Couverture de CRIS_568

Article de revue

Inédits de Paul-Henri Spaak

Pages 1 à 24

Notes

  • [1]
    Commission belge pour l’étude des problèmes d’après-guerre (CEPAG) ; président P. Van Zeeland ; vice-présidents : MM. M. Richard, de Brouckère, Hoste ; Secrétaire général : J. Rens.

INEDITS DE LONDRES (1943)

Présentation

1P.-H. Spaak n’était pas un homme de doctrines ou de théories mais, à Londres en 1943, il fut amené à participer à des travaux préparatoires sur l’organisation de l’après-guerre pour la Belgique [1]. Ses interventions sont pour la plupart inédites. Nous retenons ici deux déclarations de principe faites sur le régime politique à instaurer après la Libération. Nul doute qu’elles soient marquées par "l’air du temps", par les expériences vécues de 1935 à 1940 et par certains travaux sur la réforme de l’Etat.

2P.-H. Spaak se prononce pour une démocratie parlementaire fondée sur des gouvernements de législature, à pouvoirs réels étendus et sur un système de chambre unique à effectifs et à rôle réduits que compléteraient des conseils économiques. Il préconise une organisation de la profession de journaliste tendant à accroître la responsabilité de la presse. P.-H. Spaak estime que le régime capitaliste doit disparaître (même s’il se refuse à identifier capitalisme et régime d’appropriation privée des biens) et que le droit au travail doit être inscrit dans la Constitution.

1 – Déclaration de principe

3

  1. Le but de notre effort politique est de créer une société ou les libertés individuelles et publiques seront respectées et ou régnera la justice sociale.
  2. La réalisation d’un tel idéal implique dans le domaine politique, un régime démocratique.
  3. Un régime démocratique nécessite une représentation nationale librement élue, à intervalles réguliers, contrôlant efficacement l’exécutif, en même temps qu’un Gouvernement possédant de réels pouvoirs et dont la stabilité entre les consultations populaires est assurée.
  4. L’exercice des libertés ne doit avoir comme limite que l’intérêt collectif. Dans cette limite, il peut être nécessaire de l’organiser.
  5. La justice sociale comporte : le droit au travail, l’obligation pour la collectivité de garantir les travailleurs contre les aléas de l’existence ; une organisation qui assure, à chaque individu, autant que les inégalités naturelles le permettent, une chance égale dans la vie.
  6. La société libre et juste que nous voulons réaliser est nécessairement une société pacifique.
  7. Le régime économique doit être organisé, à l’exclusion de tous autres buts, pour permettre la réalisation de la justice sociale.
    Tout en reconnaissant aux nations le droit à l’existence autonome, elle postule l’entente, l’entr’aide et l’organisation Internationale.

Explications

I

4Les événements de ces 25 dernières années, la coexistence des régi mes démocratiques, du fascisme, du nazisme et du communisme, nous ont mieux fait comprendre ce que devait être pour nous un monde idéal.

5Notre attachement à la liberté, notre respect pour la dignité de l’homme, ont augmenté dans la mesure même où ces notions ont été combat tues, détruites, par certains régimes.

6Par contre, l’impossibilité pour le capitalisme, dans un monde regorgeant de richesses, d’assurer à des millions et des millions d’êtres humains un travail leur permettant de vivre décemment, a souligné, à nos yeux, l’impérieuse nécessité de transformations économiques profondes en vue d’arriver à la justice sociale.

7Pouvons-nous, dans un régime nouveau, faire la synthèse des libertés individuelles, politiques, spirituelles, et de l’organisation économique ?

8Voilà le problème qui se pose à nous.

9Devons-nous, au contraire, choisir entre : la dictature accompagnée du bien-être social, et la liberté ayant comme corollaire le désordre économique.

10La fin de la guerre nous offrira une occasion exceptionnelle d’action.

11Il faut saisir la chance qui passe, non d’éviter une révolution - elle est là et elle est nécessaire - mais d’éviter d’en payer le prix maximum et de la laisser, par ses excès, se détourner de la juste voie. Telle est notre tâche.

II et III

12Il n’y a pas de régime politique parfait.

13De tous les régimes politiques possibles, la démocratie est celui qui correspond le mieux à nos aspirations et aux nécessités de notre temps. Il est indispensable cependant de corriger les abus qui se sont implantés dans notre vie publique. Il est indispensable de faire la nette distinction entre les principes qui doivent subsister et certaines habitudes qui peuvent disparaître.

14La démocratie implique l’exercice des libertés fondamentales, politiques et individuelles, un régime représentatif et un pouvoir exécutif responsable devant les élus de la Nation.

15Dans un tel cadre, bien des modalités sont possibles.

16Il importe de souligner qu’un tel régime ne s’oppose pas, qu’il requiert, au contraire, un pouvoir exécutif ayant de réels pouvoirs, des responsabilités déterminées et une stabilité suffisante pour lui permettre d’agir.

17Le fondement essentiel d’un régime politique démocratique se trouve dans le droit, pour le peuple, d’élire librement ses représentants, dans le droit pour ceux-ci de contrôler le Gouvernement et de faire les lois.

18Le bon fonctionnement d’un régime démocratique exige que ce contrôle n’entrave ni la conception, ni l’exécution de celles-ci.

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21Le régime démocratique implique l’existence des partis politiques. Ceux-ci sont avant tout des centres de réunions pour ceux qui professent les mêmes idées, des éducateurs politiques de l’opinion publique. Ils établissent un programme politique. Ils présentent aux élections des candidats qui défendent ce programme et tentent d’envoyer au Parlement une majorité de membres qui poursuivent la réalisation de celui-ci par l’intermédiaire de leurs représentants siégeant au Gouvernement.

22Ils ne peuvent être, à un titre quelconque, un élément constitutif de l’Etat lui-même.

23Leur rôle dans l’organisation de la vie publique doit être limité aux tâches qui leur sont ci-dessus assignées.

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26Une représentation nationale librement élue n’implique pas seulement un vote libre après une campagne électorale libre ; elle implique aussi un système électoral permettant autant que cela est compatible avec une vie politique organisée, un choix sans entraves des élus par le peuple.

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29Le régime représentatif requiert un Parlement dont l’un des principes essentiels est la discussion libre, publique, et contradictoire. Cependant, la complexité des tâches incombant aujourd’hui au législateur, nécessite une organisation du travail parlementaire basée sur la division et la spécialisation qui, seules, peuvent assurer un contrôle sérieux de l’œuvre gouvernementale et limiter le temps perdu en discours inutiles.

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32Pour que le régime démocratique fonctionne bien, le Gouvernement doit jouir d’une certaine stabilité. En principe, le Gouvernement ne devrait jamais démissionner entre deux consultations électorales.

33A l’origine de la démocratie, ce problème ne se posait pas, ou tout au moins, il trouvait sa solution dans l’existence des "deux Partis", cette existence assurant à la fois la stabilité gouvernementale indispensable et l’opposition nécessaire.

34L’évolution démocratique en France et en Belgique a montré tous les inconvénients qui résultent de la multiplication des partis.

35Les deux conséquences les plus graves de cette multiplication sont la nécessité des gouvernements de coalition et l’instabilité gouvernementale.

36L’idéal serait évidemment le retour au régime des "deux Partis". Mais dans un régime de liberté, cet idéal ne peut être imposé. Il peut seulement exister dans les faits.

37Si l’idéal ne peut être atteint, des mesures doivent être prises pour y suppléer.

38Tout ce qui favorise l’établissement d’un Gouvernement majoritaire et stable doit être encouragé. Si l’on est placé devant le dilemme d’un système électoral juste mais qui empêche la formation d’un Gouvernement stable en favorisant la multiplication des partis, et un système électoral moins juste mais qui permet le fonctionnement d’un Gouvernement stable, il faut choisir le second système.

39Si, malgré le système électoral, les Gouvernements de coalition restent nécessaires, il faut prendre toutes les mesures qui renforcent ses chances de durée, car il est indiscutable que la démocratie peut périr par l’instabilité gouvernementale qui la rend complètement inefficace.

IV

40Le principe que l’exercice des libertés a comme limite l’intérêt collectif, ne peut être contesté.

41Il a trouvé de multiples applications dans notre Constitution et notre Droit public. La nécessité de le rappeler provient de ce qu’il est indispensable d’en faire une nouvelle et importante application au domaine de la presse.

42La législation sur la presse est, dans son ensemble, celle qui a été établie il y a plus d’un siècle, alors que le journal quotidien venait à peine de naître.

43La presse est devenue ce que certains appellent : le quatrième pouvoir. Cette expression est juste, mais ce pouvoir n’est pas organisé et ceux qui l’exercent sont pratiquement sans responsabilités.

44La presse vénale et la fausse nouvelle répandues à des millions d’exemplaires, ont fait beaucoup de mal à la démocratie.

45Un régime complètement nouveau, répondant aux réalités actuelles, basé sur la responsabilité effective du journaliste, doit être organisé.

V

46La première partie du programme dont j’essaie de tracer les grandes lignes, comporte le maintien et le développement d’une chose déjà acquise, au moins partiellement : la liberté spirituelle et politique.

47La seconde partie de ce programme comporte la réalisation d’un idéal encore inexistant : la justice sociale. Il est par conséquent plus difficile, mais aussi plus nécessaire d’en écrire.

48Après cette guerre, accentuant d’ailleurs un courant déjà profond, rien n’arrêtera la volonté des masses vers le bien-être, vers la sécurité, vers l’égalité des chances dans la vie.

49Nous n’avons peut-être pas encore mesuré toutes les inévitables conséquences des guerres actuelles. C’est la seconde fois seulement que, dans le cours de l’histoire, les Nations toutes entières sont mobilisées De 1914 à 1918, l’effort fut déjà grand. Cette fois, il est devenu total s’est étendu aux femmes comme aux hommes, et la guerre moderne a aboli la distinction entre le militaire et le civil.

50Comment serait-il possible demain, après avoir demandé aux masses de tels sacrifices pour la Patrie, pour la civilisation pour la défense des plus hauts principes de vie spirituelle, de leur faire accepter le monde qui leur était donné hier ?

51Cela sera impossible matériellement et cela heurterait toutes nos aspirations vers la justice.

52Les masses vivront d’ailleurs avec une double certitude :

  • la première, c’est qu’il y a dans le monde assez de richesses pour satisfaire tous les besoins humains, qu’il suffit par conséquent de trouver un système économique et social qui permette d’atteindre ce but ;
  • la seconde, c’est que, puisqu’il n’y a pas d’impossibilité financière dans la guerre, il ne doit pas y en avoir non plus dans la paix.

53Aux hommes et aux femmes que les Gouvernements ont appelés au combat, la société doit la possibilité de travailler et une vie décente.

54Le droit au travail est aussi sacré que la liberté individuelle. Celle-ci peut-elle d’ailleurs exister sans celui-là ?

55Le droit au travail sera donc reconnu comme un droit fondamental, inscrit dans notre Constitution, et les conséquences de cette reconnaissance seront acceptées. Elles impliquent toute la législation sociale : salaires minimum suffisants, limitation des heures de travail, assurances contre tous les aléas de la vie (accidents, chômage, vieillesse …) politique de logements, organisation des loisirs.

56Mais la justice sociale n’est pas complète par la seule réalisation d’un certain bien-être matériel.

57La justice sociale, la seule qui puisse combler nos aspirations, implique que n’importe quel être humain, abstraction faite des inégalités naturelles, doit se sentir l’égal de n’importe quel autre et que tous doivent avoir dans la vie, les mêmes chances. La seule discrimination admissible étant celle produite par le mérite.

58Ceci implique une transformation profonde de la société d’hier et coût d’abord, une modification radicale de notre système d’enseignement ainsi que l’adaptation aux fins visées, de nos conceptions sur l’héritage.

59Le même enseignement devra être accessible à tous. Les considérations d’ordre matériel ne pourront jamais empêcher un élève de poursuivre le cycle de ses études s’il montre les capacités nécessaires. Si la gratuité ne suffit pas, l’assistance devra lui être accordée. L’accession aux grades universitaires sera limitée et deviendra l’apanage des meilleurs.

60En ce qui concerne l’héritage, il faudra tenir compte d’un sentiment humain profond et d’une nécessité sociale.

61La famille devant rester un élément essentiel de la société de demain, il serait illogique de supprimer tout héritage et de négliger ce qu’il y a de respectable et de salutaire dans la volonté que l’homme a de se survivre dans ses enfants et de les protéger, mais il faut empêcher que, par l’accumulation des capitaux, ne se crée une situation qui peut réduire à rien le principe de l’égalité des chances dans la vie.

VI

62Il n’est pas difficile de dire ce que doit être le régime politique qui assurera le mieux l’exercice des libertés.

63Il est extrêmement difficile, par contre, de dire avec précision quel est le système économique qui permettra la réalisation de la justice sociale.

64Une constatation cependant domine les réflexions que l’on peut faire à ce sujet : le régime capitaliste, basé essentiellement sur la propriété privée, se donnant comme mobile le profit individuel, cherchant dans la libre concurrence, ses raisons de perfectionnement, est absolument incapable de réaliser le but que nous cherchons à atteindre.

65Le régime capitaliste doit donc disparaître.

66Le régime économique de demain, s’il admet dans certains cas la propriété privée, en limitera et en contrôlera l’exercice, se donnera comme mobile l’intérêt collectif et cherchera dans l’organisation les possibilités de son succès.

67La question de savoir si la propriété doit être privée ou collective n’est pas essentielle. Ce qui est important, ce n’est pas la forme juridique du droit de propriété, c’est le résultat social que permet telle ou telle forme de propriété.

68La propriété privée ne doit donc disparaître que dans la mesure où elle entrave la réalisation de la justice sociale. Elle entrave cette réalisation dans la mesure où elle empêche l’organisation économique.

69L’organisation de la production et de la répartition des richesses s’opposant à la production et à la répartition anarchique d’hier, sera donc le signe distinctif de l’économie de demain.

70Est-il possible et nécessaire de déterminer dans quelle mesure la propriété privée doit disparaître et dans quelle mesure elle peut subsister ?

71Ce travail semble inutile. Il apparaît cependant que la collectivité, pour organiser l’économie, devra, tout au moins et tout de suite, être maîtresse de certains "leviers de commande". Ces leviers de commande sont nécessairement différents suivant les pays et leur structure économique.

72La main-mise sur les leviers de commande peut prendre d’ailleurs des formes diverses suivant le temps et les lieux.

73Dans une économie organisée, il ne sera donc pas irrationnel de voir exister des formes diverses de propriétés telles que : la propriété collective, la propriété contrôlée et la propriété libre.

74L’erreur dans nos controverses d’hier, c’est de nous être opposés violemment sur la forme juridique de la propriété, collective ou individuelle, au lieu de nous être affrontés sur les résultats qu’elle pouvait produire. C’est d’avoir confondu le but et les moyens.

75Dans la société de demain, la différenciation des opinions ne se fera plus autour d’une querelle juridique et accessoire. Elle se fera autour d’une conception sociale et d’un idéal humain.

VII

76La société libre et juste que nous voulons créer, est nécessairement pacifique. Toutes explications à ce sujet seraient superflues.

77Dans l’idéal que nous poursuivons, il est nécessaire de faire une distinction entre ce qui dépend de chaque pays et ce qui dépend de tous les autres.

78Il est possible, dans chaque pays, de travailler pour la liberté et pour la justice sociale et ce travail doit être accompli. Mais la liberté et la justice sociale ne seront pleinement réalisées et pleinement assurées que dans un monde organisé sur cette double base.

79Tout en sauvegardant l’autonomie des nations, dans laquelle nous voyons une source de richesses intellectuelles, nous collaborerons donc pleinement sur le terrain international avec tous ceux qui tendront au but que nous nous sommes assigné et nous sommes prêts à accepter, pour le bien-être général et futur, les sacrifices partiels et momentanés qu’une telle collaboration imposera.

80P.-H. Spaak,

811943.

2 – La réforme de l’Etat

82Sommes-nous pour la démocratie parlementaire ?

83La réponse est affirmative.

84Nous sommes pour la démocratie parce que le socialisme que nous voulons ne peut se réaliser que dans un climat de liberté sauvegardant la dignité de l’homme.

85Certains états autoritaires sont sans doute capables de réaliser des transformations économiques et sociales profondes, voire radicales, mais le prix payé, la perte de toute liberté, nous paraît trop lourd.

86La société, ainsi constituée, ne nous semble d’ailleurs en aucune manière se rapprocher de celle que nous voulons et qui doit permettre l’affranchissement le plus complet possible de l’individu.

87Notre expérience politique de ces dernières années, le fascisme, l’hitlérisme et le communisme, nous ont fait mieux comprendre les liens indissolubles qui existent entre le socialisme et la démocratie.

88Notre position dans la guerre actuelle n’a d’ailleurs un sens que dans la mesure où nous restons fidèles à la démocratie.

89Nous sommes aussi pour le régime parlementaire. Le régime parlementaire est en effet le seul qui ait permis le fonctionnement normal de la démocratie. Il n’est sans doute pas impossible d’imaginer d’autres organismes répondant au critère démocratique ; mais rien ne permet d’affirmer qu’ils seraient plus efficients. Dès lors, l’utilité d’un changement ne paraît pas s’imposer.

90Est-ce à dire que nous entendons retourner à la démocratie parlementaire telle qu’elle fonctionnait chez nous avant la guerre. Sûrement non.

91A mon avis, l’ensemble de nos institutions fonctionnant mal, constituait un outil tout à fait inefficace, incapable de résoudre avec netteté, rapidité et efficience, les problèmes qui se posaient.

92Je ne veux pas dans cette note, examiner - car cela m’entraînerait trop loin - le point que je trouve pourtant essentiel, savoir si les partis politiques, tels qu’ils étaient constitués en Belgique, tels qu’ils fonctionnaient durant ces dernières années, n’étaient pas devenus des organismes sans fondement profond, de simples machines électorales contribuant à maintenir des divisions artificielles et permettant de réduire la politique à des questions sans grandeur.

93Je me borne, comme cela m’a été demandé, à indiquer quelles réformes je voudrais voir apporter à nos institutions politiques.

94Voici, à mon avis, de quoi nous souffrions :

95Climat général. Un régime où l’autorité n’existant plus, il n’y avait plus non plus de responsabilités.

96Une tendance de plus en plus marquée à tous les échelons de la vie politique, parlementaire, ou de parti, à entraver le rôle, l’action de l’individu, à noyer la personnalité dans la masse anonyme, amorphe et nécessairement irresponsable.

97Défauts pratiques. Une désespérante lenteur de conception et de réalisation. Une instabilité gouvernementale qui rendait toute œuvre de grande envergure impossible.

98Que peut-on faire pour remédier à cela ?

99Se faire d’abord une claire idée du fonctionnement de la démocratie parlementaire. Pour ma part, j’en trouve les caractéristiques dans les trois points essentiels suivants : l’élection, l’action et le contrôle.

100Le peuple doit choisir ses élus, librement ; il doit, à intervalles réguliers, les contrôler, mais comme c’est une chimère de croire que la politique, au vrai et au meilleur sens du mot, peut ou doit être faite tout le temps par tout le monde, entre l’élection et le contrôle il faut laisser agir l’élu et celui-ci, sous sa responsabilité propre et dans la mesure ou il le jugera nécessaire, se tiendra en contact avec l’électeur.

101Ceci implique la transformation complète de notre système électoral.

102J’estime le scrutin de listes préférable au scrutin uninominal qui place l’élu trop près de l’électeur, mais je suis pour la suppression de la case de tête qui, dans la pratique, fait l’élu prisonnier de petites coteries.

103Je suis contre l’apparentement tel qu’il existait en Belgique, mais je suis pour une liste nationale récupérant les restes, qui permettrait une sorte de cooptation avant l’élection, qui permettrait aussi aux partis de faire de ses meilleurs hommes, des hommes nationaux.

104Je suis à tous les degrés de la vie politique, l’adversaire résolu de tout ce qui, de près ou de loin, ressemble au mandat impératif donné à l’élu. La discipline de parti, excessive et étouffante, a complètement vicié le régime parlementaire ; elle a diminué la valeur morale et intellectuelle des élus et, déplaçant le terrain des responsabilités, diminué et même ridiculisé l’institution parlementaire elle-même. Aucun gouvernement en Belgique, depuis 20 ans, n’est tombé devant la Chambre. Ils ont tous été renversés par des congrès de partis. Ceci est la négation de la discussion publique libre et contradictoire, fondement du parlementarisme.

105En résumé, les réformes que je souhaite, celles indiquées à titre exemplatif et toutes autres qui pourraient être suggérées, tendent à la fois à rendre la liberté du choix des élus à l’électeur et l’indépendance à l’élu avec, comme conséquence pour celui-ci, la responsabilité personnelle de ses actes.

106Des réformes importantes doivent être apportées également à notre régime représentatif, à ses méthodes de travail et à ses relations avec l’exécutif.

107Dans ce domaine, ce qu’il faut combattre, c’est la lenteur et l’instabilité.

108Je suis pour la suppression du Sénat. Une deuxième Chambre politique élue, sauf quelques modalités de peu d’importance, par le même corps électoral que celui qui élit l’autre Chambre et dont le recrutement des membres est presque identique au recrutement de l’autre Chambre, est un non sens (Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la valeur respective de la Chambre et du Sénat en Belgique, mais sur le principe d’une Assemblée unique ou de deux Assemblées).

109Cette suppression est d’autant plus nécessaire que la création de conseils économiques se révèle indispensable et que leur adjonction pure et simple au système actuel, rendrait la machine législative déjà trop lourde, définitivement inapte à remplir son rôle.

110La méthode de travail de la Chambre unique devra également être profondément modifiée. Il est impossible de faire faire par 202 députés les lois compliquées qu’exige la vie moderne. Non seulement la réduction du nombre des députés s’impose, mais je pense que certaines tentatives esquissées déjà avant la guerre, devraient être poussées plus loin. A mon sens, la Chambre devrait être consultée sur le principe des lois. La prise en considération des projets ne devrait plus être une simple formalité, mais donner lieu à une discussion approfondie, à la discussion principale. En cas de prise en considération, les lois seraient faites par une Commission à laquelle des compétences techniques et juridiques seraient adjointes et le Parlement au complet serait consulté seulement sur l’approbation ou le rejet définitif (Ce schéma de travail est évidemment susceptible de modifications).

111Après chaque élection, la Chambre serait appelée à donner sa confiance au Gouvernement. En principe, ce vote de confiance vaudrait pour toute la législature.

112Une majorité des deux tiers pourrait cependant à tout moment demander le retrait du Gouvernement.

113Le chef du Gouvernement disposerait du droit de dissoudre la Chambre.

114Le budget ne serait plus annuel, mais couvrirait la période de la législature (Le budget annuel est un anachronisme indéfendable). Des lois de finance particulière pourraient cependant modifier au cours d’exercices, les dépenses et les ressources.

115Moyennant l’ensemble de ces réformes et toutes autres contribuant au même but, je pense que la démocratie parlementaire peut fonctionner et redevenir le système le plus apte à régler d’une façon satisfaisante les problèmes économiques et à promouvoir le progrès social.

116Pour plus de clarté et au risque de me répéter, je résume les principes que je désire voir appliquer :

  1. liberté réelle pour l’électeur de choisir l’élu ;
  2. indépendance de l’élu sous sa responsabilité personnelle vis-à-vis du corps électoral ;
  3. travail bien organisé et rapide d’une Chambre unique ;
  4. stabilité aussi grande que possible du Gouvernement.

117Si nous étions d’accord sur ces principes, les techniciens auraient vite fait de rédiger les lois et règlements nécessaires au fonctionnement du système que nous souhaitons. Les réformes que j’ai moi-même indiquées, ne le sont qu’à titre exemplatif et explicatif.

118Je ne voudrais pas terminer ces quelques considérations sans indiquer qu’une autre réforme essentielle de notre vie publique doit être une refonte complète de notre loi sur la presse.

119Ce n’est donc pas sans raisons que l’on a appelé la presse le quatrième pouvoir. Les détenteurs de ce quatrième pouvoir ne portent en réalité aucune responsabilité et c’est une nouvelle manifestation du mal que je retrouve partout.

120Une organisation sérieuse, légale, de la profession de journaliste est indispensable.

121Les délits de presse ne doivent plus être de la compétence de la Cour d’Assises et la répression de la fausse nouvelle doit devenir efficace. A cet égard, je propose que le Parquet ait le droit de poursuivre les journalistes pour propagation de fausses nouvelles, l’inculpé, s’il veut échapper à la condamnation, ayant l’obligation de prouver lui-même que les nouvelles sont vraies.

122J’indique enfin qu’en rédigeant cette note, j’ai obéi à la demande qui m’a été faite, que j’ai fait abstraction, pour faciliter la discussion, des idées personnelles que j’ai sur la manière dont l’ensemble des questions qui nous préoccupent devrait être abordée et, par conséquent, je me rends parfaitement compte que tout ce que j’ai proposé ici n’a une valeur quelconque que si nous parvenons à nous mettre d’accord sur quelques autres idées bien plus fondamentales.

FACE A FACE SPAAK-PERIN SUR LE FEDERALISME AU MICRO DE LA R.T.B. LE 12 DECEMBRE 1969

123Le 12 décembre 1969, la R.T.B. émettait un "face à face" Paul-Henri Spaak - François Perin. Le thème en était le fédéralisme, auquel Paul- Henri Spaak venait de se rallier publiquement une semaine plus tôt. Le débat était mené par Marthe Dumon.

124Le CRISP tient à fournir aux abonnés du Courrier Hebdomadaire - avec l’aimable autorisation de la R.T.B. - le texte de cette émission. Le texte publié reste proche du style parlé qui ne prétend pas à la correction du style écrit.

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127Marthe Dumon - Ce midi, au micro, pour un face à face et pourquoi ne pas dire sportivement pour un match, Paul-Henri Spaak, ministre d’Etat et, à ce titre, on peut le rappeler, membre de ce Club des Sages qu’est le Conseil de la Couronne, et François Perin, députe du F.D.F.-Rassemblement Wallon. François Perin est aussi un professeur de droit constitutionnel.

128En cause : le Fédéralisme. Trente minutes pour en débattre.

129Qui dit fédéraliste pense automatiquement à vous, François Perin. Or, il se trouve qu’il y a une semaine, M. Spaak a rallié cette conception de l’Etat et immédiatement les commentaires se sont multipliés, ce n’est certainement pas terminé. On a dit beaucoup de choses mais entre autres, Monsieur Spaak, que l’adversaire du fédéralisme que vous aviez été acceptait à présent le fédéralisme parce qu’il redoutait autre chose et une chose plus grave, le séparatisme. Est-ce que c’est vrai ?

130P.-H. Spaak.- Mais ce n’est pas seulement le séparatisme que je craindrais, c’est que le pouvoir politique ou les pouvoirs politiques en Belgique se révèlent comme absolument incapables de résoudre cette question communautaire et linguistique qui pèse sur notre vie poli tique depuis des années. J’ai constaté qu’après la Commission des 28, on allait à un échec et on va à un échec parce qu’on a demandé aux gens d’exposer leurs griefs, ce qui n’était pas une mauvaise idée, on l’a demandé aux partis dits traditionnels et aussi aux partis dits extrémistes, mais lorsque les exposés ont été faits, lorsque les griefs ont été mis une fois de plus sur la table, si j’ose dire, il me semble que personne n’a essayé de faire la synthèse et qu’aucune idée nouvelle n’est sortie de cette confrontation. Alors, moi, je pense qu’il est temps d’essayer d’en sortir par quelque chose qui n’est peut-être pas quelque chose de neuf mais par une combinaison d’un certain nombre d’idées exprimées.

131Si vous me permettez encore de dire ceci : il me semble qu’il résulte de tous les griefs qui ont été exprimés que les gens, aujourd’hui, sont mûrs pour le fédéralisme. Où en sommes-nous ? Nous sommes un pays où l’on a fait une frontière linguistique, nous sommes un pays où tout le monde déclare qu’il y a deux communautés, nous sommes un pays où plus personne ne défend l’Etat unitaire, tout le monde, je crois, à la Commission des 28 a déclaré que l’Etat unitaire était mort et, enfin, tout le monde semble accepter une sorte de décentralisation qui me paraît d’ailleurs très dangereuse parce que, pour les uns, elle est un début, pour les autres, elle est une fin.

132M. Dumon.- Vous devenez fédéraliste par réalisme ?

133P. -H. Spaak.- Je suis fédéraliste par réalisme politique. Je tire, moi, les conséquences logiques de l’exposé de tous les griefs qui ont eu lieu.

134M. Dumon.- Et vous, François Perin ?

135F. Perin.- Je voudrais bien faire une observation.

136J’entends M. Spaak qui s’est rallié à une formule fédérale de l’Etat ; vous comprenez bien que je suis bien placé pour m’en réjouir. Je sais bien qu’un journal liégeois a regretté que M. Spaak n’ait pas pris cette attitude en 1947, ce qui aurait évité la crise de l’Etat belge pendant une si longue durée et ce qui aurait été bénéfique pour la Belgique en général et, pour la Wallonie en particulier, qui avait bien besoin d’une solution très novatrice. Enfin, cela c’est le passé, je prends acte de la position actuelle de M. Spaak. Je voudrais faire aussi, avant d’entamer le débat au fond, tout de même une observation : M. Spaak a dit dans l’interview que nous avons sous les yeux : "les partisans du fédéralisme" - ce n’est pas mon monopole, n’est-ce pas, mais, enfin, j’en suis d’une façon évidente - "les partisans du fédéralisme n’ont jamais clairement indiqué quelles seraient les compétences des Etats fédérés, la Flandre et la Wallonie, et quelle serait la compétence de l’Etat fédéral et de la Communauté politique de Bruxelles" dont nous allons parler tout à l’heure. Il a même ajouté : "Avant de faire ma conférence à Anvers, dit-il, j’ai essayé de trouver dans les différents projets qui existent sur le fédéralisme la réponse à cette question et Je dois reconnaître que je ne l’ai pas trouvee". Vous permettrez que je réagisse. Il y a eu beaucoup de projets et si M. Spaak pourrait se plaindre de quelque chose, ce n’est pas du vide qu’il semble déplorer mais c’est peut-être, d’une certaine manière, du trop-plein. Il est normal que l’on ait fait beaucoup de projets depuis 1937 : premier projet Eyskens du côté flamand, et Dehousse-Truffaut de l’autre, etc. Enfin, lais sons-là le passé et venons-en aux dates les plus récentes.

137Personnellement, j’ai contresigné avec mon collègue Dehousse de la Faculté de Droit de Liège un projet, qui est le projet du Mouvement Populaire Wallon, de novembre 1961. C’est un document récent et il y a un chapitre V. que je mets sous les yeux de M. Spaak et qui est intitulé : Répartition des compétences entre les Etats fédérés de Flandre et de Wallonie, les autorités de la capitale fédérale d’une part (voilà les trois éléments) et l’Etat fédéral d’autre part. Alors, il y a des détails, je ne veux pas les lire et ennuyer les auditeurs mais, enfin, il y a des détails, compétences des pouvoirs fédéraux, ce que va faire le Parlement et le gouvernement central et nous énumérons onze matières, Monsieur Spaak, nous sommes beaucoup plus généreux que vous, vous en avez énuméré quatre. Je crains que vous n’ayez été extrémiste par distraction, n’est-ce pas ?

138M. Dumon. - Peut-être, Monsieur Spaak ne voulait-il pas être complet ?

139P.-H. Spaak.- Non, non, écoutez, je prends acte de cela et je vais me plonger dans la lecture de ce document mais nous allons discuter tout à l’heure non pas de toutes les compétences fédérales et des Etats fédérés, cela nous mènerait trop loin, mais de ce qui est essentiel et, notamment, je crois qu’un point essentiel - je ne sais pas si je suis en désaccord avec Monsieur Perin là-dessus - c’est la question, n’est-ce pas, de l’unité économique de la Belgique. Mais, je crois qu’avant cela, pour être clair, il faudrait que vous me permettiez d’expliquer en quelques mots mon système, si j’ose dire, parce que j’ai l’impression qu’il y a encore des incompréhensions et des confusions.

140M. Dumon.- Mais, oui, certainement, il y a des malentendus. C’est aussi une matière assez technique. Quand vous pensez fédéralisme en Belgique, vous le voyez comment ? Fédéralisme à trois, à deux, on a dit à deux et demi, de quoi s’agit-il ?

141P.-H. Spaak.- Pourquoi est-ce que j’étais contre le fédéralisme jusqu’à présent ? Pour deux raisons : c’est que je ne le concevais pas à deux parce que je ne sais pas ce qu’on faisait des Bruxellois et que je ne le concevais pas à trois parce que l’on ne pouvait pas admettre que les Bruxellois soient des arbitres entre la Flandre et la Wallonie. Il fallait donc trouver, il faut trouver un système qui empêche l’Etat fédéral d’être à deux ou d’être à trois et naturellement à deux et demi, ce qui en réalité ne veut rien dire. Cela c’était ma première objection. Ma seconde objection, jusqu’à présent, c’est que j’ai eu le sentiment, et là je le dis, que les Wallons d’une manière générale voulaient une décentralisation de l’économie qui aurait brisé l’économie de la Belgique. Cela c’était les deux raisons pour lesquelles j’étais contre. Et dans le projet que je défens maintenant, ces deux raisons que j’avais contre sont rencontrées et je crois avoir trouvé une solution. Il y a dans mon esprit trois - je vais dire pour le moment trois - Etats fédéraux quoiqu’il est difficile d’appeler Bruxelles un Etat mais enfin. Il y a la Flandre, la Wallonie et il y a Bruxelles. Mais à l’étage fédéral, ces trois Etats fédéraux ne se retrouvent pas tels quels. Le Parlement fédéral n’est pas élu par une émanation des trois Etats fédéraux, il est élu par un autre corps électoral que dans le projet que j’ai indiqué, qu’il y aurait 6 circonscriptions électorales, les deux Flandres, Anvers et les Flamands du Brabant, le Limbourg, Liège, Namur-Luxembourg, Hainaut et les Francophones du Brabant. C’est cela qui me permet de dire que, bien qu’il y ait trois Etats, le fédéralisme à l’étage supérieur est un fédéralisme où l’égalité entre Francophones et Flamands est établie.

142M. Dumon.- Qu’en pensez-vous ?

143F. Perin.- Je crois que l’on peut être d’accord sur le principe. Je fais des réserves, mais ce sont des détails, sur le découpage des six circonscriptions électorales qui enverraient un nombre égal de sénateurs fédéraux au Parlement central de façon à ce que ce Sénat soit paritaire, mais l’idée qu’au niveau fédéral, c’est-à-dire central, de l’Etat belge, il y ait une Chambre, un Sénat fédéral composé à égalité de sénateurs de langue française et de langue flamande, c’est une idée qui a été partagée depuis longtemps par les fédéralistes wallons. L’originalité peut-être du projet de M. Spaak, c’est que les Bruxellois feront partie de circonscriptions électorales en étant fondus avec des Flamands d’un côté, avec des Wallons de l’autre. Cela c’est une modalité à discuter, ce n’est pas essentiel. L’essentiel, c’est que le Sénat soit paritaire. Dans les autres projets de Sénat paritaire, notamment ceux défendus par mon collègue Dehousse, il y avait des Bruxellois du côté néerlandophone et des Bruxellois du côté francophone. C’est un système à deux et non pas à trois, au niveau de la représentation parlementaire fédérale. Mais à la base, Bruxelles, d’ailleurs comme vous le dites, Monsieur Spaak, est une communauté politique. Il vaut mieux dire communauté pour une grande ville que Etat, moi, je veux bien, mais c’est une communauté politique qui a droit à avoir un Parlement local et une autorité exécutive.

144P.-H. Spaak.- Oui, et dont il aura les mêmes droits que l’Exécutif flamand et l’Exécutif wallon.

145M. Dumon.- Mise à égalité mais parité dans cet Exécutif, pour vous, à Bruxelles ?

146P.-H. Spaak.- Attendez, alors, cela c’est un gros point de mon plan qui, bien entendu, dans mon esprit, doit être pris dans son ensemble, parce que je crois que nous sommes arrivés à un moment où il n’y a plus moyen d’apporter à nos problèmes et à nos difficultés des solutions partielles. Il faut absolument présenter un système global. Alors la question de Bruxelles reste une des questions difficiles. Moi, je crois qu’à Bruxelles, il faut absolument provoquer un choc psychologique. Il faut sortir de la discussion telle qu’elle existe depuis si longtemps, et telle qu’elle existe encore pour le moment dans la commission qui est chargée d’examiner cette question.

147Alors qu’est-ce que je dis. A Bruxelles, il faut un Exécutif paritaire. Bien entendu, un grand nombre de Bruxellois francophones vont protester. J’ai deux arguments qui me paraissent très importants. Il y a une minorité flamande à Bruxelles. Comment la protéger autrement que par la parité ? Les gens qui se disent libéraux disent : eh bien, il y aura deux tiers de Francophones et un tiers de Flamands. Ce n’est en aucune façon une protection de la minorité, c’est la consécration d’une situation majoritaire. Il faut faire un gros effort sur soi-même et accepter cette égalité. Cette égalité étant acceptée, il faudrait que les Flamands, à leur tour, fassent un geste, qui devient, à mon avis, c’est tout au moins mon espérance, j’espère que ce n’est pas mon illusion, qui devient possible. A partir du moment où les Flamands ont leur Etat fédéré, ont la parité à Bruxelles, le problème de la liberté du père de famille et le problème de frontières raisonnables pour l’agglomération bruxelloise ne se posent plus de la même façon.

148M. Dumon.- Vous pensez, François Perin, que vos amis du Front des Francophones pourraient souscrire à l’analyse de P.-H. Spaak ?

149F. Perin.- En partie, mais certainement pas pour la composition paritaire du gouvernement bruxellois. Je ne pense pas que ce soit très raisonnable. Pourquoi ? Vous avez vraiment une distorsion excessive.

15080, peut-être même 85 % d’un côté, 15 % de l’autre. Je pourrais faire une comparaison avec une capitale étrangère d’un Etat fédéral. Berne est une ville germanique, homogène. Il y a bien des Suisses romands qui s’y trouvent, mais enfin, c’est une ville germanique. C’est le siège des institutions communes mais nos amis Suisses romands ne demandent pas que Berne soit une ville accueillante où ils se sentent chez eux, etc., sous prétexte que c’est la capitale commune de la Confédération helvétique, n’est-ce pas ?

151M. Dumon.- Mais peut-être oubliez-vous la notion sol ?

152F. Perin.- La notion de sol n’existe heureusement pas en Suisse. Ici, c’est une notion confuse et passionnelle.

153P.-H. Spaak.- Mais, ici, je veux dire ceci, je veux dire que je ne vois pas comment il est possible de régler la question de Bruxelles étant donné le rétroacte historique et la situation actuelle d’ailleurs sans accorder cette parité. Il me semble que si les Bruxellois francophones refusent cela ils n’obtiendront jamais d’une majorité qui nationalement est flamande, ce qu’ils demandent.

154M. Dumon.- En fait, vous demandez actuellement la concession, le geste aux Bruxellois francophones ?

155P.-H. Spaak.- J’estime qu’il faut créer un choc psychologique. Il y a dans la position des Flamands, me semble-t-il, de grands éléments psychologiques, ils n’ont pas confiance dans Bruxelles, ils n’ont pas confiance dans les francophones bruxellois, ils ont un complexe de supériorité et d’infériorité, les deux complexes sont souvent mêlés. Eh bien, je crois que les complexes doivent être traités par un choc psychologique. Si on disait aux Flamands, je le répète, d’un côté, chose à quoi beaucoup d’entre eux tiennent : vous avez un Etat flamand d’abord, cela c’est une première chose. Et en plus, dans la capitale, qui est tout de même la capitale du pays, où vous êtes minorité, on vous donne la parité, ce serait un choc. J’ajoute qu’il est très difficile aussi d’expliquer aux Flamands, me semble-t-il, qu’au niveau fédéral, au niveau du pays, il faut accepter la parité et qu’on peut la refuser au niveau bruxellois. Le francophone dit : quand je suis minorité, je réclame la parité ; quand je suis majorité, je la refuse. On me dira, et on a raison, c’est que les proportions dans l’Etat …

156F. Per in.- Oui, oui, bien sûr … 5 millions - 4 millions, c’est tout de même différent ?

157P.-H. Spaak.- Mais vous, qui êtes un spécialiste du fédéralisme, est-ce que vous n’êtes pas d’accord pour dire que dans le fédéralisme, le principe du nombre tel qu’il joue dans notre démocratie est différent ? Je prends les Etats-Unis. Eh bien, les Etats-Unis, au Sénat fédéral, il y a une représentation qui n’est pas du tout basée sur le nombre.

158F. Perin.- Bien sûr.

159P.-H. Spaak.- Vous avez l’Etat de New-York, 9 millions d’habitants, qui a deux sénateurs, l’Etat de Vernon qui en a, je crois, quelques centaines de mille, a deux sénateurs aussi. Dans le fédéralisme, il me semble que cette loi du nombre ne peut pas jouer comme dans l’Etat, comme dans la démocratie parlementaire que nous connaissons. Alors, voilà, bien sûr, ce n’est pas tout à fait logique mais cela fait partie d’un tout, parce que comment arriver à l’Etat fédéral avec les Etats fédérés si vous ne trouvez pas une solution pour Bruxelles. Pour moi, par exemple, Bruxelles a été longtemps ma grande opposition au fédéralisme, parce que je ne voyais pas ce qu’on en faisait, en Belgique. Et c’est là qu’il faut donc trouver une solution. Alors, moi, je crois que créant un choc psychologique, apportant aux Flamands dans plusieurs domaines des concessions fort importantes, peut-être peut-on espérer qu’ils vont envisager le problème de Bruxelles autrement et dans, la question de la liberté du père de famille et de la fixation d’une frontière raisonnable où, à partir de ce moment-là, ce n’est plus des Flamands qui passent sous le système francophone bruxellois, ce sont des Flamands qui entrent dans un Etat qui est dirigé paritairement. C’est tout à fait différent. Il me semble que l’atmosphère psychologique sera complètement bouleversée.

160F. Perin.- Je ne crois pas. Je crains que vous ne commettiez une erreur. La parité, c’est de l’arithmétique, moi cela ne parvient pas à me convaincre, à quelque niveau que ce soit, n’est-ce pas. Avec la parité dans une telle disproportion, vous allez irriter les francophones et vous allez provoquer des réactions passionnelles qui peuvent être dangereuses pour l’existence même de l’Etat. N’est-ce pas ? Il y a même des Bruxellois qui disent être Belges à tout prix, non, vous voyez jusqu’où cela peut aller. Du côté flamand … la parité dans un collège gouvernemental bruxellois ne va pas résoudre le problème fondamental. Quel est le problème fondamental pour les Flamands de Bruxelles ? C’est que leur identité, si j’ose ainsi m’exprimer, leur identité culturelle est en quelque sorte diluée au contact d’une population francophone. Donc ce n’est pas parce que des Flamands en nombre égal siégeraient dans un collège d’agglomération que cette identité va être consolidée. Il faut trouver une formule, une organisation politique qui fait que le Flamand à Bruxelles ne se déflamandise plus. On ne peut pas l’y forcer, ce serait contraire aux droits de l’homme les plus élémentaires. Il faut donc changer les institutions et organiser cette identité de façon à ce qu’elle ait moins tendance à se laisser absorber. Et c’est cela le grand problème des Flamands. La parité au collège gouvernemental bruxellois ne résoud rien du tout.

161P.-H. Spaak.- Si, si, je crois que …

162F. Perin.- Rien du tout. Il va irriter tout le monde …

163P. -H. Spaak.- Non, je crois que psychologiquement, elle change beaucoup. Car, cette difficulté de résister à l’assimilation vient de ce que le Flamand n’a pas confiance dans l’organisation bruxelloise telle qu’elle existe. Et je ne suis pas sûr qu’ils aient tout à fait tort. Il y a des exagérations de tous les côtés et je ne suis pas sûr qu’il ait tout à fait tort. Je crois que, psychologiquement, leur position sera différente s’ils ont d’une part un Etat flamand derrière eux et s’ils ont à Bruxelles… Naturellement les questions linguistiques et des questions administratives et scolaires devront être réglées avant …

164F. Perin. - C’est beaucoup plus important.

165P.-H. Spaak.- Oui, c’est clair, cela doit être règle avant, comme doit être réglée la liberté du père de famille et la question des frontières. Mais cela étant acquis, je crois que la parité à l’exécutif est un geste des francophones, un geste à mes yeux tout à fait acceptable car, j’ajoute que je ne vois pas ce que les francophones craignent. Qu’est-ce qu’ils craignent ? La diminution de la culture française, le déclin de la culture française à Bruxelles ? C’est impossible.

166F. Perin.- Ce qui est le drame de l’affaire belge, c’est que les Flamands ne réagissent pas à l’égard de leur capitale qui deviendrait fédérale comme d’autres peuples des pays hétérogènes. Il y a chez eux une idée de reconquête. C’est cela qui effraie et irrite les francophones. Il y a une idée de reconquête, avec des procédés de contrainte …

167P.-H. Spaak.- Eh bien, la meilleure façon d’éviter la reconquête, c’est de donner maintenant la parité et de régler le problème.

168M. Dumon.- Mais, en fait, en vous écoutant, on voit très bien immédiatement que les objections convergent vers Bruxelles. Bruxelles étant le problème n° 1, que vous voulez résoudre …

169F. Perin.- Je voudrais bien revenir à d’autres problèmes …

170P.-H. Spaak.- Laissons Bruxelles. Nous n’allons pas en trente minutes résoudre le problème.

171M. Dumon.- Mais il est bien clair que c’est un gros problème.

172F. Perin.- Oui … il n’est peut-être pas si grave que cela, ni majeur.

173M. Dumon.- Votre point de vue ?

174F. Perin.- Vous aviez invoqué, Monsieur Spaak, tout à l’heure votre grande préoccupation qui a fait de vous longtemps, à tort je crois un adversaire du fédéralisme, c’est ce que vous appelez l’unité économique de la Belgique. Je crois qu’il y a eu des fantasmes à ce sujet, n’est- ce pas ? Il y a eu des épouvantails, je ne crois pas que vous avez été spécialement l’auteur des épouvantails mais il y a eu des hommes politiques en dehors de vous et du parti socialiste au temps où vous y étiez qui ont agité des épouvantails. Et l’épouvantail majeur, autant le dire tout de suite, c’est que si l’on fait un Etat wallon, cet Etat wallon va être une République populaire, de type socialiste révolutionnaire, c’est une Yougoslavie, etc. C’est vrai, n’est-ce pas, que l’on a agité cet épouvantail stupide ? Alors, nous avons combattu cet épouvantail et maintenant, il est en train de fondre et je vous sais gré d’avoir contribué ces derniers jours à éliminer cette sottise, cet argument fallacieux. On avait fait d’André Renard un Tito menaçant !

175P.-H. Spaak.- Ils le connaissaient bien mal.

176F. Perin.- Vous l’avez connu, et c’était tout à fait faux. Même à cette époque, quand on a accusé le Mouvement Populaire wallon d’être le véhicule d’une révolution rouge et quand on a dit que toutes les calamités allaient tomber sur notre tête. Il était président- fondateur du mouvement. En matière économique, il a dit en toutes lettres et nous l’avons mis en lettres capitales, que l’Etat central, le gouvernement central avec l’adhésion, l’approbation, le vote du Parlement central devait assurer l’effort économique commun.

177Il a dans ses attributions, ce pouvoir central, la coordination économique des plans de développement de la Flandre et de la Wallonie. Même alors … mais depuis lors, nous avons changé quelque peu la répartition des compétences. Il y a des compétences que nous concevons au centre sans exclure mais cela vous l’avez dit vous-même je crois, sans exclure la compétence en matière de développement économique régional relevant des Etats fédérés. Mais cela n’est pas épouvantail du tout. Nous avons à notre porte un Etat fédéral qui est le plus prospère d’Europe, l’Allemagne fédérale. Les länder, c’est-à-dire les Etats autonomes associés dans la fédération, ont des attributions d’économie régionale et la reconversion du Land de Westfalen-Nordrhein qui était axée comme la Wallonie sur le charbon et l’acier, a été assurée par un organe local, régional du gouvernement de cet Etat allemand en collaboration - je le souligne - en collaboration avec le gouvernement fédéral de Bonn. Eh bien, c’est cela, nous n’avons jamais dit autre chose. On nous a accusé d’être des communistes révolutionnaires ou que sais-je ?

178P.-H. Spaak.- Tant mieux, nous nous rapprochons sur ce point là. Donc l’accord est certainement possible. J’estime que c’est une chose absolument essentielle qui, dans mon esprit à moi, me permet de me rallier à un Etat fédéral. Ça c’est donc une chose que, dans tous les cas, avec-M. Perin et ses amis il n’y aurait pas de difficulté à régler. Je crois d’ailleurs ceci : c’est qu’il faut accepter, malheureusement, nous ne sommes pas d’accord sur Bruxelles, il faut accepter le plan général. Une fois que l’option politique sera faite, toutes ces questions que j’appelle techniques seront résolues relativement facilement.

179Voyez-vous, je répète, depuis des années, quand la volonté politique existe, les difficultés techniques sont toujours résolues. Quand la volonté politique n’existe pas, toutes les difficultés techniques sont une raison d’échec.

180M. Dumon. Mais passons à la mise en pratique d’une option politique qu’on imagine acceptée par tous ou par une large majorité. Comment cela se ferait-il ?

181(…)

182P.-H. Spaak.- Il faut, ce qu’il y a d’important dans ce que je propose, c’est qu’il y a à la base une volonté de compréhension réciproque, n’est-ce pas. Et c’est, je répète la même formule parce que je la crois profondément vraie, il y a un choc psychologique à produire et un certain nombre de gens, n’est-ce pas, qui accepteraient de discuter mais pas toujours en répétant les mêmes choses. Déjà, on m’accuse d’avoir changé d’idée mais je m’excuse : à quoi sert la discussion si personne n’a le droit de modifier son idée. Je ne vois pas moi à quoi cela sert, cela sert à faire des commissions des 28 avec l’étalage de tous les griefs.

183F. Perin.- Vous l’avez vu, il n’y a pas que vous qui évoluez … Le P.L.P. unitaire, outrancièrement et anachroniquement, eh bien, il a évolué …

184P.-H. Spaak.- Moi, je crois qu’il faut reprendre la question ab ovo. Maintenant, nous connaissons tous les griefs, nous connaissons tous les problèmes qui doivent être résolus et alors il faut que quelqu’un propose une solution d’ensemble.

185M. Dumon.- Quelqu’un … Eh bien, là, je vais vous poser la question qu’il faut que je pose évidemment. C’est : pourquoi avez-vous pris la parole à Anvers, pourquoi avez-vous accepté ensuite de répondre aux journalistes, pourquoi êtes-vous ici, avez-vous accepté d’être ici, face à François Perin, au micro de la R.T.B. ? Recherchez-vous un but ou simplement versez-vous une pièce à un dossier ? Imaginez-vous une rentrée politique ?

186P. -H. Spaak.- Mais non, je ne m’imagine pas une rentrée politique, ce que je souhaite, c’est ce qui est en train de se réaliser pour le moment. J’ai fait cette conférence à Anvers et plusieurs journaux sont venus me demander des interviews importantes que j’ai données, je suis aujourd’hui à la radio avec vous, les demandes de conférences arrivent. Eh bien, je peux défendre cette idée. Pourquoi dois-je pour cela avoir un mandat politique ? Moi, j’ai toujours cru que cette question ne pouvait être réglée que par le gouvernement. Je sais que, légalement, on va me dire, ce sont les Chambres qui doivent réviser la Constitution, je connais toutes ces observations. Mais je crois que c’est un gouvernement qui doit prendre l’initiative de proposer à l’ensemble des Belges la solution. C’est la seule façon d’en sortir et peut-être si ce mouvement qui se déclenche autour de ce que j’ai dit grandit, peut-être que d’autres hommes vont vouloir accepter de réfléchir, j’ai un grand défaut ou une grande faiblesse pour le moment. Je n’ai personne derrière moi, je n’ai pas de parti politique. J’ai un avantage, je suis seul. Je suis responsable devant moi-même. Je n’ai pas de parti politique à convaincre, je n’ai pas d’électeurs à séduire, je peux donc parler avec une grande liberté et une grande franchise. Peut-être dans ce que je dis, certains vont y trouver la marque d’une bonne volonté, peut-être certaines idées nouvelles et autour de cela, peut-être va-t-on pouvoir repartir, voilà ce que je souhaite.

187F. Perin.- C’est très intéressant d’entendre une sorte d’évocation de méthode. Pendant quatre ans, j’ai raisonné comme M. Spaak mais à l’inverse de lui, je n’avais aucun passé politique, et je n’ai pas voulu faire de politique. Au fond, je n’aimais pas la scène parlementaire et électorale, etc. De 1961 à 1965, j’ai fait campagne pour ces idées en faisant partie d’un mouvement mais non d’un parti politique. Et puis, mes amis m’ont persuadé de faire de la politique, ils ont dû insister parce que je n’aimais pas cela. Un mouvement, cela crée des idées, cela remue des idées, cela fait bouger les choses c’est entendu, mais à un moment donné, il faut entrer dans la scène électorale pour faire pression sinon les autres partis traditionnels se figent dans leur sclérose, dans leurs traditions, etc. etc. Alors, il faut faire pression. Et les pressions électorales, Monsieur Spaak, elles jouent un rôle …

188P.-H. Spaak. - Bien sûr, mais la situation a beaucoup changé depuis 1961, n’est-ce pas, quand vous avez fait votre action comme cela, la situation est devenue beaucoup plus grave et je crois …

189F. Perin.- Mais nous y sommes pour quelque chose je pense ?

190P.-H. Spaak.- Peut-être, oui.

191M. Dumon.- Si je vous entends bien, François Perin, vous expliquez ce qu’a été la motivation de votre carrière politique mais en même temps, vous dites à Paul-Henri Spaak : si vous ne rentrez pas sur la scène politique, il ne se passera pas grand-chose.

192F. Perin.- Je n’ai pas de conseil à donner à M. Spaak. Je ne vais quand même pas lui tendre une carte d’affiliation du F.D.F. en lui disant : si vous entrez dans la lice électorale, cela va faire une pression extraordinaire. C’est à lui à décider, mais pour ma part, devant l’initiative de M. Spaak, qui est tout de même spectaculaire et intéressante, je ne vais pas faire le docteur "Tant pis" en disant Oh, vous avez dit le contraire pendant 20 ans. C’est vrai mais enfin, je dis, tant mieux, il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui entre en contrition que pour dix justes qui sont accueillis par le Père éternel.

193M. Dumon.- Bon. Il est temps. Laissons le mot de la fin à M. Spaak.

194P.-H. Spaak.- Eh bien, moi, je n’ai pas à faire mon acte de contrition parce que je ne dis pas que tout ceci est ce que j’avais rêvé mais je sais qu’en politique, il faut partir de réalités et de faits pour en tirer des conclusions. Et à l’heure actuelle, pour les raisons que j’ai dites en débutant, il me semble qu’il n’y a plus moyen d’en à sortir sans une situation, sans une solution d’ensemble. Je crois que la solution d’ensemble la plus logique étant donné les faits, c’est un effort vers le fédéralisme à la condition qu’au niveau fédéral, ce ne soit pas les trois Etats fédérés qui se retrouvent, qu’il y ait une parité entre francophones et flamands et que l’on résolve en même temps la question de Bruxelles dans le sens que j’ai dit parce que sans cela, je suis convaincu que rien de tout cela ne se fera, ni le fédéralisme, ni autre chose, que la situation continuera à pourrir et alors on ne sait vraiment pas où on va.

195Speaker.- C’était donc un face-à-face entre Paul-Henri Spaak et François Perin. Ce face-à-face était mené par Marthe Dumon.

196Le 12.12.1969.


Date de mise en ligne : 15/11/2014

https://doi.org/10.3917/cris.568.0001

Notes

  • [1]
    Commission belge pour l’étude des problèmes d’après-guerre (CEPAG) ; président P. Van Zeeland ; vice-présidents : MM. M. Richard, de Brouckère, Hoste ; Secrétaire général : J. Rens.

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