Notes
-
[1]
Sur le sujet, voir par exemple : Mémoire historique sur l’origine et les développements de l’industrie houillère dans le bassin du Couchant de Mons, "Mémoires et publications de la société des services, des arts et des lettres du Hainaut", année 1879, pp. 190 et ss.
-
[2]
Henri Lévy-Bruhl : Histoire juridique des sociétés de commerce en France aux XVIIème et XVIIIème siècles, 1938.
-
[3]
Idem, pp. 40-41.
-
[4]
Idem, p. 41.
-
[5]
Idem, p. 43.
-
[6]
De ce type, dans notre pays : la Compagnie pour le commerce avec les Indes orientales et occidentales ou Compagnie d’Ostende, fondée par Charles VI en 1722 et la Compagnie impériale et royale pour la pêche à la baleine (7 septembre 1727).
-
[7]
Lévy-Bruhl, op. cit., p. 45.
-
[8]
Idem, p. 47.
-
[9]
Demeure, Les sociétés anonymes en 1857, p. V.
-
[10]
Briavoine, De l’industrie en Belgique, Tome II, Bruxelles, 1839, p. 227.
-
[11]
R. Demoulin, Guillaume 1er et la transformation économique des provinces belges, Liège, 1938, p. 282.
-
[12]
Idem, p. 283.
-
[13]
Idem, p. 287.
-
[14]
?.S. Chlepner, Le marché financier belge depuis cent ans, Bruxelles 1930, p. 8.
-
[15]
R. Piret, L’évolution de la législation belge sur les sociétés anonymes, Tournai, 1946, p. 23.
-
[16]
Journal officiel, XXIV, n°33.
-
[17]
Journal officiel, XXV, n°41.
-
[18]
Bulletin des arrêtés et actes du gouvernement provisoire, I, n°11.
-
[19]
n° du 31 octobre 1830.
-
[20]
Jurisprudence de Belgique, 1841, I, 19.
-
[21]
B.S. Chlepner, La Banque en Belgique, tome I, Bruxelles 1926, p. 383.
-
[22]
Moniteur, 28 et 29 avril 1837.
-
[23]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 384.
-
[24]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 389.
-
[25]
Chlepner, La Banque en Belgique.
-
[26]
Cité par Chlepner dans La Banque en Belgique, p. 361, note 3. Chlepner qui a fort bien étudié ces courants d’opinion aligne de nombreuses citations sur le sujet.
-
[27]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 365.
-
[28]
Idem, p. 366.
-
[29]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 370, note 2.
-
[30]
Chlepner, La Banque en Belgique, p. 394. Rappelons que du 4 août 1834 au 17 avril 1840, le Ministère est dirigé par le catholique de Theux.
-
[31]
A. Demeure, Les sociétés anonymes de Belgique en 1857, Bruxelles, 1859, p. V.
-
[32]
R. Lemoine, Les entreprises par actions dans le cadre de l’évolution industrielle, Compte rendu des travaux de la société d’économie politique de Belgique, mars 1931, p. 9.
-
[33]
R. Lemoine, op. cit., p. 9.
-
[34]
Statistique établie par G. de Laveleye et citée par Chlepner : Le marché financier belge depuis cent ans, p. 74. Les chiffres suivants résultent des statistiques officielles. Il faut noter que pour les dissolutions, on n’a retenu que les "actes" de liquidation.
-
[35]
Jean Steels, La politique commerciale extérieure de la Belgique, Bruxelles 1945, Introduction, p. 18.
-
[36]
Chlepner, Le marché financier belge depuis cent ans, p. 43.
-
[37]
M. Suetens, Histoire de la politique commerciale de la Belgique depuis 1830 jusqu’à nos jours, Bruxelles, 1955, 2 partie, pp. 48 et sv.
-
[38]
Adoptée à l’unanimité moins une abstention, Compte-rendu du Congrès, p. 121.
-
[39]
Adoptée à l’unanimité moins trois abstentions, Compte-rendu, p. 121.
-
[40]
Adoptée à l’unanimité, Compte-rendu, p. 178.
-
[41]
Adoptée à l’unanimité, Compte-rendu, p. 182.
-
[42]
Le gouvernement Frère-Orban avait accédé au pouvoir le 12 août 1847.
-
[43]
L’Économiste belge, 1er janvier 1857.
-
[44]
Voir Mémoires du Comte Jean Arrivabene, traduits par Salvador Morhange, Bruxelles, 1861.
-
[45]
Michotte, Études sur les théories économiques, p. 35.
-
[46]
Richard Cobden à Verviers, p. 2.
-
[47]
Michotte, op. cit., p. XIX.
-
[48]
Actes du Congrès, p. IX.
-
[49]
L’opposition à la propagande de l’Association recrutait ses adeptes parmi les maîtres de forges, les propriétaires de charbonnages, les fabricants de tissus de laine, de coton, les filateurs, les fabricants de produits chimiques (Michotte, op. cit., p. 38). "À Gand, citadelle du protectionnisme, un meeting présidé par M. Lesoinne, représentant, dut se dissoudre sous les clameurs hostiles des assistants. À Tournai, à la suite d’une mascarade organisée pour contrecarrer une réunion projetée par l’Association, la force publique eut à réprimer des scènes menaçantes pour la sécurité des apôtres de la doctrine nouvelle" (Corr-Van der Maeren, op. cit., p. 799).
-
[50]
Corr-Van der Maeren, op. cit., p. 799.
-
[51]
Idem.
-
[52]
Séance du 10 novembre 1863.
-
[53]
Les S.A. ressortissaient alors à la Direction du commerce et des consulats au Ministère des Affaires étrangères.
-
[54]
Séance du 15 janvier 1863.
-
[55]
Séance du 14 janvier 1863.
-
[56]
Le projet de révision complète du code de commerce avait été déposé le 17 novembre 1864. Par une loi spéciale, on voulait donc hâter la mise en place du nouveau statut des sociétés anonymes.
-
[57]
Documents parlementaires 1864-1865, p. 909.
-
[58]
Documents parlementaires 1870-1871, p. 274.
-
[59]
La Commission était composée de Pirmez, Sabatier, Van Iseghem, Jamar, Dupont, Van Humbeek et Vermeire.
-
[60]
Dans le commentaire des articles, Pirmez écrira que la suppression de l’intervention du Gouvernement et donc la concession à la volonté des parties du droit de constituer une S.A. est soumise à des conditions qui se rattachent à deux idées principales dont l’une est la garantie de l’autre : "forcer à exposer la situation vraie des sociétés anonymes et lors de leur constitution et dans le cours de leurs opérations ; appeler les intéressés à constater toujours la vérité de ce qui doit être porté à leur connaissance. C’est en appliquant partout ce double principe, sous la sanction de la responsabilité de ceux qui introduisaient le mensonge où la loi veut la vérité, que le projet doit remplacer la surveillance de l’autorité par le contrôle individuel, mis à même de s’exercer efficacement".
-
[61]
Sur 46 votants, il y avait (dans le désordre), 13 barons, 6 comtes, 1 duc, 1 marquis, 1 prince et 2 vicomtes.
-
[62]
Les derniers mots étaient cependant, "… ou les deux cinquièmes des actions représentées ". C’est en sortant du Sénat que ces termes "actions représentées" étaient devenus "actions pour lesquelles il est pris part au vote" (séance du 25 mars 1873).
-
[63]
La fin de l’alinéa redevint cependant : "actions représentées", ce qui fit remarquer à Wauwermans à la Chambre (séance du 4 décembre 1912) que la substitution de ces termes à ceux de "actions pour lesquelles il est pris part au vote" a fait disparaître la seconde restriction.
-
[64]
E. Lamal, Une enquête sur les actions à vote privilégié en Belgique, Bruxelles, 1930, p. 1.
-
[65]
P. Alexis, Les privilèges de vote dans les sociétés anonymes, cite par Lamal, op. cit., p. 2 qui ajoute que "des prises de contrôle par des achats de titres en Bourse auraient demandé souvent, pour arriver aux mêmes résultats, des immobilisations de capitaux considérables non en rapport avec les avantages recherchés".
-
[66]
E. Lamal, op. cit., p. 11.
-
[67]
Idem, p. 47.
-
[68]
49 % des sociétés en valeur boursière au 9 décembre. E. Lamal, p. 47.
-
[69]
Lamal, op. cit., p. 7.
-
[70]
E. Lamal, op. cit., p. 12.
-
[71]
Durviaux, La banque mixte, Bruxelles, 1947, p. 145.
-
[72]
Pour le détail, voir ?. Lamal, op. cit., pp. 28 et 29.
-
[73]
Durviaux, op. cit., p. 132.
-
[74]
Durviaux, op. cit., p. 133.
-
[75]
Lamal, op. cit., p. 21.
-
[76]
Lamal, op. cit., pp. 22 et 23.
-
[77]
En tenant compte des primes versées dans le total souscrit par les actionnaires.
-
[78]
Lamal, op. cit., pp. 23 à 25.
-
[79]
Lamal, op. cit., p. 43.
-
[80]
Institut belge de Droit comparé, revue trimestrielle, avril-septembre 1932, p. 69.
-
[81]
Le détail de la dispute sur l’interprétation de la volonté du législateur n’est pas très important pour notre propos. Il y a sur le sujet du vote plural une littérature abondante ; citons : Marx, Le vote plural et les procédés de maîtrise dans les sociétés anonymes, Paris - Bruxelles, 1929.
-
[82]
Durviaux, op. cit., p. 133.
-
[83]
Affaire Loewenstein.
-
[84]
Arrêté royal n°26 pris dans le cadre des pouvoirs spéciaux.
Introduction
1 C’est une histoire captivante que celle des sociétés anonymes, instrument remarquable du capitalisme des grandes entités, "machine à gagner de l’argent" pour reprendre l’expression de Ripert.
2 La société anonyme existe déjà sous le capitalisme des petites entités mais elle est alors suspectée. Elle doit obtenir l’autorisation de se constituer parce que la petite industrie y voit un dangereux instrument de concentration financière et industrielle. C’est le second capitalisme qui, secouant à peu près toutes les entraves que les pouvoirs publics avaient tissées au temps du protectionnisme, va libérer la S.A. de la tutelle gouvernementale. Elle n’est plus suspecte, elle est, selon l’expression d’un parlementaire, "la plus loyale, la plus morale". La loi du 18 mai 1873 va entériner cette volonté, substituant à la tutelle gouvernementale des garanties qui doivent assurer cette loyauté et cette moralité : la publicité et la démocratie parlementaire basée, en principe, sur le suffrage universel des actionnaires. Le nouveau système ne tardera cependant pas à permettre cette concentration financière et industrielle entrevue par les tenants du capitalisme des petites entités. Le suffrage universel voulu par le législateur pour le monde des affaires alors qu’il le refuse aux citoyens dans la vie politique, sera rapidement tourné par cette extraordinaire trouvaille que fut le vote plural. Il y a cent ans, le législateur mettait ainsi en place l’instrument qui allait permettre le règne des oligarchies financières et économiques.
3 ***
4 L’association dans un but de lucre est ancienne, mais il faut attendre la seconde moitié du XIXème siècle avant de lui voir prendre quelque ampleur dans notre pays. L’ancien régime connut par exemple des associations pour l’exploitation des mines mais qui ne préfigurent pas la société anonyme [1]. Il y a à l’époque des sociétés dites anonymes, mais qui n’ont rien à voir avec la S.A. contemporaine. "Ce serait une erreur grossière de confondre les sociétés anonymes de notre ancien droit avec celles que nous désignons aujourd’hui de ce nom. De nos jours, on appelle ainsi les sociétés par actions. Au XVIIème et au XVIIIème siècles, les sociétés dites anonymes étaient très voisines de nos sociétés en participation" [2]. Savary, rapporte Lévy-Bruhl, en distinguait quatre types dont on retiendra les deux derniers : "… la société anonymes qui se forme dans les foires et qui consiste dans l’engagement que prennent les marchands de ne pas renchérir les uns sur les autres et de se partager les marchandises selon une proportion débattue d’avance. Enfin, la dernière sorte de sociétés anonymes consiste dans une entente entre gros marchands qui, ayant accaparé plusieurs produits, conviennent de ne les céder qu’à un prix de monopole, fixé d’avance par convention" [3]. Ce type de société est appelé anonyme parce qu’elle a un caractère occulte, parce qu’elle se fait sans nom disait Denisart [4].
5 Il existe cependant des sociétés de capitaux, qui ne sont pas fondées sur la notion d’"intuitus personae", mais sur une notion de caractère économique et patrimonial qui se manifeste par l’existence de parts divisées et plus ou moins facilement négociables du capital social portant le nom de "sols" ou d’"actions" [5]. Souvent ces sociétés portent l’appellation de compagnie. Selon Lévy-Bruhl, il y en a deux catégories. La première est constituée par des sociétés de caractère public dont l’objet est souvent la colonisation ou la navigation [6].
6 La seconde catégorie de sociétés de capitaux est constituée par des sociétés privées. Certaines - les plus nombreuses - sont formées uniquement d’actionnaires. D’autres sont des sociétés en commandite par actions [7] qui se multiplient, en France, fin du XVIIIème siècle, surtout après la révolution [8]. Y en eut-il en Belgique ? Demeure en cite l’un ou l’autre exemple [9]. En fait, il semble que sous l’administration française, on puisse conclure avec Briavoine [10] que "nonobstant l’activité qui se développait dans toute la Belgique, l’esprit d’association ne fit pas de progrès sensibles".
7 Demoulin, qui a étudié spécialement la période hollandaise, signale que beaucoup d’entreprises sont des affaires familiales [11], sauf dans l’exploitation de la houille où l’on rencontre des sociétés mais dont la constitution est d’une diversité extrême [12]. "La grande transformation dans la vie de ces très nombreuses sociétés est le passage à la forme anonyme" [13].
8 Au lendemain de l’indépendance, "le type le plus fréquent était l’affaire appartenant à un seul industriel, ayant tout au plus quelques associés ou quelques commanditaires. L’appel à l’épargne publique était pour ainsi dire inconnu ; de même l’utilisation du crédit pour le développement des affaires était très limitée" [14].
1 – L’ancien code : la société anonyme, suspecte, doit être "autorisée"
9 Le code de 1807 avait cependant offert un statut à la société anonyme, mais, la considérant comme une institution dangereuse, il la soumettait à l’autorisation préalable. "L’exposé des motifs de Regnault (de Saint Jean d’Angely) observe que le recours à la société anonyme doit être réservé aux grandes entreprises ; il peut être utile au commerce en drainant les capitaux épars ; mais il ouvre de grands risques et l’expérience démontre que, laissé sans contrôle, il pourrait nuire au crédit public comme à la fortune des actionnaires, l’intervention préalable du Gouvernement parera aux dangers d’une institution qui doit manifestement demeurer exceptionnelle" [15].
10 On sait qu’une loi du 16 mai 1829 avait abrogé les codes français et introduit les "codes nationaux" [16] ; l’arrêté royal du 5 juillet 1830 lui donne force obligatoire "à minuit précis" entre le dernier de janvier 1831 et le 1er février de la même année [17]. En vertu de l’article 37, "la société anonyme ne peut exister qu’avec l’autorisation du Roi, et avec son approbation pour l’acte qui la constitue ; cette approbation doit être donnée dans la forme prescrite par les règlements d’administration publique". Lorsque l’arrêté du Gouvernement provisoire du 26 octobre 1830 [18] décréta la liberté d’association, on crut un moment l’obligation d’autorisation pour les S.A. abrogée. L’arrêté stipulait, en effet, en son article 5, que "toute loi particulière et tout article des codes civil, pénal ou de commerce, qui gênent la liberté de s’associer, sont abrogés". D’autant plus que l’Union belge, journal du Gouvernement provisoire, avait officieusement déclaré que l’autorisation ne serait plus nécessaire [19]. Cette situation juridique subsista jusqu’au 15 juillet 1836 lorsqu’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles [20], confirmé le 26 mai 1842 par la Cour de cassation, estima que l’article 37 du Code de Commerce n’avait pas été abrogé.
11 Pendant la première efflorescence des sociétés anonymes - depuis l’essor économique de 1834 jusqu’à la crise de 1838-1839 - celles-ci se constituèrent donc dans un cadre juridique incertain au point de vue de l’autorisation, d’autant que l’octroi de celle-ci était régulièrement subordonné à des modifications de statuts. "En fait, si certaines sociétés se sont créées sans demander la sanction officielle, ou bien l’ayant demandée fonctionnèrent avant de l’avoir obtenue, la plupart attendaient la consécration officielle pour se constituer définitivement" [21]. L’attitude du Gouvernement fut officieusement exposée en 1837 [22] : "Un devoir essentiel à remplir par le gouvernement, c’est de refuser l’autorisation à toute société anonyme ayant pour objet d’exploiter des industries auxquelles les efforts privés et les moyens de l’association ordinaire suffisent. L’équité aussi bien que le bon sens s’opposent à ce que la puissance publique établisse arbitrairement le privilège de la société anonyme au profit de quelques uns pour faire concurrence à tous" [23].
12 C’est en 1841 seulement qu’une instruction ministérielle vint préciser les formes de l’intervention gouvernementale ; elle confirmait l’attitude antérieure : "il faut restreindre la société anonyme aux entreprises qui, par l’importance des capitaux qu’elles exigent, ou par leur caractère chanceux, comme aussi en même temps par leur longue durée, dépassent la portée de l’industrie particulière et des sociétés ordinaires, sans pouvoir porter un préjudice réel aux industries préexistantes dont l’utilité est constatée" [24]. À ce moment, la création de S.A. s’était déjà calmée ; ce n’est que plus tard que le problème se reposera.
13 Le comportement gouvernemental répondait à l’époque à un fort courant d’opinion opposé aux S.A. Ce n’est évidemment pas un courant qui s’enracine dans le monde des travailleurs, largement dépassés alors par des problèmes de ce genre. La crainte des S.A. est le fait du milieu petite industrie, dont on trouve des échos répétés dans les débats au Parlement. Les petits industriels vont même jusqu’à ameuter les ouvriers à certains moments. Ce fut le cas à Liège, par exemple, à propos d’une demande d’autorisation par deux fabricants d’armes de créer une S.A., autorisation qui, devant ces réactions, fut finalement refusée [25]. Les petits industriels craignent les S.A. parce qu’elles leur apparaissent comme l’instrument du "grand capital", du "monopole". "Sous l’empire du système des associations, écrit le Courrier de la Meuse du 12 octobre 1836 [26], l’industrie moyenne est sacrifiée à l’industrie supérieure ; quelques hommes prospèrent et s’enrichissent, les autres travaillent".
14 C’est l’élément dominant du premier capitalisme industriel - le capitalisme des petites entités - qui voit, avec crainte, se profiler les premiers éléments du second, celui des grandes entités. Mais à coté de cette crainte, il y a aussi celle qu’engendrent les premières manifestations du capitalisme financier qui dans un avenir proche dominera le capitalisme commercial (le plus ancien) et le capitalisme industriel (qui a pris un premier élan sérieux vers 1834). "Quand la banque aura conquis une action prépondérante dans presque toutes les industries, écrivait L’Observateur le 1er novembre 1836, quand l’administration centrale de Bruxelles imprimera vers tous les coins du pays, sa toute puissante impulsion dans toutes les opérations commerciales et financières … qu’elle sera le pivot de toutes les fortunes particulières, que son crédit et ses capitaux l’auront rendue l’arbitre de toutes les entreprises … ne sera-t-elle pas un État dans l’État ? Dans les conseils communaux, dans les conseils provinciaux, à la Chambre, au Sénat, partout, ses associés, ses créateurs, seront en majorité … elle fera la loi au gouvernement" [27].
15 En filigrane de toutes ces réactions il y a le spectre de la Société Générale la mal-aimée. Mal-aimée d’abord par ceux qui y voyaient un instrument orangiste, elle regroupait en plus contre elle le grand nombre des petits industriels. Le Belge du 20 novembre 1836 [28] pourrait difficilement être plus clair : "De toutes parts, un cri réprobateur s’élève contre la banque, parce qu’on voit qu’elle tend à fonder, par le monopole, une haute aristocratie financière et commerciale sur la ruine de toutes les petites industries … Après s’être emparée de tous les gros capitaux, la Société Générale cherche maintenant, par la création de la neutralité, à s’emparer des capitaux les plus minimes, en anéantissant l’institution si morale des caisses d’épargne et en inspirant aux classes les plus pauvres la honteuse passion de l’agiotage".
16 Il ne faut pas perdre de vue que ce n’est que cent ans plus tard qu’interviendra la séparation légale des activités bancaires proprement dites et de la fonction d’investissement. La banque, dans l’esprit des contemporains, suscite la mime imagerie que nos holdings actuels. Cette dissertation sur "l’esprit d’association", tirée de L’Observateur du 12 février 1837 est fort révélatrice :
"L’esprit d’association veut-il que la direction de presque toutes les sociétés industrielles de Belgique soit concentrée dans les mêmes mains ?
"L’esprit d’association veut-il que les chefs de ces sociétés ne s’adjoignent, pour les administrer, d’autres personnes que leurs parents ou leurs alliés ?
"L’esprit d’association veut-il que le même homme dirige à la fois plusieurs sociétés ?
"L’esprit d’association veut-il que M. le Gouverneur de l’ancienne Banque administre sept sociétés, indépendamment de cette Banque ?
"L’esprit d’association veut-il que tel associé de M. le Gouverneur de l’ancienne Banque dirige huit sociétés à la fois, et que tel autre en dirige neuf ?" [29].
18 Le mouvement d’opposition à la société anonyme est surtout important dans le milieu catholique. Chlepner estime, après des recherches qui paraissent très consciencieuses, que la méfiance des catholiques ne s’explique pas seulement par des préoccupations conservatrices ou rétrogrades. "Elle était, en effet, très marquée chez les catholiques démocrates, dont B. Dumortier était un des représentants les plus caractéristiques. Chez les catholiques conservateurs, le courant hostile à l’industrie s’expliquait par la prédominance des intérêts territoriaux. Quant aux catholiques démocrates, leur attitude envers l’industrie dérivait de leur mentalité philosophique et sociale. En général, on constate chez un grand nombre de catholiques de l’époque une répulsion contre l’abandon des anciens modes d’activité. Ils craignent que des changements trop profonds dans les modes d’existence, des relations trop fréquentes avec l’étranger, la poursuite des jouissances matérielles ne corrompent la population, ne portent une atteinte à ses sentiments moraux qui, à leurs yeux, se confondent avec le sentiment religieux. De là s’explique leur désir de voir la Belgique se replier en quelque sorte sur elle-même, leur persistance à vouloir sauver à tout prix les industries domestiques anciennes, même celles condamnées par les progrès techniques" [30].
19 Dans de telles conditions, le développement des S.A. est relativement peu important jusqu’à la guerre de 1870, événement qui peut être considéré, croyons-nous, comme un point de repère pour l’avènement du capitalisme des grandes entités comme système dominant.
20 On sait que la première S.A. fut créée dans notre pays en 1819 ; c’est La Sécuritas à Anvers. Avant la révolution de 1830, il ne se forme guère que quelques S.A. et encore bon nombre furent-elles dissoutes. Le mouvement aurait été le suivant selon le comptage fait, d’une part, par Demeure et, d’autre part, par Frère.
21
C’est à partir de 1834 - période de reprise qui suit le marasme issu de la révolution - que les S.A. se constituent en plus grand nombre, grâce à l’impulsion des deux banques : la Société Générale et la Banque de Belgique.
De 1831 à 1873, le nombre des créations et des dissolutions évoluent de la manière suivante, selon Frère :"C’est à cette époque que la majeure partie de nos grands établissements de charbonnage et de métallurgie furent constitués en sociétés anonymes. À la fin de 1828, nos derniers démêlés avec la Hollande et la crise financière qui fut marquée par la suspension de paiements de la Banque de Belgique, puis, en 1840, l’imminence d’une conflagration entre les grandes puissances de l’Europe mirent un temps d’arrêt à ce mouvement de création. Il reprit une nouvelle vigueur à partir de 1845. Alors se formèrent nos premières sociétés pour la construction et l’exploitation des lignes de chemins de fer. Les événements de 1848 suspendirent aussi, pendant plusieurs années, le développement des sociétés anonymes ; mais, depuis 1853, elles se sont accrues considérablement en nombre et en importance" [31].
22 En 1860, il n’y avait encore que 263 S.A. contre 2.381 sociétés en nom collectif et 499 en commandite [32]. Sous le régime de l’autorisation préalable, "les actions d’une société se trouvaient généralement réunies aux mains d’un nombre assez faible de capitalistes, fortement intéressés dans une entreprise donnée. L’entrepreneur et l’actionnaire se confondent assez souvent en une seule et même personne. L’actionnaire appartient, en général, à des classes sociales élevées et aisées. Bref, la compagnie par actions, tout en demeurant graduellement un des éléments de base de la structure de l’économie capitaliste, constitue encore une exception" [33].
2 – Le capitalisme des grandes entités et la "libération" des sociétés anonymes
23 Après 1873, le nombre de créations de S.A. prend un rythme qui n’est point comparable à celui qui ressort des tableaux que nous venons de reproduire. Bien que le nombre de dissolutions soit fort élevé, il n’en reste pas moins que le nombre de S.A. augmente à une allure beaucoup plus rapide.
24 Cette multiplication des S.A. va évidemment de pair avec l’essor industriel des années 70, mais est essentiellement due au fait qu’elles ont cessé d’être suspectées, ce qui a provoqué la "libération" de la constitution des S.A.
25 Au début de la seconde moitié du XIXème siècle, un vent de [34] liberté économique commence à souffler avec force. Notre pays ne pouvait y échapper et il va balayer rapidement la tendance interventionniste qui sévissait depuis 1830. Nous ne croyons pas que la remarque de J. Steels [35] affirmant qu’au cours de tout le XIXème siècle le rôle de l’État était limité sur le plan économique soit absolument exacte. Au contraire, avant le milieu du siècle, les gouvernants étaient convaincus que leur rôle était le suivant : "la surveillance vigilante de l’État et son intervention constante devaient non seulement combattre les abus, maie encore donner l’impulsion à l’activité économique" [36].
26 Ce fut notamment le cas dans le passage du protectionnisme au libre-échange. L’amorce d’une politique commerciale libérale se situe seulement entre 1844 et 1860 [37]. Alors que l’apogée du protectionnisme se situe en 1844 (loi du 24 juillet 1844 sur les tarifs différentiels), dès cette date une réaction en sens inverse se dessine avec la brochure d’Adolphe Le Hardy de Beaulieu contre cette loi. Considérée d’abord comme utopiste, il parvient à constituer avec Victor Faider, le 16 octobre 1846, l’Association belge pour la liberté commerciale dont Charles de Brouckère est le président. Les 16, 17 et 18 septembre 1847, l’Association réunit à Bruxelles un congrès des Économistes, présidé par Charles de Brouckère, qui vote une résolution significative :
"Le congrès économique, après avoir examiné et discuté les effets généraux de la liberté du commerce ainsi que toutes les questions spéciales qui s’y rattachent, est d’avis que la liberté du commerce est un besoin de la société humaine et qu’elle aura pour résultat :
- de resserrer l’union des peuples qui, loin de devenir tributaires les uns des autres, se prêteront un mutuel appui [38] ;
- d’étendre la production et de mettre l’industrie à l’abri des secousses violentes qui sont inévitables sur les marchés restreints de la prohibition [39] ;
- d’améliorer le sort des travailleurs en demandant moins de peine en échange de plus de jouissances [40] ;
- de détruire une cause constante de démoralisation" [41].
28 Les événements de 1848 mirent quelque peu en veilleuse les idées libre-échangistes. Après avoir franchi le cap du milieu du siècle, le mouvement va reprendre. Le 26 novembre 1851, dans un discours à la Chambre, Frère-Orban [42] affirmera notamment que "la nécessité et l’opportunité de la révision de nos lois commerciales sont évidentes" et des traités plus libéraux seront signés le 20 septembre de la même année avec les Pays-Bas et le 27 octobre avec la Grande-Bretagne.
29 C’est 1855 qui va constituer le point de départ d’une relance de la campagne libre-échangiste. Gustave de Molinari lance le 5 janvier 1855 L’Économiste belge, revue qui sera le véritable moniteur du libéralisme économique : "Sauvegarder la vie et la propriété des citoyens, les préserver des atteintes des meurtriers et des voleurs au dedans, des conquérants au dehors, tel est le rôle de l’État" [43].
30 En juillet 1855, c’est la Société belge d’économie politique qui est créée par Charles le Hardy de Beaulieu et Molinari. Le Comte Arrivabene, italien exilé [44] la préside. À la première réunion, on relève des noms connus : Quetelet, Visschers, Ducpétiaux … Ce dernier, avec Duprat "proposèrent en vain qu’on s’en tint à étudier le libre-échange et à le propager, au lieu de faire une théorie générale de non intervention ; ils restèrent minorité" [45].
31 Quelques membres de cette société décident, en 1856, de créer l’Association pour la réforme douanière, présidée par Corr-Van der Maeren. Elle tint une première assemblée générale à Bruxelles le 20 janvier 1856. Ses statuts prévoyaient que "l’Association s’efforcera surtout de faciliter la tâche du gouvernement en lui apportant le concours de ses lumières, en examinant et en discutant tous les projets qu’il pourrait présenter pour améliorer la législation douanière dans ses dispositions et dans son mode d’application". Dès le 19 juin 1856, la loi supprimant les droits différentiels était promulguée.
32 Une propagande fort activement menée conquit les principaux centres industriels, les chambres de commerce. Des sous-comités d’action se créèrent à Anvers, Charleroi, Huy, Liège, Mons, Namur … Verviers se distingua au point d’être comparée par L’Économiste belge au foyer d’agitation libre-échangiste que fut Manchester et le 6 novembre 1865, Corr-Van der Maeren écrivait à la Chambre de commerce de Verviers que la Société belge d’Économie politique avait décidé en sa séance du 28 mai, "pour perpétuer le souvenir des services éminents rendus à la cause de la liberté commerciale en Belgique par les industriels de votre ville, un buste en marbre de Richard Cobden sera à la chambre de commerce de Verviers" [46]. Il fut inauguré le 27 janvier 1866.
33 La propagande fut menée par brochures, distributions de livres, etc., mais surtout par meetings. Cette campagne, commencée en 1856 se termina en 1861. Le dernier meeting eut en effet lieu à Bruxelles en septembre de cette année. "Après la conclusion du Traité intervenu entre la France et l’Angleterre, sous la direction de Richard Cobden et de Michel Chevalier et la haute autorité de l’Empereur des Français la propagande par les meetings parut inutile" [47].
34 Le dynamisme de l’Association belge se traduisit encore en 1856 par la convocation, du 22 au 25 septembre, d’un Congrès international des réformes douanières dont le but était "de continuer l’œuvre commencée en 1847 et d’aborder, cette fois, les moyens de faire passer la théorie dans la pratique" [48]. Il se réunit sous la présidence de Corr-Van der Maeren. La création d’une Association internationale pour les réformes douanières fut décidée. "Devant cette démonstration, les industriels rebelles aux principes de l’Association sentirent le besoin d’accentuer leur résistance par d’autres procédés aux ceux mis en œuvre à Gand et à Tournai [49]. Au lieu d’envoyer leurs ouvriers aux meetings de l’association pour en troubler les enseignements, au lieu de la représenter, dans une farce de carnaval, sous l’aspect d’un ogre odieux, lord Mangefort, salarié par l’Angleterre pour ruiner la Belgique, ils se réunirent de leur coté en Association pour la protection du travail national" [50]. "Vers la fin de la lutte seulement, quelques-uns essayèrent, à leur tour, de s’adresser aux citoyens dans des meetings ; mais il était trop tard. Les libre-échangistes avaient gagné le procès" [51].
35 Ce n’est d’ailleurs pas uniquement sur le terrain douanier que le souffle du libéralisme économique bouscule les contraintes. La libération du taux conventionnel de l’intérêt de l’arpent est de la même veine. La loi du 3 septembre 1807 stipulait en son article 1er que "l’intérêt conventionnel ne pourra excéder, en matière civile, cinq pour cent, ni en matière de commerce, six pour cent, le tout sans retenue". Un projet de loi fut déposé à la Chambre le 26 août 1864. Dans l’exposé des motifs, l’auteur du projet montrait l’inefficacité de cette loi qui n’était plus respectée dans les faits et la loi du 5 mai 1865, relative au prêt à intérêt fut publiée au Moniteur du 7 mai 1865. Son article 1er déclarait que "le taux de l’intérêt conventionnel est déterminé librement par les parties contractantes". Ajoutons qu’un phénomène semblable se produisit pour les bourses de commerce. Soumises à des règles précises sous l’ancien code de commerce, la liberté de les établir ainsi que celle d’exercer la profession d’agent de change est entièrement établie par la loi du 30 décembre 1867 (Moniteur du 1er janvier 1868) portant révision du titre V du code. Ici également c’est le fait que la législation était largement tournée par la pratique courante qui amena le législateur à modifier complètement les règlements.
36 Si la loi "libérant" les sociétés anonymes fut édictée un peu plus tard, il ne faut l’attribuer qu’à la lenteur de la procédure de révision. Une dizaine d’années avant la promulgation de la loi du 18 mai 1873, le discours royal à l’ouverture de la session parlementaire de 1863 disait déjà que "afin de laisser de plus en plus sa libre expression à l’activité individuelle, il importe de mettre nos lois en harmonie avec les progrès que l’expérience a consacrés. Un projet de révision du code de commerce, élaboré dans cet esprit, vous sera soumis, et en attendant qu’il ait pu être sanctionné, des propositions vous seront présentées, prescrivant de nouvelles règles pour la constitution des sociétés anonymes" [52].
37 La Chambre avait déjà évoqué le problème avant cette déclaration au cours de la discussion du budget des Affaires étrangères [53] en janvier 1863. Répondant [54] à une interpellation de H. Dumortier [55], Rogier laissait entendre qu’il était favorable à la suppression de l’autorisation gouvernementale en y substituant une législation réglant les garanties à accorder aux intéressés : "Quant à moi, en ma qualité de ministre des Affaires étrangères, j’aspire au moment où nous pourrons débarrasser l’administration du soin de régler tout ce qui concerne les sociétés anonymes. Je ne connais pas de branche d’administration plus difficile et, j’ose le dire, plus pénible. Le gouvernement intervient où il ne devrait pas intervenir. Il doit examiner le fort, le faible, les détails de tous les actes de fondation des sociétés anonymes. Il adopte les unes, rejette les autres. Il y met, malgré lui, parfois de l’arbitraire. Il ne peut arriver à établir des bases fixes, des règles certaines qu’il puisse suivre rigoureusement, et je n’hésite pas à le dire, j’éprouve le vif désir de voir régler par la loi des principes, les règles, les garanties qu’il y aurait lieu d’exiger des sociétés anonymes".
38 Sabatier intervenant à sa suite espère que le Ministre "fera tous ses efforts pour faire cesser les entraves dont on entoure l’octroi de l’anonymat, pour faire cesser un système qui, au lieu de permettre l’extension de la liberté d’association, tend au contraire à la restreindre chaque jour davantage". On est loin de la suspicion antérieurement jetée sur les sociétés anonymes ; Sabatier soutient en effet que "parmi toutes les sociétés prévues et autorisées par le code de commerce, il n’en est pas de plus loyale, de plus morale, qui offre plus de sécurité aux tiers qu’une société anonyme". Et, après avoir longuement critiqué la manière dont les autorisations sont octroyées ou refusées, l’orateur demande au gouvernement si, en attendant la présentation d’un projet de loi, il ne croit pas devoir "revenir à des errements plus libéraux en matière de sociétés anonymes".
39 La discussion se poursuit encore le 16 janvier et Tesch, ministre de la Justice, après avoir souligné qu’il existait, en 1857, 202 sociétés anonymes remplaçant avantageusement les sociétés à responsabilité limitée du type anglais, déclarait : "sous ce rapport donc, le mouvement industriel et commercial dans notre pays n’a pas été arrêté faute de dispositions relatives à l’association des capitaux. Cette question, Messieurs, nous l’examinerons à un autre point de vue. Nous l’examinerons avec le désir de pouvoir dégager complètement le gouvernement de toute intervention en cette matière, de laisser aux particuliers le droit de se constituer, sans que le gouvernement ait besoin d’approuver leurs statuts". Il avoue que le problème est cependant compliqué : "parce qu’il n’est pas facile de trouver des garanties qui puissent s’adapter indistinctement à toutes les sociétés oui se créent".
40 C’est le 5 juillet 1865 que Tesch dépose à la Chambre un projet de révision du titre III, livre 1er du code de commerce relatif aux sociétés qui allait devenir la loi du 18 mai 1873 [56].
41 Entre-temps, plusieurs pays européens avaient devancé la législation belge sur ce point. Dès 1863, la loi française sur les sociétés à responsabilité limitée (23-29 mai) stipulait en son article 1er : "Il peut être formé, sans l’autorisation exigée par l’article 37 du code de commerce, des sociétés commerciales dans lesquelles aucun des associés n’est tenu au-delà de sa mise". La loi française sur les sociétés (24 juillet 1867) avait, de même, un 1er alinéa à l’article 21 rédigé ainsi : "À l’avenir, les sociétés anonymes pourront se former sans l’autorisation du gouvernement". Le 2 novembre 1864, le canton de Genève avait adopté une loi dont l’article 1er disait que "il peut être formé, sans l’autorisation exigée par l’article 37 du code de commerce, des sociétés civiles ou commerciales dans lesquelles, etc." (Avant cela, une tentative d’introduire une législation identique pour toute la Suisse n’avait pas abouti. Le projet avait un article 119 ainsi formulé : "La société par action n’a pas besoin de l’autorisation de l’État à moins qu’elle ne soit constituée pour une durée de plus de trente années". Une initiative semblable, en 1872, n’aboutit pas encore en Hollande. En Allemagne, le principe est consacré par la loi du 16 avril 1871).
42 L’exposé des motifs du projet du 5 juillet [57] expose clairement l’intention du gouvernement : supprimer son intervention par le truchement de l’autorisation et y substituer des garanties grâce à des règles inscrites dans une nouvelle loi. Les propositions "dispensent dorénavant les sociétés anonymes de l’autorisation du gouvernement ; elles les soustraient à son contrôle et proclament, en un mot, la liberté des transactions. Cependant, la liberté des transactions ne pouvait être consacrée sans des garanties nouvelles. Les garanties résultant de l’autorisation du gouvernement devaient nécessairement être remplacées par un ensemble de règles destinées à protéger les actionnaires et les tiers".
43 Rendu caduc par la dissolution, le projet de révision du code fut déposé le 22 novembre 1870 [58]. Mais avant cela, Pirmez avait rédigé, au nom de la Commission de la Chambre, un premier rapport, le 9 février 1866 [59]. Il confirme l’intention de "libérer" la société anonyme de la tutelle des pouvoirs publics. La commission est unanime et cette modification constitue la partie la plus importante du projet. Celui-ci, dit Pirmez, apporte "un changement fondamental dans les dispositions qui concernent la société anonyme : soumise aujourd’hui à la nécessité d’une autorisation préalable, elle en est affranchie. Votre commission est unanimement d’avis que cette modification à la loi actuelle, oui constitue la partie principale du projet de loi, doit être accueillie. Sans doute, comme cela résulte déjà des principes que nous avons exposés, il n’y a rien dans la nécessité d’une autorisation gouvernementale pour les sociétés anonymes, qui blesse les principes de liberté ou les régies de droit …"
44 L’argumentation de Pirmez peut se résumer ainsi :
- il faut supprimer la nécessité de l’autorisation, non parce qu’elle est contraire au droit, mais parce qu’il faut restreindre l’intervention de l’autorité publique ;
- le remède aux abus des S.A. ne doit pas être recherché dans des mesures préventives mais dans la répression des fautes ;
- la législation doit assurer la vérité et l’honnêteté dans les affaires
- publicité et responsabilité en sont les meilleurs garants, car "les S.A. constituent de petits États financiers, soumis à des abus fréquents et nombreux, mais dont le remède le plus puissant est celui qui réussit le mieux aux nations, le gouvernement par les gouvernés dans un régime de large publicité" [60]. Voici un large extrait du rapport où Pirmez articule ses positions :
"Ce n’est donc pas parce qu’elle est contraire au droit qu’il faut supprimer la nécessité de cette autorisation, c’est parce qu’il faut restreindre, chaque fois que l’occasion s’en présente, l’intervention de l’autorité.
"Le gouvernement ne doit pas assumer la responsabilité de l’appréciation des affaires financières ou industrielles. S’il se montre sévère dans ses jugements, il risque d’empêcher d’utiles opérations ; s’il est large, il est exposé à donner son approbation à des spéculations blâmables. Son contrôle ne peut être qu’une formalité sans valeur ou qu’un patronage dangereux ; il n’évite d’être un simple bureau d’enregistrement qu’en acceptant la lourde tâche de juger si une opération sera fructueuse et si les capitaux peuvent avantageusement s’y engager. De quels moyens dispose-t-il pour remplir semblable mission, comment se garantira-t-il lui-même des erreurs dont il voudrait préserver le public, ne sera-t-il pas, dans une matière où les éventualités de l’avenir déjouent si souvent les plus sages prévisions, sans cesse exposé à voir les résultats démentir ses décisions ?
"Les faits ont condamné le système aujourd’hui en vigueur. L’intervention gouvernementale a-t-elle empêché les primes sans cause dans les émissions de titres ou l’exagération de la valeur des apports ? Mais les primes d’une part ont toujours échappé à son contrôle, parce qu’elles lui sont postérieures, elles sont déjà dans le domaine des transactions libres. Jamais, d’autre part, il n’est parvenu à maintenir dans les limites du vrai le capital des sociétés ; il suffit de jeter les yeux sur un tableau indiquant le coût des chemins de fer concédés pour constater combien les combinaisons employées ont réussi à l’élever au-dessus de la vérité, et ce qu’il y a de fictif dans le chiffre nominal des actions. N’est-il pas connu que, dans maintes affaires, l’actif réel des sociétés ne se compose que de ce qui a été fait au moyen des capitaux empruntés sous forme d’obligations, et que pas un centime n’a été versé sur ces titres de cinq cents francs qui circulent cependant, portant la mention de cette valeur, avec l’autorisation du gouvernement ? Quel abus plus grand peut-on craindre en l’absence de cette intervention ?
"Ce n’est pas dans les investigations préventives de l’autorité qu’il faut chercher le remède. La censure n’est pas plus admissible dans les affaires industrielles que dans les choses morales. Il faut s’abstenir d’assoupir la défiance individuelle par d’insignifiantes approbations, et laisser à chacun le soin de se prémunir contre les surprises de l’avidité habile.
"Mais si la loi doit écarter ces mesures préventives, plus trompeuses qu’efficaces, elle peut, par des dispositions générales, donner de puissantes garanties.
"Elle a un droit suprême sur les sociétés dont la personnalité, qui n’émane que de ses concessions, est la base essentielle ; elle ne doit pas l’employer à se réserver ces autorisations qui, à tous leurs autres défauts, joignent celui d’être arbitraires, et ainsi peuvent faire naître les critiques et même les soupçons, et lorsqu’elles sont refusées et lorsqu’elles sont accordées, quelle que soient d’ailleurs l’intelligence et la probité des décisions ; mais elle doit édicter des dispositions générales s’appliquant de plein droit à tous les cas, et écartant ainsi du gouvernement la responsabilité des erreurs et les suppositions de la malignité.
"C’est dans l’appréciation des conditions générales à imposer qu’il faut surtout user de prudence et de discernement.
"Les mesures répressives ne doivent jamais manquer contre la fraude, les mesures préventives ne doivent jamais empêcher les opérations honnêtes. La certitude de la répression permet d’être moins rigoureux dans la prévention. En assurant la réparation des faits coupables, on peut n’exiger d’autres conditions d’existence des sociétés que celles que toute affaire honnête peut subir sans inconvénient.
"Le projet n’a jamais perdu de vue ces principes ; mais quelles étaient, par ces dispositions, les conditions à faire prévaloir ?
"Le but à poursuivre au-dessus de tous les autres, c’est de faire régner la vérité dans les actes sociaux. Dire toujours ce qui est, en constituant la société et en l’administrant, c’est le critérium souverain de l’honnêteté. Quand on veut juger de la moralité d’un acte, il suffit presque toujours de se demander si la vérité y a été respectée ; on est probe quand on est vrai. La délicatesse peut avoir de plus grandes exigences, mais elle ne relève que des témoignages de l’estime publique et de la conscience privée ; la probité, que la loi doit faire respecter, ne réclame que la proscription du mensonge. Mais sous combien de formes ne sait-il pas se dissimuler ? Il n’est pas jusqu’à l’art de la comptabilité qui ne lui fournisse des ressources d’autant plus dangereuses qu’elles s’appuient sur la réputation de sincérité des chiffres, si souvent ternie, mais toujours acceptée.
"C’est contre l’exploitation de faits faux ou de réticences non moins pernicieuses dans quelque acte de la société que ce soit, que la loi doit surtout être dirigée, et que les tribunaux doivent déployer leurs rigueurs. Faire savoir la vérité sur les choses sociales et dans les actes constitutifs, et dans les émissions ou les négociations de titres, et dans les inventaires ou les bilans, est le résultat que le projet a poursuivi comme la plus puissante des garanties.
"Un puissant moyen de faire entrer la sincérité dans les opérations des sociétés est de les astreindre au contrôle incessant des intéressés. Il faut que jamais elle ne soit gérée par une administration étrangère au succès de ses opérations, et que toujours chaque sociétaire puisse, à certaines époques, exercer un contrôle sérieux sur la situation sociale. Il importe de rattacher autant que possible la société à ceux pour qui elle existe, et dont l’intérêt doit exciter la surveillance. Si la loi ne peut espérer toujours réussir à tirer les actionnaires d’une torpeur si souvent inexplicable, elle doit empêcher que la société ne prenne les caractères et les défauts d’une corporation, en se soustrayant à la dépendance de ses membres. Les sociétés anonymes constituent de petits États financiers, soumis à des abus fréquents et nombreux, mais dont le remède le plus puissant est celui oui réussit le mieux aux nations, le gouvernement par les gouvernés dans un régime de large publicité.
"Ainsi au lieu de l’intervention préventive de l’autorité, imposer à ceux qui fondent ou dirigent les sociétés anonymes l’obligation de faire connaître la vérité sur les choses sociales et armer les actionnaires des moyens de veiller à leurs intérêts, tel est l’ensemble des idées dont l’examen de cette partie du projet nous montrera la réalisation".
58 La discussion commença à la Chambre le 24 novembre 1868. Pirmez était entre-temps devenu Ministre de l’Intérieur. C’est cependant lui, remplaçant le Ministre de la Justice, Bara, qui prend le premier la parole. Dans un très long exposé, il défend les thèses reprises dans l’exposé des motifs du projet de 1865. Juridiquement, on pourrait maintenir le droit d’intervention du gouvernement, "mais la question n’est pas seulement de savoir si le gouvernement a le droit d’intervenir, mais surtout si son intervention est utile". Or, elle ne l’est pas. "Pour que son action fût efficace, il faudrait que le gouvernement fût à même d’apprécier sûrement si une affaire est bonne ou si elle ne l’est pas ; il devrait, en d’autres termes, donner son approbation à des affaires qu’il considère comme avantageuses et la refuser aux autres, c’est-à-dire que le gouvernement devrait, en définitive, prendre le rôle qui appartient aux particuliers, celui de les éclairer sur leurs intérêts individuels. Pour assumer une tâche aussi délicate, le gouvernement a-t-il des lumières spéciales, est-il plus apte que l’intérêt privé à décider si certaines affaires sont bonnes ou mauvaises. Je ne puis croire que M. le Ministre des Affaires étrangères ait, à cet égard, une clairvoyance spéciale ; je le regrette, parce que ce serait un don bien précieux que de pouvoir distinguer où il y a des bénéfices à faire".
59 Si, par impossible, l’action du gouvernement dans ce domaine devenait efficace ("sérieuse et énergique"), elle aurait pour conséquence "d’endormir la vigilance individuelle".
60 Longuement, Pirmez parle des abus des S.A. Il les classe en deux catégories : "Ceux qui existent dans la création de ces sociétés et ceux qui existent dans leur gestion". Le vrai remède : "… liberté des conventions, responsabilité sérieuse et efficace ; mais pour régler ainsi la liberté par la responsabilité, il faut admettre comme moyen l’obligation de tout dire avec vérité et la faculté de tout contrôler. Ainsi, liberté d’action sous la garantie de la responsabilité ; responsabilité efficace par l’obligation de publier ce qui est et le droit pour tous de contrôler : tel est le système du projet". Non moins longuement, Pirmez parle ensuite de la manière dont le projet veut apporter remède aux abus qu’il énumère.
61 La discussion ne dura que deux jours, de nombreux amendements du gouvernement (24 novembre 1868) devant être examinés en commission. Le rapport de cette commission fut prêt le 8 décembre 1868, mais la discussion ne reprit que le 1er février 1870. La Chambre y consacra 14 séances en février, puis des commissions durent étudier une nouvelle série d’amendements. Dupont déposa un premier rapport le 10 mars 1870 et Guillery un autre le 24 mars 1870. La discussion reprit le 8 avril 1870. Le 27 novembre, la Chambre adoptait le projet à l’unanimité moins l’abstention de Lelièvre. Le 8 mai 1872, le même vote intervint.
62 C’est le 5 mars que Solvyns présenta le rapport de la Commission du Sénat qui y consacra cinq séances dans le courant du même mois. Dès le début des discussions, on put s’apercevoir que des résistances existaient au Sénat vis-à-vis du texte voté à la Chambre. Non contre le principe de la "libération" vis-à-vis du gouvernement mais parce que la loi nouvelle "par quelques unes de ses dispositions, déclara le premier orateur, Fortamps, peut faire courir certains risques à la prospérité du pays". Le projet n’avait d’ailleurs pas recueilli l’unanimité en commission du Sénat. Fortamps le souligne en faisant remarquer que le vote quasi unanime de la Chambre fut "en quelque sorte un vote de lassitude, un vote transactionnel. Dans le sein de votre commission, au contraire, ajoute-t-il, sur treize membres, huit seulement ont voté l’adoption du projet, trois ont voté contre et deux se sont abstenus. Il y a là une minorité dont il me semble que le Sénat doit tenir compte et je l’engage donc à examiner avec une bienveillante attention les amendements qui pourraient être présentés lors de la discussion des articles".
63 Tercelin-Monj?t est encore plus radical. "Selon moi, dit-il, sous prétexte de donner des garanties aux actionnaires, on a frappé au cœur les sociétés anonymes, c’est-à-dire l’association des capitaux. La confiance est l’âme des affaires. Aussi est-ce avec le plus profond regret que je vois régner dans l’ensemble du projet de loi un esprit de défiance se manifestant par des réglementations de diverse nature et créant des responsabilités si considérables, que la crainte de les encourir portera atteinte à l’esprit d’association lui-même et entravera sans cesse la marche des sociétés. Ce n’est pas à l’actionnaire seul qu’on a conféré des droits nouveaux et exorbitants, contraires à ses propres intérêts, c’est à l’obligataire, au simple créancier de la société et cela pour des sommes excessivement minimes. Je demande, Messieurs, comme se le demandait tout à l’heure l’honorable M. Fortamps, quel est le capitaliste, l’industriel ou le commerçant assez peu soucieux de sa dignité ou de son repos pour faire partie désormais du conseil d’administration d’une société dont tous les actes et le crédit pourraient être discutés, chaque année, devant les tribunaux par un seul actionnaire, dans son intérêt personnel, dans un but de spéculation, dans un but moins avouable peut-être alors que tous les actionnaires de la société auront approuvé son bilan de la gestion de ses administrateurs. C’est véritablement la loi des suspects et le chantage organisé légalement. Personne ne le contestera, c’est jeter des éléments de discorde dans une société et, par conséquent, en provoquer la dissolution, que d’y introduire des obligataires dont les intérêts, en maintes circonstances, seront en lutte avec les siens, parce qu’ils leur seront opposés".
64 Une des dispositions du projet qui suscitait le plus d’opposition est celle qui stipulait que l’approbation du bilan par la majorité à l’Assemblée générale ne pouvait être invoquée par l’administration de la société contre les actionnaires opposés à l’approbation. Et ceci, même s’il n’y avait aucune omission ou indication fausse dissimulant la situation réelle. Un amendement voulait enlever ce droit aux actionnaires opposants. "C’est au mandant que le mandataire rend compte de sa gestion" dit Dolez à la séance du 8 mars 1873. "Or quand le mandataire rend compte de sa gestion à l’assemblée générale et que la majorité de celle-ci lui donne décharge, cette décharge doit le couvrir vis-à-vis de tous".
65 L’appel nominal sur les amendements alla jusqu’à recueillir, à la séance du 11 mars, 28 votes favorables parmi le Gotha sénatorial [61]. Le projet dût donc retourner en discussion à la Chambre ou, le 8 mai 1873, après adoption des amendements du Sénat, il fut adopté par 75 voix contre une abstention.
3 – Le vote plural et la mise en place des oligarchies
66 Parmi les conséquences de la "libération" des S.A. par la loi de 1873, il en est une - inattendue - qu’il est intéressant de souligner. C’est l’utilisation qui en sera faite pour prendre la maîtrise des entreprises par les Conseils d’administration et celle de larges secteurs de l’économie par les banques d’affaires, les trusts et les holdings.
67 L’article 61 de la loi du 18 mai 1873 règle de la manière suivante le mode de délibération de l’assemblée générale de la S.A. :
"Les statuts déterminent le mode de délibération de l’assemblée générale et les formalités nécessaires pour y être admis. En l’absence de dispositions, les nominations se font et les décisions se prennent d’après les règles ordinaires des assemblées délibérantes ; les procès-verbaux sont signés par les actionnaires nécessaires à la formation de la majorité ; les expéditions à délivrer aux tiers sont signées par la majorité des administrateurs et des commissaires.
"Tous les actionnaires ont, nonobstant disposition contraire, mais se conformant aux règles des statuts, le droit de voter par eux-mêmes ou par mandataire ; nul ne peut prendre part au vote pour un nombre d’action dépassant la cinquième partie du nombre des actions émises ou les deux cinquièmes des actions pour lesquelles il est pris part au vote".
70 Le second alinéa de cet article fut introduit par la Commission de la Chambre [62]. On peut supposer que l’intention était d’empêcher la maîtrise de la S.A. par quelques gros actionnaires. C’est ce que semble indiquer le rapport de la Commission de la Chambre : "C’est aux statuts de déterminer le mode de procéder des assemblées générales. Le texte se borne ici, par une double disposition, à n’autoriser l’élimination d’aucun actionnaire de l’assemblée générale, et à empêcher l’absorption de la délibération par quelques forts actionnaires qui pourraient ne pas toujours avoir le même intérêt que la masse de leurs cointéressés".
71 C’est le même son de cloche qu’on retrouve dans le rapport au Sénat : "Cette dernière prescription a pour but d’empêcher quelques forts actionnaires d’imposer leur volonté à la masse de leurs coassociés, porteurs chacun d’un nombre restreint d’actions".
72 Le ministre de la Justice De Lautsheere assure même qu’on a introduit là le principe du suffrage universel. Répondant à Fortamps, au Sénat, il explique, en effet, que "dans le cours de la discussion du projet de loi à la Chambre et avant le premier vote, on a introduit dans la loi le principe du suffrage universel. Telle était l’idée qu’on a proposé d’exprimer. Il s’agissait de la formuler et c’est M. Pirmez qui, avec moi, a arrêté la formule ; nous n’avions d’autres missions et d’autres buts que de consacrer le droit pour chaque actionnaire de prendre part au vote, et nous avons entendu laisser aux statuts le soin de régler le mode d’après lequel ce droit devrait s’exercer".
73 Lors de la révision de la loi sur les sociétés en 1913 (loi du 25 mai), le texte du second alinéa de l’article 61 (devenu article 74) fut maintenu [63].
74 Au cours de la discussion au Sénat (séance du 19 mai 1905), Van den Heuvel, en répondant à la question de savoir pourquoi une exception avait été introduite à l’ancien article 61, reprend la même idée :
"Pour qu’un seul actionnaire ne puisse, grâce au grand nombre d’actions qu’il posséderait, devenir tout-puissant dans une société et la régir à sa guise ; pour qu’il ne puisse se comporter comme si cette société n’était composée que de lui-même et ne tenir aucun compte des autres associés. En d’autres termes, on a voulu protéger d’une manière efficace les droits des actionnaires modestes et les empêcher d’être à la merci d’un seul gros détenteur de titres".
76 Malgré cette volonté du législateur d’assurer le jeu de la "démocratie" au sein des S.A. en appliquant dans les affaires, par la loi de 1873, le principe du suffrage universel, un demi-siécle avant de se voir forcé de l’introduire dans la vie politique, le procédé du vote plural va permettre à la concentration industrielle de prendre un essor extraordinaire au cours de l’entre-deux-guerres. L’idée de l’action à vote privilégié serait née en Allemagne au cours de la période d’inflation monétaire de l’après-guerre 1914. "Les cours des meilleures valeurs tombèrent, certains jours de panique sur le mark, à des niveaux si bas sur les marchés boursiers, que les dirigeants de sociétés pouvaient craindre, avec raison, que des achats concertés de la finance étrangère ne s’emparassent à bon compte du contrôle des industries nationales et n’assouvissent du même coup, par une victoire nouvelle, toute l’économie allemande" [64].
77 Ce danger de maîtrise étrangère paraît avoir été largement surfait - les achats étant surtout spéculatifs - et il s’avéra que "sous le couvert d’arguments patriotiques, les promoteurs de cette politique nouvelle avaient poursuivi des fins moins avouables. Il s’agissait pour certains d’assurer, avec des capitaux réduits, leur suprématie dans des sociétés nullement menacées, et de favoriser à leur profit le mouvement de concentration industrielle, horizontale ou verticale, qui se poursuivait depuis la guerre sous la forme de création de "Konzern" ou "cartels"" [65].
78 En Belgique, c’est l’augmentation du nombre des actions au moment de la réorganisation des entreprises après la stabilisation qui accrédita l’idée des actions à vote plural. "Les augmentations de capital, importantes et fréquentes, multipliaient à l’infini le nombre des actions et dans une mesure d’autant plus considérable qu’elles étaient émises à une valeur nominale égale à celle d’avant guerre. En d’autres termes, pour émettre un capital égal en francs-or -à celui d’avant guerre, sept fois plus de titres devaient être placés sur le marché. Dans ces conditions, la détention d’un pouvoir de maîtrise demandait un effort sérieux de la part des dirigeants désireux de conserver une stabilité assurée, et souvent le resserrement monétaire, la suppression des parts de fondateur et les primes importantes dont bénéficiaient les émissions nouvelles rendirent cet effort très laborieux" [66].
79 La statistique établie par E. Lamal est parlante (nombre de sociétés ayant émis des actions à vote privilégié) [67] :
80 À cette dernière date, 49 % des sociétés cotées avaient émis de telles actions [68].
81 On ne manqua pas, en Belgique également, de faire appel au danger de maîtrise étrangère pour introduire le procédé du vote plural.
82 Lamal, qui se montre sceptique vis-à-vis de cette argumentation fait remarquer que "les actions à vote privilégié, dépense du patrimoine national, se révélèrent dans la suite comme une arme redoutable entre les mains d’administrateurs complaisants et intéressés, oui n’ont pas hésité à vendre à l’étranger la maîtrise qui leur avait été confiée (la C.I.L. et son groupe passés en mains espagnoles)" [69].
83 En réalité, le but est double. C’est d’abord d’assurer la maîtrise du Conseil sur la société. "En Belgique, les actions à vote privilégié, créées massivement après la stabilisation ne jouèrent guère un rôle de défense ou de protection ; ce n’était d’ailleurs pas le rôle qu’on leur réclamait : en s ‘octroyant le privilège des droits de vote, les dirigeants entrevirent le moyen de consolider leur stabilité acquise et tous ses avantages sans effort financier trop considérable. Cependant, la carence des actionnaires leur laissant tout pouvoir et l’imperfection des lois toute licence, ils n’hésitèrent pas à abuser de leur liberté, en installant leur maîtrise d’une manière absolue et définitive et en soustrayant souvent, du même coup, leur avoir personnel aux risques inhérents à toute entreprise" [70].
84 Il est à peine besoin de rappeler que la participation des actionnaires réduite parfois à 10 % et même moins [71] permettait de garder aisément la maîtrise des sociétés. La création des actions à vote privilégié affermit avec plus d’aisance et de certitude la stabilité des conseils d’administration. Le désintérêt des actionnaires pour la gestion permit l’introduction aisée du procédé dans les sociétés déjà instituées.
85 E. Lamal a établi en son temps un tableau indiquant, pour 14 sociétés, la relation existant entre le capital de contrôle et le capital ordinaire et aussi entre le nombre de voix de ces deux capitaux. Nous extrayons de ce tableau les colonnes exprimant ces deux taux [72].
86 Mais le but à plus long terme, tributaire de la réalisation du premier but, c’est la concentration de la maîtrise aux mains des banques d’affaires et des holdings. "L’extraordinaire prospérité des années qui ont succédé à l’armistice de 1918 et surtout de la période de boom de 1925-1930, a amené les banques à fonder des sociétés à portefeuille, non plus pour aider à créer de nouvelles entreprises industrielles, mais dans le but d’étendre la main-mise sur l’économie" [73]. Mais, de plus, "entre les années 1920 à 1934, les actions à vote plural contribuèrent à diminuer encore davantage le pourcentage des titres détenus en portefeuille tout en permettant de maintenir une majorité très grande aux assemblées générales" [74]. L’action à vote plural va être un des instruments au service des holdings et des trusts ; "désormais, la maîtrise des plus vastes entreprises s’obtiendra sans mise de fonds considérables, les fusions s’opéreront par des échanges, des cessions ou des achats de titres de contrôle et non plus par des luttes épuisantes sur le marché des valeurs" [75].
87 Sans entrer dans le détail des différents types d’actions privilégiées, il sera suffisant pour notre propos d’extraire de deux exemples décrits par E. Lamal la comparaison des rapports établis comme ci-dessus mais à propos, cette fois, de l’introduction des titres de contrôle dans la constitution de trusts en Belgique.
88 Le premier exemple concerne la C.I.L., constituée le 30 juillet 1927 [76] : [77]
89 Le second exemple concerne la Sofina, société constituée le 19 octobre 1928 [78] :
90 Enfin, après de patientes recherches dans le Moniteur belge et dans le Recueil financier (car "une grande discrétion préside généralement à l’instauration du privilège de vote" [79]) E. Lamal a établi une statistique générale (en 1929). Nous extrayons de son tableau, les pourcentages qui sont suffisamment significatifs pour pouvoir se passer de commentaires.
91 Cette situation fut rendue possible malgré la volonté du législateur de sauvegarder le principe du suffrage universel, grâce à un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles. "Bien que l’introduction du vote plural aille à l’encontre de la volonté du législateur, dit Frédéricq au congrès de l’Académie internationale de droit comparé à La Haye en août 1932 [80], puisqu’elle permet à une minorité de dicter sa volonté, elle a été admise par les tribunaux qui se sont, avant tout, arrêtés à la lettre du texte légal".
92 Deux jugements s’étaient prononcés contre le vote plural : l’un par le tribunal de Commerce d’Anvers (6 janvier 1923) et l’autre par le tribunal de Commerce de Bruxelles (24 juin 1924). Ce dernier fut cassé par la cour d’appel de Bruxelles le 15 mai 1926. La statistique donnée plus haut montre le bond qui fait, à partir de ce moment, le recours au vote plural par les S.A. [81].
93 Les conséquences du vote plural, disait l’arrêt de la cour de Bruxelles, "ne sont pas une violation de la loi, mais l’effet de l’imperfection de la loi ; …il n’y a pas fraude à la loi quand c’est l’insuffisance des textes légaux qui permet d’éluder les effets attendus d’eux par le législateur, alors surtout que l’attention du législateur a été appelée sur ce point et qu’il a jugé préférable de ne pas pousser plus loin son intervention".
94 La concentration financière extraordinaire et les abus qu’elle entraîna ("N’a-t-on pas vu des financiers détenir jusqu’à cinquante mandats d’administrateur ou de commissaire et plus même" [82]), la crise boursière de 1928 [83] qui survient après la fièvre boursière d’après la guerre 14-18 déclencha une action d’opinion contre le vote plural.
95 En mars 1930, la Commission de la Bourse de Bruxelles décida d’orner d’un astérisque à la cote officielle les actions à vote plural créées à la constitution des sociétés et de deux astérisques celles créées en cours d’existence. Le Comité permanent du Conseil de Législation mit au point un projet (19 mars 1930) de réforme, mais, en 1934, le gouvernement choisit une solution radicale en modifiant l’article 74 en y introduisant notamment : "lorsque les actions ou parts sont de valeur égale, chacune a droit à une voix" [84].
Notes
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[1]
Sur le sujet, voir par exemple : Mémoire historique sur l’origine et les développements de l’industrie houillère dans le bassin du Couchant de Mons, "Mémoires et publications de la société des services, des arts et des lettres du Hainaut", année 1879, pp. 190 et ss.
-
[2]
Henri Lévy-Bruhl : Histoire juridique des sociétés de commerce en France aux XVIIème et XVIIIème siècles, 1938.
-
[3]
Idem, pp. 40-41.
-
[4]
Idem, p. 41.
-
[5]
Idem, p. 43.
-
[6]
De ce type, dans notre pays : la Compagnie pour le commerce avec les Indes orientales et occidentales ou Compagnie d’Ostende, fondée par Charles VI en 1722 et la Compagnie impériale et royale pour la pêche à la baleine (7 septembre 1727).
-
[7]
Lévy-Bruhl, op. cit., p. 45.
-
[8]
Idem, p. 47.
-
[9]
Demeure, Les sociétés anonymes en 1857, p. V.
-
[10]
Briavoine, De l’industrie en Belgique, Tome II, Bruxelles, 1839, p. 227.
-
[11]
R. Demoulin, Guillaume 1er et la transformation économique des provinces belges, Liège, 1938, p. 282.
-
[12]
Idem, p. 283.
-
[13]
Idem, p. 287.
-
[14]
?.S. Chlepner, Le marché financier belge depuis cent ans, Bruxelles 1930, p. 8.
-
[15]
R. Piret, L’évolution de la législation belge sur les sociétés anonymes, Tournai, 1946, p. 23.
-
[16]
Journal officiel, XXIV, n°33.
-
[17]
Journal officiel, XXV, n°41.
-
[18]
Bulletin des arrêtés et actes du gouvernement provisoire, I, n°11.
-
[19]
n° du 31 octobre 1830.
-
[20]
Jurisprudence de Belgique, 1841, I, 19.
-
[21]
B.S. Chlepner, La Banque en Belgique, tome I, Bruxelles 1926, p. 383.
-
[22]
Moniteur, 28 et 29 avril 1837.
-
[23]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 384.
-
[24]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 389.
-
[25]
Chlepner, La Banque en Belgique.
-
[26]
Cité par Chlepner dans La Banque en Belgique, p. 361, note 3. Chlepner qui a fort bien étudié ces courants d’opinion aligne de nombreuses citations sur le sujet.
-
[27]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 365.
-
[28]
Idem, p. 366.
-
[29]
Cité par Chlepner, La Banque en Belgique, p. 370, note 2.
-
[30]
Chlepner, La Banque en Belgique, p. 394. Rappelons que du 4 août 1834 au 17 avril 1840, le Ministère est dirigé par le catholique de Theux.
-
[31]
A. Demeure, Les sociétés anonymes de Belgique en 1857, Bruxelles, 1859, p. V.
-
[32]
R. Lemoine, Les entreprises par actions dans le cadre de l’évolution industrielle, Compte rendu des travaux de la société d’économie politique de Belgique, mars 1931, p. 9.
-
[33]
R. Lemoine, op. cit., p. 9.
-
[34]
Statistique établie par G. de Laveleye et citée par Chlepner : Le marché financier belge depuis cent ans, p. 74. Les chiffres suivants résultent des statistiques officielles. Il faut noter que pour les dissolutions, on n’a retenu que les "actes" de liquidation.
-
[35]
Jean Steels, La politique commerciale extérieure de la Belgique, Bruxelles 1945, Introduction, p. 18.
-
[36]
Chlepner, Le marché financier belge depuis cent ans, p. 43.
-
[37]
M. Suetens, Histoire de la politique commerciale de la Belgique depuis 1830 jusqu’à nos jours, Bruxelles, 1955, 2 partie, pp. 48 et sv.
-
[38]
Adoptée à l’unanimité moins une abstention, Compte-rendu du Congrès, p. 121.
-
[39]
Adoptée à l’unanimité moins trois abstentions, Compte-rendu, p. 121.
-
[40]
Adoptée à l’unanimité, Compte-rendu, p. 178.
-
[41]
Adoptée à l’unanimité, Compte-rendu, p. 182.
-
[42]
Le gouvernement Frère-Orban avait accédé au pouvoir le 12 août 1847.
-
[43]
L’Économiste belge, 1er janvier 1857.
-
[44]
Voir Mémoires du Comte Jean Arrivabene, traduits par Salvador Morhange, Bruxelles, 1861.
-
[45]
Michotte, Études sur les théories économiques, p. 35.
-
[46]
Richard Cobden à Verviers, p. 2.
-
[47]
Michotte, op. cit., p. XIX.
-
[48]
Actes du Congrès, p. IX.
-
[49]
L’opposition à la propagande de l’Association recrutait ses adeptes parmi les maîtres de forges, les propriétaires de charbonnages, les fabricants de tissus de laine, de coton, les filateurs, les fabricants de produits chimiques (Michotte, op. cit., p. 38). "À Gand, citadelle du protectionnisme, un meeting présidé par M. Lesoinne, représentant, dut se dissoudre sous les clameurs hostiles des assistants. À Tournai, à la suite d’une mascarade organisée pour contrecarrer une réunion projetée par l’Association, la force publique eut à réprimer des scènes menaçantes pour la sécurité des apôtres de la doctrine nouvelle" (Corr-Van der Maeren, op. cit., p. 799).
-
[50]
Corr-Van der Maeren, op. cit., p. 799.
-
[51]
Idem.
-
[52]
Séance du 10 novembre 1863.
-
[53]
Les S.A. ressortissaient alors à la Direction du commerce et des consulats au Ministère des Affaires étrangères.
-
[54]
Séance du 15 janvier 1863.
-
[55]
Séance du 14 janvier 1863.
-
[56]
Le projet de révision complète du code de commerce avait été déposé le 17 novembre 1864. Par une loi spéciale, on voulait donc hâter la mise en place du nouveau statut des sociétés anonymes.
-
[57]
Documents parlementaires 1864-1865, p. 909.
-
[58]
Documents parlementaires 1870-1871, p. 274.
-
[59]
La Commission était composée de Pirmez, Sabatier, Van Iseghem, Jamar, Dupont, Van Humbeek et Vermeire.
-
[60]
Dans le commentaire des articles, Pirmez écrira que la suppression de l’intervention du Gouvernement et donc la concession à la volonté des parties du droit de constituer une S.A. est soumise à des conditions qui se rattachent à deux idées principales dont l’une est la garantie de l’autre : "forcer à exposer la situation vraie des sociétés anonymes et lors de leur constitution et dans le cours de leurs opérations ; appeler les intéressés à constater toujours la vérité de ce qui doit être porté à leur connaissance. C’est en appliquant partout ce double principe, sous la sanction de la responsabilité de ceux qui introduisaient le mensonge où la loi veut la vérité, que le projet doit remplacer la surveillance de l’autorité par le contrôle individuel, mis à même de s’exercer efficacement".
-
[61]
Sur 46 votants, il y avait (dans le désordre), 13 barons, 6 comtes, 1 duc, 1 marquis, 1 prince et 2 vicomtes.
-
[62]
Les derniers mots étaient cependant, "… ou les deux cinquièmes des actions représentées ". C’est en sortant du Sénat que ces termes "actions représentées" étaient devenus "actions pour lesquelles il est pris part au vote" (séance du 25 mars 1873).
-
[63]
La fin de l’alinéa redevint cependant : "actions représentées", ce qui fit remarquer à Wauwermans à la Chambre (séance du 4 décembre 1912) que la substitution de ces termes à ceux de "actions pour lesquelles il est pris part au vote" a fait disparaître la seconde restriction.
-
[64]
E. Lamal, Une enquête sur les actions à vote privilégié en Belgique, Bruxelles, 1930, p. 1.
-
[65]
P. Alexis, Les privilèges de vote dans les sociétés anonymes, cite par Lamal, op. cit., p. 2 qui ajoute que "des prises de contrôle par des achats de titres en Bourse auraient demandé souvent, pour arriver aux mêmes résultats, des immobilisations de capitaux considérables non en rapport avec les avantages recherchés".
-
[66]
E. Lamal, op. cit., p. 11.
-
[67]
Idem, p. 47.
-
[68]
49 % des sociétés en valeur boursière au 9 décembre. E. Lamal, p. 47.
-
[69]
Lamal, op. cit., p. 7.
-
[70]
E. Lamal, op. cit., p. 12.
-
[71]
Durviaux, La banque mixte, Bruxelles, 1947, p. 145.
-
[72]
Pour le détail, voir ?. Lamal, op. cit., pp. 28 et 29.
-
[73]
Durviaux, op. cit., p. 132.
-
[74]
Durviaux, op. cit., p. 133.
-
[75]
Lamal, op. cit., p. 21.
-
[76]
Lamal, op. cit., pp. 22 et 23.
-
[77]
En tenant compte des primes versées dans le total souscrit par les actionnaires.
-
[78]
Lamal, op. cit., pp. 23 à 25.
-
[79]
Lamal, op. cit., p. 43.
-
[80]
Institut belge de Droit comparé, revue trimestrielle, avril-septembre 1932, p. 69.
-
[81]
Le détail de la dispute sur l’interprétation de la volonté du législateur n’est pas très important pour notre propos. Il y a sur le sujet du vote plural une littérature abondante ; citons : Marx, Le vote plural et les procédés de maîtrise dans les sociétés anonymes, Paris - Bruxelles, 1929.
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[82]
Durviaux, op. cit., p. 133.
-
[83]
Affaire Loewenstein.
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[84]
Arrêté royal n°26 pris dans le cadre des pouvoirs spéciaux.