Notes
-
[1]
Cf. p. 22.
-
[2]
Cf. p. 9. 10. 16.
-
[3]
Cf. p. 25.
-
[4]
X2 significatif à 0.01.
-
[5]
X2 significatif à 0.20.
-
[6]
X2 significatif à 0.05.
-
[7]
Cf. p. 4.
-
[8]
X2 significatif à 0.10.
-
[9]
X2 significatif à 0.01.
-
[10]
X2 significatif à 0.01.
-
[11]
X2 significatif à 0.02.
-
[12]
X2 significatif à 0.01.
-
[13]
X2 significatif à 0.01.
-
[14]
X2 significatif à 0.10.
-
[15]
X2 significatif à 0.01.
-
[16]
X2 significatif à 0.01.
-
[17]
X2 significatif à 0.02.
-
[18]
X2 significatif à 0.10.
-
[19]
X2 significatif à 0.05
-
[20]
X2 significatif à 0.01
-
[21]
X2 significatif à 0.01
-
[22]
X2 significatif à 0.01
-
[23]
X2 significatif à 0.01.
-
[24]
X2 significatif à 0.01.
-
[25]
X2 significatif à 0.05.
-
[26]
X2 significatif à 0.05.
-
[27]
X2 significatif à 0.01.
-
[28]
X2 significatif à 0.01.
-
[29]
X2 significatif à 0.01.
-
[30]
X2 significatif à 0.10.
-
[31]
X2 significatif à 0.05.
-
[32]
X2 significatif à 0.10.
-
[33]
X2 significatif à 0.10 dans les deux cas
-
[34]
X2 significatif à 0.02.
-
[35]
X2 significatif à 0.10.
-
[36]
X2 significatif à 0.05.
-
[37]
X2 significatif à 0.02.
-
[38]
X2 significatif à 0.01.
-
[39]
Cf. 20
-
[40]
Les jeunes de "latines" sont significativement mieux informés que ceux de "modernes" X2.significatif à 0.20.
-
[41]
X2 significatif à 0.01.
I – INTRODUCTION
1 – L’objet de la recherche
1On voudrait d’abord définir cette recherche par ce qu’elle n’est pas, à savoir un effort de prévision quant aux résultats des élections communales de 1970.
2S’il en est ainsi alors même que l’accès des jeunes à l’électorat communal et les prochaines élections d’octobre 1970 ont inspiré le choix du sujet, c’est parce qu’on a voulu s’engager dans un type d’analyse qui puisse fournir des éléments de réflexion présentant un certain caractère de permanence.
3L’objet de la présente recherche peut être défini par la formulation des trois questions suivantes :
- quel intérêt les jeunes portent-ils à la politique ?
- quels sont les facteurs sociaux en rapport avec cet intérêt ?
- peut-on parler de processus suivi par les jeunes en ce qui concerne la manière dont se développe leur information politique d’une part et, d’autre part, en ce qui concerne la manière dont ils choisissent le parti pour lequel ils vont voter ?
2 – La méthode
4Cette recherche s’est faite par voie d’interviews réalisées à partir d’un questionnaire type. Des étudiants et étudiantes de 20 ans environ en ont assuré l’administration après avoir participé à des séances d’exercice de rôle d’interview.
5La campagne d’interview a eu lieu pendant les mois d’avril et mai 1970.
6La population étudiée est celle des jeunes filles et garçons qui, domiciliés à Liège, étaient âgés de 14 à 21 ans accomplis, le 1er juillet 1970.
7Le questionnaire a été administré auprès d’un échantillon de 200 jeunes, représentatif de la population de ceux-ci.
8Cet échantillon a été constitué par tirage au sort dans les registres de population de la ville de Liège.
3 – Quelques caractères généraux de l’échantillon
9L’échantillon étudié compte 48 % de filles et 52 % de garçons.
1074 % de l’ensemble de l’échantillon suivent des études à temps plein et 6 % des études à horaire réduit.
1125,4 % travaillent. Ce dernier chiffre, comparé à celui de la population poursuivant des études à temps plein, révèle que la quasi-totalité des jeunes qui ne poursuivent plus des études du jour exercent une profession. Cela signifie notamment qu’à peu près toutes les jeunes filles qui ne poursuivent plus des études travaillent.
12Parmi ceux qui travaillent, 64,4 % sont des ouvriers et les 2/3 d’entre eux n’ont pas de qualification, 33,3 % sont des employés et 2,3 % exercent une profession indépendante. Pour 44,7 % des jeunes actifs, l’emploi actuellement occupé n’est pas le premier. Le nombre moyen d’années de travail se situe entre 2,5 et 3 ans.
II – L’INTERET DES JEUNES POUR LA POLITIQUE
13L’intérêt des jeunes pour la politique a été abordé par trois voies.
14La première, qui est la plus simple mais aussi la moins certaine quant à son efficacité, a consisté à demander aux interviewés s’ils s’intéressaient à la politique.
15La deuxième voie d’approche a consisté à les interroger sur les moyens d’information collective auxquels ils avalent recours ainsi que sur la nature des informations qu’ils y récoltaient.
16La troisième a consisté à vérifier le degré d’information politique des jeunes en leur posant des questions se référant à trois objets d’information : les problèmes politiques, les hommes politiques et le parti qu’ils représentent, les institutions.
1 – L’intérêt déclaré pour la politique
1731 % des jeunes interrogés ont déclaré s’intéresser – à des degrés divers d’ailleurs – à la politique tandis que le reste déclarait ne pas s’y intéresser du tout.
18Devant cette assez faible proportion de jeunes qui se disent intéressés par la politique, trois questions au moins viennent d’emblée à l’esprit :
- quel sens faut-il donner à cette faible proportion, faut-il interpréter ce résultat comme un défaut effectif d’intérêt ou ne faut-il pas y voir autre chose comme, par exemple, une manifestation de la volonté de ne pas exprimer ses opinions sur un sujet qui pourrait être tenu pour tabou par certains ? [1] ;
- les jeunes au bénéfice desquels a été élargi le droit de vote manifestent-ils un intérêt plus grand que leurs cadets ? [2] ;
- ces déclarations rendant compte d’un assez faible intérêt des jeunes pour la politique sont-elles confirmées par ce qu’ils savent de celle-ci ? [3]
19On réservera la réponse à ces questions pour le moment où on aura rendu compte d’autres faits livrés par l’analyse et susceptibles de nous éclairer à ces sujets.
2 – Politique et recours aux moyens d’information collective
20Parmi les jeunes qui recourent aux moyens d’information collective, 63 % déclarent assister à l’émission du journal parlé, 60 % à celle du journal télévisé. 30 % déclarent lire différents types d’articles de journaux et revues dont certains sur la politique et 9,5 % des interviewés déclarent ne lire que ceux-ci.
21Si, à propos des émissions des journaux parlés et télévisés, on distingue assistance et manifestation d’intérêt, on en revient à des proportions proches de celle des jeunes qui déclarent s’intéresser à la politique. En effet, 26,4 % déclarent manifester un intérêt à l’émission du journal parlé et 19 % à celle du journal télévisé.
3 – Le niveau d’information politique des jeunes
22La troisième voie par laquelle on a approché l’intérêt des jeunes pour la politique fait directement référence à l’information qui, en rapport avec la politique, a été livrée par les jeunes lors de l’interview.
23On rappellera, à cet égard, qu’ils ont été interrogés successivement sur les problèmes, les hommes et les institutions.
24En raison du fait qu’il serait sans doute fastidieux pour le lecteur, qu’on livre ici le résultat obtenu pour chacune des 25 questions posées à cet égard, on citera, à titre exemplatif, quelques résultats obtenus pour chacune des catégories de questions.
a – L’information sur les problèmes politiques
25La comparaison des résultats obtenus pour les problèmes politiques belges d’une part et, d’autre part pour ceux de l’étranger, fournit les résultats suivants :
26Un fait ressort nettement de ce tableau : la très nette supériorité de l’information relative aux problèmes politiques de l’étranger [4].
27On remarquera, par ailleurs, le défaut de référence à des problèmes strictement locaux.
28En ce qui concerne les problèmes belges, il s’agit surtout et par ordre d’importance décroissante, des problèmes communautaires, des problèmes relatifs à l’emploi et l’expansion économique, des problèmes universitaires….
29En ce qui concerne les problèmes de l’étranger, il s’agit surtout de la guerre au Vietnam et du Moyen-Orient, des manifestations des jeunes…
30On peut se demander pourquoi les problèmes de l’étranger l’emportent avec une telle netteté.
31La référence aux problèmes cités tend à faire attribuer le résultat obtenu au caractère "sensationnel", "violent" des événements auxquels on se réfère. Mais dès lors que l’on propose cette réponse, une autre question surgit : s’il est vrai que le caractère violent des événements cités contribue à favoriser leur perception et leur rétention, pourquoi en est-il ainsi ? A défaut d’autres éléments de preuve et compte tenu de la nature des événements cités on formulera l’hypothèse que le fait que ces événements constituent des violations flagrantes des valeurs que la société veut faire intérioriser aux jeunes, n’est pas sans rapport avec leur rétention. On n’exclura cependant pas non plus et notamment, l’influence du fait que ces problèmes peuvent être particulièrement mis en évidence dans les différents moyens d’information collective…
32On signalera enfin, tant en ce qui concerne l’information sur les problèmes politiques de l’étranger que celle sur les problèmes politiques belges, que 2 % à peine sont capables d’exposer le problème qu’ils évoquent autrement que par une formule fort laconique telle que "la guerre au Vietnam", "la réforme de la Constitution", les rapports wallons-flamands",…
b – L’information sur les hommes politiques
33On citera simplement, à cet égard, quelques résultats. 95,6 % sont incapables de citer un "représentant"(député ou sénateur) P.C.B., 81,8 % un F.D.F.-R.W., 78 % un P.L.P., 82,9 % un P.S.B, 81,9 % un P.S.C.
3455,4 % ignorent le nom du premier ministre et 69,2 % à quel parti il appartient.
35Interrogés sur le parti auquel appartenaient certains hommes politiques, plus de 74 % ont été, dans tous les cas, incapables de répondre. Certains résultats atteignent jusqu’à 92 %.
36Enfin, 48,3 % ignorent le nom de leur bourgmestre et 78 % celui de leur gouverneur.
c – L’information sur les institutions
37Les résultats obtenus ici sont loin d’infirmer les précédents.
38Seuls deux résultats font exception à cette règle : 67,6 % des interviewés connaissent l’âge requis, en Belgique, pour voter et 83 % savent qu’il s’agit là d’une obligation. On remarquera que, parmi les informations abordées avec les interviewés par la troisième voie d’approche, seule l’ignorance des deux dernières est susceptible d’être sanctionnée pénalement.
III – LES FACTEURS SOCIAUX DE L’INTERET DES JEUNES POUR LA POLITIQUE
1 – L’élaboration des hypothèses
39Il ne suffit pas de savoir si les jeunes s’intéressent à la politique, il faut savoir en quoi ceux qui s’y intéressent plus que d’autres se distinguent de ceux-ci à différents égards. Il s’agit donc de tenter d’identifier les principaux facteurs qui pourraient favoriser le développement de cet intérêt.
40Compte tenu du fait que les trois voies d’approche de l’intérêt des Jeunes pour la politique, précédemment citées, concourent apparemment, à la même conclusion et afin, dès lors, d’éviter de s’engager dans un travail fastidieux, on ne prendra en considération, pour la vérification des hypothèses qu’on va formuler, que les résultats obtenus par la troisième voie d’approche.
41On totalisera, pour chacun des interviewés, les informations en rapport avec la politique, qu’il a su livrer lors de l’interview. On classera, ensuite chacun des interviewés en fonction des connaissances ainsi révélées, de part et d’autre du niveau de connaissance moyen de l’ensemble de l’échantillon. On tentera, enfin, de voir si certains facteurs sociaux semblent pouvoir contribuer à l’appartenance des interviewés à l’une ou l’autre des catégories ainsi établies.
42Il faut attirer l’attention sur le fait qu’en dichotomisant de la sorte, on ne distingue, en aucun cas, les bien informés des mal informés. En effet, on ne situe pas, du point de vue de ses connaissances politiques, chacun des interviewés par rapport à une norme idéale mais par rapport aux performances de l’échantillon.
43En ce qui concerne les hypothèses, on s’interrogera d’abord sur le rapport existant entre le degré d’information des interviewés et le sexe d’une part, entre le degré d’information des interviewés et l’âge, d’autre part.
44On formulera également d’autres hypothèses se référant à des milieux culturels souvent considérés comme déterminants du comportement des individus, tels que le milieu scolaire et le milieu familial.
45On tentera enfin de voir quel rapport existe entre le recours aux moyens d’information collective (publications écrites, radio, télévision) et le niveau d’information des jeunes.
2 – Information politique et sexe, âge
46Si on prend le sexe des interviewés en considération, on constate que les garçons sont significativement mieux informés que les filles [5]. 43 % des premiers ont, en effet, une information supérieure à la moyenne de l’échantillon tandis que 32 % des filles sont dans cette situation.
47En ce qui concerne le rapport information-âge, on constate une différence nettement significative [6] si l’on distingue les Jeunes qui ont plus de 18 ans de leurs cadets. 45,6 % des premiers ont une information supérieure à la moyenne contre 30,3 % des seconds.
48On peut ainsi répondre affirmativement à la question posée précédemment [7] : les jeunes au bénéfice desquels on a élargi le droit de vote sont nettement mieux informés que l’ensemble de leurs cadets de la catégorie d’âge 14 à 17 ans accomplis.
49L’analyse révèle, à cet égard, deux autres faits intéressants :
- en deçà de 18 ans, l’information s’accroît progressivement à mesure que l’on monte dans la pyramide des âges,
- si on inclut les jeunes de 17 ans dans la catégorie supérieure, la différence d’information entre les jeunes de 17 ans et plus et leurs cadets, reste significative [8].
3 – Information politique et formation scolaire
50On posera le problème du rapport entre études et information politique de trois manières :
- en distinguant les situations "travail" et "études",
- en distinguant ensuite la nature des études en cours,
- en distinguant, enfin, selon les niveaux et degrés.
a – Travail et études
51Si on compare l’information politique des jeunes au travail à celle des jeunes aux études, on constate une différence très significative [9] en faveur des seconds. 43,8 % de ceux-ci manifestent, en effet, une information supérieure à la moyenne de l’échantillon contre 13,8 % dans le cas des premiers.
52En ce qui concerne ceux-ci, on constate que leur information s’accroît significativement [10] à mesure que la carrière professionnelle s’allonge. L’expérience vécue pourrait avoir un effet compensatoire. Pour vérifier cette hypothèse, il faudrait pouvoir isoler la variable âge de celle relative à la longueur de la carrière professionnelle. Le nombre de fréquences est, dans le cas présent, insuffisant pour que l’on puisse se livrer à cette analyse.
b – Nature des études
53Si on compare l’information des jeunes poursuivant des études de caractère technique à celle des jeunes qui reçoivent une formation à caractère plus général, on constate que 55,9 % de ces derniers manifestent une information supérieure à la moyenne contre 20,2 % en ce qui concerne les premiers.
c – Niveau et degré des études
54L’analyse confirme ce que le tableau suggère, soit un accroissement de l’information avec l’allongement général de la scolarité [11], avec le passage du degré inférieur au degré supérieur, tant pour le moyen technique [12] que pour le moyen général [13] avec le passage, enfin, de l’enseignement moyen à l’enseignement supérieur [14].
4 – Information politique et milieu familial
55On a, ici approché ce rapport, successivement, par deux voies : la formation scolaire du père, d’une part et sa profession, d’autre part.
a – Études du père
56On constate que l’information politique des jeunes est sensiblement corrélée avec les études du père [15] de la même manière qu’elle l’est avec leurs propres études.
b – Profession du père
57Le tableau permet de constater une information nettement supérieure chez les fils de cadres. Viennent après eux et successivement, les jeunes dont le père exerce une profession indépendante, puis ceux dont le père est employé et ouvrier [16]. Cette constatation tend, semble-t-il, à confirmer l’importance du milieu familial.
5 – Information politique et recours aux moyens d’information collective
58Parmi les moyens d’information collective, on a distingué les publications écrites, la radio et la télévision.
59On mettra successivement en rapport, le fait de déclarer lire des articles politiques, écouter le journal parlé et regarder le journal télévisé avec la qualité de l’information des jeunes.
a – Les publications écrites
60On constate une différence significative [17] de l’information de ceux qui déclarent lire des articles politiques. 64,8 % de ceux-ci manifestent qu’ils sont mieux informés que la moyenne de l’échantillon contre 28,7 % parmi ceux qui déclarent ne lire aucun article politique.
61On notera par ailleurs, que 70 % de ceux qui déclarent consulter des journaux politiquement engagés ont une information supérieure à la moyenne tandis que 31 % seulement de ceux qui déclarent n’en pas consulter sont dans ce cas.
b – L’audition des journaux parlés et télévisés
62L’analyse des données nous engage, ici, à faire des constatations semblables à celles faites à propos des publications écrites.
63En effet, en ce qui concerne la radio [18], 50,5 % de ceux qui déclarent écouter le journal parlé ont un résultat supérieur à la moyenne alors que 16,4 % de ceux qui déclarent ne pas l’écouter sont dans cette situation.
64Il semble bien, d’ailleurs, que la qualité de l’information s’accroisse en même temps que s’accroît la fréquence d’audition du journal parlé. En effet, si on distingue ceux qui déclarent l’écouter régulièrement de ceux qui déclarent l’écouter irrégulièrement, on constate une différence significative [19] en faveur des premiers. 62,5 % de ceux-ci ont une information supérieure à la moyenne contre 41,7 % des autres.
65Les mêmes constatations avec des résultats assez semblables peuvent être faites à propos de l’audition du journal télévisé. 51,8 % de ceux qui l’écoutent ont une information supérieure à la moyenne contre 16,4 % en faveur de ceux qui ne l’écoutent pas [20]. 74,2 % des jeunes qui déclarent y assister régulièrement ont une information supérieure à la moyenne [21] contre 41 % de ceux qui le font avec moins de régularité.
IV – LES PROCESSUS SUIVIS
66On voudrait tenter de répondre ici à deux questions :
- comment se développe l’information politique chez les jeunes ?
- comment les jeunes choisissent-ils le parti pour lequel ils vont voter ?
1 – Comment se développe l’information politique chez les jeunes ?
67De l’analyse de l’information politique dont les jeunes ont rendu compte lors de l’interview, 3 types ressortent nettement :
- ceux qui (18,1 %) ont des connaissances sur les problèmes uniquement,
- ceux qui (36,2 %) ont des connaissances sur les problèmes et les hommes,
- ceux qui (25,1 %) ont des connaissances sur les problèmes, les hommes et certaines institutions.
68On peut se demander, d’une part, s’il ne s’agit pas là de trois étapes d’un processus conduisant certains jeunes d’une approche unidimensionnelle de la politique vers une approche plus large, plus globale et, d’autre part, quels seraient les facteurs sociaux favorisant la progression dans ce processus.
69On constatera d’abord une différence significative quant à la manière d’aborder la politique, entre les jeunes poursuivant des études techniques et ceux poursuivant des études à caractère plus général, 42,4 % des premiers rendent compte d’une information politique se référant aux problèmes et aux hommes ; 38,4 % aux problèmes uniquement et 19 % aux problèmes, aux hommes et aux institutions simultanément. 48,6 % des seconds rendent compte d’une information politique se référant aux problèmes et aux hommes, 13,2 % aux problèmes uniquement et 38,2 % aux problèmes, aux hommes et aux institutions.
70On le constate, la vision des phénomènes politiques s’élargit, se globalise chez les jeunes poursuivant des études à caractère plus général [22].
71Si on compare les voies d’approche en fonction des niveaux et degrés d’enseignement, on obtient les résultats suivants :
72En ce qui concerne l’enseignement moyen technique [23], on constate une orientation vers une information plus globale quand on passe du degré inférieur au degré supérieur ; le recours à la deuxième voie d’approche ayant plus que quintuplé tandis que la troisième voie a cependant légèrement régressé.
73Si on envisage le problème au niveau de l’enseignement moyen général, on constate une différence significative [24] également, lorsqu’on passe du degré inférieur au supérieur.
74Les voies d’approche plus complexes ont donc progressé d’un degré à l’autre. Il en est de même lorsqu’on passe de l’enseignement moyen à l’enseignement supérieur [25].
75L’hypothèse d’un processus qui va dans le sens d’un élargissement des points de vue considérés (problèmes, hommes et institutions) et qui soit en rapport avec la scolarité semble donc pouvoir être retenue.
76D’autre part, il se peut que le net progrès de la troisième voie d’approche, constaté au niveau de l’enseignement supérieur, ne soit pas sans rapport avec le contenu de la formation, dans certaines sections appartenant à ce type d’enseignement.
2 – Comment les jeunes choisissent-ils le parti pour lequel ils vont voter ?
77Avant d’aborder la manière dont le jeune choisit et les facteurs en rapport avec le mode de choix, il apparaît intéressant de s’interroger sur l’importance du nombre de jeunes qui ont choisi, d’une part, et, d’autre part, sur les facteurs en rapport avec la décision de choisir.
78On posera donc ici quatre questions :
- quelle est la proportion des jeunes qui ont choisi le parti pour lequel ils vont voter le 11 octobre 1970 ?
- quels sont les facteurs sociaux en rapport avec la décision de choisir ?
- comment le jeune choisit-il ?
- quels sont les facteurs en rapport avec le mode de choix ?
a – Quelle est la proportion de jeunes avant choisi le parti pour lequel ils vont voter en 1970 ?
79De l’ensemble de l’échantillon, 55,8 % déclarent avoir choisi le parti pour lequel ils veulent voter alors que, comme on l’a vu, 31 % seulement déclarent s’intéresser à la politique, que 20 à 30 % marquent un intérêt pour les informations politiques diffusées par les moyens d’information collective et que un peu plus de 1/3 manifestent un niveau d’information supérieur à la moyenne de l’échantillon.
b – Quels sont les facteurs sociaux en rapport avec la choisir ?
80La première question qu’on se posera est la suivante : ceux qui vont devoir voter prochainement sont-ils plus nombreux que les autres à avoir choisi un parti pour lequel voter ?
81Le nombre des jeunes de l’échantillon, âgés de 18 ans et plus et déclarant avoir choisi un parti est significativement [26] plus élevé que celui de leurs cadets dans la même situation.
82En dépit de cette constatation, il faut signaler que la proportion des jeunes de 18 ans et plus, qui ont choisi un parti, reste faible, soit 51,7 %.
83Si on se réfère à la formation scolaire du jeune, on constate une différence significative [27] entre les jeunes de l’enseignement moyen général dont 46,4 % déclarent avoir choisi et ceux de l’enseignement technique dont 18,7 % déclarent avoir choisi.
84L’analyse révèle par ailleurs que, s’il n’y a pas de différence significative entre le degré inférieur et le degré supérieur du moyen général, les jeunes appartenant au premier sont significativement [28] plus nombreux que ceux du degré inférieur du moyen technique à avoir choisi.
85On peut donc en conclure que les jeunes de l’enseignement moyen général choisissent plus tôt que ceux de l’enseignement technique.
86En ce qui concerne la relation avec le milieu familial, approché par la profession du père, on constate que ce sont les fils et filles d’ouvriers qui sont les plus nombreux à n’avoir pas choisi [29]. 82,9 % de ceux-ci sont en effet dans ce cas contre 53,8 % chez les fils d’employés et cadres et 56,7 % chez les fils et filles d’indépendants. On signalera à propos de ces deux dernières catégories, que la différence constatée entre elles n’est pas significative.
87Le recours à l’information politique diffusée par les moyens d’information collective permet de constater que les jeunes qui assistent régulièrement à l’émission du journal parlé [30] ou à celle du journal télévisé [31] sont significativement mieux informés que ceux qui n’y assistent pas.
c – Comment le jeune choisit-il %
88Invités à expliquer comment ils en sont arrivés à faire le choix qu’ils ont fait, 42,8 % ont été incapables de fournir la moindre information sur ce qui peut les avoir guidés dans leur choix.
89Restent 57,2 % qui, déclarant avoir choisi un parti, ont été capables d’expliquer, fut-ce fort sommairement, leur processus de prise de décision.
90De l’ensemble de ces derniers, 41,5 % déclarent s’être informés à diverses sources et avoir confronté les opinions recueillies avant d’effectuer leur choix. 50,9 % déclarent s’être soumis sans guère de discussion à l’avis de leurs parents et 7,6 % à celui de connaissances ou d’amis.
91On pourrait de ceci dégager deux types de processus de prise de décision ou, dant la mesure où pour certains on peut à peine parler de processus, tant celui-ci a été bref, deux types de comportement : un comportement d’assez nette dépendance de la part de 58,5 % des interviewés ayant répondu à cette question et un comportement d’assez nette indépendance affirmé par le reste de ceux-ci.
d – Quels sont les facteurs sociaux en rapport avec le mode de choix ?
92Du point de vue du comportement de choix, les jeunes en âge de voter ne se comporteraient pas différemment de leurs cadets.
93Par contre, si on prend la formation scolaire en considération, on constate un comportement qui paraît plus indépendant chez les jeunes poursuivant des études moyennes générales [32]. C’est le cas de 51,2 % de ceux-ci contre 31,8 % de ceux qui ont fait des études moyennes techniques.
94Si on compare les résultats selon les degrés de chaque type d’enseignement, on constate, tant pour l’enseignement moyen technique que pour le moyen général, que les jeunes des degrés supérieurs sont significativement [33] plus nombreux à manifester un comportement indépendant.
95Par contre, les jeunes de l’enseignement supérieur n’auraient pas un comportement significativement différent de ceux du cycle supérieur de l’enseignement moyen. Cette constatation peut étonner quand on sait que le moyen inclut, dans ce dernier cas, les deux types d’enseignement. Ceci semble pouvoir indiquer que l’apprentissage de l’un ou l’autre type de comportement est, pour la plupart, définitivement fixé à un plus jeune âge.
96Afin de contrôler cette hypothèse, il eût été, sans doute, intéressant de pouvoir comparer les présentes données avec celles qu’aurait pu fournir une observation portant sur des catégories d’âges se situant au delà des 20 ans accomplis qui constituent la limite supérieure de l’échantillon.
97Si on se réfère à la variable "travail", on constate d’abord que ceux qui travaillent sont significativement [34] plus nombreux à manifester un comportement indépendant. 45,1 % d’entre eux sont dans cette situation tandis que 35,7 % des jeunes aux études y sont. Cette constatation peut étonner après qu’on ait vu, d’une part, la moins grande indépendance des jeunes de l’enseignement technique et, d’autre part, le défaut d’influence de la variable âge. On peut se demander si le travail n’aurait pas un effet compensatoire. L’accroissement significatif [35] du comportement indépendant à mesure que s’allonge la carrière professionnelle tendrait à confirmer cette hypothèse.
98En ce qui concerne le rapport comportement de choix et milieu familial, approché par la profession du père d’une part et par les études de celui-ci, d’autre part, on signalera qu’aucune relation significative n’a pu être observée.
99Si on prend en considération le recours aux moyens d’information collective, on constate une nette relation entre la consultation des articles politiques [36], celle des journaux parlés [37] et télévisés [38] d’une part et l’indépendance manifestée dans le comportement de choix du parti d’autre part.
10075 % des jeunes qui déclarent consulter des articles politiques ont un comportement indépendant contre 40,5 % de ceux qui n’en consultent pas.
10141,2 % des jeunes écoutent le journal parlé et 56,25 % de ceux qui écoutent le journal télévisé ont un comportement indépendant tandis que 27,2 % de ceux qui n’écoutent pas le journal parlé et 25 % de ceux qui n’écoutent pas le journal télévisé manifestent ce type de comportement.
102On ne s’étonnera pas de constater l’importance que revêt la consultation d’articles politiques. En effet, alors que l’audition du journal parlé ou télévisé peut être, dans une certaine mesure, dépendante de l’insertion de ceux-ci dans un programme dont les autres éléments peuvent motiver l’audition à l’heure des informations politiques, il semble que la consultation d’articles politiques puisse faire davantage l’objet d’un choix plus délibéré, motivé par un intérêt particulier pour la politique.
V – QUELQUES CONCLUSIONS
1 – Les limites de la recherche
103Deux types de limites seront ici distingués : limites dues aux matériaux recueillis d’une part et limites dues au champ d’observation, d’autre part.
a – Limites des matériaux récoltés
104La prudence s’impose dans l’exploitation des données récoltées. Tous les chiffres cités se réfèrent, en effet, aux déclarations des interviewés. On peut, par conséquent, se demander ce qu’ils valent ou, plus exactement, quelle est la signification à leur donner ainsi qu’aux matériaux dont ils sont issus.
105Qu’il s’agisse de demander aux jeunes s’ils s’intéressent à la politique, de leur demander quel recours ils font aux moyens d’information collective ou de les interroger sur ce qu’ils savent des phénomènes politiques, on aboutit chaque fois à des proportions assez semblables. Ceci engage à penser que les deux premières voies d’approche utilisées et notamment la première dont on a dit, au début de la recherche, que si elle était la plus simple, elle était aussi la moins sûre du point de vue de son efficacité, étaient d’une précision assez égale à la troisième qui consiste à dégager l’intérêt pour la politique des connaissances que les jeunes manifestent sur ce sujet.
106Ce qui engage à cette conclusion est, sans doute, bien moins le fait qu’on aboutisse par les trois voies d’approche à des proportions assez semblables que le fait que ce sont ceux-là qui disent s’intéresser à la politique qui recourent le plus aux moyens d’information de masse et qui manifestent les meilleures connaissances sur les phénomènes politiques.
107Il n’en reste pas moins qu’on peut s’interroger sur le sens à accorder à ces faits ainsi que sur celui des pourcentages relatifs aux jeunes de plus de 18 ans qui déclarent ne pas avoir choisi leur parti, qui sont incapables d’expliquer leur choix ou sur ceux qui semblent manifester, à cet égard, une assez nette dépendance.
108Pour le dernier point cité, on peut se demander s’il s’agit bien de dépendance réelle ou d’une simple déclaration de dépendance faite à l’occasion de l’interview, en vue de se soumettre à un modèle attendu. S’il est important de savoir si le processus effectif de choix est bien conforme à celui qui a été déclaré, la référence aux parents n’en manifeste pas moins une certaine dépendance générale à l’égard de ceux-ci, même pour les cas où le choix n’aurait pas été effectué de cette façon.
109Mais à une époque où l’autorité est de plus en plus contestée et alors que l’interview se déroulait le plus souvent en l’absence des parents et était administrée par un jeune, on ne croit guère que les conditions aient été réunies pour engager un grand nombre de jeunes à une manifestation particulière de dépendance si tel n’était pas le cas.
110On peut sans doute tenir le même raisonnement en ce qui concerne ceux qui déclarent n’avoir pas encore choisi et ceux qui ne parviennent pas à justifier leur choix. Ceci paraît d’autant plus vraisemblable que dans chacun de ces cas, on a précisé à l’interviewé qu’on ne lui demanderait pas quel parti il avait choisi.
111Si la situation est bien telle qu’on a des raisons de supposer qu’elle est, une autre conclusion semble encore devoir s’imposer ; à savoir le fait que le comportement politique des jeunes est dans une grande mesure déterminé et échappe à la rationalité. On peut d’ailleurs se demander si dépendance et défaut de rationalité ne sont pas plus importants qu’il n’y paraît à première vue. Il n’est en effet pas exclu que, parmi les interviewés qui ont déclaré avoir confronté les informations dont ils disposaient avant de choisir, certains aient été engagés à rationaliser leur processus de choix après que celui-ci ait déjà été effectué.
112En ce qui concerne les autres questions dont l’objet était de renseigner sur l’intérêt des jeunes pour la politique, c’est-à-dire celles où l’on demande au jeune s’il s’intéresse à celle-ci, quel recours il fait aux moyens d’information collective et celles qui doivent renseigner sur son degré d’information, on peut se demander si, en dépit de ce qui vient d’être dit plus haut, les réponses enregistrées ne renseignent pas en tout ou en partie sur les réticences que certains ont à parler de politique ou sur les difficultés que certains ont à exprimer leur pensée. Ainsi, comment expliquer autrement les résultats des jeunes qui font des études techniques ou qui sont fils ou filles d’ouvriers ? Ne pourrait-on s’attendre, au contraire, à ce que vivant dans un milieu ouvrier, ces jeunes soient, particulièrement politisés dans la mesure où dans ces milieux, on est, peut-être, particulièrement conscient de la dépendance du sort du travailleur à l’égard de la décision politique. On a tenté d’approcher la politisation du milieu familial en se référant aux conversations qui se tiennent généralement dans celui-ci. L’analyse n’a pas montré que ces milieux étaient plus politisés que d’autres.
113Que le silence observé à propos de beaucoup de questions soit dû, comme on le prétend parfois, à des difficultés plus grandes de verbalisation de la part de certains milieux, qu’ils soient familiaux ou scolaires, paraît, ici, peu probable dans la mesure où les questions permettaient souvent une réponse brève.
114Que cela tienne à un modèle culturel en fonction duquel il est prudent, selon certains, de ne pas parler politique avec des étrangers, ne paraît pas tout à fait exclu. On ne veut pas dire par là que les études de caractère général ne puissent avoir la fonction vue plus haut, qui expliquerait les différences constatées dans les performances des uns et des autres. Ce qui paraît probable, c’est, au moins, que les réticences de certains aient pu jouer en leur défaveur.
115Les marques de méfiance n’ont d’ailleurs pas été inexistantes lors de l’interview. Si on ne peut tenir pour manifestations de défiance toute hésitation à répondre, que peut justifier la nécessité de réfléchir, d’autres manifestations ont paru moins équivoques à cet égard.
116Mais on ne peut non plus exagérer l’importance de ce phénomène car on ne dispose pour étayer l’hypothèse que de témoignages fragmentaires rapportés par quelques interviewers.
117Par ailleurs, si l’on peut penser que la prudence puisse avoir engagé certains à répondre négativement à la question "vous intéressez-vous à la politique", on comprendrait moins bien pourquoi ils auraient manifesté la même prudence à l’égard de questions qui engagent aussi peu à livrer son opinion politique que celles interrogeant les problèmes et les hommes, notamment, à moins que celles-ci aient été considérées par les interviewés comme des voies détournées ou des questions appelant des réponses susceptibles d’être retenues comme indicatrices de l’opinion politique des intéressés.
b – Limites du champ d’observation
118Le champ d’observation de cette recherche a subi une double limitation : une tenant à l’aire géographique dans laquelle l’observation a été entreprise et l’autre tenant au type particulier d’individus observés.
119Dès lors, la réponse à la question "pour qui valent les conclusions de la présente recherche" paraît facile à formuler : "pour les jeunes de 14 à 21 ans domiciliés à Liègel".
120On peut cependant se demander si, en dépit de cette limitation d’ordre territorial, la ville de Liège présente une situation à ce point spécifique qu’il faille restreindre la portée des conclusions à celle-ci. Certes, seule une recherche portant sur la population de l’ensemble des jeunes de Belgique pourrait permettre de répondre avec précision à cette question.
121Cependant, la situation ne paraît pas devoir être à ce point différente ailleurs, que l’on ne puisse, sur l’essentiel, généraliser nombre de conclusions à un niveau plus large.
122Quelles sont les raisons que l’on aurait de penser que, dans le reste de la Belgique, l’intérêt pour la politique est significativement différent de celui constaté à Liège, que les facteurs sociaux intervenant à Liège n’interviendraient pas ou interviendraient fort différemment ailleurs, que le processus par lequel on aborde la politique ailleurs serait différent d’ici, que les jeunes seraient plus nombreux à avoir choisi leur parti ou qu’il l’auraient choisi fort différemment ?
123Ce qui échappe à notre échantillon paraît essentiellement être une population de type rural. Mais existe-t-il encore chez nous des jeunes que l’on puisse caractériser valablement par l’appellation "rural" comme on le pouvait, précédemment, à propos de leurs parents ? …
124Existe-t-il, même dans les campagnes, une population de jeunes dont les contacts soient tellement rares et superficiels avec le monde urbain et les problèmes que celui-ci rencontre, par le moyen de l’information collective, notamment, que l’on puisse s’attendre à faire des constatations fort différentes à leur sujet ?
125Peut-être ces jeunes viendraient-ils, éventuellement, renforcer l’effectif de ceux qui manifestent un comportement de dépendance mais il est peu probable qu’ils manifestent un intérêt plus important pour la politique que ne le font les jeunes qui constituent notre population avec lesquels ils partagent, d’ailleurs, les mêmes moyens d’information collective. On doute que beaucoup de ruraux vivent encore, surtout parmi les jeunes, en contact avec un champ de communication fort limité que tendent à faire éclater le milieu scolaire et le milieu de travail notamment. A supposer que l’on puisse encore caractériser les rapports de certains par la formule traditionnelle mais sans doute désuète qui consiste à parler de "la personnalisation des rapports sociaux en milieu rural", il faudrait, tout au plus s’attendre à une manifestation d’intérêt qui pourrait être plus importante à l’égard des problèmes strictement locaux…
126C’est cependant avec la plus extrême prudence que l’on peut se proposer de dépasser, du point de vue géographique, le champ d’observation de la présente recherche. Les possibilités de généralisation entrevues ne peuvent en tout état de cause qu’appartenir au domaine de l’hypothèse. La même prudence nous interdira, cette fois, toute tentative de généralisation, à l’ensemble des électeurs belges de tous âges.
2 – L’intérêt des jeunes pour la politique
127En ce qui concerne la manière dont les jeunes abordent la politique, il semble bien que l’on puisse parler d’un processus en rapport, notamment, avec les types et degrés de formation scolaire et qui, partant d’une approche unidimensionnelle des phénomènes politiques ayant les problèmes pour point de départ, conduirait certains jeunes vers une approche plus globale comprenant les problèmes et les hommes d’abord, auxquels viendraient s’ajouter les institutions ensuite.
128En ce qui concerne le choix d’un parti, on insistera surtout sur la proportion importante de jeunes qui, bien qu’en âge de voter n’ont pas encore choisi, soit 48,3 % ; sur la grande proportion de ceux qui ayant choisi sont incapables d’expliquer comment ils en sont arrivés au choix qu’ils ont fait, soit 42,8 %, ainsi que sur l’importante proportion de ceux qui manifestent, dans leur choix, une assez nette dépendance, soit 50,9 % de ceux qui justifient leur choix.
129On peut d’ailleurs se demander si, comme on l’a dit plus haut, la dépendance n’est pas plus importante qu’il y paraît ici [39].
130Si on veut conclure en ce qui concerne l’intérêt des jeunes pour la politique, il semble que l’on puisse dire qu’une partie importante de la jeunesse est indifférente à la politique. On vient de le rappeler, même les jeunes en âge de voter semblent être dans cette situation.
131Par ailleurs, il faut rappeler aussi que les trois voies d’approche de l’intérêt des jeunes pour la politique concourent toutes à cette conclusion en aboutissant à des résultats assez semblables pour l’ensemble de la population étudiée : 31 % se déclarent non intéressés par la politique, 1/3 à 1/5 déclarent consulter des articles traitant de politique ou suivre avec intérêt l’émission du journal parlé ou du journal télévisé et, comme on l’a vu, plus de 70 %, dans la plupart des cas, sont incapables de répondre aux questions ayant pour but de contrôler leur information politique.
132A ce dernier égard, il est d’ailleurs possible que le niveau réel d’information des jeunes se situe légèrement en deçà des résultats enregistrés. Le libellé de certaines questions a pu permettre, en effet, à l’interviewé de donner une réponse exacte alors même qu’il ignorait celle-ci. C’est le cas, par exemple, en ce qui concerne les questions où il s’agissait de dire à quel parti l’homme politique cité appartient.
133Deux autres constatations valent d’être rappelées ici parce qu’elles contribuent à préciser les précédentes :
- on a vu, d’une part, qu’à partir de 17 ans, l’information des jeunes était sensiblement égale à celle des jeunes de 18 à 21 ans et significativement supérieure à celle de leurs cadets,
- on a vu, d’autre part, que ce sont particulièrement les problèmes politiques et, parmi eux, principalement les problèmes de l’étranger qui retiennent l’attention tandis que les problèmes locaux ne sont pratiquement jamais mentionnés.
3 – Las principaux facteurs sociaux
134Sans vouloir minimiser l’importance du facteur sexe qui n’a pas paru importante ni celle de l’âge qui l’est davantage, c’est pourtant la formation scolaire, le milieu familial et le recours aux moyens d’information collective qui retiendront ici notre attention.
135A propos de la formation scolaire, un fait est constant tout au long de l’analyse : c’est l’importance de la distinction entre types de formation à caractère général d’une part, technique d’autre part, et, dans une moindre mesure, la distinction des degrés dans chaque type.
136Si la formation scolaire favorise l’information politique, il faut cependant signaler à propos de ceux qui sont au travail, que l’allongement de la carrière professionnelle pourrait avoir un effet compensatoire.
137On peut se demander, notamment, pourquoi, en ce qui concerne la qualité de l’information politique, celle des jeunes poursuivant une formation de caractère plus général est plus grande que celle des Jeunes du technique. Cela paraît d’autant plus étonnant que dans aucun des cas, les problèmes politiques ne sont systématiquement inclus dans le contenu des programmes. Cela ne tient-il pas au fait que la moindre spécificité du moyen général par rapport au moyen technique fait faire davantage l’apprentissage de ce qui n’est pas le plus directement exploitable dans le cadre d’une formation, c’ est-à-dire au défaut d’orientation professionnelle précise ? De la sorte, cet apprentissage favoriserait la connaissance des phénomènes politiques sans même que ceux-ci aient besoin d’être abordés en classe.
138Si, prenant en considération le moyen général, il est permis de penser que l’orientation vers la spécificité est plus grande en "modernes" qu’en "latines" et si le rapport constaté [40] entre cette dernière distinction et les connaissances politiques peut avoir le sens qu’on croit, l’hypothèse précitée pourrait être retenue.
139On ne peut cependant exclure un autre facteur dont l’influence pourrait bien agir dans le sens précité. En effet, il n’est pas exclu qu’une moindre propension à penser à la profession dès ce moment ou, du moins, à la choisir, engage les jeunes agissant dans un système scolaire qui favorise cette attitude, à s’intéresser davantage à un plus grand nombre de centres d’intérêt. Il se pourrait même que ce qui caractérise le plus ces jeunes soit moins un nombre plus grand de centres d’intérêts qu’une plus grande propension à restituer des faits particuliers dans un ensemble plus vaste ; ce qui expliquerait les nombreux centres d’intérêt et particulièrement l’orientation plus grande vers les phénomènes politiques.
140Une autre hypothèse vient à l’esprit sans, pour autant, exclure l’intervention, selon des degrés divers, des facteurs précités. On peut, en effet, se demander si la relation du phénomène étudié avec le milieu familial et la formation scolaire ne constituent pas une seule relation et si, par conséquent, l’importance de la formation scolaire, en l’occurence, telle qu’elle ressort de l’analyse, ne tient pas surtout à une nette corrélation entre milieu familial et formation scolaire, le premier déterminant le second, plus qu’à une influence simultanée de l’un et l’autre. En d’autres termes, n’est-ce pas le milieu familial qui est la variable déterminant à la fois un certain intérêt du jeune pour la politique et le type de formation suivi ?
141Ce qu’on savait déjà par ailleurs du déterminisme scolaire en fonction du milieu familial du jeune et la constatation, dans cette recherche, d’un déterminisme de cette nature [41] liant profession du père et nature des études du fils ou de la fille, engagent à prendre sérieusement en considération l’hypothèse précitée.
142Cependant, si poussant plus loin l’analyse des données recueillies, et si, neutralisant successivement la variable "profession du père" puis la variable "formation scolaire", on met en rapport, dans le premier cas, formation scolaire du jeune et information politique et, dans le second, profession du père et information politique du jeune et ses études qu’entre cette information et la profession du père.
143S’il en est ainsi, on ne se trouverait dès lors pas simplement, comme on vient de le suggérer, en présence d’une variable "milieu familial" déterminant d’une part la formation et d’autre part l’information politique du jeune, mais en présence d’une structure dans laquelle le milieu familial déterminerait l’orientation scolaire qui, elle-même, déterminerait l’information politique, sans exclure cependant et pour autant, une influence familiale qui interviendrait à un moindre degré.
144Dans ce cas, les hypothèses suggérées en vue d’expliquer la relation formation scolaire et information politique garderaient toute leur raison d’être.
145En ce qui concerne l’influence des moyens d’information collective, on dira qu’elle est aussi partout présente. On soulignera par ailleurs que certains semblent bien avoir une influence indépendamment de l’intérêt pour la politique manifesté par ceux qui y ont recours.
Notes
-
[1]
Cf. p. 22.
-
[2]
Cf. p. 9. 10. 16.
-
[3]
Cf. p. 25.
-
[4]
X2 significatif à 0.01.
-
[5]
X2 significatif à 0.20.
-
[6]
X2 significatif à 0.05.
-
[7]
Cf. p. 4.
-
[8]
X2 significatif à 0.10.
-
[9]
X2 significatif à 0.01.
-
[10]
X2 significatif à 0.01.
-
[11]
X2 significatif à 0.02.
-
[12]
X2 significatif à 0.01.
-
[13]
X2 significatif à 0.01.
-
[14]
X2 significatif à 0.10.
-
[15]
X2 significatif à 0.01.
-
[16]
X2 significatif à 0.01.
-
[17]
X2 significatif à 0.02.
-
[18]
X2 significatif à 0.10.
-
[19]
X2 significatif à 0.05
-
[20]
X2 significatif à 0.01
-
[21]
X2 significatif à 0.01
-
[22]
X2 significatif à 0.01
-
[23]
X2 significatif à 0.01.
-
[24]
X2 significatif à 0.01.
-
[25]
X2 significatif à 0.05.
-
[26]
X2 significatif à 0.05.
-
[27]
X2 significatif à 0.01.
-
[28]
X2 significatif à 0.01.
-
[29]
X2 significatif à 0.01.
-
[30]
X2 significatif à 0.10.
-
[31]
X2 significatif à 0.05.
-
[32]
X2 significatif à 0.10.
-
[33]
X2 significatif à 0.10 dans les deux cas
-
[34]
X2 significatif à 0.02.
-
[35]
X2 significatif à 0.10.
-
[36]
X2 significatif à 0.05.
-
[37]
X2 significatif à 0.02.
-
[38]
X2 significatif à 0.01.
-
[39]
Cf. 20
-
[40]
Les jeunes de "latines" sont significativement mieux informés que ceux de "modernes" X2.significatif à 0.20.
-
[41]
X2 significatif à 0.01.