Couverture de CRIS_349

Article de revue

La manifestation de Charleroi le 12 décembre 1966 et ses implications régionales

Pages 1 à 22

Notes

  • [1]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 91 du 13 janvier 1961 et n° 113 du 2 juin 1961.
  • [2]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 3, 23 janvier 1959.
  • [3]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 91 lu 13 janvier 1961 et n° 113 du 2 juin 1961.
  • [4]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 317 du 22 avril 1966 et Courrier Hebdomadaire, n 324 du 17 juin 1966.
  • [5]
    On trouvera les textes de ces discours respectivement dans le Journal de Charleroi et Le Peuple du 13 décembre 1966 et dans Au Travail du 17 décembre et La Cité du 13 décembre.
  • [6]
    Voir Au Travail, 17 décembre 1965, page 8.
  • [7]
    Voir De Peuple, 13 décembre 1966.
  • [8]
    Chambre, Compte rendu analytique, 13 décembre 1966, p. 142.
  • [9]
    Voir C.R.I.S.P., Courriers Hebdomadaires 317 du 24 avril 1966, 324 du 17 juin 1966, 327 du 5 juillet 1966 et 329-330 du 22 juillet 1966.
  • [10]
    L’arrondissement de Charleroi ne coïncide pas exactement avec ce qu’il est convenu d’appeler la région de Charleroi.
  • [11]
    Population de l’agglomération de Charleroi : environ 450.000 habitants. Proportion d’étrangers dans la population totale : 18 % ; dans la population active : 16 %.

1La manifestation de Charleroi le 12 décembre 1966 en faveur de la reconversion économique de la région marque à la fois un aboutissement et un point de départ.

2Elle est un aboutissement d’un malaise croissant dans les industries de la région qui ne se renouvellent pas et se contractent peu à peu ; les travailleurs voient des usines et des ateliers se fermer et les industries qui subsistent aux prises avec des difficultés d’écoulement des produits, ce qui provoque du chômage.

3Elle est aussi un point de départ, d’une part en raison de l’esprit qui l’a caractérisée, aussi bien dans le chef des organisateurs que dans le chef des participants, et d’autre part en raison de la déclaration commune qui l’a clôturée et de l’action qui la prolonge.

4Il faut donc passer en revue tout ce qui a précédé et a constitué la préparation lointaine de la manifestation, ensuite la décision de la manifestation et son climat, enfin la manifestation elle-même et ses prolongements. Ce seront les quatre grandes parties de la présente étude qui sera complétée par un chapitre de conclusions développant les changements significatifs dont cette manifestation a été le signe.

I – Antécédents

5La grève de 1960-61 contre la loi unique [1] avait déjà constitué une première prise de conscience des difficultés économiques qui menaçaient la Wallonie. En 1958 et surtout en 1959, les fermetures de charbonnages avaient affecté gravement le Borinage [2] et des réactions s’étaient déjà manifestées. La grève de décembre 1960-janvier 1961 déclenchée contre la "loi unique", qui a davantage joué dans cette affaire un rôle de catalyseur de revendications et de malaises préexistants, est principalement due aux restrictions d’emplois et aux sombres perspectives d’avenir.

6Il n’est pas sans intérêt de rappeler que cette grève générale a démarré par la grève des agents des Services Publics - agents communaux, enseignants - et qu’elle a été suivie directement par des décisions prises à la base dans les usines et souvent en opposition avec la position officielle des directions syndicales ; dès le 19 décembre, les A.C.E.C. (Ateliers de Constructions Électriques de Charleroi) décidaient de se joindre au mouvement et le 20 décembre, les ouvriers des A.C.E.C. défilaient dans Charleroi ; ils étaient rapidement suivis par les métallurgistes liégeois et ainsi le mouvement prenait tout à coup une ampleur considérable, comme un tissu qui se déchire d’un coup dès qu’une amorce de rupture s’est faite [3].

7Dans son aboutissement, cette grève avait permis une prise de conscience wallonne, davantage située au niveau global et au niveau institutionnel, voire politique, qu’au niveau des problèmes de reconversion économique. Ceci est surtout vrai pour des régions comme Charleroi et Liège qui jusqu’alors n’avaient pratiquement pas encore subi les effets d’un déclin économique pourtant amorcé.

8Les années qui ont suivi ont été marquées par la poursuite de cette action wallonne associée aux "réformes de structure", expression très générale et dont le contenu n’a jamais été concrètement exprimé. Cette action s’est manifestée au travers de mouvements spécialisés tels que le Mouvement Populaire Wallon, Rénovation Wallonne, etc….

9Mais les mouvements ouvriers eux-mêmes ne pouvaient plus échapper au problème régional et l’abordaient à diverses occasions. Désormais d’ailleurs, la question "wallons-flamands" allait se trouver au centre de tout problème quel qu’il fût.

10La perspective des élections de mai 1965 allait d’ailleurs faire s’opposer publiquement les mouvements wallons et les mouvements de gauche. Mais les partis traditionnels avaient pu maintenir ou même pour certains refaire une unité menacée, mais sauf pour le Borinage, ils n’avaient guère abordé jusqu’alors les problèmes économiques régionaux.

11Dans la région de Charleroi, la dégradation de la situation économique à partir de la fin de 1964 allait réamorcer les revendications régionales.

12En dehors des organisations syndicales, des mouvements wallons et des mouvements de gauche, les préoccupations régionales n’ont guère été le fait, à Charleroi, d’autres mouvements ou groupes sociaux, jusqu’il y a peu de temps.

13Il a fallu l’accentuation du déclin économique de la région pour que l’on voie naître différentes initiatives, tendant toutes à étudier les problèmes régionaux et les solutions à mettre en œuvre.

14Trois d’entre elles méritent d’être signalées : la création d’une commission d’étude des problèmes régionaux fonctionnant à l’initiative du CHAP (Centre du Hainaut pour l’Accroissement de la Productivité) depuis le début de 1965 jusque vers le milieu de 1966 ; un colloque sur Charleroi en l’an 2.000 organisé par la Jeune Chambre économique de Charleroi, et enfin la constitution et les travaux de l’ADEC (Association Intercommunale pour l’aménagement du territoire et le développement économique et social des régions de l’Est et du Sud du Hainaut) [4].

15La situation critique delà sidérurgie d’une part et des principales entreprises de constructions mécaniques et métalliques d’autre part inquiétait de plus en plus les organisations syndicales, surtout au niveau des responsables régionaux. Mais ceux-ci avaient l’impression que les travailleurs n’étaient pas mobilisables à ce moment sur les questions d’avenir régional et qu’il fallait des préparer à une action.

16L’action syndicale s’est alors développée dans deux directions parallèles : d’une part, une action de "prise de conscience" par la presse syndicale, les réunions et les mots d’ordre et, d’autre part, une action d’approche auprès des organisations patronales régionales de ces deux secteurs en difficultés.

17En novembre et décembre 1965 se tenaient à Charleroi deux rencontres présidées par le Gouverneur de la Province, ayant autour de lui des représentants des deux organisations syndicales et des représentants des organisations patronales de la sidérurgie et des fabrications métalliques. Deux rapports y ont été présentés ; l’un, émanant de la F.G.T.B., avait un caractère d’étude générale des problèmes régionaux ; l’autre émanait de la C.S.C. et constituait une étude de la sidérurgie carolorégienne concluant à des mesures de rationalisation concrètes. Ces deux rencontres se sont limitées à un échange d’arguments et n’ont pas eu de suite à ce jour.

18Il faut néanmoins en retenir l’orientation nouvelle de l’action syndicale ; celle-ci dépasse le stade de la revendication immédiate pour aborder l’étude de solutions concrètes, tant au plan économique que technique. Le cas est typique pour l’étude faite par la Fédération C.S.C. de Charleroi sur le problème sidérurgique. Il est important de noter dès à présent cet aspect constructif et cette volonté de coopération de la part des organisations syndicales.

19Il ne faut pas négliger non plus l’action de mouvements davantage politiques, comme le Parti Wallon ou le Parti communiste et le parti communiste wallon qui, dans la région, peuvent atteindre des publics assez divers et sont très actifs.

II – La décision de la manifestation

20Les événements de mai et juin 1966 allaient être l’occasion d’envisager l’organisation d’une manifestation. Rappelons-les rapidement : difficultés dans la sidérurgie et annonce de la fusion de Cockerill-Ougrée avec Providence, menace de fermeture des Forges de Gilly - des tractations en cours avec un groupe américain devaient échouer début juillet et amener cette firme à un concordat avec abandon d’actif et dissolution anticipée de la société le 25 juillet -, programme de fermeture des charbonnages pour l’année 1967.

21Incontestablement, cependant, la menace de fermeture des Forges de Gilly - qui avait été précédée de quelques mois par l’arrêt des Ateliers de l’Est et des Ateliers Berger - a joué le rôle le plus important : il s’agissait d’un problème immédiat, ayant des répercussions directes sur l’emploi et susceptible de "mobiliser" les esprits.

22Dès ce moment, l’idée d’une manifestation commune aux deux organisations syndicales avait été lancée ; pour diverses raisons, dont les tractations en cours avec un groupe américain qui aurait pu reprendre les Forges de Gilly, la proximité des vacances et, d’une certaine manière, l’impréparation des syndicats eux-mêmes, cette idée ne s’est pas concrétisée, les objections venant principalement du côté de la F.G.T.B.

23Il a fallu attendre quelques mois que des événements nouveaux viennent relancer l’action ; ils allaient cette fois se situer aux ACEC.

24La situation difficile des ACEC avait obligé cette firme à suspendre l’embauche depuis plusieurs mois ; en octobre et novembre, il sévissait un chômage partiel par roulement de faible durée dans certains départements. Il s’est donc créé dans cette entreprise un climat de tension.

25Fin octobre, une catégorie d’ouvriers spécialisés dans le déployage des sections pour les moteurs moyens et les menuisiers du modelage entraient en grève pour des motifs de classification de leur profession ; la reclassification des métiers qualifiés en général et de quelques métiers spécialisés et manœuvres en particulier était une affaire conclue par la convention du 8 avril 1966, mais dont l’examen pratique n’était pas terminé. Malgré de nombreuses réunions paritaires, cette catégorie de travailleurs n’avait pu obtenir la classification qu’elle pensait mériter.

26Plusieurs tentatives de conciliation avaient déjà eu lieu, sans qu’un terrain d’entente ait été trouvé.

27Le 21 novembre au matin - c’est-à-dire le jour de la Conférence Nationale de la Sidérurgie, c’est important à remarquer comme on le verra -, la Direction des ACEC faisait remettre des papiers de chômage dans le département "Usinage Moyen (U.H.)" sous prétexte du manque de travail par suite delà grève des déployeurs. C’était l’amorce d’une réaction en chaîne qui allait atteindre tous les ouvriers des ACEC qui décidaient une journée de grève et une manifestation en ville. Les contacts entre la délégation syndicale des ACEC et l’organisation syndicale F.G.T.B. se sont déroulés en l’absence des principaux responsables permanents syndicaux des métallurgistes qui se trouvaient à la Conférence de la Sidérurgie : la pression de la base a donc pu agir avec plus de poids, pour obtenir l’accord des instances officielles sur le déclenchement d’une grève et d’une manifestation en rue.

28La manifestation publique des ACEC eut lieu le 23 novembre ; elle fut considérée comme un succès. Il est bon de remarquer qu’elle a été organisée par la délégation syndicale elle-même, c’est-à-dire les délégués des deux organisations syndicales, sans participation des instances syndicales - dirigeants régionaux -, mais avec leur consentement.

29La réussite de cette manifestation, dont l’initiative revient principalement aux délégués F.G.T.B. des ACEC, a été utilisée par eux pour convaincre leur direction syndicale de mettre sur pied un mouvement plus large à Charleroi. (Rappelons que dès juin, la C.S.C. avait proposé une manifestation de ce genre à l’occasion du problème des Forges de Gilly).

30Une première rencontre entre les dirigeants des deux syndicats eut lieu à Charleroi le 29 novembre, dans le climat de préparation des fêtes de St-Eloi, patron des ouvriers des métaux, et de Ste-Barbe, patronne des mineurs, traditionnellement fêtés avec beaucoup d’ampleur dans la région. Au cours de cette réunion, une manifestation a été décidée pour le 12 décembre ; cette manifestation serait axée sur la situation économique de la région et attirerait l’attention sur les points suivants : nécessité d’une reconversion industrielle, solidarité avec les autres régions wallonnes, urgence d’une solution en sidérurgie, développement de l’infrastructure et établissement d’un pouvoir régional. Le cortège se terminerait par un meeting au cours duquel deux orateurs, outre les deux présidents de séance, prendraient la parole pour défendre les thèmes retenus.

31Un communiqué de presse était diffusé très rapidement ; il précisait sommairement les raisons de la manifestation et ses objectifs (voir annexe 1).

32Les journées qui suivirent ont été consacrées à la préparation de cette manifestation ; c’est ainsi que plusieurs réunions de contact eurent lieu entre les deux organisations syndicales, notamment les 30 novembre, 2, 3, 5, 6 et 8 décembre. Au cours de ces réunions ont été mis au point en commun le texte de l’affiche - tirée à 2.000 exemplaires -, le texte de la circulaire générale - tiré à 80.000 exemplaires -, les textes des calicots et enfin, la proclamation commune. De même, le contenu des deux discours du meeting a été convenu en commun.

33Une conférence de presse, le 7 décembre, donnait les buts et les objectifs de la manifestation outre les renseignements d’ordre pratique, tels que itinéraire, heure, endroits de concentration, etc…

III – Le climat de la manifestation

34La semaine du 5 au 12 décembre allait être significative du climat qui s’établissait. Si la décision avait bien été prise le 29 novembre, il ne restait en fait qu’une seule semaine de préparation (les fêtes et la fin de semaine neutralisant en fait la période du 30 novembre au 4 décembre).

35Mais au cours de cette semaine, on a senti s’établir tout un courant de sympathie et même de ferveur pour la réussite de cette manifestation : chacun avait l’impression qu’il était en fait directement concerné. On peut même dire que cette semaine a été plus importante que la manifestation elle-même, car elle a fait prendre conscience à beaucoup et surtout en dehors des milieux syndicaux, de la situation grave de l’économie régionale et de l’urgence de mesures de reconversion.

36Il n’est pas possible de donner ici une liste exhaustive de toutes les interventions en faveur de cette manifestation, dont nombre ont d’ailleurs eu lieu sans qu’il en subsiste de traces écrites ou publiques. Mais il faut en retenir quelques-unes qui sont significatives.

37Les décisions des Centrales syndicales, mobilisant leurs membres en vue de la manifestation, ne seront pas reprises ici ; elles confirment évidemment l’appel lancé par le front commun C.S.C.-F.G.T.B. avec des modalités diverses tenant compte des situations de fait. Parmi ces décisions, il faut relever celle des services publics (en ce compris les agents communaux) qui décident une grève d’une heure pour les agents qui, du fait de leur éloignement ou de leur service, ne pourraient participer à la manifestation. Le secteur enseignement de la C.G.S.P. prenait la décision de manifester et de suspendre les cours.

38Le front commun syndical avait décidé que cette manifestation aurait pour but d’attirer l’attention sur l’avenir économique de la région, mais elle ne serait pas dirigée contre les entreprises, ni d’ailleurs contre le gouvernement. Dès lors - et à part les mouvements dont nous venons de parler -, il n’y eut aucune action de grève menée dans les entreprises ; la participation des travailleurs fut discutée avec chaque entreprise ; presque partout, la journée de travail fut raccourcie pour permettre aux travailleurs de participer à la manifestation ; dans certaines usines cependant, où la production ne pouvait être arrêtée, notamment dans la sidérurgie, le travail n’a pas été interrompu ; il en a été de même dans certains charbonnages. Dans les grands magasins, le personnel minimum est resté au travail, le reste du personnel a quitté le travail en accord avec la direction. Il est aussi intéressant de remarquer que la plupart des participants à cette manifestation ont délibérément perdu le salaire de 2 à 3 heures de travail (sauf dans les grands magasins où le salaire intégral a été payé à tous comme une journée normale).

39À ce mouvement, dont l’initiative revient aux syndicats, ont voulu se joindre de nombreux autres groupements et associations ; des demandes sont venues de partout : des partis politiques, des commerçants et artisans de Charleroi, des agriculteurs, des mouvements wallons, etc… Mais les organisations syndicales préféraient conserver à cette manifestation son caractère spécifiquement syndical : la défense de l’emploi dans la région. Le front commun C.S.C.-F.G.T.B. ne pouvait pas se compromettre en ouvrant la porte à toute une série de mouvements qui n’auraient plus pu être contrôlés, mais la participation de chacun à titre personnel restait ouverte.

40Divers mouvements de sympathie ont cependant été enregistrés ; parmi ceux-ci, il faut en citer deux qui sont d’importance : celui de l’Union des Commerçants et Artisans de Charleroi (dont on lira le communiqué en annexe 2) et la prise de position de l’Église catholique.

41Le dimanche 11 décembre, en effet, une déclaration des huit doyens de la région de Charleroi a été lue dans toutes les églises (texte en annexe 3). Cette déclaration reprend les motifs d’inquiétude des travailleurs de la région et se réjouit de l’unité d’action qui s’établit pour défendre "le droit au travail et le droit de participer aux décisions économiques qui concernent la région" ; elle poursuit en souhaitant plein succès à la manifestation du lendemain en "demandant à tous de s’engager, chacun à son niveau, dans une lutte pacifique, méthodique et persévérante pour le salut du Pays Noir". En plus, cette déclaration attirait l’attention des parents sur le risque d’envoyer leurs enfants en classe, étant donné la concentration de foule et l’arrêt des moyens de transport.

42Cette déclaration, dont on parlera encore sans doute, a tranché sur le ton habituel des déclarations de la hiérarchie catholique sur des problèmes semblables ; en lisant attentivement le texte, on peut s’apercevoir qu’elle va très loin. À ce titre, on peut la considérer comme représentative d’un courant et d’un climat très favorables à la manifestation.

IV – La manifestation

43Sur la manifestation elle-même, il y a peu à dire, sinon qu’elle s’est déroulée par un très mauvais temps et qu’elle a réuni de 30.000 à 35.000 personnes, selon les avis autorisés. Signe de cette unité d’action, on a vu marcher côte à côte des parlementaires et des hommes politiques de tous les partis, des ingénieurs et des cadres avec leur personnel, des travailleuses et des femmes venues à la place de leur époux retenu au travail, des étudiants des dernières années des écoles techniques et qui demain devront chercher du travail.

44Les calicots qui émaillaient le cortège reprenaient les principales revendications :

45Le Pays Noir vivra.

46Assez de fermetures - Reconversion.

47Du travail pour les jeunes.

48Le pouvoir capitaliste n’est plus capable de gérer seul l’économie.

49Notre richesse : main d’œuvre qualifiée. Notre misère : le conservatisme économique.

50Contrôle ouvrier de l’économie.

51Plus de subsides sans contrôle.

52Du travail pour tous, Belges et Étrangers tous égaux.

53À quand l’autoroute de Wallonie.

54Les femmes aussi ont droit à des emplois de qualité.

55Solidarité avec les travailleurs de Wallonie et d’ailleurs.

56La manifestation s’est terminée par un meeting au cours duquel deux orateurs ont pris la parole : E. Davister au nom de la F.G.T.B. et J. Doyen au nom de la C.S.C. [5]. Ces deux orateurs ont insisté sur l’urgence d’une reconversion et d’une coordination des investissements publics et privés.

57Mais il est plus intéressant d’étudier la proclamation commune qui constitue un résumé des positions syndicales communes. On en trouvera le texte complet en annexe 4.

58Dans ce document, après avoir constaté las menaces qui pèsent sur l’avenir économique de la région, les travailleurs du Pays Noir (c’est ainsi que l’on appelle la région de Charleroi) constatent la responsabilité des groupes financiers dans cette situation et l’absence de politique prévisionnelle et d’infrastructure. En fait, les deux critiques les plus importantes sont bien celles-là ; absence de dynamisme économique de la part du système capitaliste et insuffisance de l’infrastructure.

59Pour résoudre le problème ainsi posé, continue la proclamation, les travailleurs s’opposent à la politique de démantèlement de l’économie régionale et exigent "l’application d’une véritable politique de reconversion et d’expansion économique dans le cadre d’une réforme structurelle de la politique économique générale et de ses institutions".

60Concrètement, trois revendications seront formulées :

  1. priorités d’aide contrôlée et d’infrastructure des pouvoirs publics aux régions touchées par la disparition des charbonnages et le déclin de la sidérurgie ;
  2. convocation d’une conférence régionale, réunissant toutes les instances intéressées ;
  3. rencontre avec les ministres et les divers départements intéressés pour mettre au point les moyens concrets de reconversion.

61Telle a été la manifestation elle-même ; lors du meeting de clôture où cette proclamation a été lue, il semble bien que les travailleurs présents attendaient davantage comme mots d’ordre d’action ; selon plusieurs échos, ils auraient souhaité des prises de position plus fermes. À relire les discours prononcés et le texte de la proclamation, on peut cependant constater combien fermes et précis apparaissent à la fois l’analyse de la situation et les moyens proposés. Assurément, le ton et surtout le contenu de la proclamation marquent une étape nouvelle franchie par les organisations syndicales dans leur action : celle-ci n’est plus seulement revendicative mais aussi constructive ; ils entrent délibérément dans l’économie de concertation.

V – Les prolongements de la manifestation

62On peut distinguer des prolongements indirects : c’est l’impact de la manifestation dans d’autres régions ou dans d’autres milieux. Signalons à titre d’exemple surtout dans la région liégeoise à la participation d’une délégation de syndicalistes liégeois à la manifestation [6], des arrêts de travail de solidarité [7] et de nombreuses motions votées par des assemblées d’usines ou des délégations.

63Dès le lendemain, la manifestation était aussi évoquée à la Chambre, par deux députés de Charleroi : MM. Califice (P.S.C.) et Harmegnies (PSB) [8].

64À côté de cette influence indirecte, le mouvement mis en branle par la manifestation s’est poursuivi sur les deux voies indiquées dans la proclamation : contacts avec les Ministres et conférence régionale. Dès à présent, des rendez-vous sont pris pour la seconde quinzaine de janvier avec le Premier Ministre et avec les principaux ministres intéressés aux problèmes économiques régionaux ; une note commune de plusieurs pages a été rédigée qui servira de base de discussion et d’amorce de dialogue ; des questions précises et concrètes seront posées à chaque ministre suivant ses attributions.

65D’autre part, la conférence régionale, dont la date avait initialement été fixée au 23 janvier, se tiendra le 13 février 1967. La présidence de cette conférence a été offerte au Gouverneur de la Province du Hainaut qui a accepté. Des contacts ont été pris en vue de cette conférence par le front commun F.G.T.B.-C.S.C., avec les organismes régionaux tels que : ADEC (Intercommunale de Développement de la région de Charleroi), Conseil Économique Wallon, Jeune Chambre Économique, Centre du Hainaut pour l’Accroissement de la Productivité, Chambre de Commerce, Associations patronales (charbonnages, fabrications métalliques, sidérurgie, verrerie, grands magasins), etc….

VI – Conclusions à tirer de cette manifestation

66Les conclusions que l’on peut tirer de cette manifestation tournent autour de quatre points :

  • prise de conscience généralisée dans la région de la nécessité d’une reconversion économique profonde et urgente ;
  • unité d’action entre les organisations syndicales ;
  • établissement d’un programme économique ;
  • élaboration d’un organe régional de décision et de coordination économique.

1 – Prise de conscience

67Il ne fait plus aucun doute que chacun ait aujourd’hui pris conscience des menaces graves qui pèsent sur l’économie de la région de Charleroi ; chacun commence déjà à en percevoir les conséquences directes : chômage partiel, embauche bloquée pour les jeunes, suppression des heures supplémentaires, diminution des ventes pour les commerçants, disparition d’entreprises, etc….

68Mais il semble bien que cette prise de conscience s’accompagne d’une volonté de redressement ; c’est peut-être cela qui différencie la réaction qui se manifeste à Charleroi de celle qui s’est développée au Borinage, il y a quelques années. Cette volonté de redressement est évidemment un facteur positif, parce qu’elle signifie que la population est prête à faire l’effort qui lui sera demandé dans le cadre d’une reconversion industrielle. Il ne suffit pas, en effet, de créer des industries nouvelles, de moderniser l’habitat ou d’aménager l’infrastructure, encore faut-il trouver une population qui accepte le changement avec tout ce qu’il implique de désagréments, une population désireuse de s’adapter aux nouvelles techniques. Dans le cas de Charleroi, cela semble acquis.

69Il est difficile de dire dans quelle mesure l’initiative nouvelle de Charleroi sera suivie dans d’autres régions et donnera naissance à un mouvement plus large. Au plan de la région elle-même cependant, la tendance au regroupement ses parlementaires des divers partis sur les problèmes régionaux s’en trouve certainement renforcée.

2 – Unité d’action

70L’unité d’action entre les organisations syndicales a frappé beaucoup d’observateurs ; une chose paraît peut-être plus importante encore : l’unité d’action est souhaitée et même voulue, non pas seulement au niveau des états-majors, mais surtout au niveau des travailleurs dans les usines et les bureaux. C’est en partie parce que, depuis plusieurs années, il s’est formé patiemment des actions et des revendications communes, avec une volonté d’unité, que celle-ci a été rendue possible à grande échelle.

71En ce sens, l’unité d’action apparaît plus durable qu’un simple accord d’opportunité tactique. Reste à savoir dans quelle mesure les élections syndicales, qui doivent avoir lieu dans quelques mois, ne risquent pas de la compromettre ou de la mettre en veilleuse. (Il paraît cependant certain que ces élections se dérouleront dans un climat assez différent du climat traditionnel).

72N’empêche qu’il faut considérer le front commun syndical comme une étape bien marquée et il sera difficile de faire marche arrière, au moins sur les sujets de politique régionale.

3 – Programme économique régional

73Le vœu d’une politique économique cohérente semble impliquer une évolution considérable des institutions pour élaborer cette politique, sinon pour la mettre en œuvre.

74Cette revendication soulève nécessairement des réformes institutionnelles profondes pour pouvoir aboutir, les organisations syndicales en sont bien conscientes et les réclament même (voir le texte de la proclamation). On peut dès lors se demander si, par le biais des structures régionales, les revendications latentes de "réformes de structures" ne vont pas trouver un mode d’expression concret. Si tel était le cas, il faudrait dès lors s’attendre à ce que d’autres groupes de pression interviennent.

75Des domaines immédiats d’application pourraient être les travaux publics d’infrastructure, une société régionale d’investissement, un bureau d’urbanisation, un organisme de contact avec les investisseurs étrangers.

4 – Organe régional de décision et de coordination

76La nécessité d’une politique économique régionale ne fait plus aujourd’hui de doute pour personne ; plusieurs pays voisins se sont d’ailleurs adaptés à cette nécessité ; en Belgique, des tentatives de ce genre se son déjà fait jour [9]. Il semble cependant que la revendication formulée par les organisations syndicales de Charleroi dépasse le cadre des intercommunales de développement et d’aménagement du territoire ; il s’agit d’un véritable pouvoir économique régional associant, non seulement les pouvoirs publics locaux ou régionaux, mais aussi les entreprises et les autres secteurs économiques tels que les organisations syndicales.

77On se trouve ainsi en présence d’une idée nouvelle qui semble être appelée, qu’on le veuille ou non, à faire son chemin. Si les cadres économiques s’élargissent à la dimension européenne, il sera nécessaire, pour permettre l’établissement d’une réelle politique européenne, de structurer le niveau régional, car l’échelon national est un relais trop large et, dans certains cas, assez mal adapté à la poursuite d’une politique à un niveau européen.

78La mise sur pied d’un tel organe ne s’avérera sans doute pas facile, en raison des divergences d’intérêts, probablement plus apparentes que réelles, mais entraînant l’opposition, voire même l’hostilité de certains milieux à ce nouvel organisme. Il est bien clair cependant que la reconversion d’une région qui regroupe sur un territoire restreint une population de 400.000 habitants, n’est pas une opération qui peut se faire en un jour, c’est un travail de longue haleine ; il est bien clair aussi que toutes les réalisations, qu’elles viennent de l’initiative privée ou publique, locale ou nationale, seraient plus efficaces et plus rentables, si elles pouvaient s’insérer dans un plan ou un programme d’ensemble à établir en commun par les parties concernées. C’est peut-être là une formule nouvelle de concertation dont il ne faudrait pas négliger l’importance politique dans les prochaines années.


Annexe 1. Communiqué de presse du Front Commun Syndical

79Travailleurs du Pays Noir, tous à Charleroi le 12 décembre.

80Le Front Commun syndical F.G.T.B. et C.S.C. lance un appel à tous les travailleurs du Pays Noir, ouvriers, employés, fonctionnaires pour qu’ils assistent tous à la manifestation du 12 décembre à 14 h. 30 à Charleroi.

81Pourquoi ?

  • L’inquiétude gagne notre population.
  • Des entreprises ferment leurs portes.
  • Les charbonnages disparaissent les uns après les autres.
  • La sidérurgie est en difficulté.
  • Notre réseau ferroviaire est démantelé progressivement.
  • L’infrastructure régionale est largement insuffisante.
  • Notre part dans le revenu national diminue.
  • Le pain de nos familles et l’avenir de nos enfants sont en danger.
  • Notre région peut et doit être sauvée, mais il est temps.
  • Le moment est venu de réagir vigoureusement.
  • En union avec toutes les régions de Wallonie, nous exigeons des mesures concrètes de reconversion économique.
  • Nous voulons des emplois de qualité pour tous les travailleurs.
  • Vos organisations syndicales vous invitent à la manifestation du lundi 12 décembre 1966. Rassemblement à 14 h. 30, place E. Buisset à Charleroi.
  • Travailleurs, Travailleuses, tous au poste.
  • Pour clamer notre droit au travail.
  • Pour obtenir les moyens nécessaires à l’expansion économique régionale.

82Pour la F.G.T.B. :

83Davister, Pirsoul, Billen, Neffe, Desemris, Adam, Dufrasne.

84Pour la C.S.C. :

85Delporte, Doyen, Chéramy, Leloux, Timmermans, Lepage, Maître, Blotiau.

Annexe 2. Communiqué de l’Union des Commerçants et Artisans de Charleroi

86La manifestation du 12 décembre à Charleroi constituant l’expression d’une volonté de survivre de toutes les forces économiques de la Wallonie, le Conseil d’Administration de l’Union des Commerçants et Artisans conseille à tous les commerçants carolorégiens de fermer à titre de sympathie envers les manifestants en raison du but social, économique et culturel qu’ils poursuivent.

Annexe 3. Déclaration des doyens de la région de Charleroi

87Partageant l’inquiétude de la population face au déclin économique, partageant aussi l’espoir de ceux qui luttent courageusement pour sa reconversion industrielle et pour son aménagement urbain, les doyens de la région de Charleroi ont décidé de publier la déclaration ci-jointe.

88À l’occasion de la manifestation commune, organisée à Charleroi ce lundi 12 décembre par deux grandes organisations syndicales, les doyens, responsables et porte-parole de la communauté catholique de la région de Charleroi,

  • partagent l’inquiétude de la population tout entière face aux menaces de déclin économique et social que constituent :
    • les fermetures d’usines,
    • la diminution du nombre d’emplois,
    • les licenciements de travailleurs,
    • le manque de débouchés pour les jeunes,
    • la situation extrêmement précaire des travailleurs étrangers,
    • le climat d’insécurité qui pèse sur l’avenir des familles et des entreprises de notre région ;
  • estiment ne pouvoir se taire devant une situation qui met en cause des valeurs morales et humaines essentielles ;
  • précisent qu’ils ne sont pas qualifiés pour apporter des solutions techniques aux problèmes pratiques posés par cette situation.

89- Ils se réjouissent de voir les travailleurs, conscients de la gravité de ces faits, s’unir résolument dans l’action pour défendre leur droit au travail et leur droit de participer aux décisions économiques qui concernent notre région ;

90- Ils déclarent que l’activité économique est au service de l’homme et doit être exercée dans le respect de ses droits fondamentaux ;

91- Ils réclament des responsables de l’économie une attention vigilante et une sollicitude spéciale à l’égard des plus démunis : manœuvres, travailleurs étrangers, jeunes ouvriers ;

92- Ils soulignent la nécessité de maintenir et de développer les structures industrielles et commerciales, culturelles et sociales indispensables à une région pour un épanouissement vraiment humain de toute sa population.

93En conséquence, les doyens de la région de Charleroi

  • souhaitent plein succès à la manifestation du 12 décembre 1966 ;
  • espèrent fermement qu’elle fera une profonde impression sur la masse des travailleurs, sur les responsables de l’économie, sur l’opinion publique de la région et du pays ;
  • demandent à tous leurs concitoyens de s’engager chacun à son niveau dans une lutte pacifique, méthodique et persévérante pour le salut de leur cher Pays Noir.

94Les doyens de Charleroi, Châtelet, Fleurus, Fontaine, Gilly, Gosselies, Jumet, Marchienne.

Annexe 4. Proclamation du Front Commun

95La situation économique de la région de Charleroi se détériore. Le niveau d’emploi diminuée.

96Après le drame du secteur charbonnier, des entreprises d’autres secteurs sont ou sérieusement menacées, ou fermées.

97Les quelques emplois nouveaux sont insuffisants pour compenser les emplois déjà perdus.

98Aucune perspective de reconversion sérieuse ne se précise.

99Les travailleurs du Pays Noir, réunis ce 12 décembre 1966, à Charleroi, proclament n’avoir aucune responsabilité dans la situation présente.

100Nul ne conteste que Charleroi peut compter sur une main-d’œuvre hautement qualifiée, sur la présence de techniciens réputés, que l’on doit au réseau de formation professionnelle dont la région dispose.

101Les responsabilités, dont les groupes financiers ont la plus large part, se trouvent aux niveaux divers où se situent la gestion, la direction et le conditionnement de l’économie en général, et de Charleroi en particulier.

102De son côté, le pouvoir politique est impuissant à maîtriser l’évolution économique en dépit des lois spéciales, anciennes ou nouvelles, qui accentuent d’ailleurs les déséquilibres régionaux au lieu de les atténuer.

103L’absence de politique prévisionnelle, de dynamisme technique et financier, d’infrastructure valable et adaptée, risque d’être meurtrière pour notre région.

104Les travailleurs du Pays Noir, conscients de ces dangers, autant que du rôle que le syndicalisme doit jouer dans l’action de redressement économique et de défense du standing des populations des régions concernées, sans préjudice aux liens qui les unissent à l’ensemble des travailleurs,

  1. proclament leur opposition formelle à la politique de démantèlement de l’économie régionale et leur volonté d’œuvrer par tous les moyens nécessaires à l’élargissement du niveau d’emploi ;
  2. exigent l’élaboration et l’application d’une véritable politique de reconversion et d’expansion économique dans le cadre d’une réforme structurelle de la politique économique générale et de ses institutions,
    et dans ce but,
  3. exigent que l’État assure les priorités d’aide contrôlée et d’infrastructure, aux régions touchées par le drame charbonnier et le déclin sidérurgique ; et ce, sur base de la volonté et des indications fournies par les régions elles-mêmes ;
  4. mandatent leurs Organisations syndicales pour :
    1. provoquer une conférence réunissant les chefs d’entreprises de la région, les organes économiques existants et les représentants des organisations syndicales ;
    2. rencontrer sans délai les départements et ministres intéressés, en vue de rechercher et de mettre au point les premiers instruments de reconversion.

105Dans cet esprit et conscients que les déficiences économiques ne se localiseront pas aux seuls travailleurs, que toutes les couches de la population sont concernées à plus ou moins longue échéance, les organisations syndicales lancent un appel à la prise de conscience générale, à la mobilisation de toute la population, sous le mot d’ordre formel :

106LE PAYS NOIR VIVRA ET GRANDIRA !

Annexe 5. Effectifs syndicaux et résultats électoraux dans la région de Charleroi

107a) Effectifs de travailleurs syndiqués pour la région de Charleroi

tableau im1
F.G.T.B. C.S.C. 1954 44.231 10.761 1955 47.357 11.132 1956 51.600 10.601 1957 54.855 11.590 1958 57.287 15.241 1959 62.062 17.447 1960 61.099 22.291 1961 55.951 20.349 1962 55.587 18.535 1963 57.326 19.192 1964 58.687 19.526

108b) Résultats élections législatives (Chambre) dans l’arrondissement de Charleroi[10] :

tableau im2
1950. 1954. 1958. 1961. 1965. P.S.B. 145.476 6 élus 156.883 6 élus 151.520 7 élus 138.515 7 élus 95.445 5 élus P.C. 24.314 1 élu 21.804 1 élu 14.279 22.164 1 élu 23.024 1 élu P.S.C. 61.790 3 élus 55.437 2 élus 63.362 3 élus 55.411 2 élus 36.101 2 élus P.L.P. 25.378 1 élu 26.422 2 élus 21.956 1 élu 22.649 1 élu 53.386 2 élus Front Wallon - - - - 16.504 1 élu

109soit en pourcentages et pour la période 1950-1965 :

110maximum P.S.B. en 1954 avec 60,21 % des votes valables,

111minimum P.S.B. en 1965 avec 40,60 % des votes valables.

112maximum P.C. en 1950 avec 9,46 % des votes valables,

113minimum P.C. en 1958 avec 5,59 % des votes valables.

114maximum P.S.C. en 1958 avec 24,81 % des votes valables,

115minimum P.S.C. en 1965 avec 15,36 % des votes valables.

116maximum Parti libéral/ P.L.P. en 1965 avec 23,57 % des votes valables,

117minimum Parti libéral/ P.L.P. en 1958 avec 8,60 % des votes valables.

Annexe 6. Éléments pour une description de la région de Charleroi

118Charleroi, ville de la province du Hainaut, sur la Sambre, avec l’agglomération, compte environ 450.000 habitants, elle fut fondée en 1.666 par le Gouverneur général espagnol qui lui donna le nom de Charleroi du nom de Charles II d’Espagne.

119La grande expansion de Charleroi date du 19ème siècle - ainsi qu’en témoigne le taux de croissance de la population ;

tableau im3
1800 83 1910 452 1942 100 1920 558 1866 294 1930 598 1890 408 1947 571 1900 478 1957 605

120Charleroi est ainsi devenu le centre d’une vaste région industrielle appelée "le Pays Noir", la 4ème du pays en importance, la canalisation de la Sambre, le développement des chemins de fer et la présence de charbon allaient donner à cette région une extension industrielle rapide dans la sidérurgie, la verrerie, la bouteillerie, les fabrications métalliques et mécaniques, plus tard, la construction électrique et partiellement la chimie lourde (le berceau des usines Solvay est à Couillet).

121Au cours du 20ème siècle, certains de ces secteurs devenus traditionnels se sont développés sur ces bases anciennes, d’autres après une période de prospérité connaissent le déclin. La seconde phase d’industrialisation (automobile, pétrole) ne s’est pas implantée dans la région, ce qui explique les difficultés actuelles de la région.

122L’agglomération de Charleroi est située immédiatement au sud de l’autoroute de Wallonie qui reliera la France à l’Allemagne, immédiatement au Sud de Bruxelles, avec laquelle elle sera liée par une autoroute directe ; elle est sur l’axe ferroviaire Paris-Ruhr et reliée à Bruxelles et Anvers par une ligne directe ; le canal de Charleroi-Bruxelles, au gabarit de 1350 tonnes (en 1967) la relie au port d’Anvers via le canal maritime Anvers-Gand, la Sambre au gabarit de 1350 tonnes (fin 1967) la relie à la Meuse et delà vers Givet ou Liège. Un aérodrome civil accessible aux avions à réaction complète la desserte de cette région.

123Les qualités professionnelles de la main d’œuvre de la région de Charleroi sont réputées ; on leur doit non seulement le développement industriel de certains secteurs puissants mais aussi la création d’industries dans de nombreux pays étrangers : verreries en Russie, en Pologne, en Angleterre et aux États-Unis, laminoirs en Suède et en Pologne ; aux industries de Charleroi, on doit le développement des fabriques de soude (Solvay), le métro de Paris, des tramways dans de très nombreuses villes (Empain). De nombreuses écoles réputées assurent aujourd’hui la formation de la main d’œuvre aux divers niveaux, en rapport avec le développement des sciences et des techniques.

124La région de Charleroi s’est toujours caractérisée par une large immigration, en provenance des régions voisines mais aussi en provenance des Flandres et de pays étrangers.

Bibliographie sur la région de Charleroi [11]

125- Ministère des Travaux Publics, administration de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.

126Programme de développement et d’aménagement des régions du Centre, de Charleroi et de la Basse-Sambre.

127- J. Remy, Charleroi et son agglomération, caractéristiques socio-économiques.

128A. Delobelle, Charleroi et son agglomération, sociologie historique et structures religieuses,

129Centre de Recherches socio-religieuses, Bruxelles.

130- Livre d’or du Tricentenaire de Charleroi (à l’impression)

131Administration Communale de Charleroi.

132- Encyclopaedia Britannica, volume 5, page 292/293, édition de 1966.

tableau im4
Répartition par branche d’activité du personnel assujetti à la sécurité sociale, ouvrier et employé pour l’arrondissement de Charleroi (au 30.6.1965). Répartition par branche d’activité de la population active. (Recensement de 1961.) (1) (2) Agriculture, Sylviculture 202 2.856 Industries extractives 17.435 19.57 Industrie manufacturière 74.004 69.118 dont : denrées alim. 2.531 industries chimiques 1.492 papier, caoutchouc, bois 1.419 livre, photographie 1.868 textiles, cuirs 136
tableau im5
Col.(1) Col.(2) vêtements 1,250 électricité, gaz, eaux 2,235 combustibles minéraux 8,951 fonte, sidérurgie, laminoirs 28.888 articles en métaux 2.919 machines électriques, aéronautique 21.525 art et précision, divers 790 Bâtiment et construction 7.856 7.072 Transports et communications 1.109 9.633 Commerce 12.235 20.858 Banque 1,810 Hôtellerie, soins personnels, services publics 9.874 29.221 122.71511 158.330(1)

Annexe 7. Liste des principales fermetures d’entreprises du bassin de Charleroi au cours des dernières années

tableau im6
Emplois au moment de la fermeture De 1958 à 1960 7 émailleries Gosselies 405 7 boulonneries Monceau S.S. ; Jumet, etc… 658 1962 Beer-Energie Marcinelle, constructions mécaniques 270 1963 Chaistubel Chatelineau, fabrication métallique 30 1964 Luma Fleurus, émaillerie 70 1965 Ateliers de l’Est Marchienne, fabrication métallique 170 Demoulin Farciennes, fonderie 50 Vormans Viesville, boulonnerie 50 François Berger Gilly, fabrication métallique 40 Fonderie Bostyn Thuin, fonderie 50 Constructions électriques Liberchies, construction électrique 30 Germain Monceau S.S., fabrication métallique 200 1966 Maxima Bouffioulx, fabrication métallique 300 Câblerie et Corderie Montignie S.S., fabrication métallique 100 Forges de Gilly Gilly, construction mécanique 600 de 1958 à 1966 38 puits de charbonnages 23.000 de 1947 à 1961 Nombre d’emplois perdus selon les recensements 44.000

Date de mise en ligne : 29/11/2014

https://doi.org/10.3917/cris.349.0001

Notes

  • [1]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 91 du 13 janvier 1961 et n° 113 du 2 juin 1961.
  • [2]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 3, 23 janvier 1959.
  • [3]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 91 lu 13 janvier 1961 et n° 113 du 2 juin 1961.
  • [4]
    Voir Courrier Hebdomadaire du C.R.I.S.P., n° 317 du 22 avril 1966 et Courrier Hebdomadaire, n 324 du 17 juin 1966.
  • [5]
    On trouvera les textes de ces discours respectivement dans le Journal de Charleroi et Le Peuple du 13 décembre 1966 et dans Au Travail du 17 décembre et La Cité du 13 décembre.
  • [6]
    Voir Au Travail, 17 décembre 1965, page 8.
  • [7]
    Voir De Peuple, 13 décembre 1966.
  • [8]
    Chambre, Compte rendu analytique, 13 décembre 1966, p. 142.
  • [9]
    Voir C.R.I.S.P., Courriers Hebdomadaires 317 du 24 avril 1966, 324 du 17 juin 1966, 327 du 5 juillet 1966 et 329-330 du 22 juillet 1966.
  • [10]
    L’arrondissement de Charleroi ne coïncide pas exactement avec ce qu’il est convenu d’appeler la région de Charleroi.
  • [11]
    Population de l’agglomération de Charleroi : environ 450.000 habitants. Proportion d’étrangers dans la population totale : 18 % ; dans la population active : 16 %.

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