Couverture de CRIS_895

Article de revue

D'Eyskens-Merlot à Martens III : les dosages gouvernementaux (1968 - 1980) (I)

Pages 1 à 35

Notes

  • [1]
    Sur l’observance du principe en certaines circonstances particulières, voir Jean-Pierre Hubin, "Le maintien de la parité linguistique au sein du conseil des ministres en cas d’absence ou de défection d’un ministre", in Les Cahiers du Centre Jacques Georgin (trimestriel du Centre d’études du F.D.F.), 6e année N° 2, juin 1980, pp. 235 à 249.
  • [2]
    Il n’y a pas eu de gouvernement politiquement homogène au cours de la période étudiée. Le dernier gouvernement de ce type a été celui, social-chrétien et minoritaire, de M. Gaston Eyskens au début de la législature 1958-1961.
  • [3]
    Y compris M. François Persoons, seul élu d’une liste "P.S.C." à Bruxelles, et les 4 élus francophones de la liste "V.D.B. – C.V.P." de la capitale (dont le baron Jean Charles Snoy et d’Oppuers, bénéficiaire d’un siège cédé par le C.V.P.).
  • [4]
    Y compris M. Willy Schyns, germanophone.
  • [5]
    Y compris M. Paul Delforge, élu francophone de la liste P.L.P. – P.V.V. de Bruxelles, mais non les 3 élus (francophones) de la liste du "P.L.P. de la région bruxelloise", formation devenue le P.L.D.P. (Parti libéral, démocrate et pluraliste de la région bruxelloise) à cause précisément de son opposition au gouvernement Leburton.
  • [6]
    Il s’agissait en fait du P.L.P. wallon, appuyé par le sénateur provincial du Brabant Paul Delforge, ancien député (P.L.P. bruxellois).
  • [7]
    Voir "Le gouvernement Tindemans (1974-1977) : évolution de sa composition et de son assise parlementaire", C.H. du CRISP n° 754 du 11 mars 1977, p. 7.
  • [8]
    La proportion de sénateurs R.W. fidèles étant moins élevée (5 sur 11).
  • [9]
    Devenaient ministres, outre M. Pierre Bertrand (nouveau membre R.W. du gouvernement), les secrétaires d’Etat Knoops (P.R.L.W.), Moreau (R.W.), Gaston Geens (C.V.P.) et André Kempinaire (P.V.V.). Voir C.H. du CRISP n° 754, op. cit., pp. 12 à 14.
  • [10]
    Soit 9 ex-P.L.P. wallons et 3 ex-R.W. (dont MM. Perin et Gol).
  • [11]
    Comité ministériel de Coordination économique et soaciale.
  • [12]
    Devenu président du P.S.C. et remplacé le 15 octobre 1979 comme vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale par un autre P.S.C. bruxellois, M. José Desmarets.
  • [13]
    Cf. La Petite Gazette de José Desmarets (membre du "Kern"), N° 9 – juin 1980.
  • [14]
    Voir La Libre Belgique, 4 juillet 1980.
  • [15]
    Voir J. Brassinne, "La réforme de l’Etat : phase immédiate et phase transitoire", C.H. du CRISP n° 857-858 du 31 octobre 1979, pp. 15 à 19.
  • [16]
    Y compris M. Geens, déjà cité.
  • [17]
    Le ministre de la Région bruxelloise.
  • [18]
    Voir C.H. du CRISP n° 754, op. cit., p. 11.
  • [19]
    Voir La Libre Belgique, 13 et 14 octobre 1979.
  • [20]
    Soit une régression ressentie par la Démocratie chrétienne (Le Soir, 22 mai 1980).
  • [21]
    M. Henri ("Rik") Boel est également radical en matière communautaire mais ce n’est devenu évident pour le grand public qu’à partir de la fin de sa carrière de ministre de l’Intérieur dans les gouvernements Tindemans II et Vanden Boeynants. Il préside depuis lors le Cultuurraad.
  • [22]
    Voir Le Soir, 1er juillet 1980.
  • [23]
    Voir Le Soir, 1er juillet 1980.
  • [24]
    La même situation se présentant depuis 1979 au sein des exécutifs régionaux de Wallonie et de Bruxelles ainsi que, depuis le gouvernement Martens II, dans l’exécutif de la Communauté française.

INTRODUCTION

1L’année 1980 n’est pas encore achevée qu’elle a compté trois crises gouvernementales : celle du 16 janvier (démission d’office des membres F.D.F. du gouvernement, remplacés le 23 janvier), celle du 2 avril (échec "communautaire" de la bipartite sociale-chrétienne-socialiste, remplacée par une coalition "tripartite traditionnelle" – avec la "famille" libérale – le 18 mai) et celle du 4 octobre (rupture de la "tripartite" à propos de l’assainissement de la Sécurité sociale). La législature entamée par les élections anticipées du 17 décembre 1978, si elle est de toute façon plus longue que la précédente (qui dura exactement 20 mois), se caractérise donc par une forte instabilité gouvernementale : un même Premier ministre, M. Wilfried Martens (C.V.P.), a présidé trois gouvernements différents sans compter deux remaniements limités (voir ci-après). A cette occasion, on a vu les préoccupations de dosages divers à respecter dans la composition des gouvernements prendre une importance plus manifeste. Il est donc indiqué de consacrer à ce dernier thème la présente livraison du Courrier Hebdomadaire du CRISP.

2Afin de réaliser l’étude qui suit, il importait de prendre en compte une période de référence suffisamment longue pour permettre de dégager des enseignements substantiels. Le point de départ choisi est constitué par la législature 1968-1971 : le gouvernement Eyskens-Merlot (devenu ensuite le gouvernement Eyskens-Cools) fut en effet le premier constitué après la rupture de l’unité d’un grand parti "traditionnel" (le "distanciement" entre C.V.P. et P.S.C.), et en même temps le dernier constitué avant l’introduction dans la Constitution des dispositions relatives à la quasi-parité linguistique du Conseil des ministres (article 86bis) et à l’institution de secrétaires d’Etat (articles 91bis).

3En l’espace de douze ans, la diversité des formules gouvernementales a été telle que non seulement les trois "familles" politiques traditionnelles principales (la sociale-chrétienne, la socialiste et la libérale, c’est-à-dire trois anciens partis nationaux unitaires) mais aussi les trois partis "communautaires" de quelque importance (le F.D.F., le R.W. et la V.U.) ont eu accès au pouvoir exécutif national. Les équipes se succédant au pouvoir ont été les suivantes :

  • le gouvernement Eyskens-Merlot (C.V.P. – P.S.C.-socialiste) du 17 juin 1968, devenu le gouvernement Eyskens-Cools le 27 janvier 1969 (à la suite du décès accidentel du vice-Premier ministre Jean-Joseph Merlot six jours plus tôt) et légèrement remanié le 22 février 1971 ;
  • le second gouvernement Eyskens-Cools (C.V.P. – P.S.C. – socialiste), qui a pris le relais du précédent le 21 janvier 1972 et a démissionné le 22 novembre de la même année ;
  • le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq (C.V.P. – P.S.C. – socialiste – P.V.V. – P.L.P.) du 26 janvier 1973, remanié légèrement le 5 juin suivant et plus fondamentalement (réduction du nombre de secrétaires d’Etat) le 23 octobre 1973, démissionnaire le 19 janvier 1974 ;
  • le gouvernement minoritaire Tindemans (C.V.P. – P.S.C. – P.V.V. – P.L.P.) du 25 avril 1974 ;
  • le même gouvernement rendu majoritaire le 11 juin suivant par un élargissement au profit du R.W., puis restructuré le 4 octobre 1974 ("moyen élargissement"), légèrement remanié à trois reprises (23 août 1975, 31 juillet et 16 octobre 1976) et adapté aux conséquences de l’éclatement du R.W. et de la formation du P.R.L.W. (ex-P.L.P. wallon plus une partie du R.W.) le 8 décembre 1976 ;
  • le même gouvernement encore, après l’exclusion du partenaire R.W. le 4 mars 1977 et le remplacement des ministres R.W. deux jours plus tard, ce gouvernement redevenu minoritaire faisant dissoudre les Chambres sans démissionner (à l’instar de l’équipe Eyskens-Cools en 1971) ;
  • le gouvernement dit Tindemans II (C.V.P. – P.S.C. – socialiste – V.U. – F.D.F.), qui a pris le relais du précédent le 3 juin 1977 et a démissionné le 11 octobre 1978 ;
  • le gouvernement Vanden Boeynants (C.V.P. – P.S.C. – P.S. – B.S.P. – V.U. – F.D.F.) du 20 octobre 1978, démissionnaire le 18 décembre de la même année ;
  • le gouvernement Martens I (C.V.P. – P.S.C. – P.S. – B.S.P. – F.D.F.) du 3 avril 1979, légèrement remanié le 15 octobre suivant :
  • le même gouvernement, dit Martens II du fait de l’exclusion de ses membres F.D.F. (le 16 janvier 1980) et du remplacement de ceux-ci (le 23 janvier) avant la démission collective offerte le 2 avril de cette année et acceptée par le Roi le 9 avril.

4Nous clôturons cette série par le gouvernement Martens III (C.V.P. – P.S.C. – P.S. – S.P. – P.V.V. – P.R.L.) du 18 mai 1980, déjà légèrement remanié le 29 juin suivant, et démissionnaire le 4 octobre 1980, la démission ayant été acceptée par le Roi trois jours plus tard.

5Lors de la lecture des pages qui suivent, il convient de garder constamment à l’esprit le fait que tous les postes gouvernementaux n’ont pas le même poids. Un Premier ministre, un vie-Premier ministre ou un membre d’un Cabinet restreint de politique générale dispose évidemment d’un pouvoir supérieur à celui d’un ministre ordinaire, disposant lui-même d’un degré d’influence lié à la nature du département qu’il dirige tandis que son statut est constitutionnellement supérieur à celui d’un secrétaire d’Etat. Enfin, ces dernières années ont vu une dissociation croissante des compétences nationales, communautaires et régionales au sein d’un gouvernement national incluant désormais divers "exécutifs" subnationaux.

I – LE DOSAGE LINGUISTIQUE

6Etat pluriethnique, la Belgique comprend une communauté linguistique dominante, d’expression néerlandaise, tendant à constituer 60 % du corps électoral national, ce qui se traduit dans les deux Chambres au Parlement par des majorités un peu moins fortes (légèrement supérieures à 55 %) du fait du découpage des circonscriptions en fonction de l’ensemble de la population résidente, étrangers compris. L’autre grande communauté, d’expression française, est donc minoritaire en permanence (et même à un degré croissant) tandis qu’une troisième communauté, celle de langue allemande, ne représente guère plus d’un demi pourcent des électeurs belges. Lors de la formation des gouvernements, le respect des proportions entres les communautés a été bientôt contrecarré par la volonté de la communauté française de ne pas être mise en minorité de façon continue au sein de l’exécutif national. Des solutions constitutionnelles ont dû être dégagées afin de concilier ces deux objectifs contradictoires.

7Le gouvernement Eyskens-Merlot (devenu Eyskens-Cools) de 1968-1971 fut le dernier à pouvoir en principe déterminer librement sa composition linguistique. Avec 15 néerlandophones et 14 francophones, il offrait pourtant une configuration linguistique de quasi-parité, le Premier ministre social-chrétien flamand Gaston Eyskens se considérant même comme "asexué linguistique". Le vice-Premier ministre était socialiste wallon : Jean-Joseph Merlot puis, après le décès de ce dernier, M. André Cools (l’actuel président du P.S.).

8Deux nouveaux articles insérés dans la Constitution le 24 décembre 1970 sont venus modifier les règles de composition des gouvernements. Il s’agit d’une part de l’article 86 bis :

9

"Le Premier ministre éventuellement excepté, le Conseil des ministres compte autant de ministres d’expression française que d’expression néerlandaise",

10et d’autre part, de l’article 91 bis :

11

"Le Roi nomme et révoque les secrétaires d’Etat.
Ceux-ci sont membres du gouvernement. Ils ne font pas partie du Conseil des ministres. Ils sont adjoints à un ministre (…)".

12Ces dispositions consacraient pour la première fois dans la Constitution les rôles jusqu’alors coutumiers du Premier ministre et du Conseil des ministres. Elles créaient aussi, en définissant le statut y attaché, une nouvelle catégorie de membres du gouvernement, à savoir les secrétaires d’Etat. Les gouvernements précédents comprenaient des "ministres-sous-secrétaires d’Etat" (1960-1961), des "ministres, adjoints" (1961 – 1965) ou des "ministres-secrétaires d’Etat" (1965-1971), tous membres du Conseil des ministres. Ainsi, les gouvernements de la législature 1968-1971 comptaient deux ministres-secrétaires d’Etat à l’Economie régionale, le C.V.P. André Vlerick et le P.S.B. wallon Fernand Delmotte.

13Le principe nouveau essentiel était celui de la parité linguistique entre les ministres, garantie quelle que soit l’évolution du rapport réel des forces entre les deux grandes communauté [1]. Cette distorsion peut cependant être atténuée de trois manières (combinables) :

  1. le Premier ministre peut être "éventuellement" exclu du décompte linguistique des membres du Conseil des ministres ;
  2. la communauté germanophone n’est pas concernée par la règle de parité linguistique, tout en ne disposant cependant pas d’une garantie de représentation au gouvernement ;
  3. n’étant pas membres du Conseil des ministres, les secrétaires d’Etat peuvent être sélectionnés de façon à obtenir une répartition linguistique non-paritaire. Et pourtant, à l’occasion de prises de décision importantes, la coutume consistant à réunir ministres et secrétaires d’Etat en un "conseil de gouvernement" s’est imposée.

14Il n’est donc pas sans intérêt d’examiner comment les gouvernements ont effectivement été pondérés au point de vue linguistique de 1972 à 1980, ce qui fait l’objet du tableau suivant (où N = néerlandophones, F = francophones, G = germanophones).

tableau im1
GOUVERNEMENTS MINISTRES SECRETAIRES D’ETAT MIN. + SECR. D’ETAT N F N F G N F G TOTAL Eyskens-Cools (21-1-72) 10 9 6 4 – 16 13 – 29 Leburton-Tindemans-De Clercq (26-1-73) 11 11 8 5 1 19 16 1 36 idem (23-10-73) 11 11 4 2 – 15 13 – 28 Tindemans minoritaire (25-4-74) 10 9 4 2 – 14 11 – 25 Tindemans (11-6-74) 11 10 4 2 – 15 12 – 27 idem (4-10-74) 11 10 5 3 – 16 13 – 29 idem (8-12-76 et 6-3-77) 13 12 3 1 – 16 13 – 29 Tindemans II (3-6-77) 12 11 4 3 – 16 14 – 30 Vanden Boeynants (20-10-78) 11 11 4 3 – 15 14 – 29 Martens I (3-4-79) 13 12 4 4 – 17 16 – 33 Martens II (23-1-80) 13 12 4 4 – 17 16 – 33 Martens III (18-5-80) 14 13 5 4 – 19 17 – 36

15A partir du tableau qui précède, on peut faire les observations suivantes :

  • lorsque le Premier ministre est néerlandophone (C.V.P. en l’occurrence), il est toujours exclu du décompte linguistique des ministres en vue de l’application de l’article 86 bis de la Constitution. Par contre, dans les rares cas où le Premier ministre est francophone (le P.S.B. wallon Leburton en 1973-1974 et le P.S.C. bruxellois Vanden Boeynants à la fin de 1978), il entre en ligne de compte pour assurer la parité linguistique au sein du Conseil des ministres ;
  • les secrétaires d’Etat sont le plus souvent en majorité néerlandophones, quoique à un degré variable : 3 contre 1 francophone dans les dernières moutures du gouvernement Tindemans I mais 5 contre 4 francophones dans l’équipe Martens III, après une courte expérience de parité linguistique des secrétariats d’Etat ;
  • globalement, les gouvernements Martens I (de juin 1979) et Martens II (de janvier 1980) ont eu la composition la plus proche de la parité linguistique (17 et 16 francophones, tandis que le gouvernement minoritaire Tindemans d’avril 1974 a compté la plus forte majorité de néerlandophones (14 sur 25, soit plus de 55 %) ;
  • la communauté de langue allemande n’a été représentée au gouvernement qu’un peu moins de 9 mois : en 1973, dans l’équipe Leburton, par le secrétaire d’Etat aux Cantons de l’Est et au Tourisme Willy Schyns (P.S.C).

16Si le poste de Premier ministre a été quasi-monopolisé depuis 1972 par un parti flamand, l’existence d’un ou de plusieurs vice-Premiers ministres est venue atténuer les effets de ce phénomène dans la plupart des gouvernements (celui de M. Tindemans de 1974-1977 n’ayant pas comporté de vice-Premier ministre). Le second gouvernement Eyskens-Cools comptait un vice-Premier ministre (francophone), le gouvernement Leburton en comptait deux (néerlandophones), de même que les équipes Tindemans II (2 francophones) et Vanden Boeynants (1 N + 1 F) tandis que le nombre de vice-Premiers ministres passe à trois (2 F + 1 N) dans les gouvernements Martens I et Martens II avant de revenir à deux dans l’équipe Martens III (1 N + 1 F).

17Contrairement aux autres exécutifs subnationaux (ex-comités ministériels régionaux) apparus au sein des derniers gouvernements, l’exécutif régional bruxellois doit être linguistiquement hétérogène (voir titre II, 1, i). Une coutume partiellement institutionnalisée de quasi-parité semble s’être imposée lors de chaque formation de ce collège : une présidence francophone et pour le reste, autant de membres néerlandophones que de membres francophones.

II – LES DOSAGES POLITIQUES

18Par "dosages politiques" des gouvernements, nous entendons ici les dosages fondés sur l’appartenance partisane et aussi ceux, moins apparents, fondés sur l’adhésion à l’une ou l’autre "tendance" interne d’un parti de la majorité gouvernementale, le terme de "tendance" étant entendu de façon très large (par exemple, l’appartenance religieuse ou philosophique au sein d’un parti "pluraliste"). Le premier type de dosages appelle une analyse quantitative (le chap. 1er suivant) et le second une approche plus personnalisée (chap. 2).

1 – La représentation des partis et des "familles politiques"

a – Avant-propos

19La répartition des postes gouvernementaux entre les partis de la coalition au pouvoir [2] n’est soumise à aucune règle, bien que la force respective de la représentation parlementaire de chacun de ces partis puisse fournir une ligne de conduite. Cependant, le dosage linguistique devenu institutionnel (voir titre I) peut empêcher une représentation strictement proportionnelle de partis dans un gouvernement, surtout en cas de majorité nationale différemment implantée dans les deux grandes communautés de langue. C’est pourquoi, dans les paragraphes qui suivent, la répartition des postes gouvernementaux sera d’abord indiquée par partis dans chacune de ces communautés puis par partis nationaux ou "familles politiques" (couples de partis issus d’une formation précédemment unitaire) dans le cadre belge. La référence sera chaque fois faite à l’effectif de la formation politique concernée à la Chambre des Représentants (qui représente plus exactement que le Sénat la distribution des voix du corps électoral). Il sera tenu compte du fait que les députés germanophones sont inclus d’office, en vertu de la loi du 3 juillet 1971 appliquant l’article 32bis de la Constitution, dans le groupe linguistique français de la Chambre.

b – Le gouvernement Eyskens-Merlot, devenu Eyskens-Cools (1968-1971)

20La composition politique du gouvernement au cours de la législature 1968-1971 était la suivante :

C.V.P. (N):9 ministres (pour 50 députés)
"B.S.P." (N):6 ministres (pour 29 députés)
P.S.B. (F):7 ministres (pour 30 députés)
P.S.C. (F):7 ministres (pour 19 députés) [3]
C.V.P. – P.S.C.:16 ministres (pour 69 députés)
P.S.B. (– B.S.P.):13 ministres (pour 59 députés)

21Dans le gouvernement Eyskens-Merlot, devenu Eyskens-Cools, la répartition des postes entre l’ensemble des sociaux-chrétiens et le P.S.B. encore unitaire constituait une stricte application du système D’Hondt de représentation proportionnelle en prenant comme base les sièges de députés des deux tendances politiques : le 16e quotient du C.V.P. – P.S.C. (4,31 sièges) était ainsi en effet supérieur au 14e quotient des socialistes (4,21 sièges). Pour aboutir à ce résultat malgré la quasi-parité linguistique du gouvernement, il a fallu accorder au P.S.C. (19 députés) autant de postes qu’aux socialistes francophones (30 députés). Il est vrai que la Fédération bruxelloise (bilingue à forte prédominance francophone) du P.S.B., représentée par 5 élus à la Chambre, refusait son soutien au gouvernement alors que du côté du P.S.C. seul M. Persoons, député de Bruxelles (ultérieurement dissident puis F.D.F.), adoptait la même attitude.

c – Le second gouvernement Eyskens-Cools (1972)

22La composition politique du second gouvernement Eyskens-Cools était la suivante :

tableau im2
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 6 3 9 47 "B.S.P." (N) 4 3 7 29 P.S.B. (F) 5 2 7 32 P.S.C. (F) 4 2 6 20 C.V.P. – P.S.C. 10 5 15 67 P.S.B. (– B.S.P.) 9 5 14 61

23La répartition des portefeuilles entre les deux grandes forces politiques participant au gouvernement était à nouveau strictement proportionnelle aux effectifs de ces forces à la Chambre des Représentants : le 14e quotient des socialistes (4,36) était en effet supérieur cette fois au 16e quotient du C.V.P. – P.S.C. (4,19), un déplacement de 2 sièges de députés ayant donc entraîné celui d’un poste gouvernemental. Sans que cela fût nécessité par la composition linguistique du gouvernement, les socialistes flamands aussi bien que le P.S.C. étaient relativement avantagés, peut-être par souci d’équilibre interne tant chez les socialistes que chez les sociaux-chrétiens.

d – Le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq (1973-1974)

24Alors que les gouvernements précédents, dits "bipartis", étaient dirigés depuis 1968 par un C.V.P. assisté d’un vice-Premier ministre P.S.B. wallon, celui d’Edmond Leburton, résultant d’une coalition "tripartite traditionnelle" (surmajoritaire afin de pouvoir appliquer certains articles de la Constitution révisée), était présidé par un socialiste wallon flanqué de deux vice-Premiers ministres, MM. Léo Tindemans (C.V.P.) et Willy De Clercq (P.V.V., actuel président de ce parti). A l’origine, avec 36 membres, le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq présentait la configuration politique suivante : [4],[5]

tableau im3
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 5 4 9 47 "B.S.P." (N) 4 2 6 29 P.V.V. (N) 2 2 4 19 P.S.B. (F) 5 2 7 32 P.S.C. (F) 4 2 (1) 6 (1) 20 P.L.P. (F) 2 2 4 12 (2) C.V.P. – P.S.C. 9 6 15 67 P.S.B. (– B.S.P.) 9 4 13 61 P.V.V. – P.L.P. 4 4 8 31 (2)

25Par rapport à ses prédécesseurs, le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq présentait un élément de continuité peu connu mais très net, à savoir le nombre de membres par voix de la majorité à la Chambre (1 membre pour 4,42 voix, contre 1 pour 4,41 précédemment). Par contre, la représentation proportionnelle des effectifs en députés des trois grands partis (ou couples de partis) nationaux n’était pas parfaite au niveau gouvernemental : le C.V.P. – P.S.C. recevait sa "juste part" de 15 postes mais les socialistes renonçaient à un poste au profit du P.V.V. – P.L.P. Le P.S.C. et le P.L.P. étaient plus particulièrement favorisés au détriment des socialistes francophones qui, il est vrai, détenaient exceptionnellement le poste de Premier ministre.

26Le remaniement gouvernemental du 23 octobre 1973 ne modifiait en rien l’équilibre politique du Conseil des ministres (en dépit de deux remplacements de personnes) mais réduisait de 14 à 6 le nombre de secrétaires d’Etat. Le partage des postes gouvernementaux entre les trois grandes formations politiques nationales devenait alors le suivant :

C.V.P. – P.S.C. :12 membres (7 C.V.P. + 5 P.S.C.) dont 3 secrétaires d’Etat (2 + 1) ;
P.S.B. (– B.S.P.) :10 membres (5 F + 5 N) dont 1 secrétaire d’Etat (0 + 1) ;
P.V.V. – P.L.P. :6 membres (3 P.V.V. + 3 P.L.P.) dont 2 secrétaires d’Etat (1 + 1).

27Les rapports entre les effectifs de ces trois forces politiques à la Chambre et leur représentation au gouvernement étaient restés inchangés : stricte proportionnalité pour les sociaux-chrétiens mais cession par les socialistes d’un poste au P.V.V. – P.L.P. Cela se traduisait par l’absence de tout secrétaire d’Etat P.S.B. francophone et par un nombre égal de P.S.C. et de socialistes francophones dans l’ensemble du gouvernement.

e – Les divers avatars du gouvernement Tindemans I (1974-1977)

28La composition politique du gouvernement Tindemans minoritaire du 25 avril 1974 était la suivante : [6]

tableau im4
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 7 2 9 50 P.V.V. (N) 3 2 5 21 P.S.C. (F) 6 1 7 22 P.L.P. (1) (F) 3 1 4 9 C.V.P. – P.S.C. 13 3 16 72 P.V.V. – P.L.P. 6 3 9 30

29Le gouvernement Tindemans du 25 avril 1974 était majoritaire au Sénat (93 sièges sur 181) mais non à la Chambre (102 sièges sur 212), où l’abstention des partis communautaires assurait sa survie [7]. La position stratégique du P.V.V. – P.L.P. était donc particulièrement forte, d’où probablement l’obtention par ce couple de partis de 2 postes gouvernementaux de plus (9 sur 25, au lieu de 7) que ce qu’il aurait dû obtenir en fonction du nombre de ses députés.

30Une distorsion pouvait d’ailleurs être constatée dans les deux ailes linguistiques du gouvernement, chaque fois au détriment des sociaux-chrétiens.

31L’entrée de représentants du R.W. dans le gouvernement Tindemans (le 11 juin 1974) a évidemment modifié les équilibres politiques de ce dernier, ce qui nous donnait le tableau suivant :

tableau im5
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 8 2 10 50 P.V.V. (N) 3 2 5 21 P.S.C. (F) 6 0 6 22 R.W. (F) 1 2 3 13 P.L.P. (wallon) (F) 3 0 3 9 C.V.P. – P.S.C. 14 2 16 72 P.V.V. – P.L.P. 6 2 8 30 R.W. 1 2 3 13

32La nomination d’un seul ministre R.W. (M. François Perin) entraînait, en vertu de la règle de parité linguistique, celle d’un ministre néerlandophone (en l’occurrence, feu Robert Vandekerckhove, C.V.P.), tandis que l’attribution de deux postes de secrétaires d’Etat au R.W. se faisait grâce à la renonciation du P.S.C. et du P.L.P. wallon à ces postes. Le résultat de ce remaniement était que l’ensemble des sociaux-chrétiens ne "cédaient" plus qu’un portefeuille au P.V.V. – P.L.P., le R.W. recevant sa "juste part" de postes gouvernementaux en fonction du nombre de ses députés. Cependant, le premier parti communautaire accédant au pouvoir national était en position de faiblesse au Conseil des ministres, où ses partenaires francophones bénéficiaient d’ailleurs d’une surreprésentation.

33Le remaniement du 4 octobre 1974 dit "moyen élargissement" modifiait légèrement la composition politique du gouvernement par la création de deux postes supplémentaires de secrétaires d’Etat, attribués l’un au R.W. et l’autre au P.V.V. (formation flamande n’ayant pas bénéficié du remaniement précédent). Le dosage politique gouvernemental pouvait alors se résumer comme suit :

C.V.P. – P.S.C. :16 membres (10 C.V.P. + 6 P.S.C.) dont 2 secrétaires d’Etat (C.V.P.);
P.V.V. – P.L.P. :9 membres (6 P.V.V. + 3 P.L.P.) dont 3 secrétaires d’Etat (P.V.V.);
R.W. :4 membres dont 3 secrétaires d’Etat.

34En cas d’application du système D’Hondt, les sociaux-chrétiens auraient obtenu, en vertu de leurs 72 sièges à la Chambre, 19 portefeuilles gouvernementaux, contre 7 pour le P.V.V. – P.L.P. et 3 pour le R.W. En fait, la distorsion était due à une répartition très particulière des postes de secrétaires d’Etat compensant des déséquilibres maintenus au sein du Conseil des ministres.

35Après trois petits remaniements (en 1975 et en 1976) sans effets sur sa composition politique, le gouvernement Tindemans dut s’adapter aux conséquences de l’éclatement du R.W. et de la formation du P.R.L.W. Peu de temps après les élections communales du 10 octobre 1976, le Rassemblement wallon subissait la rupture entre la tendance fidèle au président du parti Paul-Henry Gendebien (désireux de réorienter sa formation vers un fédéralisme plus radical et plus progressiste) et la tendance "centriste" du ministre Perin. Cette dernière tendance quitta bientôt le R.W. pour former le 24 novembre 1976 avec le P.L.P. wallon le nouveau P.R.L.W. (Parti des Réformes et de la Liberté de Wallonie). Avec comme conséquence que le ministre Perin et deux secrétaires d’Etat ex-R.W. (Jean Gol et Etienne Knoops) adhéraient au P.R.L.W. tandis que le R.W., malgré ses 10 députés fidèles sur 13 [8], n’était plus représenté au gouvernement que par un secrétaire d’Etat, M. Robert Moreau, autorisé transitoirement à assister aux réunions du Conseil des ministres.

36La démission du ministre Perin en cette période de crise latente permit le profond remaniement gouvernemental du 8 décembre 1976, se soldant par le remplacement de quatre postes de secrétaires d’Etat par autant de portefeuilles ministériels [9]. La composition politique du gouvernement Tindemans I se présentait dès lors comme suit : [10]

tableau im6
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 9 1 10 50 P.V.V. (N) 4 2 6 21 P.S.C. (F) 6 0 6 22 P.R.L.W. (F) 4 1 5 12 (3) R.W. (F) 2 0 2 10 C.V.P. – P.S.C. 15 1 16 72 P.V.V. – P.R.L.W. 8 3 11 33 R.W. 2 0 2 10

37Cette fois, ce qu’il convenait désormais d’appeler les "partis libéraux" ou la "famille libérale" bénéficiait seul des 3 postes gouvernementaux retranchés de la part à laquelle pouvaient prétendre les sociaux-chrétiens en vertu de leurs 72 députés. Le R.W. ne recevait que sa juste part, en dépit de son rôle stratégique et de son exigence d’un 3e représentant au gouvernement. Le Conseil des ministres paraissait assez équilibré politiquement.

38Le 4 mars 1977, par la démission d’office des deux ministres R.W., le gouvernement Tindemans redevenait minoritaire à la Chambre (assise de 105 députés sur 212). Pour rétablir la parité linguistique au Conseil des ministres, deux nouveaux ministres (un P.S.C. et un P.R.L.W.) furent nommés le 6 mars 1977, d’où la configuration politique suivante du gouvernement :

  • sociaux-chrétiens : 17 membres (10 C.V.P. + 7 P.S.C.) dont 16 ministres (9 + 7) ;
  • "famille libérale" : 12 membres (6 P.V.V. + 6 P.R.L.W.) dont 9 ministres (4 + 5).

39La "prime" de 3 postes gouvernementaux restait acquise à la "famille libérale", les circonstances favorisant particulièrement le P.R.L.W., qui comptait notamment plus de ministres que le P.V.V.

f – Les gouvernements Tindemans II et Vanden Boeynanats (1977-1978)

40Le gouvernement dit Tindemans II du 3 juin 1977 associait le C.V.P. et le P.S.C., le P.S.B. encore unitaire, et, pour la première fois de leur existence, les partis communautaires Volksunie et F.D.F. Ce gouvernement présentait au moins trois caractéristiques :

  • la coalition qui le soutenait rassemblait les partis signataires du Pacte communautaire de mai 1977, Pacte par lequel ils s’étaient d’ailleurs engagés expressément à former une même majorité gouvernementale pendant deux législatures (donc normalement 8 ans) ;
  • la coalition était largement surmajoritaire dans les deux Chambres, même par rapport à un objectif de deux tiers des voix ;
  • l’équipe Tindemans II renouait avec la pratique des vice-Premiers ministres, le chef C.V.P. du gouvernement étant assisté par MM. Léon Hurez (P.S.B. wallon, actuel président du Conseil culturel) et Paul Vanden Boeynants (P.S.C.).

41Le dosage politique du gouvernement Tindemans II se présentait comme suit :

tableau im7
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 6 2 8 56 "B.S.P." (N) 4 1 5 27 V.U. (N) 2 1 3 20 P.S.B. (F) 4 2 7 35 P.S.C. (F) 4 0 4 24 F.D.F. (F) 2 1 3 10 C.V.P. – P.S.C. 10 2 12 80 P.S.B. (– B.S.P.) 9 3 12 62 V.U. 2 1 3 20 F.D.F. 2 1 3 10

42Si l’on avait appliqué le système D’Hondt aux effectifs en députés des deux familles politiques nationales et des deux partis communautaires de la majorité, l’on aurait obtenu un gouvernement composé de 15 sociaux-chrétiens, 11 socialistes, 3 V.U. et 1 F.D.F. Apparemment, la préférence a été donnée au respect de certaines parités : entre sociaux-chrétiens et socialistes, entre V.U. et F.D.F., entre le C.V.P. et ses deux partenaires flamands ensemble, entre les socialistes francophones et leurs partenaires de même langue. Au conseil des ministres, les sociaux-chrétiens détenaient un portefeuille de plus que les socialistes mais le F.D.F. y avait obtenu deux postes au même titre que la Volksunie.

43C’est grâce à sa position de parti le plus important de la région bruxelloise que le F.D.F. avait obtenu d’être traité comme partenaire à part entière dans un gouvernement se donnant comme objectif d’entamer une réforme de l’Etat. Le F.D.F. évitait notamment les inconvénients subis par le R.W. de 1974 à 1976 du fait de ne compter qu’un seul représentant au Conseil des ministres. Par contre, le P.S.C. perdait, par rapport au gouvernement sortant, 3 postes sur 7, ses 4 représentants restants étant toutefois tous ministres. La perte d’influence fut cependant ressentie par le P.S.C. au point de provoquer un incident grave (suspension de la prestation de serment des ministres P.S.C.) et cet incident ne fut résorbé qu’en accordant la présidence du C.M.C.E.S. [11], traditionnellement exercée par le Premier ministre, au vice-Premier ministre Vanden Boeynants. D’autre part, un ministre P.S.C., M. Alfred Califice (Prévoyance sociale), exerçait simultanément une fonction de secrétaire d’Etat (Affaires sociales-wallonnes–), de même d’ailleurs que le ministre P.S.B. bruxellois francophone Henri Simonet (Affaires étrangères), titulaire d’un secrétariat d’Etat à l’Economie régionale (celui de Bruxelles).

44Le gouvernement Vanden Boeynants du 20 octobre 1978, formé rapidement et pour une courte durée (préparation de l’élection d’une constituante), reprenait tous les membres de l’équipe précédente à l’exception du Premier ministre Tindemans ayant démissionné neuf jours plus tôt. Il y avait certes des modifications "au sommet" puisque M. Vanden Boeynants passait du rang de vice-Premier ministre à celui de Premier ministre, tout en conservant le portefeuille de la Défense nationale, tandis que le ministre de la Justice Renaat Van Elslande (C.V.P.) acquérait en sus la qualité de vice-Premier ministre. Précisons ici qu’il est devenu exceptionnel qu’un Premier ministre ait la responsabilité d’un département particulier alors qu’un poste de vice-Premier ministre est toujours couplé avec une attribution plus spécifique.

45Compte tenu de l’éclatement, en octobre 1978, du P.S.B. unitaire en un parti francophone (le P.S.) et un autre flamand ("Vlaamse socialisten" gardant le sigle "B.S.P."), la composition politique du gouvernement Vanden Boeynants de cette époque avait peu varié par rapport à celle de l’équipe précédente :

  • socialistes : 12 membres (7 P.S. + 5 B.S.P.) dont 9 ministres (5 P.S. + 4 B.S.P.) ;
  • sociaux-chrétiens : 11 membres (7 C.V.P. + 4 P.S.C.) dont 9 ministres (5 C.V.P. + 4 P.S.C) ;
  • Volksunie : 3 membres dont 2 ministres ;
  • F.D.F. : 3 membres dont 2 ministres.

46Le fait que les socialistes, avec 62 députés, comptaient dans le gouvernement étudié un représentant de plus que les sociaux-chrétiens avec 80 députés démontre que le dosage politique de l’équipe au pouvoir était imposé par les circonstances plutôt qu’issu d’une volonté délibérée. Théoriquement, compte tenu des effectifs à la Chambre, les sociaux-chrétiens auraient dû disposer de 14 postes gouvernementaux, et les socialistes de 11, la V.U. de 3, le F.D.F. d’un seul.

g – Les gouvernements Martens I et II (1979-1980)

47Le gouvernement Martens I (du 3 avril 1979) associait les "familles" sociale-chrétienne et socialiste ainsi que le F.D.F. sans la V.U. Dans la Constituante actuelle, les sociaux-chrétiens et les socialistes disposent en effet ensemble de la majorité des deux tiers au Sénat mais non à la Chambre (avec 140 sièges sur 212), d’où la grande utilité d’un partenaire supplémentaire.

48Conséquence de la scission linguistique du socialisme belge, le nouveau Premier ministre Wilfried Martens (jusqu’alors président du C.V.P.) était entouré de trois vice-Premiers ministres : MM. Guy Spitaels (P.S.), Paul Vanden Boeynants (P.S.C.) [12] et Willy Claes (B.S.P.). Quant au dosage politique de l’ensemble de ce gouvernement, il se présentait comme suit :

tableau im8
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 8 3 11 57 B.S.P. (N) 5 1 6 26 P.S. (F) 6 2 8 32 P.S.C. (F) 4 1 5 25 F.D.F. (F) 2 1 3 11 C.V.P. – P.S.C. 12 4 16 82 P.S. – B.S.P. 11 3 14 58 F.D.F. 2 1 3 11

49Les sociaux-chrétiens n’ont plus cédé cette fois que deux (un aux socialistes et l’autre au F.D.F.) des postes gouvernementaux qu’auraient dû leur valoir leurs effectifs à la Chambre, et cela notamment parce que l’importance relative du F.D.F. dans la majorité avait augmenté et entraînait normalement l’attribution de deux postes à ce parti. Trois caractéristiques étaient aussi à noter tant pour l’ensemble du gouvernement que pour le seul Conseil des ministres : la position majoritaire absolue des sociaux-chrétiens dans la coalition au Parlement ne se retrouvait pas dans l’exécutif national, l’aile néerlandophone du gouvernement était dominée par le C.V.P. (en raison du désistement du partenaire V.U.) et l’équilibre entre le P.S. d’une part, le P.S.C. et le F.D.F. d’autre part, restait assuré comme auparavant.

50Le gouvernement Martens II du 23 janvier 1980 ne constituait en fait qu’une simple adaptation de l’équipe en place à l’exclusion du partenaire F.D.F. L’aile néerlandophone du gouvernement restait inchangée tandis que les 3 membres F.D.F. de celui-ci, involontairement démissionnaires le 16 janvier précédent, étaient remplacés par 2 P.S. et 1 P.S.C. Dès lors, l’aile francophone du gouvernement se composait comme suit :

  • 10 P.S., dont 7 ministres et 3 secrétaires d’Etat ;
  • 6 P.S.C., dont 5 ministres et 1 secrétaire d’Etat ;

51L’ensemble du gouvernement comprenait quant à lui :

  • 17 sociaux-chrétiens, dont 13 ministres et 4 secrétaires d’Etat ;
  • 16 socialistes, dont 12 ministres et 4 secrétaires d’Etat.

52Les sociaux-chrétiens détenaient cette fois la majorité absolue dans le gouvernement entier et au Conseil des ministres, leur avantage sur les socialistes n’étant toutefois que d’une voix dans chaque cas. Le "manque à gagner" des sociaux-chrétiens restait de deux postes gouvernementaux, au profit désormais des seuls socialistes. Il eût été difficile d’augmenter davantage la part du P.S.C., devenu détenteur d’autant de portefeuilles que le B.S.P. (rebaptisé "S.P." lors d’un congrès les 8 et 9 mars 1980).

h – Les gouvernements Martens III

53Le gouvernement formé le 18 mai 1980 a présenté certaines analogies avec l’équipe Leburton-Tindemans-De Clercq de 1973-74 : il est né d’une crise politique en cours de législature, il a été basé sur une coalition "tripartite traditionnelle" succédant à une association des sociaux-chrétiens et des socialistes, et il a eu comme justification la garantie d’une large majorité des deux tiers (le gouvernement Martens II ayant perdu cette majorité même au Sénat, du fait de la "rébellion" de quelques élus C.V.P.). Cependant, le socialisme belge n’était plus dans une position de force comme en 1973 car il avait connu le même éclatement qu’avaient déjà subi les deux autres grandes "familles" politiques. De ce fait, la direction du gouvernement est restée confiée au C.V.P. D’autre part, le gouvernement Martens III a intégré les libéraux bruxellois francophones, le P.R.L.W. et l’ancien P.L.D.P., rebaptisé P.L. (Parti libéral) bruxellois dans l’intervalle, ayant formé en juin 1979 le nouveau P.R.L. ou Parti réformateur libéral.

54Le gouvernement Martens III associant six partis regroupés en trois "familles" politiques, seuls deux vice-Premiers ministres ont été nommés : le socialiste (P.S.) Guy Spitaels (également ministre des Communications) et le libéral (P.V.V.) Herman Vanderpoorten (également ministre de la Justice et des Réformes institutionnelles). Cependant, un "Cabinet restreint de politique générale" ou "Kernkabinet" a été constitué dès le départ au sein du gouvernement : ce "noyau" comprenait le Premier ministre (C.V.P.) et un "chef de file" par parti (le C.V.P. y compris) associé au pouvoir afin que la politique générale du gouvernement fût assurée du soutien de chaque composante de ce dernier [13]. Outre M. Martens, les membres du "Kern" étaient les vice-Premiers ministres Spitaels (P.S.) et Vanderpoorten (P.V.V.), les anciens vice-Premiers ministres Willy Claes (S.P., ministre des Affaires économiques) et José Desmarets (P.S.C., ministre du Plan et de la Politique scientifique) ainsi que les ministres Jozef Chabert (C.V.P., Travaux publics) et, à l’origine, Robert Henrion (P.R.L., finances). Ce dernier, démissionnaire pour raisons de santé, a été remplacé le 29 juin 1980 comme ministre des Finances par l’extra-parlementaire Paul Hatry (du même parti) mais le P.R.L. a préféré que son représentant au "Kern" fût un parlementaire, le ministre de la Défense nationale Charles Poswick, M. Hatry étant invité à toute réunion du Cabinet restreint à objet financier [14].

55L’ensemble du gouvernement Martens III offrait quant à lui la configuration suivante :

tableau im9
PARTIS Ministres Secr. d’Etat TOTAL Députés C.V.P. (N) 7 2 9 57 S.P. (N) 4 1 5 26 P.V.V. (N) 3 2 5 22 P.S. (F) 6 1 7 32 P.S.C. (F) 5 1 6 25 P.R.L. (F) 2 2 4 15 C.V.P. – P.S.C. 12 3 15 82 P.S. – S.P. 10 2 12 58 P.V.V. – P.R.L. 5 4 9 37

56Par rapport à une stricte application du système D’Hondt de représentation proportionnelle des sièges de députés, les sociaux-chrétiens ont cédé cette fois deux postes gouvernementaux à la "famille" libérale alors que les partis socialistes ont reçu leur "juste part". Mais au seul Conseil des ministres, seul un portefeuille a été cédé par les sociaux-chrétiens, et celui-ci aux socialistes et non aux libéraux (qui ne comptaient que 5 ministres pour 4 secrétaires d’Etat). En fait, c’est le C.V.P. qui a cédé chaque fois des postes, renonçant à bénéficier de sa position majoritaire absolue dans l’aile néerlandophone de la coalition gouvernementale. Il est vrai que ce même parti détenait la direction du gouvernement, 2 voix sur 7 au sein du Cabinet restreint et la présidence de l’"exécutif flamand" (voir en i ci-après).

i – La représentation des partis au sein des exécutifs subnationaux (depuis 1979)

57La loi de régionalisation préparatoire du 1er août 1974 avait prévu la création de trois "comités ministériels régionaux" (un pour la Flandre, un pour la Wallonie et un pour Bruxelles).

58Ces comités sont apparus pour la première fois lors du "moyen élargissement" du gouvernement Tindemans I le 4 octobre 1974. Ils ont certes posé depuis lors des problèmes de dosage politique mais pas plus essentiels que ceux relatifs à d’autres comités ministériels dont le C.M.C.E.S. déjà cité.

59La "phase immédiate" de réforme de l’Etat mise en œuvre par le gouvernement Martens I a impliqué le remplacement des comités ministériels régionaux par des "exécutifs" régionaux et aussi communautaires, organisés par la loi du 5 juillet 1979 et l’arrêté royal du 6 juillet 1979 [15]. Il s’agit d’un système asymétrique, la communauté néerlandaise ("flamande" depuis la plus récente révision constitutionnelle) et la région flamande disposant d’un exécutif commun alors que la communauté française et la région wallonne ont chacune leur exécutif propre (de même que la région bruxelloise). Ces "exécutifs" demeurant au sein du gouvernement national ne comprennent plus en principe que des membres assumant exclusivement des charges régionales ou communautaires mais il y a des exceptions : les deux ministres de l’Education nationale (département scindé linguistiquement) doivent encore assumer certaines tâches de concert et de plus, dans le gouvernement Martens III, le ministre du Budget Gaston Geens (C.V.P.) était également adjoint à l’Education nationale (rôle néerlandais) et membre de l’exécutif flamand à ce titre.

60Dans les gouvernements Martens I et II, l’ensemble des exécutifs subnationaux représentait 15 membres (dont les 8 secrétaires d’Etat) sur 33. Dans l’équipe suivante, de 36 personnes, les exécutifs communautaires et régionaux comptaient ensemble 17 membres, avec M. Geens, et dans ce nombre figuraient 8 des 9 secrétaires d’Etat.

61L’exécutif flamand (dénommé au départ "exécutif de la Communauté néerlandaise et de la Région flamande") comprend plusieurs ministres et secrétaires d’Etat dont l’un a des attributions communautaires et appartient à la Région bruxelloise. Cet exécutif n’a encore connu avant l’automne 1980 que deux compositions différentes figurant dans le tableau qui suit.[16]

tableau im10
PARTIS Martens I et II : 6 membres Martens III : 8 membres (1) C.V.P. 4 (dont la présidente) 4 (dont la présidente) S.P. (ex-B.S.P.) 2 2 P.V.V. – 2

62La répartition des postes de l’exécutif flamand s’est faite de façon assez conforme aux effectifs parlementaires des partis flamands au pouvoir, surtout compte tenu de l’octroi de la présidence de ce collège au C.V.P. L’on peut noter qu’il y a eu au départ une distinction de titre entre le ministre de la Communauté néerlandaise (Mme Rika De Backer-Van Ocken, présidente de l’exécutif, C.V.P.), et celui de la Région flamande (M. Marc Galle, B.S.P.), alors que l’exécutif flamand comprenait ensuite trois "ministres de la Communauté flamande" (les deux derniers cités et M. André Kempinaire, P.V.V.). Ledit exécutif a continué d’autre part d’inclure un ministre "spécialisé", celui de l’Education nationale du rôle néerlandais, M. Willy Calewaert (S.P.).

63L’exécutif de la Communauté française ne comprend que 3 membres dont un Bruxellois. Ces membres sont le ministre de la Communauté française (qui en fait préside l’exécutif), son collègue de l’Education nationale du rôle français et un secrétaire d’Etat. Dans les trois gouvernements Martens, la présidence de l’exécutif en question est restée attribuée à un P.S.C. (M. Michel Hansenne), le ministère de l’Education nationale (rôle français) à un P.S. (M. Jacques Hoyaux puis, depuis mai 1980, M. Guy Mathot), mais le secrétariat d’Etat à la Communauté française a été confié successivement à un F.D.F., un P.S. et un P.R.L. (il s’est agi d’un Bruxellois dans les trois cas). Il faut remarquer que chaque parti francophone au pouvoir, quelle que soit sa force au Parlement, a été représenté dans cet exécutif restreint dirigé par la deuxième formation politique en importance de la communauté concernée.

64L’exécutif de la Région wallonne ne compte aussi que 3 membres, soit le ministre de la Région wallonne (et en fait président de l’exécutif) et deux secrétaires d’Etat. Depuis le départ, le ministre de la Région wallonne est un P.S., M. Jean-Maurice Dehousse, tandis que l’un des secrétariats d’Etat a été attribué constamment au P.S.C., l’autre étant passé du P.S. au P.R.L. lors de la formation du gouvernement Martens III. Contrairement à l’exécutif de la Communauté française, celui de la Région wallonne a reflété assez bien les rapports de force entre partis wallons de la majorité du moment : le P.S. compte 28 députés wallons, le P.S.C. 21 et le P.R.L. 14. De plus, c’est un représentant du parti le plus important de Wallonie qui dirige l’exécutif régional.

65Enfin, l’exécutif de la Région bruxelloise compte 3 membres spécifiques, à savoir le ministre de la Région bruxelloise (qui en fait préside l’exécutif) et deux secrétaires d’Etat "dont l’un au moins appartient au groupe linguistique différent de celui du ministre" (selon l’arrêté royal du 6 juillet 1979). En outre, les deux membres bruxellois (un francophone et un néerlandophone) des exécutifs de communauté (voir ci-devant) participent aux délibérations de l’exécutif régional bruxellois dans lequel chaque communauté linguistique de la capitale est ainsi assurée d’avoir 2 représentants au moins sur 5. L’exécutif de la Région bruxelloise au complet a déjà connu avant l’automne 1980 trois compositions politiques différentes figurant dans le tableau ci-après (où il y a l’indication du nombre actuel de députés de chaque parti dommiciliés dans l’agglomération bruxelloise – c’est-à-dire la région provisoirement définie – et où la lettre C permet le repérage des membres des exécutifs de communauté associés à la gestion de la Région bruxelloise). [17]

tableau im11
PARTIS Députés brux. Martens I Martens II Martens III F.D.F. (F) 10 1 (1) + 1C – – P.S. (F) 4 1 1 + 1 C 1 P.S.C. (F) 4 – 1 (1) 1 (1) P.R.L. (F) 1 – – 1 C C.V.P. (N) 2 1 C 1 C 1 C P.V.V. (N) 1 – – 1 (B.) S.P. (N) 0 1 1 –

66Dans l’exécutif bruxellois du 1er gouvernement Martens, le F.D.F. recevait une influence en conformité avec sa position de "parti dominant" (forte majorité relative) dans sa région alors que la "famille socialiste" était avantagée : ainsi, Mme Lydia De Pauw-Deveen, sénateur provincial du Brabant et seul parlementaire B.S.P. domicilié dans l’agglomération bruxelloise, devenait secrétaire d’Etat à la Région bruxelloise. Par contre, le P.S.C. était écarté de l’exécutif de la Région bruxelloise et s’en plaignait malgré la détention de la direction de l’exécutif de la Communauté française. Le gouvernement Martens II excluant le F.D.F. a donné une revanche au P.S.C. dont le sénateur Mme Cécile Goor-Eyben est devenu le ministre de la Région bruxelloise depuis janvier 1980, en remplacement du F.D.F. Léon Defosset. L’exécutif bruxellois du gouvernement Martens II s’est aussi caractérisé par une majorité absolue socialiste et une assise parlementaire régionalisée des plus réduites. Enfin, la formation du gouvernement Martens III a signifié une nouvelle redistribution des cartes pour l’exécutif en question : la "famille socialiste" a dû céder deux de ses trois postes à la "famille libérale" qui s’est vue ainsi nettement surreprésentée.

2 – La représentation de "tendances" internes des partis gouvernementaux

a – Le C.V.P.

67Le C.V.P. se caractérise par le fait qu’une forte majorité de son personnel politique appartient à trois grands "standen" ou organisations chrétiennes (fidèles au C.V.P.) représentant directement des classes sociales : l’"Algemeen Christelijk Werkliedverbond" ou A.C.W. (pendant flamand du Mouvement ouvrier chrétien), le "Nationaal Christelijk Middenstandverbond" ou N.C.M.V. (association "nationale" chrétienne des Classes moyennes) et le "Belgische Boerenbond" (ligue agricole à caractère national mais à nette prédominance flamande). Certaines personnalités du C.V.P. ne se réclament cependant pas de l’un de ces "standen", ce qui n’empêche pas toujours des options socio-économiques bien définies. Il faut aussi observer qu’il n’existe pas de "stand" de la bourgeoisie (grand patronat, professions libérales).

68Dans le gouvernement Eyskens-Merlot de venu Eyskens-Cool de 1968-1971, les 9 membres C.V.P. pouvaient être répartis en deux sous-groupes seulement :

  • 5 A.C.W., à savoir le Premier ministre Gaston Eyskens et les ministres Paul-Willem Segers, Alfred Bertrand, Jozef De Saeger et Placide De Paepe ;
  • 4 "hors-standen", dont le ministre (et ancien Premier ministre) feu Théo Lefèvre, connu pour ses opinions travaillistes sans appartenir à l’A.C.W., et le ministre-secrétaire d’Etat Andreas Vlerick, professeur et administrateur de sociétés connu pour ses options "de droite", tandis qu’étaient plus malaisément "classables" les ministres Leo Tindemans (ancien secrétaire national du Parti social-chrétien unitaire et actuel président du C.V.P.) et Frans Van Mechelen (alors président en congé du "Bond van de grote en van de jonge gezinnen" ou ligue flamande des familles nombreuses et jeunes foyers).

69Dans le second gouvernement Eyskens-Cools (de 1972), les 9 postes accordés au C.V.P. connaissent une nouvelle répartition entre tendances en défaveur de la gauche du parti :

  • il n’y a plus que 3 A.C.W., à savoir le Premier ministre Eyskens, le ministre De Saeger et le secrétaire d’Etat Luc Dhoore, nouveau venu ;
  • il y survenance de deux représentants du N.C.M.V., le ministre Renaat Van Elslande et le secrétaire d’Etat Antoon Steverlynck ;
  • les 4 membres C.V.P. "hors-standen" du gouvernement précédent étaient renommés mais M. Vlerick devenait ministre alors que Theo Lefèvre se retrouvait secrétaire d’Etat.

70Le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq du 26 janvier 1973 fournit l’occasion d’un rééquilibrage des postes, toujours au nombre de 9, accordés au C.V.P. :

  • il y avait cette fois 6 membres de l’A.C.W., à savoir les ministres De Saeger et Jozef Chabert (nouveau venu ayant adhéré à l’A.C.W. au cours de sa carrière politique) ainsi que les secrétaires d’Etat De Paepe, Dhoore, Mme Maria Verlackt-Gevaert (nouvelle venue) et Marcel Vandewiele (nouveau venu, à ce moment secrétaire général de l’A.C.W.) ;
  • le N.C.M.V. était représenté par les ministres Van Elslande et Albert Lavens, ce dernier, nouveau venu et ministre de l’Agriculture, ayant aussi la confiance du "Boerenbond" ;
  • M. Tindemans restait le seul "hors-standen" mais devenait vice-Premier ministre.

71Lors du remaniement du gouvernement en question (le 23 octobre 1973), les deux secrétaires d’Etat C.V.P. "sacrifiés" seront toutefois les A.C.W. Vandewiele et Mme Verlackt-Gevaert.

72Dans le gouvernement Tindemans minoritaire d’avril 1974, le C.V.P. se vit à nouveau échoir 9 postes, répartis alors comme suit :

  • 5 postes pour l’A.C.W. représenté par les ministres De Saeger, De Paepe, Chabert et Mme Hendrika ("Rika") De Backer-Van Ocken (dont c’était la première apparition dans un gouvernement) ainsi que par le secrétaire d’Etat Dhoore ;
  • 2 postes pour le N.C.M.V. représenté par les ministres Van Elslande et Lavens ;
  • restaient 2 postes pour des personnalités sans attaches avec les "standen", à savoir le Premier ministre Tindemans et un nouveau secrétaire d’Etat, M. Gaston Geens, jusqu’alors directeur du CEPESS (le centre d’études politiques, économiques et sociales du P.S.C. – C.V.P.).

73Lors du remaniement du 11 juin 1974, un ministre C.V.P. supplémentaire fut nommé : il s’agissait de feu Robert Vandekerckhove, nouveau venu "hors-standen" car notaire de son état.

74Le remaniement suivant affectant la répartition des postes gouvernementaux entre "tendances" du C.V.P. fut celui du 16 octobre 1976 : devenant candidat-bourgmestre de Gand, le ministre De Paepe (A.C.W.) démissionnait et était remplacé par le secrétaire d’Etat Dhoore (également A.C.W.) dont le portefeuille était repris par le nouveau venu Mark Eyskens, professeur, fils de l’ancien Premier ministre mais non membre de l’A.C.W. et d’ailleurs ferme partisan du libéralisme économique. Dès lors, les 10 membres C.V.P. du gouvernement se répartissaient en 4 A.C.W., 2 N.C.M.V. (y compris M. Lavens) et 4 "hors-standen" (dont deux au moins se situant nettement à la droite du parti). Cette situation demeura inchangée jusqu’à la fin de la législature mais le remaniement du 8 décembre 1976 signifia la promotion du secrétaire d’Etat Geens au rang de ministre.

75Le gouvernement Tindemans II de 1977-1978 comprenait 8 C.V.P. dont 3 A.C.W. (les ministres Chabert, Mme De Backer et Dhoore), un seul N.C.M.V. (le ministre Van Elslande) et pas moins de 4 membres affiliés à aucun "stand" (le Premier ministre Tindemans, le ministre Geens et les secrétaires d’Etat Mark Eyskens et Ferdinandus De Bondt). Le dernier nommé, seul nouveau venu et professeur dans l’enseignement moyen, était surtout connu par son activité dans le "Vlaamse Volksbeweging" (mouvement populaire flamand).

76Du point de vue étudié ici, le gouvernement Vanden Boeynants du 20 octobre 1978 ne différait du précédent que par l’absence de M. Tindemans et par l’accession de M. Van Elslande au rang de vice-Premier ministre.

77Dans les gouvernements Martens I et Martens II (1979-1980), 11 postes étaient revenus au C.V.P. et un rééquilibrage entre les "tendances" de ce parti s’était révélé favorable à l’A.C.W. et au N.C.M.V. Le nouveau Premier ministre Wilfried Martens, président du C.V.P. jusqu’alors mais n’ayant jamais fait partie d’un gouvernement, appartenait d’ailleurs à l’A.C.W., cette allégeance n’étant cependant apparue aussi nettement qu’à partir de ce moment. L’ensemble des membres C.V.P. des équipes Martens I et Martens II se répartissaient en :

  • 6 A.C.W. soit, outre le Premier ministre, les ministres Chabert, Mme De Backer et Dhoore ainsi que les nouveaux secrétaires d’Etat à compétences subnationales Mme Rika Steyaert et M. Daniël Coens ;
  • 3 N.C.M.V., à savoir les ministres Van Elslande et Lavens (ce dernier appuyé également par le "Boerenbond") et le nouveau secrétaire d’Etat à compétences subnationales Pol Akkermans ;
  • 2 "hors-standen", à savoir les ministres Geens et Mark Eyskens.

78Le gouvernement Martens III ne comptait que 9 C.V.P., répartis en 5 A.C.W., 2 N.C.M.V. et 2 "hors-standen". Il y a eu en fait simple "soustraction" d’un A.C.W. (le secrétaire d’Etat Coens) et d’un N.C.M.V. (le ministre Van Elslande). Il faut aussi noter que les deux membres C.V.P. du "Kernkabinet" (MM. Martens et Chabert) ainsi que la présidente de l’exécutif flamand (Mme De Backer) faisaient partie de l’A.C.W., de même que le membre "bruxellois" (Mme Steyaert) de ce dernier exécutif.

79Il y a encore lieu de signaler l’existence de "tendances" d’un autre ordre au sein du C.V.P. : il s’agit de courants non organisés, en relation avec le contentieux communautaire et le processus de réforme de l’Etat. Ainsi, l’on a pu déceler une divergence stratégique entre le Premier ministre Tindemans, temporisateur en matière de réforme de l’Etat, et le président du parti Martens, partisan d’une franche mutation fédéraliste. Cette divergence apparaît moins nettement depuis que les deux chefs de file ont permuté leurs fonctions respectives en 1979. Il existe d’autre part chez les sociaux-chrétiens flamands des degrés dans le radicalisme "communautaire" dont le tenant le plus extrême dans un gouvernement depuis 1968 a sans doute été M. De Bondt, secrétaire d’Etat à la Réforme des Institutions durant la législature 1977-1978 et non repris ensuite dans les différentes équipes Martens, d’où en partie son refus temporaire de siéger dans le groupe C.V.P. du Sénat.

b – Le P.S.C.

80Contrairement au C.V.P., le P.S.C. ne peut pas s’appuyer sur un système de "standen" et cela pour plusieurs raisons : il n’y a plus depuis un certain temps d’organisation chrétienne francophone de Classes moyennes en Belgique, tous les agriculteurs sociaux-chrétiens de Wallonie ne font pas partie des organisations agricoles chrétiennes de leur région (Alliance agricole belge ou A.A.B., Gildes wallonnes du "Boerenbond") et, enfin, le Mouvement ouvrier chrétien ou M.O.C. a dû accepter une diversification des engagements politiques de ses membres voire de ses dirigeants. L’hétérogénéité socio-économique du parti a cependant conduit à la constitution de deux organisations politiques divergentes au sein de celui-ci : la Démocratie chrétienne ou D.C., créée en avril 1974, et le Centre politique des indépendants et cadres chrétiens ou CEPIC, "relancé" par un congrès en décembre 1975 (le CEPIC primitif ayant été un mouvement de réflexion héritier du Mouvement chrétien des Indépendants et des Cadres ou M.I.C.). Une partie non négligeable du personnel politique du P.S.C., appartenant à la bourgeoisie, aux milieux intellectuels, aux Classes moyennes ou au monde agricole, a toutefois refusé de rejoindre l’une ou l’autre des "tendances" nouvellement organisées, d’où le surnom de "sans famille" utilisé pour qualifier cette fraction non organisée du parti.

81Le gouvernement Eyskens-Merlot devenu Eyskens-Cools de 1968-1971 comprenait 7 P.S.C. dont deux seulement étaient représentatifs d’un "stand" : le ministre de l’Agriculture Charles Héger (lui-même agriculteur) et son collègue de la Fonction publique feu René Pêtre (M.O.C.). Les autres P.S.C. n’étaient pas engagés à ce point de vue mais provenaient tous de milieux aisés, aucun d’eux ne s’étant toutefois retrouvé plus tard au CEPIC. Il s’agissait des ministres Pierre Harmel (ancien Premier ministre), Raymond Scheyven, baron Jean Charles Snoy et d’Oppuers, Albert Parisis et Charles Hanin (aujourd’hui l’un des chefs de file des "sans famille").

82Dans le second gouvernement Eyskens-Cools (1972), les 6 membres P.S.C. représentaient cette fois en majorité des organisations de classes sociales (chrétiennes ou neutres) :

  • le ministre feu Léon Servais et le secrétaire d’Etat Alfred Califice, respectivement revenu et nouveau venu au pouvoir national, étaient issus du M.O.C. ;
  • le ministre (et ancien Premier ministre) Paul Vanden Boeynants, actuel président du P.S.C. après avoir été à la tête du CEPIC, était considéré alors comme représentatif des organisations de Classes moyennes ;
  • le secrétaire d’Etat Léon Remacle, nouveau venu, était (et est toujours) conseiller juridique des Unions professionnelles agricoles ou U.P.A. (neutres) ;
  • seuls les ministres Harmel et Hanin restaient sans attaches avec un "stand".

83La représentation du P.S.C. (6 membres) dans le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clerq de 1973 (composition d’origine) préfigurait la future tendance à la bipolarisation du parti :

  • il y avait une certaine convergence vers la droite de la part du ministre Vanden Boeynants, de son nouveau collègue Jean-Pierre Grafé (actuel président du CEPIC et dès cette époque considéré comme chef de file de la "droite" du P.S.C. local de Liège alors que M. Harmel faisait partie de l’aile "centriste" de cette section), et du nouveau secrétaire d’Etat Antoine Humblet (chef d’entreprise et membre fondateur du CEPIC d’origine) ;
  • le M.O.C. était représenté par le ministre Califice et le nouveau secrétaire d’Etat Willy Schyns (germanophone) ;
  • seul restait vraiment "au centre" le ministre Hanin.

84Lors du remaniement du gouvernement en question, le secrétaire d’Etat P.S.C. "sacrifié" fut le démocrate-chrétien Schyns (démission le 23 octobre 1973 entrant en vigueur le lendemain).

85Le gouvernement Tindemans minoritaire d’avril 1974 comptait 7 P.S.C. dont :

  • 3 "D.C.", le ministre Califice étant rejoint par un nouveau collègue, feu André Oleffe, et un nouveau secrétaire d’Etat, M. Henri-François Van Aal ;
  • les 3 ministres "de droite" Vanden Boeynants, Grafé et Humblet (ex-secrétaire d’Etat) ;
  • le ministre "centriste" Hanin.

86Lors du remaniement gouvernemental du 11 juin 1974, le ministre de l’Intérieur Hanin fut remplacé par M. Joseph Michel, dont le futur engagement "à droite" (au CEPIC) n’était encore guère prévisible. L’équilibre entre tendances du P.S.C. était davantage affecté par le fait que l’entrée du R.W. dans le gouvernement impliquait la démission du seul secrétaire d’Etat P.S.C., le démocrate-chrétien Van Aal. Ce dernier aura pourtant sa revanche lors du "moyen élargissement" du 4 octobre 1974 en succédant comme ministre au Liégeois Grafé car il fallait un P.S.C. bruxellois pour exercer simultanément la fonction de secrétaire d’Etat au Logement, adjoint au ministre des Affaires bruxelloises (M. Vanden Boeynants).

87Le décès en août 1975 du ministre des Affaires économiques André Oleffe a signifié pour la D.C. la perte de ce poste confié le 23 août 1975 au professeur Fernand Herman [18]. Celui-ci apparaîtra à la fin de 1975 comme le seul P.S.C. "sans famille" du gouvernement, aux cotés de 3 CEPIC (Vanden Boeynants, Joseph Michel et Humblet) et de 2 D.C. (Califice et Van Aal).

88La composition de la fraction P.S.C. du gouvernement Tindemans ne fut ensuite plus modifiée que lors du retour de cette équipe à une position minoritaire : le 6 mars 1977, l’un des deux remplaçants des ministres R.W. déchargés de leurs fonctions était un P.S.C. démocrate-chrétien, M. Marcel Plasman.

89Le gouvernement Tindemans II de 1977-1978 ne comprenait que 4 P.S.C., dont 3 CEPIC (le vice-Premier ministre Vanden Boeynants et les ministres Humblet et J. Michel) et un seul D.C. (le ministre de la Prévoyance sociale Califice, également titulaire il est vrai d’un secrétariat d’Etat aux Affaires sociales-wallonnes-).

90Dans le gouvernement Vanden Boeynants du 20 octobre 1978, la composition de la fraction P.S.C. restait identique, la prépondérance du CEPIC étant accentuée par la promotion de M. Vanden Boeynants au poste de Premier ministre.

91Le gouvernement Martens I (du 3 avril 1979) comptait 5 P.S.C. assurant au départ une représentation mieux équilibrée des "tendances" du parti puisqu’ils se répartissaient comme suit :

  • 2 CEPIC, à savoir le vice-Premier ministre Vanden Boeynants (Premier ministre sortant) et le secrétaire d’Etat Humblet (ex-ministre) ;
  • 2 D.C., à savoir le ministre Califice et son nouveau collègue Michel Hansenne (qui n’est cependant pas un démocrate-chrétien d’origine) ;
  • un "sans famille", le nouveau ministre Georges Gramme (chef d’une petite entreprise).

92Lors du remaniement du 15 octobre 1979 (concernant uniquement des P.S.C.), M. Vanden Boeynants, devenu président de son parti, fut remplacé comme vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale par un autre CEPIC, M. José Desmarets (qui commença sa carrière publique comme démocrate-chrétien). La D.C. n’obtenait pas le transfert de la fonction de vice-Premier ministre à M. Califice [19], mais l’un des siens, M. Philippe Maystadt, devenait secrétaire d’Etat à la Région wallonne en remplacement de M. Humblet, nommé président de la Société régionale d’investissement de Wallonie (S.R.I.W.).

93Le gouvernement Martens II du 23 janvier 1980 a vu l’arrivée d’un 6ème membre P.S.C., se considérant comme "sans famille" : Mme Cécile Goor-Eyben, nouveau ministre de la Région bruxelloise en remplacement du F.D.F. Léon Defosset.

94Le gouvernement Martens III du 18 mai 1980 a gardé 6 membres P.S.C. moyennant un rééquilibrage entre "tendances" puisqu’il y avait désormais :

  • 2 CEPIC : le ministre Desmarets (ex-vice Premier ministre mais membre du "Kern") et un nouveau secrétaire d’Etat pour la Région wallonne, M. Pierre Mainil ;
  • 2 D.C. [20] : les ministres Califice et Hansenne ;
  • 2 "sans famille" : les ministres Goor et Charles-Ferdinand Nothomb, ce dernier, ancien président du P.S.C. et président sortant de la Chambre, accédant pour la première fois au gouvernement.

95Il faut noter que dans ce dernier gouvernement, chaque "tendance" du P.S.C. détenait une position-clé : respectivement un siège au "Kern" (M. Desmarets), la présidence de l’exécutif de la Communauté française (M. Hansenne) et celle de l’exécutif de la Région bruxelloise (Mme Goor).

c – Les socialistes

96Le socialisme belge ne connaît pas de fortes structurations de "tendances", si ce n’est récemment du côté francophone avec les mouvements "Tribunes socialistes" (à la gauche du P.S.B. puis du P.S.) et "Alternatives socialistes" (centre-gauche), ces deux mouvements étant d’ailleurs oppositionnels et donc non représentés dans les gouvernements. Une analyse personnalisée exhaustive de la présence socialiste dans les gouvernements ne s’indique pas dès lors.

97L’ensemble du socialisme belge est traversé par des courants tendant à un infléchissement soit vers la gauche intransigeante soit vers le centre.

98La tendance de gauche la plus radicale a été généralement illustrée par des socialistes wallons fédéralistes "ultras" (voir plus loin) pour qui l’autonomie de la Wallonie devrait être l’occasion de réformes de structures. Cette tendance a aussi été incarnée par d’autres socialistes wallons ainsi M. Ernest Glinne, président de "Tribunes socialistes", qui fut ministre dans le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq (1973-1974), et Mme Irène Pétry, féministe anticapitaliste (luttant contre la "double exploitation" de la femme travailleuse), qui fut secrétaire d’Etat (jusqu’au 23 octobre 1973) dans le même gouvernement. Enfin, le premier président du S.P., M. Karel Van Miert, adopte en certaines circonstances des attitudes nettement de gauche et il n’est pas sans importance à cet égard qu’un ancien proche collaborateur de celui-ci, M. Freddy Willockx, soit devenu dans le gouvernement Martens III secrétaire d’Etat aux Finances (servant de contre-poids au ministre P.R.L. des Finances).

99La tendance que l’on peut qualifier de "sociale-démocrate" n’est généralement pas formée en Belgique de personnalités qui s’en réclament. C’est en raison de leur ligne de conduite politique que certains ministres socialistes ont été considérés comme "centristes". Ce fut le cas, du côté flamand, pour feu Alfons Vranckx (ministre dans les gouvernements Eyskens-Merlot et Eyskens-Cools I et II), pour Louis Major (idem) et pour M. Willy Claes (ministre dans les gouvernements Eyskens-Cools II, Leburton-Tindemans-De Clercq, Tindemans II et Vanden Boeynants, vice-Premier ministre des gouvernements Martens I et II, et ensuite ministre des Affaires économiques, membre du "Kern"). Ce fut le cas également, du côté francophone, pour le Bruxellois Henri Simonet, professeur, qui a été ministre dans les équipes Eyskens-Cools II, Tindemans II, Vanden Boeynants et Martens I et II. Quant à M. Edmond Leburton, qui fut ministre et Premier ministre, ses positions se sont encore précisées depuis qu’il préside le mouvement "Alternatives socialistes".

100Il y a également lieu de tenir compte de positions divergentes des socialistes belges, tant parmi les francophones que parmi les Flamands, à propos du contentieux communautaire.

101Parmi les ministres et secrétaires d’Etat socialistes francophones, certains sont des fédéralistes "ultras" et d’autres au contraire se déclarent ouvertement "unionistes", les évolutions personnelles étant fréquentes (souvent d’une position modérée à une autre radicale ou vice-versa) :

  • dans le gouvernement Eyskens-Merlot du 17 juin 1968, il n’y avait aucun "unioniste" parmi les 7 membres socialistes francophones (tous Wallons) mais bien 3 fédéralistes radicaux, à savoir le vice-Premier ministre Jean-Joseph Merlot et les ministres Freddy Terwagne et André Cools (ce dernier, actuellement président du P.S., ayant depuis lors, en raison de ses fonctions, quelque peu modéré ses revendications fédéralistes). Cependant, Merlot et Terwagne décédèrent en cours de législature. Après le décès du premier, M. Cools devint vice-Premier ministre mais simultanément (le 27 janvier 1969), M. Edmond Leburton, ancien fédéraliste devenu nettement "unioniste", redevenait ministre en reprenant le portefeuille des Affaires économiques détenu auparavant par Merlot. Toutefois, après le décès de Terwagne (le 15 février 1971), le ministre Leburton démissionne en raison de son accession à la coprésidence nationale du P.S.B. et le portefeuille de Terwagne (Relations communautaires-rôle francophone-) échut à un autre fédéraliste "ultra", feu le professeur Fernand Dehousse ;
  • dans le gouvernement Eyskens-Cools de 1972, le seul P.S.B. fédéraliste radical était le vice-Premier ministre Cools tandis qu’apparaissait comme ministre (des Affaires économiques) le Bruxellois Simonet, connu comme très "unioniste" par ses campagnes électorales ;
  • le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq ne comptait pas de socialiste francophone ultra-fédéraliste mais bien deux "unionistes", le Premier ministre lui-même et son ancien chef de cabinet feu Pierre Falize (devenant ministre de la Culture française) ;
  • le gouvernement Tindemans II, ainsi que l’équipe Vanden Boeynants qui lui succéda, comptaient parmi 7 socialistes francophones un "unioniste" (le ministre Simonet, exerçant aussi des fonctions de secrétaire d’Etat à l’Economie régionale – de Bruxelles –) et deux nouveaux venus fédéralistes "ultras" (le ministre de la Culture française Jean-Maurice Dehousse, fils de feu Fernand Dehousse, et le secrétaire d’Etat à la Réforme des Institutions Jacques Hoyaux) ;
  • les gouvernements Martens I et II comprenaient aussi les ministres Simonet et J.-M. Dehousse (ce dernier changeant de portefeuille et devenant président de l’exécutif de la Région wallonne) ainsi que M. Hoyaux, devenu ministre de l’Education nationale (rôle français).
    Ce fut aussi l’occasion pour deux ministres P.S. des gouvernements précédents, MM. Guy Spitaels (devenu vice-Premier ministre) et Guy Mathot, de se donner une "image de marque" plutôt nationale ;
  • enfin, la formation du gouvernement Martens III a signifié le départ des ministres Simonet et Hoyaux.

102Parmi les membres socialistes flamands des gouvernements ne figurent pas de fédéralistes "ultras" mais tous ne sont pas des "modérés" en matière communautaire à l’instar d’un Edouard Anseele (ministre du 17 juin 1968 au 23 octobre 1973 au cours de la période étudiée) ou d’un Willy Claes (dont la carrière ministérielle a été mentionnée ci-devant). Le radicalisme en la matière a été pratiqué à titre individuel par le professeur Willy Calewaert, ministre de l’Education nationale (régime néerlandais) dans les gouvernements Leburton-Tindemans-De Clercq et Martens III, de la Fonction publique et des Réformes institutionnelles dans les équipes Martens I et II [21]. L’apparition d’une tendance au radicalisme communautaire parmi les socialistes flamands a cependant été surtout liée au phénomène géographiquement circonscrit des "Rode Leeuwen" : en 1968, la majorité des socialistes flamands de l’arrondissement électoral de Bruxelles (= Bruxelles-Hal-Vilvorde) avait créé une Fédération d’arrondissement distincte, dite des "Rode Leeuwen". Les promoteurs de cette initiative, parmi lesquels l’on retrouve 11 ex-Bruxellois Van Miert, actuel président du S.P., ont figuré pour une bonne part dans l’un ou l’autre gouvernement :

  • le gouvernement Eyskens-Merlot devenu Eyskens-Cools (1968-1971), privé de l’appui de la Fédération bruxelloise bilingue du P.S.B., comptait 2 "Rode Leeuwen" (sur 6 socialistes flamands), à savoir les ministres Pierre Vermeylen (Education nationale – régime néerlandais –) et Henri Fayat ;
  • les gouvernements Eyskens-Cools de 1972 et Leburton-Tindemans-De Clercq ne comprenaient plus qu’un seul "Rode Leeuw", M. Fayat, qui se retrouvait secrétaire d’Etat et fut même "sacrifié" lors du remaniement du 23 octobre 1973 ;
  • de même, les gouvernements Tindemans II et Vanden Boeynants ne comptaient qu’un "Rode Leeuw", le nouveau secrétaire d’Etat Roger De Wulf ;
  • par contre, dans les équipes Martens I et II (où réapparaissait déjà M. Calewaert), 3 des 6 membres du "B.S.P." étaient des "Rode Leeuwen" au sens large : aux côtés de M. De Wulf, devenu ministre, survenaient Mme Lydia De Pauw-Deveen, nouveau secrétaire d’Etat à la Région bruxelloise, et aussi 11 ex-Bruxellois Marc Galle, inventeur de l’appellation "Rode Leeuwen", devenant ministre de la Région flamande ;
  • enfin, contrairement aux ministres De Wulf et Galle, Mme de Pauw n’a pas été reprise dans le gouvernement Martens III.

d – Les partis libéraux

103Le P.V.V. a disposé dans les gouvernements auxquels il a participé, au cours de la période étudiée, d’une représentation fort homogène à plusieurs points de vue :

  • au point de vue philosophique, aucun catholique pratiquant ne figure parmi les membres P.V.V. des gouvernements en question, ce qui reflète la relative rareté des ralliements de catholiques flamands au Parti pour la Liberté et le Progrès fondé sous une forme unitaire en 1961 ;
  • au point de vue communautaire, la plupart des membres P.V.V. des gouvernements étudiés sont connus pour leur radicalisme linguistique mais tous sont attachés au maintien de l’unité de la Belgique, l’"unioniste" le plus déclaré étant M. Herman De Croo, ministre dans les gouvernements Tindemans I (à l’Education nationale – rôle néerlandais –) et Martens III. Trois dirigeants ou anciens dirigeants du "Liberaal Vlaams Verbond" (L.V.V.), c’est-à-dire l’organisation qui a abouti à la radicalisation linguistique néerlandaise du libéralisme flamand, ont connu une carrière gouvernementale : MM. Herman Vanderpoorten (ministre dans les gouvernements Leburton-Tindemans-De Clercq et Tindemans I, vice-Premier ministre de l’équipe Martens III), André Kempinaire (secrétaire d’Etat dans le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq jusqu’au 23 octobre 1973 et dans celui de Tindemans à partir du 16 octobre 1976 avec promotion comme ministre le 8 décembre suivant, et enfin ministre de la Communauté flamande dans l’équipe Martens III) et Karel Poma (secrétaire d’Etat pendant toute la durée du gouvernement Tindemans I). La situation ainsi évoquée diffère nettement de celle de l’ancien Parti libéral qui a inclus parmi ses ministres flamands au cours de la législature 1958-1961 un anti-L.V.V. comme feu Raoul Vreven et surtout deux francophones, Laurent Merchiers et feu Albert Lilar (vice-président du Conseil de Cabinet pendant près de deux ans) ;
  • au point de vue de la doctrine socio-économique, l’homogénéité est très grande, moyennant une nuance concernant Louis D’haeseleer, secrétaire d’Etat dans le gouvernement Tindemans I jusqu’au 16 octobre 1976 (dépôt de candidature au maïorat d’Alost) et qui doit sa popularité à son engagement dans les œuvres sociales libérales (mutualités surtout).

104Le libéralisme francophone apparaît quant à lui, à travers ses participations gouvernementales récentes, comme hétérogène en raison de bouleversements successifs.

105Le gouvernement Leburton-Tindemans-De Clercq comptait au départ 4 P.L.P. wallons, dont 3 catholiques ralliés au P.L.P. (le ministre feu Léon Hannotte et les secrétaires d’Etat Louis Olivier et Jean Defraigne) et un seul "ancien" du Parti libéral (M. Michel Toussaint, ministre de l’Education nationale – rôle français –). En fonction d’un autre clivage, ces P.L.P. wallons se répartissaient en 2 fédéralistes (MM. Toussaint et Defraigne) et 2 "unionistes" (MM. Hannotte et Olivier).

106A l’occasion du remaniement gouvernemental du 23 octobre 1973, c’est le secrétaire d’Etat Louis Olivier (catholique et "unioniste") qui fut "sacrifié".

107Les P.L.P. wallons furent de nouveau quatre dans le gouvernement Tindemans minoritaire du 25 avril 1974 mais cette fois, il y avait deux "anciens libéraux" (le ministre Michel Toussaint et le nouveau secrétaire d’Etat feu Claude Hubaux) aux côtés de deux "ralliés" catholiques (les ministres Olivier et Defraigne) tandis que les fédéralistes étaient trois (MM. Toussaint, Defraigne et Hubaux) face à un seul "unioniste" (M. Olivier). M. Toussaint ne détenait plus le portefeuille de l’Education nationale (rôle français) mais Hubaux exerçait des fonctions à caractère régional.

108L’entrée de membres du R.W. dans le gouvernement Tindemans I (le 11 juin 1974) a signifié l’éviction du secrétaire d’Etat Hubaux (candidat du Parti libéral wallon en décembre 1978). A l’occasion du "moyen élargissement" du 4 octobre 1974, des compétences supplémentaires régionales de secrétaire d’Etat furent cependant accordées au ministre Olivier.

109Le 31 juillet 1976, le ministre Defraigne (catholique et fédéraliste) démissionnait et son portefeuille des Travaux publics était repris par M. Olivier lui-même remplacé comme ministre des Classes moyennes par Léon Hannotte (catholique et "unioniste").

110En novembre 1976, le R.W. éclatait et son aile "centriste" formait avec le P.L.P. wallon le nouveau P.R.L.W., parti se proclamant "réformiste", pluraliste et surtout fédéraliste. C’est ainsi qu’à partir du 24 novembre, le gouvernement Tindemans I comptait 6 P.R.L.W. dont, venant du R.W., le ministre François Perin (d’origine socialiste) et les secrétaires d’Etat Jean Gol (idem) et Etienne Knoops (d’origine P.S.C.). Trois des 6 membres P.R.L.W. étaient donc catholiques.

111Lors du remaniement du 8 décembre 1976 provoqué par le besoin d’un rééquilibrage politique de l’équipe au pouvoir (voir chap. 1, e) le ministre Perin démissionna et son portefeuille de la Réforme des Institutions (partagé avec le C.V.P. Robert Vandekerckhove) resta au P.R.L.W. mais fut repris par l’ancien P.L.P. Toussaint avec l’agrément du R.W. Le portefeuille de M. Toussaint (Commerce extérieur) fut repris par l’ex-R.W. Knoops, promu ministre. La fraction P.R.L.W. du gouvernement comprenait dès lors 3 ex-P.L.P. (dont 2 catholiques) et 2 ex-R.W. (dont un catholique).

112Enfin, le 6 mars 1977, l’un des deux ministres R.W. déchargés de leurs fonctions fut remplacé par un P.R.L.W. nouveau venu, le comte Charles Cornet d’Elzius, catholique et ex-P.L.P. Parmi les 6 membres P.R.L.W. du gouvernement, il y avait donc prépondérance (4 sur 6) des ex-P.L.P. et des catholiques.

113La composition de la fraction P.R.L. (ex-P.R.L.W. plus ex-P.L. bruxellois) du gouvernement Martens III du 18 mai 1980 s’est révélée encore plus complexe, les 4 membres de cette fraction se répartissant en :

  • 2 ex-P.R.L.W. issus du P.L.P. wallon, à savoir le catholique Charles Poswick, ministre de la Défense nationale comme en 1966-1968 et M. André Bertouille, nouveau secrétaire d’Etat pour la Région wallonne ;
  • 1 ex-P.R.L.W. domicilié à Bruxelles (professeur à l’U.L.B.) et "libéral indépendant" (plutôt progressiste) jusqu’en novembre 1976 : M. Robert Henrion, ministre des Finances (comme en 1966-1968) et membre du "Kern" ;
  • 1 ex-P.L. de vieille souche libérale, à savoir M. Albert Demuyter, nouveau secrétaire d’Etat pour la Communauté française.

114Il n’y avait qu’un seul catholique et aucun ancien R.W. dans ce quatuor mais il faut tenir compte de l’accession de l’ancien ministre Defraigne à la présidence de la Chambre et de l’élection de l’ancien secrétaire d’Etat Jean Gol à la tête du P.R.L.

115Le remplacement, le 29 juin 1980, de M. Henrion par M. Paul Hatry comme ministre des Finances et par le ministre Poswick comme membre du "Kern" a quelque peu modifié l’équilibre existant entre les "strates" du P.R.L. En effet, M. Hatry, professeur à l’U.L.B. et jusqu’alors administrateur-délégué de la Fédération pétrolière, est issu du P.L. bruxellois tout en étant considéré comme "plus à droite" que M. Henrion bien qu’il se défende d’être conservateur [22]. Cela n’a pas empêché des réactions défavorables venant des partenaires socialistes du gouvernement tandis que les libéraux wallons ont exprimé leur déception d’être sous-représentés [23].

e – Les partis communautaires francophones (F.D.F. et R.W.)

116Le Rassemblement wallon (R.W.) a entamé la seule participation gouvernementale de son histoire le 11 juin 1974, sans le concours du "parti-frère" F.D.F. : ce jour-là entraient dans l’équipe Tindemans I, comme l’un des deux ministres de la Réforme des Institutions, le professeur François Perin (ex-P.S.B. membre du Mouvement populaire wallon ou M.P.W.), et comme secrétaires d’Etat MM. Jean Gol (ex-P.S.B.) et Etienne Knoops (industriel issu de la "droite" du P.S.C).

117Lors du "moyen élargissement" du 4 octobre 1974, l’aile socialisante du R.W. fut encore renforcée par la nomination de M. Robert Moreau (de confession protestante, ancien secrétaire national adjoint de la F.G.T.B., cofondateur du M.P.W.) comme secrétaire d’Etat exerçant des fonctions régionales (à l’instar de M. Gol). Cependant MM. Perin et Gol se retrouveront rapidement sur la même longueur d’ondes que M. Knoops, avec le résultat final que l’on connaît.

118Le 8 décembre 1976, le R.W. "nouvelle manière", représenté au gouvernement par le seul secrétaire d’Etat Moreau, obtint pour ce dernier une promotion comme ministre avec à ses côtés un nouveau collègue, M. Pierre Bertrand, cofondateur du M.P.W. de Liège et partisan du rétablissement de la solidarité entre R.W. et F.D.F. Les deux nouveaux ministres R.W. exercèrent à la fois des compétences nationales et régionales jusqu’à ce qu’ils soient déchargés de leurs fonctions le 4 mars 1977.

119Le F.D.F. a fait partie, sans le R.W. mais avec la neutralité bienveillante de celui-ci, des gouvernements Tindemans II, Vanden Boeynants et Martens I. Du 3 juin 1977 au 16 janvier 1980 (démission d’office), les 3 membres F.D.F. de l’exécutif national sont restés les mêmes :

  • le ministre Lucien Outers, ancien secrétaire général de Rénovation wallonne (mouvement fédéraliste catholique), député de Liège élu sur une liste R.W. au cours de la législature 1977-1978 ;
  • le ministre Léon Defosset, président de la Régionale bruxelloise du M.P.W., chargé constamment de diriger la politique régionale de Bruxelles au sein du gouvernement ;
  • le secrétaire d’Etat (à la Culture française puis à la Communauté française) François Persoons, issu de la tendance démocrate-chrétienne du P.S.C. via la dissidence "Démocratie bruxelloise".

120Soit donc deux catholiques "de gauche" (compte tenu de la sympathie active de M. Outers pour le R.W. "nouvelle manière") et un socialisant, l’aile des F.D.F. d’origine libérale (P.L.P. ou P.L.) n’étant pas représentée, volontairement ou non, malgré son poids dans le parti.

f – La Volksunie

121La V.U. n’a participé qu’aux gouvernements Tindemans II et Vanden Boeynants dans lesquels ses trois représentants étaient :

  • le ministre Hector de Bruyne, ancien directeur général du "Finaneieel-Ekonomische Tijd" (quotidien financier) et ferme partisan du libéralisme économique ;
  • le ministre Alberic ("Rik") Vandekerckhove frère de l’ancien ministre C.V.P. Robert Vandekerckhove (qui devenait président du Sénat) et issu nettement du "monde" catholique, étant président du "Davidsfonds" de Genk ;
  • le secrétaire d’Etat à la Culture néerlandaise et aux Affaires sociales (bruxelloise) Victor (dit "Vik") Anciaux, médecin gynécologue relativement progressiste, actuel président du parti.

g – Essai de synthèse

122Les données qui précèdent démontrent que les gouvernements belges sont traversés de la même manière que le corps électoral par plusieurs clivages ne coïncidant ni entre eux ni toujours avec les limites du champ d’action de chaque parti. Nous tenterons dans le présent paragraphe d’illustrer synthétiquement ce phénomène dans la mesure où les données disponibles s’y prêtent.

123La ligne de partage entre les catholiques pratiquants et "les autres" (y compris les pratiquants d’autres religions que le catholicisme) traverse certains partis en raison de la déconfessionnalisation partielle de la vie politique belge. Le tableau qui suit recense les catholiques pratiquants connus membres des gouvernements depuis 1968, en y assimilant d’office tous les sociaux-chrétiens.

tableau im12
GOUVERNEMENTS CVP PSC Lib. fr. RW FDF VU Cath. prat. / TOTAL Eyskens-Merlot/Cools(17-6-68) 9 7 – – – – 16/29 Eyskens-Cools (21-1-72) 9 6 – – – – 15/29 Leburton-Tindemans-De Clercq (26-1-73) 9 6 3 – – – 18/36 idem (23-10-73) 7 5 2 – – – 14/28 Tindemans minoritaire(25-4-74) 9 7 2 – – – 18/25 Tindemans (11-6-74) 10 6 2 1 – – 19/27 idem (4-10-74) 10 6 2 1 – – 19/29 idem (8-12-76) 10 6 3 0 – – 19/29 Tindemans minoritaire (6-3-77) 10 7 4 – – – 21/29 Tindemans II (3-6-77) 8 4 – – 2 1 15/30 Vanden Boeynants (20-10-78) 7 4 – – 2 1 14/29 Martens I (3-4-79) 11 5 – – 2 – 18/33 Martens II (23-1-80) 11 6 – – – – 17/33 Martens III (18-5-80) 9 6 1 – – – 16/36

124Si le tableau qui précède n’est pas absolument fiable, notamment en raison de la zone d’incertitude présentée par la V.U., il démontre au moins que, dans un pays où les catholiques pratiquants sont devenus assez nettement minoritaires, la plupart des gouvernements comptent 50 % ou plus de membres connus comme catholiques, avec une proportion maximale (près des trois quarts) dans les deux gouvernements Tindemans minoritaires. Ce n’est que dans les gouvernements Vanden Boeynants (sous réserve) et Martens III que les catholiques pratiquants se sont retrouvés en minorité [24].

125En matière socio-économique, il est possible de distinguer des "progressistes", relativement convergents, de l’ensemble peu homogène des partisans fermes du libéralisme économique, des "centristes" et des "réformateurs". Cela à la condition toutefois de ne pas tenir compte de nuances personnelles, d’ailleurs évolutives, le radicalisme de gauche ayant souvent tendance à s’estomper avec l’âge bien que le cheminement inverse puisse se produire. Le tableau qui suit recense les "progressistes" au sein des gouvernements de la période étudiée en utilisant, sauf exceptions, des critères objectifs : appartenance à un parti "de gauche" (les partis socialistes, le R.W. "nouvelle manière") ou à une organisation de même tendance (A.C.W., M.O.C. ou D.C., M.P.W.).

tableau im13
GOUVERNEMENTS Socialistes ACW MOC ou DC "gche" RW "gche" FDF "Progressistes" TOTAL F N (*) Eyskens-Merlot/Cools (17-6-68) 7 6 5 + 1 1 – – 20/29 Eyskens-Cools (21-1-72) 7 7 3 + 1 2 – – 20/29 Leburton-Tindemans-De Clercq (26-1-73) 7 6 6 2 – – 21/36 idem (23-10-73) 5 5 4 1 – – 15/28 Tindemans minoritaire (25-4-74) – – 5 3 – – 8/25 Tindemans (11-6-74) – – 5 2 2 – 9/27 idem (4-10-74) – – 5 3 3 – 11/29 idem (23-8-75) – – 5 2 1 (**) – 8/29 idem (16-10-76) – – 4 2 1 – 7/29 idem (8-12-76) – – 4 2 2 – 8/29 Tindemans minoritaire (6-3-77) – – 4 3 – – 7/29 Tindemans II (3-6-77) 7 5 3 1 – 3 19/30 Vanden Boeynants (20-10-78) 7 5 3 1 – 3 19/29 Martens I (3-4-79) 8 6 6 2 – 3 25/33 idem (15-10-79) 8 6 6 3 – 3 26/33 Martens II (23-1-80) 10 6 6 3 – – 25/33 Martens III (18-5-80) 7 5 5 2 – – 19/36
(*) Plus Théo Lefèvre, "travailliste" non-A.C.W., indiqué par "+1".
(**) MM. Perin et Gol sont progressivement devenus "centristes" en 1975.

126Selon le tableau qui précède, les "progressistes" ont occupé, sauf pendant la législature 1974-1977, une position majoritaire dans chaque gouvernement, leur force étant la plus grande dans les équipes Martens I et Martens II. Les "tripartites traditionnelles" réduisent la prédominance des "progressistes" tandis que l’absence des socialistes au pouvoir la rend impossible (la proportion de "progressistes" étant même tombée passagèrement en-dessous de 25 % à deux reprises dans le premier gouvernement de M. Tindemans).

127Lors de la formation du gouvernement Martens III, le "virage à droite" de l’exécutif régional wallon a été particulièrement remarqué, une composition "2 P.S. + 1 D.C." étant remplacée par la suivante : un P.S. (ministre-président), un P.S.C. de tendance CEPIC (M. Mainil) et un P.R.L. Une évolution parallèle mais moins nette pouvait être constatée dans les autres exécutifs subnationaux :

  • l’exécutif unique flamand passait d’une proportion de 5 "progressistes" (3 A.C.W. + 2 S.P.) sur 6 à celle de 4 "progressistes" (2 A.C.W. + 2 S.P.) sur 8, l’A.C.W. conservant la présidence ;
  • l’exécutif de la Communauté française passait d’une formule "1 D.C. (président) + 2 P.S." à celle "1 D.C. (président) + 1 P.S. + 1 P.R.L. ;
  • l’exécutif de la Région bruxelloise, présidé par une P.S.C. "sans famille", passait d’une proportion de 4 "progressistes" (3 socialistes + 1 A.C.W.) sur 5 à celle de 2 (1 P.S. + 1 A.C.W.) sur 5.

128Enfin, le clivage entre unionistes et fédéralistes ne peut, quant à lui, faire l’objet d’un tableau de synthèse en raison de l’équivoque de certaines attitudes (un "régionaliste" peut être aussi bien un unioniste qu’un fédéraliste), de la multiplicité des évolutions personnelles (dans un sens ou dans l’autre) et surtout de l’évolution générale de certains partis (en fait, les formations "traditionnelles" se sont officiellement ralliées à des idées fédérales à l’exception du P.S.C. et du P.V.V. dans une certaine mesure).

Notes

  • [1]
    Sur l’observance du principe en certaines circonstances particulières, voir Jean-Pierre Hubin, "Le maintien de la parité linguistique au sein du conseil des ministres en cas d’absence ou de défection d’un ministre", in Les Cahiers du Centre Jacques Georgin (trimestriel du Centre d’études du F.D.F.), 6e année N° 2, juin 1980, pp. 235 à 249.
  • [2]
    Il n’y a pas eu de gouvernement politiquement homogène au cours de la période étudiée. Le dernier gouvernement de ce type a été celui, social-chrétien et minoritaire, de M. Gaston Eyskens au début de la législature 1958-1961.
  • [3]
    Y compris M. François Persoons, seul élu d’une liste "P.S.C." à Bruxelles, et les 4 élus francophones de la liste "V.D.B. – C.V.P." de la capitale (dont le baron Jean Charles Snoy et d’Oppuers, bénéficiaire d’un siège cédé par le C.V.P.).
  • [4]
    Y compris M. Willy Schyns, germanophone.
  • [5]
    Y compris M. Paul Delforge, élu francophone de la liste P.L.P. – P.V.V. de Bruxelles, mais non les 3 élus (francophones) de la liste du "P.L.P. de la région bruxelloise", formation devenue le P.L.D.P. (Parti libéral, démocrate et pluraliste de la région bruxelloise) à cause précisément de son opposition au gouvernement Leburton.
  • [6]
    Il s’agissait en fait du P.L.P. wallon, appuyé par le sénateur provincial du Brabant Paul Delforge, ancien député (P.L.P. bruxellois).
  • [7]
    Voir "Le gouvernement Tindemans (1974-1977) : évolution de sa composition et de son assise parlementaire", C.H. du CRISP n° 754 du 11 mars 1977, p. 7.
  • [8]
    La proportion de sénateurs R.W. fidèles étant moins élevée (5 sur 11).
  • [9]
    Devenaient ministres, outre M. Pierre Bertrand (nouveau membre R.W. du gouvernement), les secrétaires d’Etat Knoops (P.R.L.W.), Moreau (R.W.), Gaston Geens (C.V.P.) et André Kempinaire (P.V.V.). Voir C.H. du CRISP n° 754, op. cit., pp. 12 à 14.
  • [10]
    Soit 9 ex-P.L.P. wallons et 3 ex-R.W. (dont MM. Perin et Gol).
  • [11]
    Comité ministériel de Coordination économique et soaciale.
  • [12]
    Devenu président du P.S.C. et remplacé le 15 octobre 1979 comme vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale par un autre P.S.C. bruxellois, M. José Desmarets.
  • [13]
    Cf. La Petite Gazette de José Desmarets (membre du "Kern"), N° 9 – juin 1980.
  • [14]
    Voir La Libre Belgique, 4 juillet 1980.
  • [15]
    Voir J. Brassinne, "La réforme de l’Etat : phase immédiate et phase transitoire", C.H. du CRISP n° 857-858 du 31 octobre 1979, pp. 15 à 19.
  • [16]
    Y compris M. Geens, déjà cité.
  • [17]
    Le ministre de la Région bruxelloise.
  • [18]
    Voir C.H. du CRISP n° 754, op. cit., p. 11.
  • [19]
    Voir La Libre Belgique, 13 et 14 octobre 1979.
  • [20]
    Soit une régression ressentie par la Démocratie chrétienne (Le Soir, 22 mai 1980).
  • [21]
    M. Henri ("Rik") Boel est également radical en matière communautaire mais ce n’est devenu évident pour le grand public qu’à partir de la fin de sa carrière de ministre de l’Intérieur dans les gouvernements Tindemans II et Vanden Boeynants. Il préside depuis lors le Cultuurraad.
  • [22]
    Voir Le Soir, 1er juillet 1980.
  • [23]
    Voir Le Soir, 1er juillet 1980.
  • [24]
    La même situation se présentant depuis 1979 au sein des exécutifs régionaux de Wallonie et de Bruxelles ainsi que, depuis le gouvernement Martens II, dans l’exécutif de la Communauté française.
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