulations visant à orienter, dans un sens ou dans l’autre, l’évolution de l’indice.
1 – La Commission de l’indice
120Créée par un arrêté royal du 22 décembre 1967 [23], la Commission spéciale instituée auprès de l’Administration du Commerce du Ministère des Affaires économiques, dénommée "Commission de l’indice" a succédé le 6 janvier 1968 à la "Commission des nombres-indices des prix de détail et du coût de la vie" mise sur pied par l’arrêté royal du 2 avril 1935 [24]. Par sa compétence et sa composition, elle témoigne de l’importance que la fonction consultative et le rôle des interlocuteurs sociaux ont pris dans notre vie politique.
a – La composition de la Commission de l’indice
121Le nombre des membres de la Commission a été porté de 9 à 16. Elle se compose de :
- un président, qui, comme les autres membres, a voix délibérative et est nommé pour une période de six ans. Cette fonction est actuellement exercée par Franz Van der Vorst, premier conseiller au Conseil central de l’économie ;
- cinq personnalités scientifiques (autrefois 3) "spécialement compétentes en matière de nombres-indices" et "choisies parmi les membres du corps enseignant des universités et centres universitaires de l’Etat". Ces membres sont nommés d’initiative par le ministre qui, toutefois, s’attache à respecter un certain équilibre à la fois entre les institutions universitaires et sur le plan idéologique. Deux suppléants, qui répondent aux mêmes critères, leur sont adjoints ;
- cinq représentants des organisations représentatives des travailleurs (autrefois 3) à savoir deux représentants de la Fédération générale du travail de Belgique, deux représentants de la Confédération des syndicats chrétiens, et un représentant de la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique. Un nombre égal de suppléants est désigné ;
- cinq représentants des milieux patronaux (contre 3 auparavant), dont quatre représentent la Fédération des entreprises de Belgique et le cinquième les organisations agricoles.
122Comme les représentants des syndicats, ceux des associations patronales et agricoles sont nommés par le ministre sur proposition des organisations. En ce qui les concerne également, cinq suppléants sont nommés par le ministre.
123On observera toutefois que, comme tels, les groupements représentatifs des classes moyennes n’ont pas de délégués à la Commission de l’indice.
124Participent également aux travaux de la Commission, mais avec voix consultative, des délégués du Ministère de l’Agriculture, du Ministère de l’Emploi et du Travail, de l’I.N.S., ainsi que les fonctionnaires du Service de l’indice. C’est l’administration qui assure le secrétariat de la Commission.
b – Les compétences de la Commission de l’indice
1251° Organisme consultatif, la Commission de l’indice exerce ses compétences dans une double direction :
- l’examen, chaque mois, des relevés de prix et des indices qui en résultent ;
- l’étude de tous les problèmes concernant les indices de prix de détail, des prix à la consommation et du coût de la vie (en 1968, l’indice de type budgétaire n’avait pas encore été adopté).
126L’ancienne "commission des nombres-indices" avait reçu, elle, une troisième mission, qui n’a plus été attribuée à la nouvelle commission : l’instruction des réclamations dirigées contre l’index, avec, au besoin, un pouvoir d’enquête. Le ministre a repris cette attribution à son compte et depuis 1968, c’est vers lui que les réclamations sont dirigées.
1272° La Commission est donc appelée à se prononcer, par voie d’avis, sur les propositions qui lui sont transmises par l’Administration du Commerce.
128Le plus souvent, c’est à l’unanimité que l’avis est rendu. A plusieurs reprises toutefois, l’accord n’a pu être dégagé, et certains membres de la Commission ont refusé d’approuver les chiffres ou les propositions qui leur ont été transmis. C’est alors au ministre des Affaires économiques qu’il appartient de prendre la décision définitive.
129Le cas s’est présenté il y a quatre ans, lorsqu’une entreprise de distribution a lancé sur le marché des articles dénommés "produits blancs", dont le prix était sensiblement inférieur à celui des produits analogues vendus sous une autre marque. Les organisations syndicales ont, dans un premier temps, refusé la proposition du Service de l’indice, qui suggérait de prendre 12 de ces produits en considération. Finalement, après quelques mois de négociation - et, au lendemain des élections sociales, il convient de le préciser - un compromis est intervenu : 6 des 12 produits en cause ont été admis, après qu’ait été démontrée la convergence entre les caractéristiques renseignées par les producteurs et les spécifications mentionnées dans la nomenclature de l’indice.
130Un problème analogue s’est posé lorsqu’il s’est agi de substituer à un modèle de véhicule dont la fabrication avait cessé, un autre modèle présentant des caractéristiques analogues et proposé par le Service de l’indice. En effet, le prix du nouveau modèle était supérieur à celui qui devait être remplacé. Fallait-il ou non prendre cette différence de prix en considération dans le nouvel indice ? Les représentants des associations patronales ont répondu négativement, arguant du fait que l’indice reflétait l’évolution des prix et leur niveau. Ceux des organisations syndicales mettaient l’accent, eux, sur l’effort financier supplémentaire à consentir par l’acheteur pour acquérir un produit équivalent.
131D’autres problèmes ont encore amené la Commission à émettre des avis partagés : certains produits pharmaceutiques, le petit pain ("pistolet"), la bière, la pomme de terre et les légumes frais, etc.
2 – Les manipulations de l’index
132En avril et en mai 1981, deux baisses successives de l’indice de 0,1 point ont été enregistrées. Semblable mouvement était exceptionnel et des bruits de "manipulation" n’ont pas tardé à circuler, en dépit du fait que cette diminution s’expliquait largement par le blocage des prix décrété par le ministre des Affaires économiques et par l’interdiction faite aux distributeurs de produits pétroliers d’offrir des cadeaux, interdiction qui a entraîné certaines baisses des prix à la pompe.
133Il reste que, fondamentalement, se pose la question de savoir si des manipulations sont possibles et si les procédures de contrôle mises en place permettent de les déceler et de les anéantir. A cette fin, il convient d’examiner les différents types de manipulations imaginables.
a – Première éventualité : des falsifications introduites dans la nomenclature de l’indice
134En particulier, les coéfficients de pondération dont sont affectés tous les articles repris à l’indice, ne correspondraient pas à la structure réelle du budget des ménages.
135Il convient de rappeler à cet égard que la nomenclature de l’indice est établie à la suite d’une enquête minutieuse de l’Institut national de Statistique et aussi de laborieuses négociations, entre les pouvoirs et les interlocuteurs sociaux, au niveau de la Commission de l’indice, voire à un échelon plus élevé. Lors de la confection des indices de 1968 et de 1976 notamment, les plus hauts responsables des organisations socio-professionnelles et certains membres du gouvernement sont intervenus pour débloquer des pourparlers qui s’étaient enlisés au sein de la Commission. La composition de l’indice est donc aussi le résultat de compromis.
136Doit également être gardé à l’esprit le fait que le ménage pris en considération est un ménage "moyen", jugé représentatif de l’ensemble des ménages. Il est dès lors inévitable que d’aucuns considèrent à juste titre du reste, que l’évolution de l’indice ne soit pas parallèle à celle des prix qu’ils sont amenés à subir.
137Diverses mesures pourraient toutefois être prises, qui seraient de nature à accroître la conformité de l’indice aux dépenses réellement exposées par les ménages.
138Tout d’abord, le nombre de postes (358), à défaut du nombre de produits, pourrait être augmenté. Aux Pays-Bas et en R.F.A., par exemple, l’indice prend en compte respectivement 596 et 899 produits. Cela supposerait évidemment un renforcement des effectifs des enquêteurs.
139Ensuite, à l’indice actuel, dont la pondération reste stable, certains suggèrent de substituer ce qu’on appelle un "indice chaîne", dont les coéfficients sont revus chaque année en fonction d’enquêtes permanentes, des comptes nationaux et de l’évolution des prix. La France et le Royaume-Uni, notamment, ont adopté ce type d’indice, qui présente toutefois un défaut majeur : la non-comparabilité d’une année à l’autre.
140A défaut, pourrait être envisagée une fréquence plus grande dans la revision des indices. 13 ou 8 ans sont des intervalles jugés beaucoup trop longs par les experts qui estiment qu’un délai de 5 ans doit être considéré comme un maximum. C’est, au demeurant, une recommandation formulée par la C.E.E. et par les organisations syndicales belges.
b – Deuxième éventualité : des inexactitudes dans le calcul de l’indice
141Diverses études [25] se sont récemment attachées à démontrer que l’Etat était le principal bénéficiaire des hausses de l’indice, grâce au mécanisme de liaison des rémunérations à l’évolution du coût de la vie. Chaque dépassement d’un indice-pivot entraîne à la fois des rentrées supplémentaires de précompte professionnel (en raison de la non-indexation des barêmes fiscaux) et des cotisations de sécurité sociale accrues.
142Il n’empêche que le ministre des Affaires économiques et quelques hauts fonctionnaires de son administration se montrent particulièrement soucieux de maintenir une relative stabilité des prix, particulièrement à l’approche du dépassement de l’indice-pivot des services publics et, dans ce contexte, la tentation est réelle d’exercer l’une ou l’autre pression qui aboutirait à la mise à l’écart de certaines hausses de prix.
143En ce qui concerne les relevés eux-mêmes, un contrôle interne fonctionne, qui organise parfois des "contre-relevés" et qui procède à des comparaisons entre les listes de prix remises par les enquêteurs, de manière à débusquer les éventuelles divergences anormales.
144Mais des correctifs peuvent-ils être apportés, après que les relevés aient été effectués et remis ? L’hypothèse n’est pas à exclure. Au cours de l’été 1976 par exemple, suite à la hausse sensible des prix des fruits et légumes frais, le gouvernement a pris la décision de neutraliser leur incidence dans le calcul de l’indice. Cette mesure a été immédiatement évoquée devant la Commission de l’indice. Suite à des mouvements sociaux d’une certaine ampleur, l’affaire a été transmise au niveau le plus élevé, à une conférence tripartite réunissant le gouvernement et les organisations patronales et syndicales. Au terme de la négociation, il a été convenu que le prochain indice serait calculé conformément aux méthodes utilisées avant la période de neutralisation, la compensation n’étant toutefois allouée qu’aux allocataires sociaux.
145Il est donc difficilement concevable qu’une tentative de modification du calcul de l’indice passe inaperçue et laisse indifférents les membres de la Commission de l’indice.
c – Troisième éventualité : une compression artificielle du prix des produits repris à l’indice
146Le reproche a été quelque fois formulé à l’endroit soit du ministre des Affaires économiques soit de gros producteurs ou distributeurs ou d’associations patronales, de bloquer artificiellement le prix de certains produits repris à l’index, alors que des hausses parfois importantes affecteraient celui d’articles analogues non repris, eux, à l’indice.
147Notamment, on a accusé le ministre de pratiquer une "politique de l’indice" qui, par le biais d’une politique sélective des prix, aboutirait à une stabilisation fictive de l’indice. En réalité, il apparaît que des manœuvres de ce genre, du moins si elles atteignaient une ampleur significative, ne manqueraient pas d’alerter les experts des organisations socio-professionnelles qui, très souvent, siègent en même temps à la Commission des prix et à la Commission de l’index.
148Est-on en mesure de procéder, du coté patronal, à semblable manipulation ? Est-il possible de retarder le dépassement d’un indice-pivot en différant de quelques jours une hausse des produits pétroliers par exemple [26] ? L’hypothèse n’est pas, sur un plan théorique, à écarter. Mais, ici encore, pratiquée sur une grande échelle, pareille manœuvre deviendrait très rapidement évidente et susciterait inévitablement des réflexes correctifs.
149Il est du reste intéressant d’observer que, jusqu’à présent, l’indice des prix n’a jamais été fondamentalement contesté, ni par les organisations syndicales ni par l’opinion publique en général. Il n’existe pas, en Belgique, d’indice "parallèle" comme ce peut être le cas ailleurs, en France par exemple [27].
VI – L’EVOLUTION DES PRIX EN BELGIQUE
150Si la base de l’indice actuel était avril 1914=100, et non 1974/1975=100, celui-ci atteindrait aujourd’hui le niveau de 10.859 points. En d’autres termes, les prix auraient été multipliés par 108 depuis 68 ans. Ces chiffres ne revêtent évidemment qu’un caractère purement anecdotique, tant la comparaison entre des indices si éloignés est impossible en raison des profondes différences qui affectent les nomenclatures, les pondérations et les méthodes de relevés. Il reste qu’il n’est pas inintéressant de se pencher sur les grandes tendances qui ont marqué l’évolution des prix au cours tant de cette période qu’au cours des huit dernières années.
1 – L’évolution de l’indice entre 1920 et 1982
1511. Entre janvier 1920 et avril 1939, l’indice des prix de détail (base avril 1914=100) est passé de 396 à 751, ce qui traduit une augmentation de 89 % sur près de 20 ans. On risquerait d’en déduire que l’entre-deux-guerres a été une période de relative stabilité des prix, avec une augmentation moyenne de 4,2 % par an. En réalité, les mouvements les plus divers ont traversé ces deux décennies.
152Il convient d’isoler tout d’abord les quatre années de la première guerre mondiale, au cours desquelles les prix furent multipliés par 4, voire davantage. Semblable mouvement s’explique fort logiquement par l’état de pénurie généralisé et le développement du marché noir. D’ailleurs, les pays qui n’ont pas connu d’occupation ou qui se sont tenus à l’écart du conflit, n’ont enregistré, au cours de cette période, que des taux d’inflation beaucoup plus modestes, de l’ordre de 10 % par an.
153De 1920 à 1929, après quelques années de relative stabilité, une tendance à la hausse irrégulière mais certaine s’est affirmée, qui a conduit l’indice du niveau 455 au sommet de 875 points.
154La crise des années’30 a été marquée, dans un premier temps, entre 1929 et 1935, par une diminution progressive des prix (l’indice passant de 897 à 621 points, soit une baisse de 31 % en cinq ans), et, dans un deuxième temps, entre 1935 et 1940, par une reprise de l’inflation, l’indice passant de 90,1 à 119,2 points (base 1936-1937-1938=100).
155Mais cette période de l’entre-deux-guerres se signale essentiellement par des mouvements erratiques de l’indice, tantôt à la hausse (de mars 1926 à février 1927 : +47,7 %), tantôt à la baisse (d’octobre 1930 à avril 1932 : -20 %).
1562. La deuxième guerre mondiale, comme la première, a connu une forte poussée inflationniste. Alors que l’indice se situait, en mai 1940, à 119,2 points, en janvier 1947, date à laquelle l’élaboration et la publication de l’index des prix de détail ont pu reprendre, il s’établissait à 332,5 points, soit une hausse de 80 %.
EVOLUTION DE L’INDICE DES PRIX DE DETAIL ET DE L’INDICE DES PRIX A LA CONSOMMATION
EVOLUTION DE L’INDICE DES PRIX DE DETAIL ET DE L’INDICE DES PRIX A LA CONSOMMATION
Augmentation moyenne annuelle des indices en pour-cent1573. De 1947 à 1955, année au cours de laquelle la deuxième réforme de l’indice entra en vigueur, l’inflation resta modérée, avec une moyenne annuelle de l’ordre de 3 %. Ce taux fut même ramené à 2,4 % l’an de 1955 à 1968 (date de la troisième réforme).
158En revanche, de 1968 à 1976, le coût de la vie ne cessa de s’élever, avec les sommets atteints en 1974 (12,6 %), 1975 (12,8 %) et 1976 (9,2 %). Depuis, la hausse des prix s’est considérablement ralentie, sauf la reprise inflatoire enregistrée en 1981 (8 %) et en 1982 (±10 %).
2 – L’évolution récente de l’indice des prix à la consommation
1591. De 1975 à octobre 1982, le coût de la vie s’est accru en Belgique d’environ 70 %. Cette évolution place notre pays en position très favorable par rapport à ses partenaires de la Communauté économique européenne, dont l’augmentation moyenne, pour la même période, est approximativement de 115 %. Seuls réalisent une performance plus remarquable que la Belgique, la République fédérale d’Allemagne, avec 45 % et les Pays-Bas avec 62 %. En revanche, les prestations de la France (+120 %), de la Grande-Bretagne (+150 %) ou de l’Italie (+210 %) sont de loin plus médiocres.
1602. Il est intéressant, croyons-nous, d’examiner plus en détail l’évolution des diverses composantes de l’indice. Des divergences parfois sensibles peuvent être observées, qui ne correspondent pas toujours aux idées que s’en fait l’opinion publique [28]. Cette brève analyse s’articulera autour des quatre grandes rubriques de l’indice : les produits alimentaires, les produits non-alimentaires, les services et le loyer.
161L’indice général des produits alimentaires n’a augmenté en sept ans que de 57,82 %, en dépit d’une hausse plus sensible au cours des seize derniers mois. Cette bonne tenue est due essentiellement à la bonne tenue des conserves de fruits et légumes (+29,45 %), des légumes frais (+43,48 %) et des boissons alcoolisées (+51,92 %).
162L’indice général des produits non alimentaires a connu, lui, une hausse fort proche de celle de l’indice général du Royaume (+72,86 %). En réalité, à l’intérieur même de cette rubrique, des évolutions fort éloignées ont été enregistrées.
163Ainsi, pour ce qui est de la rubrique "vêtement", on observera que les prix des articles d’habillement ne se sont accru que de 38,92 % contre 92,23 % pour les chaussures.
164Les gros appareils ménagers, la vaisselle et les ustensiles de ménage, les articles audio-visuels, le mobilier, ont subi une augmentation de prix relativement modérée s’élevant respectivement à 21,15 %, 41,82 %, 17,75 % et 33,22 %. L’accroissement est de 81,55 % pour les véhicules neufs. Ce sont évidemment les produits de chauffage qui établissent tous les records de hausse : 110,54 % pour le charbon, 146,20 % pour le gaz et 281,79 % pour les combustibles liquides (gasoil et fuel oil). En revanche, les prix des médicaments et des produits pharmaceutiques ont à peine augmenté en sept ans : 16,4 %.
165Les services ont vu leur indice général s’élever davantage que l’indice officiel du Royaume : +82,83 %.
166On notera particulièrement l’augmentation des transports publics en commun (+99,68 %), des voyages touristiques "tout compris" (+120,10 %) et du coût de la pension en institution hospitalière (+120,64 %).
167Les loyers, enfin, ont eux aussi enregistré une hausse supérieure à la moyenne (+80,82 %).
1683. Ne manque pas non plus d’intérêt la comparaison des indices particuliers des divers centres de relevés de 1974-1975 à octobre 1982. Face à une hausse moyenne nationale de 71,87 %, y ont fait preuve de modération les communes de Bilzen, dans le Limbourg (+68,26 %), de Saint-Nicolas, en Flandre orientale (+68,78 %), de Bruges (+68,88 %), et de Nivelles (+69,74 %). Des hausses plus élevées ont été observées à Andenne (+75,42 %), Bastogne (+76,99 %), Lierre (+76,14 %) et Malines (+77,72 %). De ces écarts qui peuvent paraître surprenants, aucun enseignement, rappelons-le, ne peut être tiré, à propos du coût de la vie dans ces localités, puisqu’ils ne font que traduire des évolutions.
1694. Tous ces mouvements sont à rapprocher de l’évolution des salaires nominaux dont l’évolution, pour la même période, peut être estimée à +81 %.
VII – LES INDICES DES PRIX A L’ETRANGER
170Au moment où s’élabore la cinquième réforme de l’indice belge des prix à la consommation, il peut paraître utile de confronter ses principales caractéristiques avec celles des indices en vigueur dans les pays voisins.
1 – Les différents types d’indices
171Alors qu’en Belgique, il n’existe qu’un seul indice des prix à la consommation, de nombreux autres pays en établissent plusieurs, en fonction des diverses utilisations qui leur sont destinées.
172Ainsi, aux Pays-Bas, à côté de l’indice des prix à la consommation pour l’ensemble de la population ("prijsindexcijfers van de gezinsconsumptie voor de totale bevolking"), fonctionne un autre indice "épuré" ou "expurgé" ("geschoonde"), qui sert de base à l’indexation des rémunérations dans le secteur privé et qui ne prend pas en compte les variations des taux de T.V.A. ni les cotisations pour l’assurance-maladie.
173En Italie, l’indice du coût de la vie utilisé pour l’indexation des salaires tant du secteur privé que du secteur public, est un indice particulier différent de l’indice général des prix à la consommation ("indici dei prezzi al cosumo"). Alors que ce dernier se réfère à la structure de la consommation de l’ensemble de la population, l’indice spécifique pour l’échelle mobile correspond à un budget type de consommation d’un ménage urbain d’ouvriers et d’employés comprenant quatre personnes [29].
174En République fédérale d’Allemagne également - où, pourtant, les rémunérations ne sont pas liées à l’évolution des prix - un indice du coût de la vie pour l’ensemble des ménages et des indices particuliers sont établis pour les ménages de salariés à revenus moyens, pour les ménages d’employés et de fonctionnaires à revenus plus élevés et pour les ménages de pensionnés et de bénéficiaires de l’aide sociale [30].
175Aux Etats-Unis, à côté de l’indice des prix à la consommation pour les ouvriers et les employés des régions urbaines, 56 indices régionaux sont calculés et certaines conventions collectives se fondent sur ces derniers pour déterminer l’évolution des salaires.
176Dans plusieurs pays africains (Côte d’Ivoire, Cameroun, etc.), deux indices différents sont établis, l’un pour les prix à la consommation des ménages (africains) qui, lui, comprend un poste "logement" et l’autre pour les ménages européens dans lequel figure le poste "services domestiques" [31].
177En Belgique, la suggestion d’élaborer un indice spécifique pour les cadres n’a trouvé aucun écho. Elle a fait l’objet d’une étude dirigée par Jacqueline Poelmans, professeur à l’U.L.B., et réalisée entre octobre 1971 et octobre 1972 [32]. Un indice particulier a été élaboré qui a pris en compte la structure du budget des ménages de cette catégorie socio-professionnelle eu égard au fait que 25 % environ des dépenses des cadres ne sont pas couvertes par l’indice officiel. Parmi les rubriques supprimées, la margarine standard, les pommes de terre, la bière de table, le pantalon de travail, l’abonnement social, etc., et parmi les articles nouveaux, les huîtres, le thé, le whisky, la bonne à tout faire, le train T.E.E., la place de théâtre, etc. Une comparaison de l’évolution de cet indice particulier avec celle de l’indice officiel a été effectuée entre octobre 1971 et octobre 1972 (c’est-à-dire avant l’introduction des coéfficients de pondération dans l’indice belge) : alors que ce dernier connaissait une augmentation de 6,06 %, l’"indice-cadre" a enregistré une hausse quasi-identique pendant la période considérée (6,18 %). L’écart est donc dépourvu de toute signification.
2 – La structure des indices
1781. Mises à part quelques très rares exceptions (Iles du Cap-vert par exemple), tous les indices des prix à la consommation sont aujourd’hui des indices de type budgétaire : les articles qui le composent sont affectés d’un coéfficient de pondération déterminé sur la base des résultats d’enquêtes sur les dépenses familiales, corrigés éventuellement aux moyens de données tirées de la Comptabilité nationale.
179Toutefois, le champ de l’enquête peut varier considérablement selon les pays ; dans bien des cas, certains ménages en sont exclus, en raison de leur statut (les indépendants par exemple), de l’importance de leurs revenus (les plus hauts revenus sont écartés), de leur localisation (les ménages ruraux), etc.
180Ainsi, en R.F.A., l’enquête n’a pas porté sur les habitudes de consommation des ménages dont le revenu mensuel est égal ou supérieur à DM 10.000. En République d’Irlande, l’enquête n’a porté que sur les familles urbaines. En revanche, en France, en Italie, au Danemark, les enquêtes ont porté sur tous les types de ménages. En Belgique, rappelons-le, les résultats des enquêtes effectuées chez les ménages d’indépendants n’ont pas été retenus parce que jugés non fiables.
1812. Le plus souvent, les coéfficients de pondération restent identiques tant qu’une nouvelle enquête n’a pas débouché sur la confection d’un nouvel indice.
182Dans quelques pays toutefois (France, Royaume-Uni, Suède, URSS), c’est un indice-chaîne qui est utilisé : il s’agit d’un type d’indice révisé au début de chaque année civile sur la base des résultats d’enquêtes permanentes sur les dépenses familiales, de données tirées des comptes nationaux et du niveau des prix observés à la date de la revision.
1833. Il est extrêmement malaisé d’établir une comparaison entre les nomenclatures des divers indices nationaux, c’est que les articles ne sont pas définis partout avec les mêmes spécifications et que les grandes catégories dans lesquelles ils sont rassemblés varient d’un indice à l’autre.
184En outre, une telle comparaison, si elle était possible, ne permettrait pas d’en tirer tous les enseignements souhaités, en raison des différentes habitudes de consommation.
185Signalons toutefois que l’Office statistique des Communautés économiques européennes a préconisé une harmonisation de la structure des différents indices nationaux, harmonisation articulée autour d’une répartition des dépenses en huit catégories :
- produits alimentaires, boissons et tabac ;
- habillement et chaussure ;
- loyer, chauffage et éclairage ;
- meubles, appareillages et équipements ménagers, entretien courant ;
- services médicaux, dépenses de santé et soins du corps ;
- transports et communications ;
- loisirs, spectacles, enseignement et culture ;
- autres biens et services.
186En réalité, cette nomenclature est très proche de la codification recommandée par le Bureau international du travail (B.I.T.) et par l’Organisation des Nations-Unies (O.N.U.).
1874. Le nombre de postes inclus dans chaque indice national varie de manière sensible d’un pays à l’autre.
188Une mise en garde s’impose toutefois : il convient d’établir une distinction entre les postes nominalement repris dans la nomenclature de l’indice et les produits et services dont les prix sont relevés. L’indice d’un même poste peut être établi à partir des prix relevés pour plusieurs articles. Ainsi, en France, le calcul de l’indice des 295 postes implique le relevé des prix de 973 produits et services. En Belgique également, les postes n°235 et 236 (spécialités pharmaceutiques) sont représentés par 100 articles.
1895. A noter certaines différences concernant la prise en considération de certains articles.
190Ainsi, les loyers sont exclus au Luxembourg, alors qu’ils constituent des postes importants en Belgique, en Italie et en Irlande. En outre, en R.F.A., en France et aux Pays-Bas notamment, les logements occupés par leurs propriétaires sont inclus, dans une mesure variable, dans l’indice des prix à la consommation, par le biais de "loyers fictifs".
191En ce qui concerne les assurances, relevons le cas particulier de la France qui, à la prime, a préféré substituer dans l’indice les frais médicaux et de réparation automobile réellement exposés.
192Différences importantes également au sujet de la production propre et des prestations en nature : certains pays les excluent totalement (France, Danemark, Belgique, etc.), d’autres pays les prennent en considération sur la base des prix à la production. L’Irlande, elle, se fonde sur les prix de détail.
3 – Les relevés des prix
1931. La très grande majorité des pays tient compte de toutes les formes de commercialisation : supermarchés, grands magasins, petits détaillants, distributeurs spécialisés, etc. Toutefois, à l’exception de la République fédérale d’Allemagne, les ventes par correspondance sont exclues, ce qui s’explique certainement par la différence de volume du chiffre d’affaires.
1942. Pour ce qui est des centres de relevés, c’est-à-dire des localités ou des agglomérations où les prix sont relevés, leur nombre varie également d’un pays à l’autre.
195De même, le nombre de magasins visités par les enquêteurs, ainsi que celui des prix relevés, est extrêmement variable.
1963. En ce qui concerne la fréquence des relevés, des différences de méthode parfois sensibles sont parfois observées.
197Ainsi, aux Pays-Bas, si, comme ailleurs, la règle générale est le relevé mensuel, les prix des produits saisonniers sont enregistrés chaque semaine, celui du gaz et de l’électricité tous les deux mois. En Irlande, les prix ne sont relevés que tous les trois mois, en février, mai, août et novembre.
1984. Les fonctionnaires chargés des relevés ne disposent pas dans tous les pays de la même latitude, même si partout on veille à ne pas s’écarter du modèle d’article désigné à l’enquêteur, afin de permettre une comparaison dans le temps.
199Aux Pays-Bas, et en France, des instructions très précises ne laissent aux enquêteurs qu’une liberté fort relative dans le choix de modèles d’articles déterminés. En R.F.A., en Italie et en Belgique, la marge d’interprétation est déjà plus importante et en Irlande, elle est presque complète.
2005. Mis à part le cas de relevés effectués à partir de tarifs, la plupart des pays procèdent par enquêtes directes dans les points de vente. Certains, toutefois, pour des articles bien déterminés, ont recours à des sondages par voie postale. C’est le cas essentiellement, au Danemark et en Grande-Bretagne, où respectivement 80 et 50 % des relevés sont effectués selon cette dernière méthode.
201***
202Par sa structure, par les méthodes de relevés et de calcul, l’indice belge des prix à la consommation apparaît donc fort proche de ceux qui fonctionnent dans les pays voisins. Est-il légitime, à partir de là, de comparer les évolutions des prix enregistrées dans chacun de ces pays au moyen des indices nationaux ? De même qu’il est dangereux de comparer les taux de chômage observés çà et là, en raison des différences entre les critères nationaux, de même en matière d’index et d’évolution du coût de la vie, une certaine prudence est de rigueur, eu égard aux divergences dans les habitudes de consommation et aux variations de taux de change.
CONSIDERATIONS FINALES
203Depuis sa création, les décisions relatives à l’indice des prix ont toujours vu les interlocuteurs sociaux étroitement associés à l’action gouvernementale, que ce soit au sein de la Commission de l’indice ou à un échelon plus élevé, lors de rencontres formelles ou informelles entre ministres et hauts responsables des organisations socio-professionnelles.
204La cinquième réforme annoncée par le Premier ministre il y a quelques semaines, devrait, selon les plans du gouvernement, être mise en place avant le 1er juillet 1983. Un délai aussi court paraît, aux yeux de beaucoup, difficilement conciliable avec les exigences de temps qu’impose une concertation minutieuse et complète. Des négociations longues de deux ans avaient précédé les révisions intervenues en 1968 et en 1976. Est-ce à dire qu’en matière d’indice des prix, l’optique du pouvoir politique est d’assigner à la fonction concertative le rôle quasi-résiduaire qu’il lui a déjà réservé, ces derniers mois, dans les domaines de la modération salariale et de la réduction de la durée du travail ?
205On le voit, la manière revêtira, lors de la prochaine réforme, autant d’intérêt que le contenu. Les conditions dans lesquelles le nouvel indice entrera en vigueur risquent de susciter la contestation chez ceux qui seraient tenus à l’écart de son élaboration. Or, jusqu’à présent, la crédibilité qu’accordent à l’indice des prix tant l’opinion publique que les associations patronales et syndicales n’en constitue pas la moindre des qualités.
Notes
-
[1]
Le ministre des Affaires économiques de l’époque, Willy Claes, se serait opposé à la publication des premiers résultats de l’enquête, ceux-ci induisant d’importantes différences de consommation entre les régions du pays et pouvant, par là, mener à la revendication d’indices particuliers pour chacune de celles-ci.
-
[2]
A.Wibail, "Evolution comparée des index-numbers de prix", Revue du Travail, octobre 1938, pp.1220 et suivantes.
-
[3]
Voir infra, II, La naissance de l’index.
-
[4]
V.Lion, "La modernisation de l’index des prix de détail", C.S.C., Revue d’étude de la Confédération des syndicats chrétiens belges, juillet-août 1955, n°4, pp.235 à 271.
-
[5]
Sur Jean Bodin, voir Jean Touchard, Histoire des idées politiques, "Thémis", PUF, T.1, 4e éd., pp.286-293.
-
[6]
Jean-Louis Boursin, Les indices de prix, Presses universitaires de France, Collection "Que sais-je ?" n°1777, 1977.
-
[7]
V.Lion, "La modernisation de l’index des prix de détail", op.cit., p.238.
-
[8]
"L’index des prix de détail", Bulletin hebdomadaire de la Kredietbank, 11 juin 1966, n°24, p.226.
-
[9]
Fernand Baudhuin, Histoire économique de la Belgique, Tome I, "Grandeur et misère d’un quart de siècle", Bruylant, 1946, pp. 275-276 et 309-310.
-
[10]
Sur la réforme intervenue en 1939, voir Armand Julin, "La réforme de l’indice des prix de détail", Revue du Travail, mai 1939, pp.701 à 716.
-
[11]
A propos de cette équivalence entre les deux indices, se rapporter à Aimé Wibail, "Evolution comparée des index-numbers des prix de détail et du coût de la vie", Revue du Travail, octobre 1938, pp.1209 à 1229.
-
[12]
V. Lion, "La modernisation de l’indice des prix de détail", op.cit., p.236.
-
[13]
Voir à ce sujet "La réforme de l’index des prix de détail", Courrier Hebdomadaire du CRISP n°362, 14 avril 1967. Cette étude relate de manière minutieuse les négociations qui se déroulèrent à propos de la réforme de l’index de 1960 à 1967.
-
[14]
Cf. "Le nouvel indice des prix à la consommation", Bulletin hebdomadaire de la Kredietbank, 7 septembre 1968, n°33.
-
[15]
Pour tout ce qui concerne la localisation des relevés de prix dans l’indice de 1968, voir "L’indice des prix à la consommation", C.H. du CRISP n°771, 20 février 1970.
-
[16]
Ministère des Affaires économiques, La réforme de l’indice des prix à la consommation en 1976, Direction générale des études et de la documentation, Bruxelles, juin 1976, p.3.
-
[17]
Voir ci-dessous, V, p. 23.
-
[18]
Voir "Le nouvel indice des prix à la consommation", Bulletin hebdomadaire de la Kredietbank, 4 juin 1976, n°23, p.3.
-
[19]
Ministère des Affaires économiques, "La réforme de l’indice des prix à la consommation en 1976", M.A.E., Direction générale des études et de la documentation, Bruxelles, juin 1976, p.29.
-
[20]
L’Administration du Commerce appartient au Ministère des Affaires économiques.
-
[21]
En réalité, ce ne sont pas toujours les prix de 358 postes qui sont relevés, puisque la composition du panier des fruits et légumes frais varie d’un mois à l’autre.
-
[22]
Pour les coéfficients de pondération par article et par centre de relevés, ainsi que pour les formules mathématiques utilisées, se rapporter à "La réforme de l’indice des prix à la consommation en 1976", Ministère des Affaires économiques, Administration du Commerce, Direction générale des études et de la documentation.
-
[23]
Moniteur belge du 6 janvier 1968.
-
[24]
Moniteur belge du 4 avril 1935.
-
[25]
Voir notamment celle publiée en 1981 par André Moreau, administrateur délégué de l’Institut pour la promotion de la formation permanente du Hainaut.
-
[26]
Voir, à ce sujet, "50 centimes sur l’essence, ou comment "aménager" l’index", Pourquoi Pas ?, 20 mai 1982.
-
[27]
La C.G.T., en France, calcule son propre indice des prix à la consommation, à partir de 15.000 relevés opérés chaque mois dans la seule région parisienne.
-
[28]
Voir à ce sujet Jos Schoonbroodt, "L’escalade des prix", La Cité, 3, 4 et 5 mars 1981.
-
[29]
Bureau international du Travail, L’indexation des salaires dans les pays industrialisés à économie de marché, Genève, p.25.
-
[30]
Josef Stadlbauer, Rapport sur les indices des prix à la consommation dans les pays des communautés européennes, Eurostat, p.11.
-
[31]
Bureau international du Travail, Guide Technique, tome I, les prix à la consommation, Genève.
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[32]
Jacqueline Poelmans, "Calcul d’un indice de prix pour les "cadres"", Cahiers économiques de Bruxelles, n°58, 2e trimestre 1973, pp.189 à 218.