Notes
-
[1]
L’A.C.I. regroupe l’ensemble des mouvements coopératifs mondiaux qui observent effectivement les principes coopératifs. Son siège se trouve à Londres depuis sa constitution en 1895. Elle réunit 165 organisations réparties dans 66 pays et regroupe plus de 346 millions de membres. Le chiffre d’affaires de ses membres dépassant les 15.000 milliards de FB, l’A.C.I. est l’organisation non gouvernementale la plus importante et maintient des relations étroites avec les Nations Unies, le Bureau International du Travail, la F.A.O., l’UNESCO et de nombreuses agences spécialisées. Voir à ce sujet Le Consommateur, Bruxelles, septembre-octobre 1978.
-
[2]
Victor Serwy, Le Centenaire des Equitables Pionniers de Rochdale, Bruxelles, 1946, p.15.
-
[3]
"Hors les pays communistes et fascistes, le principe de la neutralité a été appliqué dans le monde entier presque sans exception. On ne connaît que deux exceptions : la Grande-Bretagne et la Belgique", cité par Georges Davidovic, Les principes coopératifs reformulés Annales de l’Economie collective, no3, juillet-septembre 1967, p.341.
-
[4]
Paul Lambert, La Doctrine Coopérative, Bruxelles, 1964, p.57.
-
[5]
Paul Lambert, La Doctrine Coopérative, Bruxelles, 1964, p.57.
-
[6]
Ministère belge des Affaires économiques, doc.1977/17. Créé par la loi du 20 juillet 1955, le C.N.C. comprend les sociétés coopératives agréées par le Ministère des Affaires économiques sur base de l’arrêté royal du 8 janvier 1962. Le Conseil est issu de quatre commissions à savoir les commissions des coopératives agricoles, de consommation, de services, de production et de distribution. Installé au siège du Conseil central de l’Economie, il joue un rôle consultatif et de promotion. L’agréation d’une société coopérative est subordonnée aux conditions suivantes :
- l’adhésion volontaire ;
- l’égalité ou la limitation du droit de vote ;
- la désignation par l’assemblée générale des membres du conseil d’administration et du collège des commissaires ;
- un taux d’intérêt modéré, limité aux parts sociales ;
- une ristourne aux associés.
-
[7]
Jacques’t Kint et Michel Godin, Les sociétés coopératives, Bruxelles, 1968, p.16.
-
[8]
Victor Serwy, La coopération en Belgique, Tome I, p.91.
-
[9]
Bernard Lavergne, Le Régime Coopératif, Paris, 1908, p.259.
-
[10]
Ibidem, p.267.
-
[11]
Victor Serwy, La coopération depuis un’siècle, Bruxelles, 1923, p.11.
-
[12]
Traduction littérale : "En avant".
-
[13]
Léon Delsinne, Le Parti Ouvrier belge, Edition La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1955, p.110.
-
[14]
Histoire du mouvement mutualiste chrétien en Belgique, Bruxelles, 1957.
-
[15]
Les Ouvriers Réunis ont cessé leurs activités le 15 mai 1979.
-
[16]
La coopération chrétienne, plaquette F.N.C.C., Bruxelles, 1971.
-
[17]
A.Velaert, L’économie publique et coopérative en Belgique, Liège, 1968, p.81.
-
[18]
L’arrêté royal du 15 décembre 1934 créait l’Office central de la petite Epargne.
-
[19]
A.Velaert, L’Economie publique et coopérative en Belgique, Liège, 1968, p.84.
-
[20]
L’Union économique de Bruxelles a disparu après avoir introduit une demande de concordat en septembre 1972.
-
[21]
Voir à ce sujet les Courriers Hebdomadaires du CRISP noS 789, 790 et 803 : "La distribution en Belgique".
-
[22]
Rapport sur l’activité du comité financier, Congrès FEBECOOP, 1971.
-
[23]
Rapport d’activités de FEBECOOP, Bruxelles, 1978, pp.3-4.
-
[24]
Rapport d’activités de FEBECOOP, Bruxelles, 1978, p.21.
-
[25]
Selon la Commission spéciale de la distribution du Conseil central de l’Economie, le commerce intégré est un "commerce qui assume sous une même direction les fonctions de gros et de détail, et éventuellement une fonction de production". Cf. Texte révisé des définitions et concepts les plus couramment utilisés en Belgique en matière de distribution, 23 février 1981.
-
[26]
Le projet coopératif, par Henri Desroche, Paris, 1976, p.156.
-
[27]
Superette : magasin d’alimentation en détail dont la surface de vente se situe entre 100 et 400m2 et dont la plus grande partie de l’assortiment est vendue en libre-service.
Supermarché : établissement de vente au détail exploité en libre-service, ayant une surface de vente d’au moins 400m2 et inférieure à 2.500m2, offrant un assortiment complet de produits alimentaires - y compris des denrées périssables -auquel peuvent s’ajouter d’autres produits de grande consommation.
Hypermarché : établissement de vente au détail d’une surface minimale de 2.500m2, offrant principalement en libre-service un assortiment étendu de produits alimentaires et non-alimentaires de grande vente, et disposant en outre d’une aire de stationnement. -
[28]
Les entreprises coopératives, par Georges Lasserre, P.U.F. - Que sais-je ?, Paris, 1977, p.35.
-
[29]
Guy David, Les Coopératives à la croisée des chemins, Le cas Distrimas en Belgique, Informations coopératives, B.I.T., Genève, 3/1977, p.19.
-
[30]
Claude Vienney, Les coopératives de consommation en France, Notes et Etudes documentaires, Paris, n°3285, 26 avril 1966, p.23.
-
[31]
Bulletin Hebdomadaire, Kredietbank, 8 mars 1974.
-
[32]
Georges Lasserre, Les Entreprises coopératives, Paris 1977, p.118.
-
[33]
Guy David, Les coopératives à la croisée des chemins, Le cas de Distrimas en Belgique, Informations coopératives, B.I.T., Genève, 3/1977, p.26.
-
[34]
Source : rapport annuel de la C.O.B., 1980, p.35.
-
[35]
Source : rapport annuel de la C.O.B., 1979, p.26.
-
[36]
Rapport annuel des A.P., 1978.
-
[37]
Sur l’action-consommateurs développée par les coopératives depuis plusieurs années, cf. "Les consommateurs en Belgique : protection - information - représentation", Dossier du CRISP n°12, octobre 1978.
Introduction
1 Le présent Courrier Hebdomadaire, consacré à l’évolution des coopératives en Belgique, tente d’apporter des éléments de réponses à un certain nombre d’interrogations relatives à la finalité des coopératives. Lés coopératives représentent-elles une alternative au système capitaliste ou y sont-elles intégrées ? Pourquoi ? Comment ? Les objectifs des coopératives sont-ils purement commerciaux et financiers ? Existe-t-il une différence entre le projet coopératif contemporain et celui des pionniers ? Quel est le rôle des coopératives ?
2 Une première partie évoquera ainsi l’évolution des coopératives des origines jusqu’à la deuxième guerre mondiale, période marquée par les oppositions entre les différents mouvements : socialiste, chrétien et neutre.
3 Une deuxième partie donnera une description de la situation actuelle, avec une présentation par secteurs économiques, les oppositions entre mouvements ayant eu tendance à s’atténuer.
4 Nous avons surtout envisagé l’étude des coopératives de consommation parce que les coopératives de production n’existent pratiquement plus en Belgique et que les rares unités encore en vie sont généralement liées aux grands mouvements des coopératives de consommation, d’autre part parce que les coopératives agricoles localisées principalement dans des milieux conservateurs catholiques n’appliquent pas les principes établis par l’Alliance Coopérative Internationale "A.C.I." [1]. Il faut remarquer que l’ensemble formé par le secteur coopératif comprend également des sociétés et organismes ayant adopté un autre statut juridique que celui de société coopérative, pour des raisons diverses de commodité.
I – Évolution des coopératives jusqu'à la deuxième guerre mondiale
1 – Les définitions de la coopérative
5 Si la coopération naquit spontanément au sein de la classe ouvrière en réaction contre les privilèges du capitalisme et si les premières coopératives fonctionnèrent bien avant Robert Owen (1771-1858) et Charles Fourier (1772-1837), certains auteurs les considèrent généralement comme les pères de la coopération parce qu’ils en ont précisé les critères de base : l’association volontaire, la démocratie dans le fonctionnement, l’esprit de service et non de profit. D’autres auteurs pensent que les véritables fondateurs de la coopération sont William King et Michel Derrion qui créèrent des coopératives de consommation "dont l’objet était de ravitailler leurs membres dans des conditions plus avantageuses que celles des commerçants" [2]. Plusieurs penseurs se penchent ensuite sur la coopération : Claude Henri comte de Saint-Simon (1760-1825), Philippe Buchez (1796-1865), Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) et Louis Blanc (1799-1872).
6 En 1844, des adeptes d’Owen fondent en Angleterre la société des Équitables Pionniers de Rochdale et établissent les premiers principes coopératifs qui sont toujours d’actualité :
"1) Autorité démocratique ;
2) adhésion libre de nouveaux membres ou principe de la porte ouverte ;
3) paiement au capital d’un intérêt limité ;
4) ristourne du surplus aux membres en proportion de leurs achats ;
5) achat et vente au comptant ;
6) pureté et qualité des produits ;
7) éducation des membres ;
8) neutralité politique et religieuse [3] ;
9) vente au prix du marché ;
10) adhésion volontaire" [4].
8 On ajoute généralement trois principes coopératifs dont le premier et le troisième sont tout à fait explicites dans les statuts des Pionniers :
"11) dévolution désintéressée de l’actif net en cas de dissolution de la société ;
12) activité visant à servir l’intérêt des membres dans la mesure seulement où cet intérêt est jugé conforme à l’intérêt général de la communauté (esprit de service) ;
13) aspiration à conquérir et à coopératisme l’organisation économique et sociale du monde" [5].
10 Dans le domaine coopératif, la doctrine a précédé le fait coopératif lui-même. C’est pourquoi après Rochdale, de nombreuses définitions de la doctrine coopérative seront élaborées.
11 Le Conseil National de la Coopération "C.N.C." [6] formule comme suit les éléments caractéristiques d’une coopérative :
"a) La coopérative est à la fois une association et une entreprise.
b) Autrement dit, la coopérative est une collaboration organisée pour exécuter une activité économique déterminée.
c) Cette collaboration se fonde sur l’esprit d’entraide mutuelle (self-help) et sur la reconnaissance que les intérêts des membres jouissent des mêmes droits. Cette collaboration est axée, par priorité, sur la recherche de la satisfaction des besoins qui se retrouvent chez tous les associés et usagers et qui concernent leurs intérêts tant économiques que professionnels et familiaux. Cette satisfaction de besoins propres aux coopérateurs et usagers de la coopérative doit tenir compte des exigences de l’intérêt général.
d) Cette collaboration se fonde, dans la solidarité, sur l’apport tant de participation à l’activité de la société (travail, achat, vente), que de capital ; sur la participation aux décisions et la prise de responsabilité qui en découlent (…)".
13 Pour nous, la coopérative associe des travailleurs en tant que producteurs ou consommateurs dans le but immédiat de limiter les difficultés économiques des membres de l’association. Face à la concurrence capitaliste, les stratégies de changement social sont multiples. Une première tendance ne proscrit pas le système capitaliste. Une seconde tendance prône la coopération comme modèle de société socialiste.
14 La dernière tendance pense que la coopération n’est qu’un élément parmi d’autres pour instaurer une société socialiste. Les moyens financiers de l’entreprise sont d’une part, le capital (les parts de coopérateurs), d’autre part les apports des capitalistes rémunérés de façon fixe ou variable. Le pouvoir de décision et de gestion appartient aux coopérateurs ou à leurs représentants mais parfois aussi aux bailleurs de fonds.
15 Le statut juridique de la société coopérative a été défini par la loi de 1873. Ainsi, la définition légale de la coopérative est la suivante : "La société coopérative est une société commerciale constituée, sous une définition particulière, par des associés au nombre minimum de sept, qui ont le droit de se retirer ou peuvent être exclus, dont l’étendue de la responsabilité peut être librement limitée, et dont les parts nécessairement représentatives du capital exprimé, sont incessibles aux tiers" [7].
2 – Les coopératives belges entre 1880 et 1914
16 Entre 1830 et 1848, de riches bourgeois lecteurs de Fourier et de Saint-Simon commencent à s’intéresser aux déshérités et exploités, mais peu de travailleurs se révoltent contre leur insupportable condition. Les premiers Saint-Simoniens et Fouriéristes sont Edouard Ducpétiaux, Charles Rogier, Zoé Gatti de Gamond,… Si les rares tentatives de créer des coopératives de production sont vite brisées, des groupements de secours mutuels se développent. On comptait, en 1851, 50.000 ouvriers groupés dans 200 sociétés de secours mutuels [8]. En 1856, lors d’un congrès international de la bienfaisance tenu à Bruxelles, Huber vient y proposer la coopération comme remède à la misère sociale. En 1864, lors de la fondation de l’Association Internationale des Travailleurs, l’apport de la coopération est fortement critiqué. Entre 1864 et 1870, quelques coopératives sont créées pour l’achat en commun de provisions. La loi créant la société coopérative est votée en 1873, malgré l’opposition de certains parlementaires y voyant des centres d’agitation révolutionnaire. Sur les 37 coopératives constituées légalement en 1875, on comptait 20 banques populaires, 14 sociétés de consommation et sociétés de production. La plupart de ces sociétés étaient d’inspiration socialiste.
17 La période qui va de 1830 à 1880 est dominée en fait par l’idée d’une transformation du régime social par l’association. Cependant, l’histoire belge de la coopération débute vraiment durant la période 1880-1885 avec la naissance des premières coopératives neutres et l’extension des coopératives socialistes.
18 Deux constantes de la coopération belge apparaissent dès cette époque :
- la quasi inexistence des coopératives de production ;
- la naissance de deux mouvements coopératifs : le premier neutre, le second socialiste, tandis que la coopération chrétienne n’apparaîtra de façon significative qu’après la guerre 1914-18.
19 Voici l’avis de Bernard Lavergne sur la naissance tardive des coopératives belges :
"La Belgique est probablement le pays au monde qui a ressenti le plus fortement l’influence française et il n’est pas douteux qu’au point de vue coopératif, cette influence lui a été particulièrement nuisible. Le mouvement coopératif s’y est prononcé aussi tardivement qu’en France, la classe ouvrière belge ne s’est convertie à la coopération qu’à dater de 1880. Cependant, depuis de très longues années, les circonstances économiques, le milieu social rendaient particulièrement faciles l’adaptation et le développement du principe coopératif en Belgique" [9].
"Dès cette époque, le trait caractéristique de la coopération belge commence à se dessiner nettement, tout organisme coopératif revêt en Belgique un caractère politique" [10].
a – La coopération de la tendance socialiste
21 L’apparition des coopératives socialistes s’est effectuée en trois grandes étapes :
- dans des coopératives, se disant neutres, apparaissent d’abord des fractions importantes de coopérateurs socialistes. Puis ceux-ci abandonnent les coopératives neutres pour fonder leurs propres entreprises. Le cas des Vrije Bakkers à Gand est éclairant : le refus de laisser flotter le drapeau rouge sur le local et de distribuer des écrits socialistes aux membres provoque le départ des coopérateurs socialistes qui fondent le Vooruit en 1880 autour de Van Beveren et d’Anseele. "C’est aussi comme à Lyon, comme à Rochdale, dans un milieu d’industrie textile que se fonde le Vooruit. Gand était déjà au Moyen-Age une ville de tisserands" [11] ;
- première coopérative entièrement socialiste, le développement du Vooruit [12] engendre l’ouverture de dizaines de coopératives ; et, à cet égard, son intervention pour soutenir les grévistes du Borinage en 1885 est un exemple de choix : "Au printemps de 1885, une grève importante éclate dans les charbonnages du Borinage. Au bout de quelques jours, on annonce que la misère règne dans les corons. Une assem blée réunie d’urgence, décide d’envoyer 10.000 kilos de pain aux grévistes. L’arrivée des camions gantois dans les communes boraines provoque une sensation énorme, aussi bien dans les mileux dirigeants que parmi les ouvriers" [13] ;
- l’ensemble des grèves et manifestations ouvrières au milieu des années 1880 frappent l’opinion publique et incitent les ouvriers à s’associer dans des coopératives pour améliorer leur niveau de vie.
22 Dans ces premières coopératives, on remarque d’une part des activités économiques, et d’autre part, des activités d’aide aux travailleurs ; souvent les deux se chevauchent. La boulangerie fut à la base de la coopération à Gand, à Bruxelles, dans le Centre, dans le Borinage. Des boutiques de produits alimentaires et de boucherie suivirent. De même que les mutuellistes neutres bruxellois avaient créé des pharmacies populaires, les socialistes établirent ce type de coopérative à Gand en 1885, à Anvers en 1886, à Jolimont, en 1888. D’autres secteurs de vente furent abordés : charbon, tissus, vêtements, chaussures. Le Vooruit de Gand et Le Progrès de Jolimont établirent bientôt un système de pension de vieillesse pour leurs membres. Le 8 octobre 1907, les sociétés se regroupèrent au sein de la Fédération des sociétés coopératives pour mettre sur pied un système d’assurance-vie et d’assurance incendie. C’est ainsi que fut créée la Prévoyance sociale, une des 66 coopératives d’assurances que comptait le pays.
23 Certaines coopératives associées aux Maisons du Peuple avaient pour but bien plus de fournir des ressources aux grévistes ou à la propagande socialiste que de délivrer des produits de consommation courante à bon marché. Après 1885, pratiquement chaque village important avait sa Maison du Peuple installée grâce à la coopérative de consommation.
b – La coopération de la tendance chrétienne et la naissance du catholicisme social
24 Pour limiter la misère des travailleurs, la bourgeoisie catholique et les institutions cléricales mirent en place dans la seconde moitié du XIXème siècle des œuvres de bienfaisance. Il s’agissait uniquement de faire œuvre de charité. Selon Rezsohazy [14], deux tendances apparurent. D’une part, la branche catholique de l’école socialiste qui estimait que le regroupement par l’association des travailleurs assurerait leur émancipation économique et sociale. D’autre part, la branche paternaliste craignant les nouvelles idées sociales suscitées par l’association, le syndicalisme et la coopération. En patronnant des cercles ouvriers, il s’agissait de les aider quelque peu sans rien changer aux structures socio-économiques. Devant la poussée du socialisme, une fédération des sociétés ouvrières belges fut fondée à Louvain en 1867 pour limiter l’influence des sections belges de la Première Internationale.
25 En septembre 1886, peu après la création du P.O.B., le premier Congrès des œuvres sociales, présidé par l’Evêque de Liège fut réuni. Suite aux autres Congrès en 1887 et en 1890, on recommanda l’association entre patrons, petits commerçants et ouvriers. On créa le Boerenbond. Mais le suffrage toujours censitaire excluant les ouvriers du droit de vote rendit prudent le parti catholique qui ne voulait pas s’aliéner les voix des électeurs des classes moyennes. En 1891, la Ligue démocratique belge fut reconnue au Congrès des œuvres sociales à Malines. La Ligue visait d’une part à améliorer le sort moral et matériel de la classe ouvrière et d’autre part à réconcilier le capital et le travail. Cette même année, le pape Léon XIII faisait publier son encyclique Rerum novarum reconnaissant l’existence du catholicisme social qui deviendra la démocratie chrétienne. Les dirigeants du parti catholique, dans leur souci de préserver la libre entreprise, la concurrence et la propriété individuelle, refusaient à la coopération, le droit à l’existence, mais cela n’empêcha pas la naissance à l’intérieur de cette formation politique d’une tendance démocrate chrétienne. Qu’était la démocratie chrétienne en Belgique ? Des jeunes catholiques intellectuels, ouvriers et prêtres qui, ayant reconnu la gravité du problème social, en grande partie sous l’influence des menées insurrectionnelles de 1886 avaient entrepris d’organiser les travailleurs chrétiens en ligues politiques, en syndicats et en coopératives, afin de mener dans la classe laborieuse une action catholique, de la préserver contre le socialisme matérialiste, de lui proposer des représentants au Parlement et de combattre pour l’élévation de son niveau de vie. En fait, malgré tout, vouloir changer le système économique et limiter les injustices sociales était une attitude largement minoritaire au sein de la démocratie chrétienne.
26 Par ailleurs, malgré la dominante politique des préoccupations de la Ligue démocratique, quelques petites sociétés coopératives chrétiennes furent fondées au niveau local, sans doute sous l’effet de l’extension du droit de suffrage en 1893. Le député catholique Michel Levie crée en 1891 à Charleroi, une boulangerie coopérative : Les Ouvriers Réunis bientôt suivie d’une brasserie, d’une malterie, d’une caisse de secours et d’une société de crédit pour l’achat et la construction d’immeubles [15]. A Gand, la coopérative Het Volk créée en 1884 commença à concurrencer le Vooruit. En 1900, sept sociétés coopératives étaient rattachées à la Ligue mais sans aucune coordination. Ce n’est qu’en 1910 que fut mise sur pied à Hasselt la société "L’Economie" qui sera le point de départ du regroupement des coopératives chrétiennes. Comme on peut le constater, l’influence démocrate chrétienne dans le domaine coopératif fut très faible jusqu’à la première guerre mondiale. Si quelques boulangeries furent mises sur pied par le parti catholique, c’était bien plus pour s’opposer aux socialistes que pour développer la coopération.
c – La coopération de la tendance neutre
27 L’association coopérative du personnel fut fondée en 1881 par quelques fonctionnaires du Ministère des Travaux publics. Visant à propager la coopération parmi les fonctionnaires, elle disparut sous la pression du Ministère. Ce n’est véritablement qu’en 1886 que plusieurs coopératives neutres apparurent grâce à la création de l’Association du personnel des chemins de fer belges. Les deux premières coopératives furent établies respectivement à Ledeberg et Marcinelle. Entre 1886 et 1890, 13 autres coopératives furent lancées dont l’Union économique de Bruxelles ; 25 sociétés supplémentaires apparurent avant 1914. L’Union Economique de Bruxelles devint la plus importante coopérative neutre. Démarrant avec 2.600 membres, elle en comptait plus de 6.000 vingt ans plus tard. Gérée par des travailleurs intellectuels, l’esprit d’ordre et d’économie y était plus rigoureux que dans les coopératives socialistes. Cependant, malgré la modestie des traitements de la plupart des agents de l’Etat, le personnel de l’Etat se sentant supérieur aux ouvriers et refusant d’être assimilé à la classe des travailleurs manuels refusait de s’approvisionner auprès de ces coopératives. Si, au départ, on suivit la ligne des Pionniers de Rochdale, bientôt on s’orienta vers le seul aspect commercial : on se contenta d’améliorer le sort des fonctionnaires par une ristourne élevée. En décembre 1891, fut créée La Fédérale, première fédération nationale ne regroupant que des employés de l’Etat. Elle devint en 1900 la Fédérale de Belgique. Tout en restant indépendants de La Fédérale, des coopérateurs neutres fondèrent dès 1882, les premières officines coopératives belges : Les Pharmacies populaires.
3 – Les coopératives belges entre 1914 et 1944
a – Les coopératives de la tendance socialiste
1 – La restructuration dans la distribution
28 Pendant la première guerre mondiale, Victor Serwy avait établi un plan de regroupement des coopératives sous forme d’unions coopératives régionales. Les dirigeants nationaux rêvant en effet de chiffres d’affaires élevés, voulaient combattre le localisme. Ils se souciaient plus de leur équilibre financier et n’hésitaient pas à réduire les activités commerciales non rentables (à la fin des années 30, on exigera une redevance pour l’occupation des Maisons du Peuple par des mouvements socialistes). Dès la fin de la première guerre mondiale, cinq unions coopératives importantes étaient créées à Liège, Philippeville et Charleroi, dans le Centre et dans le Borinage. Après 1918, deux organismes centraux se partageaient les tâches. L’A.S.B.L. l’Office coopératif belge (O.C.B.) étudiait, propageait et défendait le mouvement coopératif face aux pouvoirs publics. C’est lui qui chercha à rationaliser et à centraliser les coopératives locales. Le second organisme, la Fédération des Sociétés coopératives belges (F.S.C.) était le courtier et le grossiste. En 1929, un tiers des marchandises des coopératives était acheté auprès de la Fédération.
29 En 1924, le congrès coopératif de Gand suscita la création de la Société générale coopérative (S.G.C), qui devait donner son nom à la nouvelle entité résultant de sa fusion avec les deux autres organismes en 1936. Les dirigeants de la nouvelle S.G.C se préoccupèrent surtout de finance et de commerce.
2 – L’extension à de nouveaux secteurs : l’épargne et l’assurance
30 A côté de la distribution, se développèrent de petites caisses d’épargne. Créé en 1920, le Comptoir de Dépôts et de Prêts avait pour mission de récolter et de centraliser les fonds des petites caisses d’épargne locales, tandis que la Banque belge du Travail s’occupait des services financiers. L’importance des dépôts (qui en 1930 atteignaient 200 millions de FB) incita le Comptoir à effectuer des placements massifs auprès des banques et des agents de change alors que l’article 4 de ses statuts interdisait toutes les opérations de pure spéculation. Fin décembre 1930, une perte de plus de 18 millions de FB résultait de la spéculation financière et de la crise boursière. En 1934, la Banque belge du Travail à laquelle on avait cédé le Comptoir trois ans plus tôt, s’effondra elle aussi avec de nombreuses banques belges. Elle fut remplacée en 1935, par Coop-Dépôts qui avait pour objet de surveiller et de contrôler la gestion tant des fonds d’épargne que la trésorerie des petites caisses locales.
31 Après la guerre de 1914-18, la Prévoyance sociale était une des 45 coopératives d’assurances subsistant encore, alors que 258 sociétés avaient été créées entre 1873 et 1922. Socialisant une fraction de ses bénéfices dans l’achat de domaines disponibles pour l’Union nationale des Mutualités socialistes, la P.S. fournissait des subsides importants à la presse et au Parti ouvrier belge. Après la crise des années trente, vers 1938, elle se classait comme troisième société d’assurances-vie du pays et première société d’assurances populaires.
3 – Les rapports avec les autres branches de l’action commune
32 Si, pendant ses vingt premières années d’existence, le P.O.B. avait propagé la coopération, peu à peu, en raison des oppositions syndicales, le parti ne la considéra plus que comme fournisseur de subsides, d’aide à la presse et de locaux. Aussi, les dirigeants coopérateurs se plaignirent-ils de ne pas avoir au sein du parti la place, qui leur était due. Toujours préoccupés d’accroître leur chiffre d’affaires, ils estimaient que parmi les militants syndicalistes, mutuellistes et parmi les conseillers communaux socialistes, une trop faible partie était membre des coopératives. Certains pensaient même que la liaison avec le parti présentait plus d’inconvénients que d’avantages. C’est pour cette raison qu’à la fin des années 1930, l’utilisation gratuite de locaux par les autres branches de l’action commune fut en partie supprimée.
33 Par ailleurs, les dirigeants des coopératives souhaitaient que les ouvriers syndiqués soient obligés d’être coopérateurs. A la fin des années trente, on dénombrait 600.000 travailleurs syndiqués pour 300.000 coopérateurs. Mais l’opposition la plus importante apparut au niveau des conditions de travail du personnel des coopératives (6.000 personnes après la première guerre mondiale). Estimant rendre des services aux syndicats en leur prêtant des locaux et des bureaux, les dirigeants des coopératives étaient scandalisés des revendications syndicales exigeant d’eux des conditions de travail que les syndicats ne parvenaient pas à faire admettre par les patrons capitalistes. Pour résoudre les conflits, on créa une commission nationale de conciliation et d’arbitrage, composée paritairement des représentants des syndicats et des coopératives. Quoiqu’elle réglât de nombreux conflits, des grèves apparurent dans divers endroits du pays.
b – Les coopératives de la tendance chrétienne
1 – Le Bien-Être
34 Le principe fondamental du mouvement chrétien est la séparation entre les services commerciaux et les services sociaux. Si des hommes d’affaires s’occupèrent de la direction économique, néanmoins la direction sociale restait propriétaire des services commerciaux et contrôlait leur gestion [16].
35 En 1919, la Limburgse Cooperatie et la S.A. "L’Economie" se répartirent entre elles les tâches. La première se chargeait du commerce des denrées alimentaires, tandis que la seconde s’occupait uniquement des tâches sociales : recrutement, propagande, constitution du capital coopératif. "L’Economie" reprit bientôt l’exploitation commerciale des coopératives chrétiennes du Brabant et d’Anvers. En juin 1920, un congrès catholique des œuvres sociales recommanda le développement des coopératives. Créée en 1921, la Ligue des Travailleurs chrétiens (L.T.C.) établit un accord avec le Boerenbond belge (en 1923) ; cet accord devait aboutir à une souscription pour moitié de la puissante coopérative agricole lors de l’augmentation du capital de "L’Economie". Deux ans plus tard, "L’Economie" changea de nom et devint la "Coopération belge Bien-Être S.A.", en abrégé le Bien-Être. Le Bien-Être se transforma alors en centrale commerciale de toutes les sociétés coopératives tant en Flandre qu’en Wallonie. Partant de 16 succursales en 1919, elle en comptait 836 en 1936. Pour la même année, on dénombrait 88.000 coopérateurs réalisant leurs achats dans les 430 magasins de Wallonie et dans les 399 magasins de Flandre. Pour centraliser les services sociaux, on constitua la Coopération ouvrière belge (C.O.B.) dont le capital fut assemblé grâce aux parts de diverses sociétés régionales existantes. La C.O.B. souscrivit la moitié du capital du Bien-Être, le solde étant à charge du Boerenbond. La C.O.B. fonda successivement la Banque des Travailleurs belges (1925) qui devint en 1926 la Caisse d’Epargne des Travailleurs chrétiens, la S.A. de Hoorn (1927) qui regroupait 13 boulangeries, la Centrale des Assurances populaires (L.A.P.) en 1932 qui purent se développer grâce à l’aide des Assurances du Boerenbond belge [17]. Puis une nouvelle législation bancaire fut mise en place après la grande crise [18].
36 Dans un but de centralisation, quatre banques et caisses d’épargne fusionnèrent en 1935 sous le nom de C.O.B. - Caisse centrale de Dépôts. Une nouvelle organisation, la Fédération nationale des Coopératives chrétiennes (F.N.C.C), reprit les anciennes activités sociales. Dorénavant, le Bien-Être allait s’occuper des magasins, la C.O.B. de l’épargne et du crédit et les A.P. des assurances.
2 – L’Économie populaire de Ciney (EPECE)
37 La Populaire condruzienne créée en 1919 était une société coopérative démocrate-chrétienne qui s’était développée indépendamment de la Ligue démocratique. En 1928, elle absorba une coopérative de Philippeville, L’Economie populaire, dont elle reprit le nom. Un an plus tard, elle fusionna avec La Populaire de Namur, créée en 1911, et qui comptait une trentaine de succursales. En 1932, elle occupait 200 personnes. De 14 succursales en 1924, elle allait passer à 203 en 1939. Il était demandé aux coopérateurs de reconnaître comme base de l’ordre social, la religion, la famille et la propriété [19]. L’EPECE ne rayonnait que dans les provinces de Namur et du Luxembourg, les autres provinces dépendant de la F.N.C.C.
c – Les coopératives de la tendance neutre
38 Après la première guerre mondiale, la Fédérale réaffirma sa neutralité politique. Vendre au prix le plus bas et accorder d’importantes ristournes étaient ses seuls objectifs. La caractéristique des sociétés neutres était la rigueur commerciale et un caractère coopératif limité. La phase d’expansion de La Fédérale se situe après la première guerre. En 1919, les 51 sociétés neutres regroupaient 138.000 coopérateurs. Après la grande crise, les sociétés restantes se rassemblèrent en 1933 autour de l’Indépendance de Mons pour aboutir à la constitution de l’Union économique de Belgique. Parmi les entreprises les plus performantes, citons De Bie à Kassel-Lo, S.E.A. à Anvers, L’Avenir à Tournai, et surtout L’Economie d’Ostende et l’Union économique de Bruxelles. Cette dernière comptait, en 1939, 75.000 membres (soit l/7e des familles bruxelloises) et 1.011 personnes employées. A Bruxelles, les Pharmacies populaires occupaient, en 1934, 120 personnes et avaient 53.000 membres.
II – Les coopératives belges aujourd’hui
39 Nous avons vu que les coopératives de production ne se sont guère développées en Belgique : les quelques rares coopératives de production sont rattachées aux coopératives de consommation. En outre, en 1980, on trouve encore les trois mouvements coopératifs décrits plus haut. Les coopératives socialistes sont regroupées au sein de la Fédération belge des Coopératives "FEBECOOP" ; les coopératives chrétiennes forment la Fédération nationale des Coopératives chrétiennes "F.N.C.C." ; et la Fédérale de Belgique regroupe les coopératives neutres. Après avoir décrit la situation actuelle des trois mouvements, nous étudierons les créneaux où la coopération a pu s’étendre, à savoir : la distribution, l’épargne et le crédit, les assurances.
1 – Les mouvements coopératifs belges aujourd’hui
a – Le mouvement chrétien (F.N.C.C. et EPECE)
La structure du groupe C
La structure du groupe C
1 – Les coopératives régionales
41 La F.N.C.C. fédère 28 sociétés coopératives régionales (16 en Flandre, 11 en Wallonie et 1 à Bruxelles) qui rassemblent les coopérateurs en sections locales. Chaque société collecte les parts des coopérateurs qui sont rassemblés par la F.N.C.C.
42 Le tableau suivant montre la prépondérance flamande qui aura une influence dans les conceptions de la F.N.C.C. :
La répartition géographique de la F.N.C.C (Situation au 31 décembre 1979)
La répartition géographique de la F.N.C.C (Situation au 31 décembre 1979)
2 – Les activités commerciales
43 La F.N.C.C. quant à elle, au capital de FB 717.800.000, contrôle ou détient des participations dans un certain nombre d’entreprises commerciales, comme le montre le tableau suivant.
Les activités commerciales de la F.N.C.C.
Les activités commerciales de la F.N.C.C.
44 Dans le secteur de l’épargne et du crédit, la F.N.C.C. détient 60 % des titres de la Coopérative ouvrière belge - Caisse centrale de dépôts, S.C. - Belgische Arbeiders Cooperatie Centrale Depositokas (capital : 1.100 millions FB), à Bruxelles, importante caisse d’épargne privée dont les dépôts se sont élevés en 1980 à FB 120,7 milliards. La C.O.B. emploie plus de 1.200 personnes. Les parts détenues dans la C.O.B. par la F.N.C.C. représentaient en 1979 70 % de l’ensemble du capital coopératif de la F.N.C.C.
45 Dans le secteur des assurances, la F.N.C.C. détient 82 % des titres de la S.C. Les Assurances populaires (capital : FB 50 millions), à Bruxelles. Les Assurances populaires détiennent elles-mêmes 10 % des titres de la S.A. Secura, filiale des Assurances du Boerenbond belge.
46 Dans le secteur de la distribution, la F.N.C.C. détient la majorité des titres de la S.C. L’Economie populaire "EPECE" (capital : FB 309.332.000), à Ciney. Le réseau des magasins EPECE et des pharmacies Familia a réalisé en 1980 un chiffre d’affaires de plus de FB 33 milliards et emploie environ 1.200 personnes. L’EPECE détient la majorité des titres de la S.A. Établissements Winandy (capital : FB 28 millions), à Ciney, qui gère les immeubles utilisés par l’EPECE. L’EPECE détient en outre un intérêt minoritaire dans la S.C. Setco, à Bruxelles, par l’intermédiaire de laquelle l’EPECE négocie des achats dans le secteur alimentaire en association avec d’autres distributeurs. En 1980, la F.N.C.C. a amorti totalement sa part dans l’EPECE en raison de la situation difficile du secteur de la distribution coopérative.
47 Par ailleurs, la C.O.B. et sa filiale la S.C. Auxiliaire de participations "Auxipar" détiennent 50 % des titres, en association avec diverses sociétés affiliées au Boerenbond belge, de la S.A. Welvaart, Belgische Cooperatie - Bien-Être, Coopération belge (capital : FB 150 millions), à Merksem. Le Bien-Être a réalisé en 1980 un chiffre d’affaires global de plus de FB 2 milliards. Le Bien-Être a lui-même une filiale, la S.A. Norma, à Merksem, qui exploite des magasins de textiles.
48 Dans le secteur de l’imprimerie et de l’édition, la F.N.C.C. détient directement 20 % des titres, en association avec d’autres sociétés et organismes du groupe, de la N. V. Drukkerij Het Volk (capital : FB 220 millions), à Gand. Cette société, qui édite notamment le quotidien Het Volk et les hebdomadaires Zondagsblad et Spectator, a réalisé en 1980 un chiffre d’affaires global de plus de FB 1,3 milliards. Elle dispose de 13 librairies et d’environ 1.500 points de vente. Elle emploie environ 625 personnes. Les parts sociales détenues par la F.N.C.C. dans Het Volk représentaient en 1980 4,8 % de l’ensemble du capital coopératif de la F.N.C.C. La N.V. Drukkerij Het Volk a repris en 1980 certaines activités de la S.C. La Presse Ouvrière et du Fonds Altiora (voir ci-dessous). La N. V. Drukkerij Het Volk a elle-même une filiale, la N. V. Europress (capital : FB 6 millions), à Gand.
49 Dans le même secteur, la F.N.C.C. est associée à d’autres organisations (et notamment l’A.S.B.L. Quadragesimo Anno) au sein de la Société anonyme belge pour favoriser la distribution de périodiques et les travaux d’imprimerie "Sofadi"(capital : FB 175 millions), à Bruxelles, qui imprime notamment le journal La Cité. Sofadi a réalisé en 1980 un chiffre d’affaires de FB 442 millions.
50 La F.N.C.C. détient en outre la quasi-totalité des titres de la S.C. Samkoburo (anciennement La Presse Ouvrière "L.P.O."). Cette société a fait l’objet en juillet 1980 d’une réorganisation. Un accord a été conclu entre L.P.O. et la S.A. Het Volk au terme duquel la librairie Het Volk devient le distributeur exclusif des S.V. Reinaert Uitgaven. En même temps, les deux départements de L.P.O. ont été scindés : les activités d’édition ont été transférées à la S.V. Reinaert Uitgaven (anciennement S.V. De Reinaert Boekhandel) (capital : FB 50.000), tandis que désormais, Samkoburo s’occupera uniquement de l’installation de bureaux, de la vente d’accessoires de bureau, de machines et de systèmes de reproduction d’imprimés.
51 Dans le secteur du tourisme, la F.N.C.C. détient directement 33 % des titres de la S.C. Ultra Montes (capital : FB 3.533.000), à Bruxelles, agence de voyages et tour-operator qui dispose de 24 bureaux de vente situés en Flandre. Dans le même secteur, l’A.S.B.L. Sofato gère également deux maisons de vacances sociales.
52 Dans le secteur des conseils en publicité, la F.N.C.C. détient la quasi-totalité des titres de la S.C. Accent Reklame Adviesbureau (capital : FB 5 millions), à Bruxelles.
53 Enfin, dans le secteur des pharmacies, la F.N.C.C. détient la quasi-totalité des titres de la S.C Escapo (capital : FB 55.482.500), à Malines, grossiste en produits pharmaceutiques et médicaux qui possède en outre 11 pharmacies propres. Escapo détient à son tour la quasi-totalité des titres de la S.C. Ermichim (capital : FB 807.000), à Bruxelles, et 5 % des titres de la S.A. Laboratoires de recherches et de thérapeutiques biologiques "Therabiol" en association notamment avec l’Economie populaire (5 %) et la Société nationale d’investissement S.N.I. (60 %).
54 Outre ses activités commerciales, la F.N.C.C. a mis sur pied un service d’assistance juridique qui prodigue informations et conseils aux consommateurs.
3 – Les accords avec l’EPECE
55 En 1975, l’EPECE est reprise par la F.N.C.C, qui souscrit l’augmentation du capital de l’Economie populaire de Ciney et garantit d’y investir des capitaux fournis par les deux nouvelles sociétés coopératives régionales de Namur et du Luxembourg jusqu’à ce que la situation de l’EPECE s’améliore. La Caisse d’épargne populaire, caisse d’épargne de l’EPECE, devient une filiale de la C.O.B. (elle est dissoute en décembre 1975 et absorbée par la C.O.B.). En effet, malgré la progression de son chiffre d’affaires, l’EPECE, qui occupe le créneau de la distribution, rencontre des difficultés de plus en plus grandes face à la concurrence.
4 – Les liens de la F.N.C.C. et du Boerenbond
56 A côté des liens idéologiques entre le Boerenbond et la F.N.C.C, ces deux organisations entretiennent également des liens financiers. Les deux groupes possèdent chacun la moitié du capital du Bien-Être. Les Assurances populaires, qui dès leur constitution entretenaient des liens avec les Assurances du Boerenbond belge, détiennent 10 % des parts de la société d’assurances Secura, filiale des A.B.B. A travers les A.B.B. et la Centrale des Caisses rurales "Cera" le Boerenbond joue un rôle non négligeable dans le système financier belge. Les A.B.B. figurent notamment parmi les actionnaires importants d’Almanij, de la Kredietbank, de la Société générale de Belgique, de la Société générale de banque et de la Banque Bruxelles Lambert. Les A.B.B. sont par ailleurs un actionnaire important de la N. V. Gevaert Photo-Produkten. En juillet 1980, la C.O.B. cédait à Ibel (groupe Cobepa) sa participation de 33,3 % dans Vibem, principal actionnaire de Gevaert Photo-Produkten.
b – Le mouvement coopératif socialiste (FEBECOOP)
57 Depuis 1971, FEBECOOP a repris les tâches morales (animation, propagande…) auparavant assumées par la S.G.C. Sous le nouveau nom de Coop Belgique, cette dernière est demeurée jusqu’à ces dernières années la centrale nationale d’achat et de production du secteur distribution. Quoique l’ensemble des coopératives soit affilié à FEBECOOP, aucun relevé précis de la répartition du capital coopératif n’est publié. Parmi les domaines couverts par la coopération socialiste, citons :
- l’assurance, avec principalement La Prévoyance sociale, société coopérative d’assurances (capital : FB 25.862.900), à Bruxelles, troisième compagnie d’assurances du pays, qui sert d’institution financière au mouvement socialiste. La P.S. traite toutes les formes d’assurances vie, incendie, accident, droit commun, individuelles ou collectives. Elle pratique également le prêt hypothécaire. Les parts de coopérateurs de la Prévoyance sociale sont détenues par un grand nombre d’institutions de l’Action commune socialiste et notamment par La Prévoyance sociale réassurance, société coopérative de réassurance (capital : FB 20.609.400), à Bruxelles. Le groupe P.S. comprend en outre les sociétés et associations suivantes : la Prévoyance sociale Caisse commune, qui traite les opérations relatives aux accidents du travail ; la Prévoyance sociale A.S.B.L., qui assure la gestion financière des œuvres sociales rendues possibles par l’affectation à cette fin d’une fraction des bénéfices de la S.C. P.S. ; la Caisse d’assurances sociales "C.A.S.-T.I.B.", qui a pour objet l’application du statut social des travailleurs indépendants ; enfin, la Caisse d’épargne CODEP (voir ci-dessous) ;
- l’épargne, avec la S.C. CODEP, Caisse d’épargne privée (capital : FB 113.042.000), à Bruxelles, intégrée depuis 1971 au groupe P.S. en raison de difficultés d’organisation, et dont la majorité des parts (89,3 %) sont détenues par la Société générale coopérative ;
- la distribution. Les difficultés économiques ont conduit à la fermeture de nombreux petits magasins et à rationaliser en créant, en 1975, Coop-Sud, qui rassemble toutes les coopératives wallonnes autour de l’Union coopérative (capital : FB 125.696.000), à Liège. L’Union coopérative, qui a un chiffre d’affaires de plus de FB 2,8 milliards, détient en outre la majorité des titres des sociétés suivantes : la S.A. Beurrerie du pays de Herve-Aubel (capital : FB 20 millions), à Hombourg ; la S.C. Les Pharmacies mosanes (capital : FB 9.375.000), à Liège ; la S.C. Société générale coopérative (capital : FB 17.734.000), à Bruxelles. La création d’une société semblable à Coop-Sud au nord du pays, Coop-Nord, à partir du regroupement des coopératives d’Anvers (Cooperatief Verbond), Gand (Vooruit) et Malines (Vooruit) avait été envisagée. La S.C. Cooperatief Verbond, à Anvers, en difficulté, devait être reprise en 1980 par la S.C Vooruit, à Malines.
58 La Société générale coopérative "Coop-Belgique" (capital : FB 8.299.000), à Bruxelles, coordonne les activités des coopératives et avait, surtout jusqu’en 1967, des activités de gestion commune des différentes coopératives ainsi qu’une fonction de grossiste :
- les pharmacies : en plus des départements de pharmacie gérés par Coop-Sud, Vooruit à Gand et Vooruit à Malines, il existe cinq autres sociétés coopératives : la Maison des Mutualités à Bruxelles (qui rayonne un peu dans tout le pays), De Voorzorg à Hasselt, De Voorzorg à Malines, La Sauvegarde à Micheroux et les Pharmacies du peuple à Seraing. L’ensemble regroupe quelque 350.000 familles de sociétaires et réalise un chiffre d’affaires qui dépasse les FB 3 milliards. Elles sont membres de l’Office des pharmacies coopératives de Belgique "OPHACO" créé en 1946 à l’initiative du mouvement neutre et qui regroupe également, depuis 1960, les coopératives chrétiennes. Avec 50 % des officines d’OPHACO, les pharmacies coopératives socialistes représentent 11 % du chiffre d’affaires des pharmacies belges ;
- les imprimeries et les entreprises de presse des coopératives socialistes connaissent des déficits importants, malgré une certaine aide des organisations syndicales et de la P.S. Les coopératives socialistes et les organisations de l’Action commune socialiste détiennent les entreprises de presse suivantes : en Flandre ; la S.C. Het Licht (capital : FB 17.403.000), à Gand, dont les parts sont détenues notamment par des fédérations régionales du S.P. Het Licht édite et imprime notamment Vooruit, l’édition gantoise de De Morgen ; la N.V. Uitgeversmaatschappij De Roos "De Roos" (capital : FB 73.664.000), à Anvers, qui compte parmi ses actionnaires La Prévoyance sociale, et qui édite le journal De Morgen. En Wallonie et à Bruxelles, la S.C. Société d’impression et d’édition (capital : FB 59.118.000), à Liège, dont les parts sont détenues notamment par des organisations syndicales régionales et qui édite et imprime notamment le quotidien La Wallonie ; la S.A. Presse démocrate socialiste (capital : FB 81.920.000), à Charleroi, qui édite le quotidien Le Journal et Indépendance. La S.C. Société d’Edition du "Peuple" "Sodepe", à Bruxelles, a été mise en liquidation en mai 1979 et le titre "Le Peuple" repris par la Presse démocrate socialiste ; la S.A. Carolo Service (anciennement Editions A-Z Publicité), à Charleroi. Le mouvement socialiste dispose par ailleurs d’une société d’édition, la S.C. Editions Labor (capital : FB 5.664.000), à Bruxelles. Les imprimeries du mouvement socialiste sont notamment : la S.C. Imprimerie coopérative ouvrière "I.C.O.", à La Louvière ; la S.C. Imprimerie coopérative du Hainaut "Impricoop" (capital : FB 301.000), à Mons ; la S.C. Imprimerie bruxelloise coopérative "Imbruco" (capital : FB 12.376.375), à Bruxelles.
- le tourisme : la S.C. Agence de tourisme populaire "A.T.O." (capital : FB 2.730.000), à Bruxelles, qui a notamment comme actionnaire la Société générale coopérative.
59 Enfin, les coopératives socialistes figurent parmi les membres de l’Ecole ouvrière supérieure.
c – Le mouvement coopératif neutre
60 Affiliées à la S.C. Fédérale de Belgique (capital : FB 671.000), à Bruxelles, les coopératives neutres, totalement indépendantes des organisations politiques, sont en pleine régression. De 1970 à 1980, les sociétés du secteur de la distribution ont pratiquement disparu avec la faillite, en janvier 1981, de la S.V. Spaarzaamheid-Economie-Oostende "S.E.O.", à Ostende [20]. Dans le domaine de l’assurance, la présence des coopératives neutres est très faible : il s’agit essentiellement de la Caisse d’assurances de la Société coopérative Fédérale de Belgique S.A. (capital : FB 20.400.000), à Bruxelles. Le mouvement dispose également d’une mutuelle : l’Association d’assurances mutuelles sur la vie de la Société coopérative Fédérale de Belgique S.C. (capital : FB 1.343.497), à Bruxelles. La Fédérale de Belgique a en outre une filiale immobilière, la S.C. Immobilière de la Société coopérative Fédérale de Belgique (capital : FB 100.000), à Bruxelles.
2 – La coopération dans la distribution [21]
61 Après s’être formidablement développée, la coopération dans la distribution a subi les effets de la concurrence capitaliste et voit son importance décroître.
a – L’évolution du secteur des coopératives par rapport aux autres secteurs de la distribution de 1950 à 1980
Évolution du chiffre d’affaires des trois groupes de coopératives de 1950 à 1978 (chiffres annuels en millions de F.B.)
Évolution du chiffre d’affaires des trois groupes de coopératives de 1950 à 1978 (chiffres annuels en millions de F.B.)
(1) avant 1975, on a ajouté le C.A. du Bien-Être et de l’EPECE.b – La comparaison des trois groupes de coopératives de consommation
63 Les deux graphiques suivants rendent compte de l’évolution du chiffre d’affaires et du nombre de points de vente des trois groupes de coopératives.
Évolution du nombre de points de vente des trois groupes de coopératives de 1953 à 1978
Évolution du nombre de points de vente des trois groupes de coopératives de 1953 à 1978
(1) Avant 1975, on a ajouté le nombre de points de vente de l’EPECE à celui du Bien-Être.65 En ce qui concerne la répartition géographique des points de vente, les tableaux p.24 et p.25 indiquent une forte concentration des points de vente des coopératives dans le sud du pays (les 2/3 dans les provinces wallonnes) avec la plus forte densité dans les provinces de Liège et du Hainaut (un peu moins de la moitié de l’ensemble des points de vente). Pratiquement tous les magasins de l’EPECE sont en Wallonie, ceux de FEBECOOP se concentrent surtout dans les provinces de Liège et du Hainaut, tandis que le Bien-Être et La Fédérale ont un peu moins de la moitié de leurs points de vente en Flandre.
Répartition du nombre des points de vente par province (1964 et 1972)
Répartition du nombre des points de vente par province (1964 et 1972)
Répartition des points de vente (en %) par mouvement coopératif suivant les régions pour les années 1964 et 1972
Répartition des points de vente (en %) par mouvement coopératif suivant les régions pour les années 1964 et 1972
c – Les coopératives de consommation par famille idéologique
1 – Les coopératives socialistes
66 Regroupant les coopératives de services, de production et de consommation, la structure chapeautée par la Société générale coopérative (S.G.C) est restée identique jusqu’en 1968. La S.G.C. assurait tout à la fois la fonction économique d’importation et du commer ce de gros ainsi que la fonction morale d’éducation et de propagande. Entre 1964 et 1967, l’accroissement du chiffre d’affaires faiblit et on ferme de plus en plus de points de vente. En 1968, un comité financier composé du président de la P.S., du directeur de CODEP et du secrétaire général de FEBECOOP, exprima des dispositions sur la rationalisation : "Toute société qui tes transgresse, non seulement s’expose à s’exclure de la famille coopérative, mais assumera la responsabilité de son attitude devant la Fédération du Parti de sa région" [22]. Le plan de rationalisation mis en place en 1968 permit d’ouvrir quelques supermarchés et de supprimer de nombreux points de vente. En 1970, la structure se modifia par la création d’une part d’un organe moral, la Fédération belge des Coopératives (FEBECOOP) et d’autre part d’un organe commercial, la Société générale coopérative - Coop Belgique. Face aux impasses financières des coopératives régionales, Coop Belgique fut mis en veilleuse et subit une restructuration amenant en 1975 la création d’une seule entité pour la Wallonie, appelée Coop-Sud. Il s’agit en fait d’un regroupement autour de la dernière coopérative de Liège. "Techniquement valable lorsqu’il s’agit de regrouper les achats d’un grand nombre de coopératives de tailles différentes ou d’un petit nombre de coopératives d’importance plus ou moins égale, un magasin de gros perd de son utilité lorsque - comme c’est le cas dans notre pays - une coopérative - Coop-Sud - réalise plus des trois quarts du chiffre d’affaires et peut dès lors, à elle seule, profiter des avantages d’échelle dans les barèmes fournisseurs sans supporter les charges d’une superstructure qui, si légère soit-elle, coûte bon an mal an, quelques millions. Si le mouvement de rationalisation avait touché l‘ensemble du secteur, Coop Belgique aurait disparu de facto, les activités d’achat et de vente se fondant en une seule entité résultant de la fusion technique, voire juridique de toutes les coopératives de consommateurs. Mais il n’en est pas encore ainsi" [23]. Une fusion du même genre est étudiée pour la partie flamande du pays entre les coopératives de Gand, Malines et Anvers. Cependant, le comité financier n’a malheureusement pu que constater l’absence de volonté des coopératives flamandes de collaborer entre elles, sur le plan de l’exercice de fonctions techniques ou administratives [24]. Pour participer à la distribution de masse, par l’exploitation de magasins de grandes surfaces, les coopératives socialistes avaient l’intention de créer une société anonyme au capital de FB 200 millions, avec à sa tête M. Pierre Bolle qui lança les hypermarchés Priba 2000. Mais face à l’opposition virulente des milieux d’affaires concurrents et à la circonspection des milieux coopératifs régionaux, FEBECOOP et la F.N.C.C. s’orientèrent vers une participation dans la S.A. DISTRIMAS. Pendant ce temps, l’exploitation de discounts à petite surface et de petits supermarchés était poursuivie tandis que les points de vente non rentables étaient abandonnés.
2 – Le Bien-Être
67 Pour lutter contre la tendance au gigantisme et à la concentration, les dirigeants du Bien-Être ont cherché à se spécialiser tout en maintenant un magasin de quartier moderne et rationnel. Cependant, ces dernières années, les bilans indiquent des pertes.
3 – L’EPECE
68 A la différence des trois autres groupes, l’Economie populaire de Ciney est une coopérative régionale du premier degré. Avec une succursale dans les localités de plus de 500 habitants, elle s’est développée rapidement dans les provinces de Namur et du Luxembourg au point qu’un chef de famille sur trois est maintenant coopérateur. Avec sa structure régionale, l’EPECE a pu se rationaliser plus facilement que les autres coopératives.
4 – La Fédérale de Belgique
69 Après l’année 1967, où le chiffre d’affaires atteint un sommet, les difficultés, dues au manque de rationalisation et de modernisation, entraînent la faillite et la fermeture de nombreuses sociétés. Si en 1970, le groupe neutre comprend encore 25 sociétés coopératives, on peut dire qu’il disparaît progressivement. Son chiffre d’affaires régresse constamment. La S.E.O. d’Ostende disparue aujourd’hui fournissait 75 % du chiffre d’affaires global du groupe en 1978.
70 La société De Bie de Kessel-Lo qui représentait, en 1975, 26 % du chiffre d’affaires du groupe, n’existe plus. Avec une situation aussi désastreuse, la Fédérale a subi la première les coups de boutoirs de la concurrence capitaliste dans la distribution. Notons qu’à la différence de FEBECOOP et de la F.N.C.C., la Fédérale est indépendante de tout mouvement politique. Son isolement politique et son seul objectif de vente de produits à bon marché ont été des facteurs supplémentaires de sa régression.
d – L’évolution vers le regroupement et la concentration des sociétés de distribution
71 De dimensions réduites, sans lien entre elles, les sociétés coopératives, jusqu’à la fin du XIXème siècle, limitaient leurs activités au village ou au quartier. Après la première guerre mondiale, apparurent quelques grands magasins coopératifs et une certaine centralisation. La concurrence obligea les coopératives de consommation à fusionner entre elles les entreprises régionales. Dans les années cinquante, les entreprises capitalistes de distribution introduisirent de nouvelles techniques alors que les coopératives ne modifiaient guère leur organisation (si on excepte la reconversion de magasins en libre-service).
72 Et la grande distribution, entre-temps, connaissait un premier type de concentration : la fusion d’entreprises belges (processus qui devait aboutir notamment à la création de GB-Inno-BM). Un deuxième type de concentration est lié à l’apparition sur le marché belge de sociétés étrangères, surtout américaines, qui rachètent des sociétés belges (notamment Sarma et Galeries Anspach).
73 Le tableau p.29 permet de comparer les ventes des principaux grands magasins et supermarchés par rapport au mouvement coopératif. De 1961 à 1977, la part du marché des coopératives par rapport à l’ensemble du commerce de détail régresse de 3,67 % à 0,9 %, tandis que la part du commerce intégré [25] comprenant les coopératives passe de 14,04 % à 18,4 %. Si, en 1966, un quart du chiffre d’affaires du commerce intégré était dû à l’action des coopératives, la part du marché n’est plus que d’un vingtième en 1977.
74 Si l’on reprend l’évolution du chiffre d’affaires des principaux grands magasins et chaînes de supermarchés par rapport à celle des coopératives entre 1965 et 1978 (voir tableau ci-dessous), on remarque que l’analyse d’Henri Desroche s’applique au cas belge : "Si la part coopérative se trouve croissante en chiffres bruts, cette part devient décroissante en valeur comparée c’est-à-dire que le progrès coopératif - s’il y a progrès - est régulièrement dépassé par le progrès capitaliste" [26].
Évolution du chiffre d’affaires des grandes sociétés de distribution par rapport aux coopératives (en millions de FB)
Évolution du chiffre d’affaires des grandes sociétés de distribution par rapport aux coopératives (en millions de FB)
Répartition des ventes au détail par forme de distribution en 1977.(en millions de F.B.)
Répartition des ventes au détail par forme de distribution en 1977.(en millions de F.B.)
e – L’évolution récente des techniques de distribution
75 En Belgique, le libre-service fait son apparition en 1949, le supermarché en 1958 et l’hypermarché vers 1969. D’après les statistiques du Comité belge de la distribution, un quart du chiffre d’affaires global de la distribution reposerait sur le libre-service. La ventilation est la suivante : les supermarchés prennent les 6/10 des ventes totales en libre-service, les petits magasins et superettes, 3/10 et les hypermarchés, 1/10. Restant confinées au stade du magasin de quartier, les coopératives n’ont pas pu pénétrer avec suffisamment de force dans les autres formes du commerce intégré [27].
Évolution de la répartition des installations en libre-service selon les formes de distribution (en % du total)
Évolution de la répartition des installations en libre-service selon les formes de distribution (en % du total)
76 En ce qui concerne le libre-service, si, entre 1955 et 1960, on observe un certain équilibre entre les différentes formes de distribution, à partir de 1961, 70 % des magasins en libre-service appartiennent aux indépendants, tandis que les coopératives régressent depuis la fin des années 1950.
77 On observe également la faiblesse du mouvement coopératif en ce qui concerne le nombre de supermarchés et d’hypermarchés.
Évolution du nombre de supermarchés de 1958 à 1969
Évolution du nombre de supermarchés de 1958 à 1969
Répartition du nombre de supermarchés selon les formes de la distribution de 1970 à 1979
Répartition du nombre de supermarchés selon les formes de la distribution de 1970 à 1979
f – Les coopératives et Distrimas
78 En 1969, Delhaize Le Lion et Carrefour France fondèrent la S.A. Distribution en masse "Distrimas". Trois hypermarchés avec l’enseigne "Carrefour" furent ouverts successivement à Hornu (1969), Rocourt (1972) et Messancy (1974). En 1978, avec trois points de vente, Distrimas avait un chiffre d’affaires équivalent à 65 % de celui des coopératives avec plus de 100 points de vente.
79 En 1974, un accord était conclu entre Delhaize Le Lion, Carrefour-France, les coopératives chrétiennes et socialistes. Il porte d’une part sur une prise de participation et sur une politique commerciale de protection du consommateur. Avec 30 % des parts du capital, les coopératives sont minoritaires au sein du conseil d’administration (4 sièges sur 10). Mais la politique commerciale favorisera le contrôle de la qualité des produits, l’étiquetage conforme aux normes du Conseil de la consommation, la publicité honnête et sincère… "Cet accord a été très critiqué par les coopératives d’autres pays, celle d’Anvers a refusé d’y participer. Mais il n’est pas sûr qu’une solution meilleure eût été possible" [28].
80 Les coopératives y voyaient comme avantage d’être présentes sur le terrain de l’hypermarché dont la taille et la puissance faciliteraient la défense du consommateur. Mais ne s’agit-il pas plutôt d’une récupération par des firmes capitalistes de la carte "défense du consommateur", rentable à long terme ?
81 Les sociétés Delhaize Le Lion et Carrefour, en s’associant à des partenaires ayant des liens profonds avec le Parti socialiste et le Parti social chrétien et donc avec les instances gouvernementales, voient la possibilité de meilleures relations avec les pouvoirs publics.
82 En mars 1978, Carrefour-France se retire de Distrimas et cède ses parts à Delhaize Le Lion, qui détient ainsi 70 % des parts, en association avec les coopératives. En octobre 1979, Delhaize Le Lion cède ses intérêts dans Distrimas, qui connaît un déficit important, à Frabelmar (groupe Louis Delhaize).
83 Delhaize Le Lion, en effet, veut orienter sa politique vers des magasins de dimensions plus modestes. Il semble que la création d’un hypermarché à Messancy ait été une mauvaise opération. Celui-ci est devenu un véritable gouffre à millions. Par ailleurs, le grand magasin d’Hornu n’est pas, lui non plus, en équilibre. Seul le magasin de Rocourt est dans une situation légèrement favorable.
84 A la fin de l’année 1979, Frabelmar rachète toutes les parts sociales de Distrimas. Les coopératives ne sont donc plus présentes dans le secteur des hypermarchés. Ainsi se termine une polémique où "on alla jusqu’à parler de radiation éventuelle des coopératives belges de l’A.C.I." [29]. Au terme de cette brève analyse, on peut avec Claude Vienney se poser une question, la question peut-être ? "Les coopératives de consommation sont-elles des groupements qui parviennent à créer des conditions meilleures de satisfaction des besoins, ou s’adaptent-elles simplement à des changements qui prennent naissance en dehors d’elles ?" [30].
g – Le secteur de la distribution a imité au départ les pratiques de vente des coopératives
85 Toutes les formes de la distribution ont rapidement cherché à vendre des produits de qualité à des prix aussi bas que possible.
86 "Il y a lieu d’attirer l’attention sur le fait que l’application de ce principe de base a favorisé en grande partie la rapide expansion ultérieure des entreprises modernes de distribution. De nombreuses formules de vente nouvelles doivent leur succès à la politique de venté préconisée par les coopératives de consommation. Cela démontre que sur le plan de la stratégie, elles avaient assurément vu juste" [31] dans un premier stade. Mais depuis, les rôles sont inversés : "Le secteur coopératif des consommateurs est sur la défensive et en difficulté. Sa croissance est stoppée ou simplement plus lente que celle de certains de ses concurrents : et par endroit, il est en recul. Tout aussi grave, certaines coopératives pour faire face imitent les pratiques capitalistes sur des points où elles sont contraires à leur finalité et à leur éthique. C’est la conséquence d’une part, des performances spectaculaires obtenues sur le plan commercial par le secteur capitaliste. Et d’autre part, de certains handicaps qui pèsent sur les coopératives dans les luttes concurrentielles ou oligopolistiques très vives qui se déroulent actuellement" [32].
h – Conclusions
87 Les statistiques présentées ont montré la dégradation de la situation des coopératives dans la distribution à partir des années 1970. Perdant leur originalité, s’adaptant aux nouvelles techniques de vente et cherchant à se centraliser, les coopératives se sont intégrées dans la grande distribution capitaliste.
1 – Les nouvelles techniques de vente
88 Si les coopératives purent réaliser le passage au libre-service, leur entrée en lice dans le domaine des supermarchés et des hypermarchés fut quasiment un échec en raison de l’insuffisance de leurs capitaux. L’extension rapide des supermarchés et des hypermarchés coïncide avec le ralentissement puis avec la régression des coopératives.
2 – La centralisation
89 Si l’EPECE et le Bien-Être, en raison de leurs implantations régionales et de leurs activités purement commerciales excluant la propagande et l’éducation se sont adaptés en partie aux nouvelles techniques de gestion, les mouvements socialistes et neutre ont connu des difficultés supplémentaires à cause de leur dispersion et de l’autonomie des sociétés régionales. Toutefois, FEBECOOP a pu se maintenir en partie, tandis que le groupe neutre a pratiquement disparu.
3 – Les finances
90 Avec des capitaux provenant uniquement des parts des coopérateurs ou de l’autofinancement, les coopératives ont dû renoncer à des investissements importants.
91 C’est la concurrence capitaliste inspirée des modèles américains qui a obligé les coopératives à se rationaliser et à se centraliser. Cela s’est matérialisé sur les deux marchés suivants :
- sur le marché de la distribution : deux éléments ont empêché les coopératives d’imiter complètement les entreprises concurrentes. D’un côté, le coût élevé des innovations techniques, d’un autre côté, l’immoralité des nouvelles techniques de conditionnement du consommateur. Disposant de ressources énormes pour effectuer des études psychologiques et pour lancer des campagnes publicitaires, n’ayant pour mobile que la recherche du profit, les entreprises capitalistes ont laminé les coopératives ;
- sur le marché de la production : couplées aux coopératives dans la distribution, les quelques rares coopératives de production : boucherie, boulangerie, imprimerie… sont abandonnées les unes après les autres face à la concurrence. Cette situation oblige les coopératives à s’approvisionner auprès des entreprises capitalistes sans aucune possibilité d’influencer les prix ni d’exiger certaines qualités de produits.
92 Ainsi, la distribution coopérative est en voie de disparition pour toutes les raisons vues précédemment auxquelles on peut ajouter :
"a) manque de clairvoyance évident au niveau de certains dirigeants ;
b) le peu de participation de la base ;
c) le vieillissement des coopérateurs ;
d) l’ignorance totale du public quant à la différence entre une société anonyme et une coopérative, et donc de la doctrine et de l’esprit coopératifs ;
e) des erreurs de gestion allant jusqu’au maintien d’une ristourne fictive - malgré des bilans déficitaires pendant plusieurs années consécutives - et parfois à la diminution de la qualité des produits vendus pour abaisser les prix plutôt que de restreindre les coûts afin de réduire les prix de revient.
Certains de ces points ne sont pas particuliers aux coopératives belges mais constituent des problèmes auxquels sont confrontés (…) tous les mouvements coopératifs européens : le manque de participation, le vieillissement et le peu d’attrait que l’esprit coopératif a pour les jeunes, en général par manque d’information" [33].
3 – Les coopératives dans les services ; l’épargne et l’assurance
94 Parmi les institutions financières coopératives, la P.S. dans le mouvement socialiste et la C.O.B. dans le mouvement chrétien sont de puissantes sociétés, tandis que la CODEP et les A.P. n’ont qu’une importance moyenne.
a – L’épargne
95 Trois types d’intermédiaires financiers coexistent en Belgique : les caisses d’épargne privées, les banques et les institutions publiques. Au premier type appartiennent la C.O.B. (F.N.C.C) et la CODEP (FEBECOOP). Si avant 1975, l’Office central de la Petite Epargne contrôlait les caisses privées, depuis cette date, c’est la Commission bancaire qui a pris le relais.
1 – La C.O.B.
96 Organe financier du M.O.C., dont la F.N.C.C. possède 60 % du capital, le solde se répartissant entre la C.S.C et les mutualités chrétiennes, la Coopération ouvrière belge s’est particulièrement dé veloppée depuis la seconde guerre mondiale.
Implantations de la C.O.B.
Implantations de la C.O.B.
2 – La CODEP
Implantations des agences régionales de la P.S.
Implantations des agences régionales de la P.S.
3 – La C.O.B, et la CODEP dans l’environnement financier belge
99 En raison de la forte concentration, 70 % des fonds collectés sont rassemblés par les six institutions financières les plus importantes (3 privées et 3 publiques). La C.O.B. se situe à la neuvième place dans le pays.
Répartition géographique des fonds d’épargne et des prêts hypothécaires de la C.O.B. (en % du total) au 31.12.1979
Répartition géographique des fonds d’épargne et des prêts hypothécaires de la C.O.B. (en % du total) au 31.12.1979
100 Afin de déterminer l’évolution de la C.O.B. et de la CODEP par rapport aux caisses d’épargne privées, nous avons calculé les taux d’accroissement des dépôts d’épargne par rapport à l’année précédente (voir tableau ci-dessous). Les progrès de la C.O.B. et de la CODEP par rapport à l’ensemble sont visibles. En chiffres absolus, les fonds d’épargne de la C.O.B. et de la CODEP qui représentaient 15 % du total des fonds collectés par les caisses privées en 1950 passent à 25 % en 1979.
Évolution des dépôts d’épargne de la C.O.B. et de la CODEP
Évolution des dépôts d’épargne de la C.O.B. et de la CODEP
101 Au contraire, la Caisse générale d’épargne et de retraite "C.G.E.R.", première caisse d’épargne du pays, et qui vient par ailleurs d’acquérir le statut de banque publique, a progressé moins que la C.O.B. et la CODEP au cours des dernières années.
Évolution des dépôts des ménages et institutions auprès de la C.G.E.R.
Évolution des dépôts des ménages et institutions auprès de la C.G.E.R.
102 Ainsi, la C.O.B. et la CODEP se développent mieux que les autres institutions financières, mais c’est surtout la C.O.B. qui réalise des progrès importants.
4 – L’intégration de la C.O.B. et de la CODEP dans le système capitaliste
103 D’une part, les caisses d’épargne coopératives doivent fonctionner dans le cadre légal mis en place par le système capitaliste : recherche d’intérêts élevés pour conserver leur clientèle, possession d’obligations de l’Etat ou d’organismes parastataux qui permettent le financement des dépenses publiques. D’autre part, les postes titres des portefeuilles financiers de la C.O.B. et de la CODEP contiennent environ 90 % de fonds d’Etat et assimilés et 10 % d’obligations et d’actions de sociétés. Le portefeuille fonds publics de la C.O.B. se répartit en quatre grandes subdivisions :
- 36,7 % en obligations de l’Etat belge ;
- 34,7 % en obligations d’institutions paraétatiques pour la construction d’habitations sociales ;
- 9,1 % en obligations de la Société nationale de Crédit à l’Industrie ;
- 19,4 % en obligations du Fonds des Routes, de la R.T.T., des villes et intercommunales [34].
104 La discrétion des rapports annuels de la CODEP ne permet pas d’analyser avec précision la répartition de son portefeuille. Quoiqu’il en soit, les deux sociétés sont parfaitement imbriquées dans le système financier belge. Ainsi, jusqu’à juillet 1980, la C.O.B. détenait un tiers des titres de la société Vibem et participait ainsi à des opérations financières sans que son nom apparaisse. Les actions et obligations détenues en portefeuille par la CODEP sont constituées pour la plupart de sociétés de distribution d’eau et d’électricité. A côté des titres de participations, les moyens financiers restant des deux sociétés sont mobilisés dans des prêts hypothécaires (50 % pour la C.O.B. et 25 % pour la CODEP). La C.O.B. est reconnue sur le marché financier comme fournissant les prêts hypothécaires les plus intéressants. Pour cette raison, beaucoup d’emprunteurs modestes s’adressent à la C.O.B. 47 % des prêts hypothécaires sont octroyés à des ouvriers, le même pourcentage à des employés et 6 % aux indépendants et professions libérales [35].
b – Les assurances
1 – L’évolution de la P.S. et des A.P.
105 Les graphiques suivants p.41, 42 illustrent l’évolution des deux sociétés. On y remarque la stagnation de la P.S. et la progression des A.P. Cependant, la P.S., petite société d’assurances vie populaire il y a 73 ans, est devenue la troisième société d’assurances du pays derrière la Royale belge et le groupe A.G. En 1980, le groupe A.G. encaissait globalement comme primes 26 milliards de FB. Si la P.S. n’atteignait que 5,3 milliards de FB, elle dépassait largement les deux autres sociétés au point de vue du nombre de contrats.
Évolution des montants de l’ensemble des primes encaissées par la P.S. et L.A.P. par rapport a l’ensemble des sociétés d’assurances (en %) de 1950 à 1979
Évolution des montants de l’ensemble des primes encaissées par la P.S. et L.A.P. par rapport a l’ensemble des sociétés d’assurances (en %) de 1950 à 1979
Évolution des montants des primes encaissées en branche vie par la P.S. et L.A.P. par rapport a l’ensemble des primes vie encaissées par l’ensemble des sociétés d’assurances (en %) de 1950 a 1979
Évolution des montants des primes encaissées en branche vie par la P.S. et L.A.P. par rapport a l’ensemble des primes vie encaissées par l’ensemble des sociétés d’assurances (en %) de 1950 a 1979
106 La P.S. et les A.P. sont des coopératives au second degré. Les coopérateurs de la F.N.C.C. ont droit à des avantages supplémentaires s’ils sont clients aux A.P. Suite à des difficultés d’organisation, CODEP a été englobée dans le groupe P.S. Tout en aidant les deux mouvements ouvriers et les coopératives auxquelles elles sont liées, les A.P. et la P.S. socialisent une part importante de leurs bénéfices. Le fonds des œuvres sociales de la P.S. gère cinq instituts médico-pédagogiques, quatre cliniques et un home pour le troisième âge.
Affectation au Fonds de développement des œuvres : sociales en millions de FB
Affectation au Fonds de développement des œuvres : sociales en millions de FB
2 – La ventilation des bilans financiers
107 Le tableau suivant indique l’importance des différents postes à l’actif des bilans de la P.S., des A.P. et des A.G. pour 1975 et 1980.
108 Près de deux tiers de l’actif des A.P. est placé dans le portefeuille titres (ou valeurs mobilières), tandis que la P.S. place un tiers de son actif dans les prêts hypothécaires. La part des immeubles tourne autour de 10 % pour les trois sociétés. Malgré la discrétion des sociétés d’assurances en ce qui concerne leur portefeuille titres, nous avons tenté d’en estimer la ventilation moyenne pour ces dernières années.
109 Il apparaît que les A.P. ont un portefeuille titres avec une forte prépondérance pour les emprunts publics. Ce déséquilibre en faveur des fonds d’Etat semble être un choix délibéré de la société qui investit surtout auprès de la Société nationale terrienne et de la Société nationale du Logement. Près de 50 % des fonds d’Etat et valeurs assimilées sont mis à la disposition de la construction sociale [36]. La part des obligations et actions des sociétés commerciales concerne en majeure partie la distribution de gaz et d’électricité ainsi que l’énergie nucléaire, le pétrole et l’industrie chimique.
110 La P.S. équilibre son portefeuille titres entre le secteur public et le secteur privé. Dans la part des fonds d’Etat, les placements se concentrent surtout auprès de la Société nationale de Crédit à l’Industrie, la Société nationale du Logement, les sociétés de distribution d’eau et d’électricité.
Conclusions
111 Au terme de ce survol d’un siècle d’existence des coopératives en Belgique, il apparaît que leur rôle et leur importance ont fortement évolué.
112 A l’inverse de ce qui s’est passé dans.d’autres pays, les coopératives se sont surtout développées dans le cadre de mouvements à vocation politique. Trois réseaux se sont ainsi constitués : le réseau de tendance socialiste, le réseau de tendance chrétienne et le réseau de tendance "neutre", refusant toute référence à caractère politique ou idéologique. Ces trois réseaux de coopératives se caractérisaient au départ par des objectifs à court et à long terme différents : dans le chef des coopératives socialistes, existait à long terme une volonté de changement social et de constituer une alternative au système capitaliste ; dans le chef des coopératives chrétiennes, il s’agissait d’une part de limiter la montée du socialisme, d’autre part d’améliorer le sort de la classe ouvrière ; quant aux coopératives neutres, elles n’eurent qu’un objectif à terme rapproché, celui d’assurer des prix modérés et des ristournes élevées tout en maintenant de bonnes relations avec les commerçants.
113 La période précédant la seconde guerre mondiale se caractérise par un antagonisme entre les coopératives chrétiennes et socialistes. Cette opposition disparaît peu à peu depuis lors, la préoccupation essentielle étant pour les deux réseaux d’assurer un développement commercial et la mise en veilleuse de l’objectif à long terme de changer la société en ce qui concerne les coopératives socialistes. Cette évolution est liée à la place contradictoire des coopératives au sein du mouvement, qui leur assure en même temps des adhérents fidèles et un rôle de "financier" du mouvement. Cette place contradictoire se traduit notamment par des tensions entre syndicats et coopératives.
114 Si, dans une première période suivant la seconde guerre mondiale, les coopératives ont développé leurs activités commerciales, dans une seconde période, elles subissent la concurrence de grands groupes capitalistes. Face à cette concurrence, trois tendances dans l’évolution sont apparues :
- pour survivre, les coopératives se sont adaptées en se rationalisant et en centralisent leurs opérations, cherchant à imiter les pratiques capitalistes de recherche du profit et abandonnant leur rôle de pionnier. Au milieu des années 1960, elles ont dû fermer nombre de points de vente, adopter les techniques de gestion des entreprises capitalistes tant dans le domaine de la distribution que dans celui des assurances et de l’épargne ;
- les coopératives ont pris des participations dans des entreprises où les capitalistes restaient et restent majoritaires ;
- les coopératives insistent sur l’aspect consumériste de leurs actions en tentant de faire pression sur les autres entreprises du secteur de la distribution à la faveur de leurs liens avec le monde politique.
115 Cette priorité accordée à l’économique a eu les conséquences suivantes :
- une crise de participation du fait que la gestion est examinée a posteriori aux assemblées avec des critères qui échappent plus ou moins aux membres. Ainsi, s’instaure plus une démocratie d’actionnaires que d’usagers ;
- une crise d’unité du mouvement en raison de la spécialisation ;
- une crise de signification de la coopérative par rétrécissement des horizons aux seules conditions économiques.
116 Ainsi, après un siècle d’existence, on peut supposer que le secteur coopératif compte un million de membres, mais en 1980, les coopératives belges ne parviennent plus à réunir plus de 1 % de leurs membres dans les assemblées annuelles et peu d’actions cherchent à créer une participation réelle des coopérateurs [37].
117 Cependant, le manque de participation renforce et concentre le pouvoir dans les mains de gestionnaires, entraînant une sclérose des structures. Aussi, l’idéologie coopérative en tant que telle a, sinon perdu, en Belgique, de sa force au profit de préoccupations à la fois nouvelles et proches de la coopération : l’autogestion notamment, du moins se trouve confrontée a des expériences nouvelles que sa structuration déjà ancienne ne la prédispose que fort peu à accueillir.
118 Les coopératives ont toutefois eu un développement différent dans le secteur de la distribution et dans le secteur des services (assurances et caisses d’épargne). Cette évolution différente semble liée à la fois à l’attitude des usagers – l’éloignement dû à la centralisation ayant eu un effet plus important dans le cas de la distribution - et d’un contexte différent dans les deux cas.
119 Dans le secteur de la distribution, elles ont perdu leur influence dans un environnement économique hostile. D’une part, elles ont été rejetées du monde des hypermarchés et donc de la grande distribution de masse. D’autre part, elles ont été obligées de modifier leurs techniques de vente et les pressions ont été telles que les réorganisations successives des coopératives socialistes, neutres et, dans une moindre mesure, chrétiennes, font qu’elles sont au total en déclin dans le secteur de la distribution.
120 Au contraire, les caisses d’épargne et les sociétés d’assurance coopératives, parfaitement intégrées au système économique et financier belge, sont toujours en expansion. La C.O.B. et la CODEP participent aux mécanismes financiers mis en place, tout en étant incapables d’être des facteurs de changement étant donné leur position minoritaire. Il en est de même pour les Assurances populaires et la Prévoyance sociale. Tout en aidant les mouvements idéologiques auxquels elles sont liées, elles cherchent à maximiser leur surplus pour survivre dans un monde capitaliste qui maximise son profit. Leur position est par ailleurs ambiguë vis-à-vis des organisations de travailleurs puisqu’elles servent d’appoint aux opérations des grands groupes financiers.
121 Il semble, en effet, que la C.O.B. et la CODEP, ainsi que la P.S. et les A.P. sont tolérées et souhaitées dans la mesure où elles réalisent un compromis entre les habitudes sociales de la population belge et les orientations économiques générales. Ainsi, l’action des caisses d’épargne coopératives, tout en étant dysfonctionnelle par rapport au système économique dominant, tend à promouvoir l’action de l’Etat en la finançant. Quant aux compagnies d’assurances coopératives, elles ont rempli une fonction latente en permettant aux assurances de pénétrer profondément au sein de la population et jouent un rôle dans le développement économique et social du pays.
Notes
-
[1]
L’A.C.I. regroupe l’ensemble des mouvements coopératifs mondiaux qui observent effectivement les principes coopératifs. Son siège se trouve à Londres depuis sa constitution en 1895. Elle réunit 165 organisations réparties dans 66 pays et regroupe plus de 346 millions de membres. Le chiffre d’affaires de ses membres dépassant les 15.000 milliards de FB, l’A.C.I. est l’organisation non gouvernementale la plus importante et maintient des relations étroites avec les Nations Unies, le Bureau International du Travail, la F.A.O., l’UNESCO et de nombreuses agences spécialisées. Voir à ce sujet Le Consommateur, Bruxelles, septembre-octobre 1978.
-
[2]
Victor Serwy, Le Centenaire des Equitables Pionniers de Rochdale, Bruxelles, 1946, p.15.
-
[3]
"Hors les pays communistes et fascistes, le principe de la neutralité a été appliqué dans le monde entier presque sans exception. On ne connaît que deux exceptions : la Grande-Bretagne et la Belgique", cité par Georges Davidovic, Les principes coopératifs reformulés Annales de l’Economie collective, no3, juillet-septembre 1967, p.341.
-
[4]
Paul Lambert, La Doctrine Coopérative, Bruxelles, 1964, p.57.
-
[5]
Paul Lambert, La Doctrine Coopérative, Bruxelles, 1964, p.57.
-
[6]
Ministère belge des Affaires économiques, doc.1977/17. Créé par la loi du 20 juillet 1955, le C.N.C. comprend les sociétés coopératives agréées par le Ministère des Affaires économiques sur base de l’arrêté royal du 8 janvier 1962. Le Conseil est issu de quatre commissions à savoir les commissions des coopératives agricoles, de consommation, de services, de production et de distribution. Installé au siège du Conseil central de l’Economie, il joue un rôle consultatif et de promotion. L’agréation d’une société coopérative est subordonnée aux conditions suivantes :
- l’adhésion volontaire ;
- l’égalité ou la limitation du droit de vote ;
- la désignation par l’assemblée générale des membres du conseil d’administration et du collège des commissaires ;
- un taux d’intérêt modéré, limité aux parts sociales ;
- une ristourne aux associés.
-
[7]
Jacques’t Kint et Michel Godin, Les sociétés coopératives, Bruxelles, 1968, p.16.
-
[8]
Victor Serwy, La coopération en Belgique, Tome I, p.91.
-
[9]
Bernard Lavergne, Le Régime Coopératif, Paris, 1908, p.259.
-
[10]
Ibidem, p.267.
-
[11]
Victor Serwy, La coopération depuis un’siècle, Bruxelles, 1923, p.11.
-
[12]
Traduction littérale : "En avant".
-
[13]
Léon Delsinne, Le Parti Ouvrier belge, Edition La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1955, p.110.
-
[14]
Histoire du mouvement mutualiste chrétien en Belgique, Bruxelles, 1957.
-
[15]
Les Ouvriers Réunis ont cessé leurs activités le 15 mai 1979.
-
[16]
La coopération chrétienne, plaquette F.N.C.C., Bruxelles, 1971.
-
[17]
A.Velaert, L’économie publique et coopérative en Belgique, Liège, 1968, p.81.
-
[18]
L’arrêté royal du 15 décembre 1934 créait l’Office central de la petite Epargne.
-
[19]
A.Velaert, L’Economie publique et coopérative en Belgique, Liège, 1968, p.84.
-
[20]
L’Union économique de Bruxelles a disparu après avoir introduit une demande de concordat en septembre 1972.
-
[21]
Voir à ce sujet les Courriers Hebdomadaires du CRISP noS 789, 790 et 803 : "La distribution en Belgique".
-
[22]
Rapport sur l’activité du comité financier, Congrès FEBECOOP, 1971.
-
[23]
Rapport d’activités de FEBECOOP, Bruxelles, 1978, pp.3-4.
-
[24]
Rapport d’activités de FEBECOOP, Bruxelles, 1978, p.21.
-
[25]
Selon la Commission spéciale de la distribution du Conseil central de l’Economie, le commerce intégré est un "commerce qui assume sous une même direction les fonctions de gros et de détail, et éventuellement une fonction de production". Cf. Texte révisé des définitions et concepts les plus couramment utilisés en Belgique en matière de distribution, 23 février 1981.
-
[26]
Le projet coopératif, par Henri Desroche, Paris, 1976, p.156.
-
[27]
Superette : magasin d’alimentation en détail dont la surface de vente se situe entre 100 et 400m2 et dont la plus grande partie de l’assortiment est vendue en libre-service.
Supermarché : établissement de vente au détail exploité en libre-service, ayant une surface de vente d’au moins 400m2 et inférieure à 2.500m2, offrant un assortiment complet de produits alimentaires - y compris des denrées périssables -auquel peuvent s’ajouter d’autres produits de grande consommation.
Hypermarché : établissement de vente au détail d’une surface minimale de 2.500m2, offrant principalement en libre-service un assortiment étendu de produits alimentaires et non-alimentaires de grande vente, et disposant en outre d’une aire de stationnement. -
[28]
Les entreprises coopératives, par Georges Lasserre, P.U.F. - Que sais-je ?, Paris, 1977, p.35.
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[29]
Guy David, Les Coopératives à la croisée des chemins, Le cas Distrimas en Belgique, Informations coopératives, B.I.T., Genève, 3/1977, p.19.
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[30]
Claude Vienney, Les coopératives de consommation en France, Notes et Etudes documentaires, Paris, n°3285, 26 avril 1966, p.23.
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[31]
Bulletin Hebdomadaire, Kredietbank, 8 mars 1974.
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[32]
Georges Lasserre, Les Entreprises coopératives, Paris 1977, p.118.
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[33]
Guy David, Les coopératives à la croisée des chemins, Le cas de Distrimas en Belgique, Informations coopératives, B.I.T., Genève, 3/1977, p.26.
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[34]
Source : rapport annuel de la C.O.B., 1980, p.35.
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[35]
Source : rapport annuel de la C.O.B., 1979, p.26.
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[36]
Rapport annuel des A.P., 1978.
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[37]
Sur l’action-consommateurs développée par les coopératives depuis plusieurs années, cf. "Les consommateurs en Belgique : protection - information - représentation", Dossier du CRISP n°12, octobre 1978.