Notes
-
[1]
L. Bertrand, La coopération, Bruxelles, Rozez, 1893, p. 152.
-
[2]
Préface d’É. Vandervelde, dans L. Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes, les idées, les faits, tome 1, Bruxelles, Dechenne et Cie, 1902, p. ix.
-
[3]
É. Anseele, Les chars d’assaut de la classe ouvrière, Bruxelles, Office coopératif belge, s.d. Les « chars » évoqués par É. Anseele sont les camions des coopératives.
-
[4]
Pour le cas belge, cf. C. Valenduc, « Distribution et redistribution des revenus : évolution des inégalités en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2346-2347, 2017.
-
[5]
K. Aghouchy et al., Peut-on critiquer le capitalisme ?, Paris, La Dispute, 2008.
-
[6]
Politique, n° 100 : « Peut-on sortir du capitalisme ? 1917-2017 : un siècle d’essais et d’erreurs », 2017.
-
[7]
Parmi les pistes de réponse à cette question, l’économiste et militant altermondialiste Olivier Bonfond mentionne le modèle des coopératives (cf. O. Bonfond, Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde, Cuesmes, Le Cerisier, 2017, p. 159-163).
-
[8]
J. Defourny, M. Simon, S. Adam, Les coopératives en Belgique : un mouvement d’avenir ?, Bruxelles, Luc Pire, 2002.
-
[9]
Ibidem, p. 99.
-
[10]
Cf. notamment B. Borrits, Coopératives contre capitalisme, Paris, Syllepse, 2015.
-
[11]
G. Ansion, « Les coopératives en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 933-934, 1981.
-
[12]
Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2 : J. Puissant, G. Vanthemsche (dir.), « La coopération, un des principaux piliers sociaux de l’organisation politique belge », 1991.
-
[13]
Concernant cette classification, qui nous semble plus correcte ici que celle de classe moyenne, cf. C. Baudelot, R. Establet, J. Malemort, La petite bourgeoisie en France, Paris, Maspero, 1975 ; G. Vanthemsche (dir.), Les classes sociales en Belgique : deux siècles d’histoire, Bruxelles, CRISP, 2016.
-
[14]
P. Italiano, M. Jacquemain, J. Beaufays, La démocratie en perspective. Tables rondes de citoyens contre l’extrême droite, Bruxelles, Luc Pire, 2006, p. 44.
-
[15]
Ce Courrier hebdomadaire est également basé sur le dépouillement de la presse coopérative, ainsi que sur des archives conservées à l’Institut Émile Vandervelde (IEV : archives de l’Union coopérative de Liège, etc.), à l’Institut liégeois d’histoire sociale (ILHS : archives A. Dohogne) et à l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES : archives de l’Union coopérative de Liège et archives de G. Paffen).
-
[16]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, Paris, Alcan, 1913, p. 3-4 et 69.
-
[17]
Signalons toutefois l’existence d’une banque (la Banque belge du travail - BBT, fondée en 1913), d’une compagnie d’assurance (La Prévoyance sociale, fondée en 1907 et devenue aujourd’hui le groupe P&V) et d’un réseau de pharmacies coopératifs.
-
[18]
Livre d’or de l’exposition internationale de la coopération et des œuvres sociales. Gand (Belgique). 15 juin-15 septembre 1924, Gand, Volksdrukkerij, 1925.
-
[19]
Pour sa part, le pilier libéral n’a que fort peu investi le mouvement coopératif.
-
[20]
S. Swaton, M. Poorter, « Mouvement coopératif et coopératives », in R. Holcman (dir.), Économie sociale et solidaire, Paris, Dunod, 2015, p. 9.
-
[21]
P. Glémain, E. Bioteau (dir.), Entreprises solidaires : l’économie sociale et solidaire en question(s), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 12.
-
[22]
Cité par ibidem, p. 12.
-
[23]
G. Holyoake, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, Gand, Volksdrukkerij, 1923. Pour une étude scientifique de l’histoire de cette coopérative, cf. J. K. Walton, « Revisiting the Rochdale Pioneers », Labour History Review, volume 80, n° 3, 2015, p. 215-247.
-
[24]
G. Holyoake, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, op. cit., p. 2.
-
[25]
Ibidem, p. 9.
-
[26]
Ibidem, p. 10-11.
-
[27]
Ibidem, p. 14.
-
[28]
Ibidem, p. 80-81.
-
[29]
Ibidem, p. 81-90.
-
[30]
Rappelons que, en Belgique, c’est en 1919 que les femmes ont commencé à acquérir progressivement le droit de vote et le droit d’éligibilité, mouvement qui n’aboutira qu’en 1948.
-
[31]
G. Holyoake, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, op. cit., p. 50-51.
-
[32]
Ibidem, p. 57-59.
-
[33]
Ibidem, p. 77.
-
[34]
P. Lambert, La doctrine coopérative, Bruxelles/Paris, Propagateurs de la coopération/Fédération nationale des coopératives de consommation, 1959, p. 13.
-
[35]
Ibidem, p. 15.
-
[36]
V. Serwy, Vade mecum du propagandiste coopérateur, Bruxelles, Office coopératif belge, 1922, p. 4.
-
[37]
J. Bartier, Naissance du socialisme en Belgique : les saint-simoniens, éd. par A. Smolar-Meynart, Bruxelles, Présence et action culturelle, 1985 ; J. Bartier, Fourier en Belgique, éd. par F. Sartorius, Bruxelles, Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles/Lérot, 2005.
-
[38]
Cf. J. Dos Santos, L’utopie en héritage : le Familistère de Guise, 1888-1968, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2016. Cette influence peut être mesurée notamment par le nombre de textes y faisant référence (cf. par exemple Navez, Une expérience sociale : le familistère de Guise, Gand, Volksdrukkerij, 1914).
-
[39]
Les deux sites existent toujours de nos jours, cf. www.familistere.com. Cf. aussi A. Morelli, « Le familistère Godin », in A. Morelli (dir.), Le Bruxelles des révolutionnaires : de 1830 à nos jours, Bruxelles, CFC, 2016, p. 54-55.
-
[40]
Cf. J. Bartier, Naissance du socialisme en Belgique, op. cit. ; J. Bartier, Fourier en Belgique, op. cit. ; L. Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes, les idées, les faits, 2 tomes, Bruxelles, Dechenne et Cie, 1902-1903 ; V. Serwy, La coopération en Belgique, 4 tomes, Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1940-1952. Relativement au mouvement coopératif en Belgique, les deux dernières publications citées sont incontournables car elles constituent la source principale de toutes les études qui les ont suivies. Précisons qu’elles sont l’œuvre de deux militants du mouvement coopératif socialiste.
-
[41]
Loi du 18 mai 1873 contenant le titre IX, livre I, du Code de commerce, relatif aux sociétés, Moniteur belge, 25 mai 1873.
-
[42]
L’évolution de la législation belge relative aux coopératives n’est pas l’objet de la présente étude (pour cela, cf. M. Vahnoove, « Les coopératives en Belgique », in Coopératives, un modèle tout terrien, Monceau-sur-Sambre, SAW-B, 2011, p. 46-65 ; L. Ciccia, « Statut coopératif et pouvoirs publics. Des freins et des soutiens », in Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit., p. 68-87). Signalons simplement deux éléments ici. D’une part, la loi du 20 juillet 1955 portant institution d’un Conseil national de la coopération (Moniteur belge, 10 août 1955) instaurera un agrément des coopératives qui permettra de distinguer celles respectant les « principes de Rochdale » des autres, tentant ainsi de mettre fin au flou volontairement créé à cet égard en 1873 (cf. « Le Conseil national de la coopération », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 38, 1959, p. 2-15). D’autre part, le résultat de cette mesure étant jugé insuffisant, la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge, 1er août 1991) sera adoptée dans le même but.
-
[43]
Cf. É. Geerkens, « La Prévoyance sociale ou la gestion habile d’une coopérative socialiste », in L. Peiren, É. Geerkens, A. Vincent, H. Van Humbeeck (dir.), Cent ans de P&V, 1907-2007. L’histoire originale d’une société coopérative d’assurances, tome 2, Gand/Bruxelles, Archief en Museum van de Socialistische Arbeidersbeweing-Instituut voor Sociale Geschiedenis (AMSAB-ISG)/P&V, 2007, p. 95-164.
-
[44]
Sur l’histoire de ces différentes extensions, cf. J. Defourny, M. Simon, S. Adam, Les coopératives en Belgique, op. cit.
-
[45]
M. Verbauwhede, La Banque belge du travail : fusillée pour l’exemple ? Origine, création, développement et chute d’une institution bancaire socialiste, Mémoire de master en Histoire, ULB, 2012 ; G. Vanthemsche, « Des caisses d’épargne régionales à Coop-dépôt », in E. Witte, R. De Preter (dir.), Histoire de l’épargne sociale : à travers l’évolution de la banque d’épargne Codep et de ses prédécesseurs, Bruxelles, Labor, 1989, p. 236-247 ; C. Laisne, « Une “autre banque” à l’épreuve de l’histoire », Études marxistes, n° 102, 2013, www.marx.be.
-
[46]
Dont celle des organisations syndicales qui y avaient placé leur caisse de résistance (notamment les syndicats verviétois du textile, soumis alors à un lock-out).
-
[47]
É. Dutilleul, « Le mouvement coopératif », in Les fastes du parti, 1885-1960, Bruxelles, Institut Émile Vandervelde (IEV), 1960, p. 254.
-
[48]
R. Ramaekers, La coopération : formule périmée ou grande idée du vingtième siècle ?, Paris, Fédération coopérative régionale, 1964, p. 11. Le constat est identique pour les coopératives catholiques (cf. infra).
-
[49]
L. Ciccia, « Coopératives et travailleurs : le défi de l’autogestion pour les acteurs sociaux », in Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit., p. 108. Pour une actualisation du questionnement, cf. A. Liesenborghs, « Autogestion : entre mythes et pratiques », Barricade, 2017, www.barricade.be.
-
[50]
E. Mayné, Syndicalisme et économie sociale, Bruxelles, Luc Pire, 1999, principalement p. 40-49. Pour un exemple concret (dans la région de Verviers), cf. J. Dohet, La coopération à Verviers, une économie solidaire de la révolution industrielle à nos jours, Verviers, Institut de développement européen de l’économie sociale (IDEES), 2000.
-
[51]
Pour une perspective historienne sur des expériences autogestionnaires européennes, cf. F. Georgi (dir.), Autogestion : la dernière utopie ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003.
-
[52]
Intervient aussi l’attachement du pilier libéral à la défense de la petite bourgeoisie et à l’élévation sociale individuelle (cf. J. Neuville, Il y a 75 ans naissait le premier syndicat chrétien, Bruxelles/Paris, La Pensée catholique/Office général du livre, 1961, p. 23).
-
[53]
Cf. G. Vanschoenbeek, Le monde du Vooruit de Gand (Belgique) et les coopérateurs de Saint-Claude (France), Saint-Claude, La Fraternelle, 2002, p. 18. Sur une expérience libérale de banque coopérative, cf. C. Van Praet, « De Gentsche Volksbank: een blauwe coöperatie », Brood & Rozen: Tijdschrift voor de Geschiedenis van Sociale Bewegingen, n° 2, 2017, p. 5-27. Sur l’inspiration maçonnique de cette coopération libérale, cf. J. Tyssens, « Association, Patronizing and Autonomy: Belgian Masonic Lodges as Sponsors of a “Cooperative” Movement in the 1860s and 1870s », Journal for Research into Freemasonry and Fraternalism, volume 2, n° 2, 2012, p. 261-292.
-
[54]
J. Puissant, « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 47-50.
-
[55]
Ce constat (posé par M. Liebman, Les socialistes belges, 1885-1914 : la révolte et l’organisation, Bruxelles, EVO, 1979) est valable tant sur le plan historique que sur le plan de l’évolution idéologique et de celle des pratiques.
-
[56]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, Paris, Giard & Brière, 1898, p. 47.
-
[57]
Cette partie se base sur G. Kwanten, La moisson de l’entraide. L’histoire des coopératives chrétiennes de 1886 à 1986, Bruxelles, Fédération nationale des coopératives chrétiennes (FNCC), 1987 (cf. aussi G. Kwanten, « Les coopératives chrétiennes », in E. Gerard, P. Wynants (dir.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, tome 2, Louvain, Leuven University Press, 1994, p. 278-323).
-
[58]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 69.
-
[59]
L. Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique, op. cit., p. x.
-
[60]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, Gand, Volksdrukkerij, 1906, p. 115.
-
[61]
G. Deneckere, P. Hannes, « Een showcase voor het socialisme. De Gentse coöperatie Vooruit op de Wereldtentoonstelling van 1913 », Brood & Rozen, n° 2, 2013, p. 69-72.
-
[62]
Fondée en juillet 1949 (en remplacement du système des « bases multiples »), l’Action commune constitue un outil de coordination entre le parti, le syndicat, la mutuelle et les coopératives socialistes, visant à renforcer leurs moyens d’information, de sensibilisation et de mobilisation de l’opinion publique. La création de ce réseau constitue le retour d’un lien structurel entre les constituants du monde socialiste, mais cette fois par le sommet, c’est-à-dire entre les organisations, et non plus par la base. Cf. notamment « Aspects du développement et du fonctionnement de l’Action commune socialiste », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 248, 1964.
-
[63]
H. De Man, « Die Arbeiterbewegung in Belgien: Erwiderung an Vandervelde », Die neue Zeit, 29e année, tome 2, n° 32, 12 mai 1911, p. 197-199 (pour une traduction en français, cf. H. De Man, L. De Brouckère, Le mouvement ouvrier en Belgique, 1911 : un épisode de la lutte des tendances socialistes, éd. par R. Deprez et M. Steinberg, Bruxelles, Fondation Joseph Jacquemotte, 1965, p. 65). Ils ajoutent : « Nous appellerons crétinisme coopératif cette mentalité et cette conception particulière engendrées par le développement hypertrophique du coopératisme ». À ce propos, cf. J. Puissant, « L’historiographie de la coopération en Belgique », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 23-24. Il est à noter que L. De Brouckère se verra attribuer une « chaire de la coopération » à l’ULB en 1926 ; parmi ses ouvrages, citons La coopération : ses origines, sa nature, ses grandes fonctions (Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1926).
-
[64]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 47.
-
[65]
Sur le Vooruit, cf. G. Vanschoenbeek, Novecento in Gent: de wortels van de sociaal-democratie in Vlaanderen, Anvers/Gand, Hadewijch/AMSAB, 1995, p. 67-85 ; H. Defoort, “Werklieden bemint uw profijt!” De Belgische sociaaldemocratie in Europa, Louvain/Gand, Lannoo Campus/AMSAB, 2006.
-
[66]
G. Vanthemsche, « La Ville de Gand et l’aide aux chômeurs (1900-1914) : une innovation communale à résonance nationale et internationale », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 89, n° 2, 2011, p. 889-917.
-
[67]
J. Dohet, La Populaire, maison du peuple de Liège, Le Chaînon manquant, s.d. [avril 2009], www.lechainonmanquant.
-
[68]
J. Puissant, « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », op. cit., p. 44.
-
[69]
À ce sujet, cf. L. Musin, R. Flagothier, « De la coopérative locale à la société multirégionale : l’Union coopérative de Liège (1914-1940) », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 281-309.
-
[70]
50e anniversaire de l’Union coopérative, 1918-1968, Liège, Union coopérative de Liège, 1968, p. 9.
-
[71]
Ibidem.
-
[72]
V. Serwy, La coopération socialiste de demain, Bruxelles, s.l.n.d. [1918 ?].
-
[73]
H. Legros, « Les structures de la coopération socialiste, 1900-1940 », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 73-127.
-
[74]
Cf. par exemple la résolution votée à l’unanimité par le conseil d’administration de l’Union coopérative de Liège en sa séance du 12 janvier 1946 (Archives de l’Union coopérative de Liège conservées à l’IHOES).
-
[75]
V. Serwy, La coopération en Belgique, op. cit., tome 2, p. 220.
-
[76]
La composante féminine du mouvement coopératif (qui représente encore, à la fin de l’année 1958, 192 guildes locales regroupant quelque 21 000 femmes) n’échappe pas à la désaffection généralisée. Ainsi, la revue Entre nous, éditée à destination des coopératrices, subit une chute constante de ses abonnements.
-
[77]
Cf. N. Malinconi, De fer et de verre : la Maison du peuple de Victor Horta, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2017.
-
[78]
M. Liebman, Les socialistes belges, 1885-1914, op. cit., p. 187.
-
[79]
Cf., par exemple, J. Mertens, « Petite histoire d’un commerce coopératif local. L’Union coopérative ouvrière, Rotheux-Rimière », Analyse de l’IHOES, n° 67, 7 octobre 2010, www.ihoes.be.
-
[80]
Cf. Société coopérative ouvrière L’Aurore de Tubize. Son histoire, ses institutions, son action, statistiques (par « quelques élèves de l’école socialiste de Tubize »), Louvain, De Zaaier, 1921.
-
[81]
J. Puissant, « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », op. cit., p. 43.
-
[82]
Sur l’offre de produits d’habillement par le Vooruit, cf. P. Scholliers, « Sociaal-democratische consumptie. De baanbrekende Gentse Vooruit voor 1914 », Brood & Rozen, n° 4, 2000, p. 7-31.
-
[83]
V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, Bruxelles, L’Églantine/Les propagateurs de la coopération, 1932, p. 70-71.
-
[84]
Cette situation n’est pas propre aux coopératives : elle procède d’une évolution de la société qui touche l’ensemble du commerce de détail. Cf. J.-P. Grimmeau, B. Wayens, « Les causes de la disparition des petits commerces (1945-2015) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2301-2302, 2016.
-
[85]
L. Bertrand, La coopération, op. cit., p. 152.
-
[86]
É. Dutilleul, La coopération, Bruxelles, L’Églantine, 1930, p. 27-28.
-
[87]
Par ailleurs, de nombreuses fabriques de pain d’épices voient également le jour.
-
[88]
G. Quaden, R. Ramaekers, « Le socialisme coopératif », in 1885-1985, du Parti ouvrier belge au Parti socialiste, Bruxelles, Labor, 1985, p. 97. Sur l’histoire des maisons du peuple, cf. T. Willems, R. Zeebroek (dir.), Les maisons du peuple : entre militantisme et loisirs, Namur, Institut du patrimoine wallon (IPW), 2012.
-
[89]
J. Dohet, Vive la sociale ! Mouvement ouvrier, capitalisme et laïcité, Bruxelles, Espace de libertés, 2011.
-
[90]
A. Brauman, B. Buyssens, « Voyage au pays des maisons du peuple », in Architecture pour le peuple. Maisons du peuple. Belgique, Allemagne, Autriche, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Suisse, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1984, p. 34.
-
[91]
J. Moors, La belle époque des maisons du peuple en province de Liège, Liège, J. Moors, 2007, p. 10. Cf. aussi B. Buyssens, « Inventaire visuel des maisons du peuple en Wallonie et à Bruxelles », in Architecture pour le peuple, op. cit., p. 63-71.
-
[92]
La salle des fêtes est souvent une annexe ajoutée à l’arrière du bâtiment, même dans les projets architecturaux plus prestigieux. Plus rarement, elle est intégrée directement dans l’ensemble (il s’agit alors généralement de réalisations tardives).
-
[93]
Cf. F. Fonck, Les maisons du peuple en Wallonie, Namur, IPW, 2010.
-
[94]
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, La Marseillaise est le chant entonné dans les manifestations socialistes belges, avant d’être progressivement supplantée par L’Internationale (au départ chantée sur l’air de La Marseillaise). Cf. P. Raxhon, La Marseillaise ou le devenir d’un chant révolutionnaire en Wallonie, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1998. Concernant le rapport du mouvement socialiste belge au souvenir de la Révolution française, cf. J. Dohet, Vive la sociale !, op. cit., p. 19-37 ; J. Dohet, « “À bas les calotins” », L’Athée. Revue de l’Association belge des athées, n° 4, 2017, p. 105-118.
-
[95]
Médecin, il est l’un des fondateurs du POB (qui lui doit son nom).
-
[96]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 188-191.
-
[97]
Il est à noter que, en région liégeoise, l’asbl Les Travailleurs réunis (créée en 1981 par la Centrale générale FGTB Liège-Huy-Waremme) possède toujours actuellement une dizaine de maisons du peuple (et a des parts dans quelques autres). Elle en loue les locaux, principalement mais pas exclusivement, à des unions socialistes communales.
-
[98]
Pour leur part, les groupes d’achat se limitent à effectuer des achats groupés de produits, dans le but de baisser le prix de ces produits pour leurs adhérents voire d’obtenir des produits de meilleure qualité.
-
[99]
V. Serwy, La coopération en Belgique, op. cit., tome 1, p. 400-401.
-
[100]
Nombre des sources scientifiques mobilisées dans le présent chapitre ont été publiées en France : elles sont donc utilisées ici par extension et analogie avec la situation prévalant en Belgique, les quelques différences qui existent entre les deux pas n’invalidant pas les propos tenus ici.
-
[101]
En France, l’expression consacrée est « économie sociale et solidaire », mais cet usage n’a pas cours en Belgique.
-
[102]
Cf. le site Internet http://febecoop.be. Il est à noter que la FEBECOOP est l’héritière directe du mouvement coopératif socialiste historique (cf. supra).
-
[103]
Cf. le site Internet www.saw-b.be.
-
[104]
Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit.
-
[105]
Outre les multiples réalisations concrètes, cf. par exemple le décret wallon du 20 novembre 2008 relatif à l’économie sociale (Moniteur belge, 31 décembre 2008), ou le fait que, depuis 2002, l’Organisation internationale du travail (OIT) recommande la structuration coopérative des entreprises pour le travail décent.
-
[106]
L. Ciccia, « Statut coopératif et pouvoirs publics », op. cit., p. 77.
-
[107]
M. Vahnoove, « Les coopératives en Belgique », op. cit., p. 48.
-
[108]
Ainsi, seules environ 3 % des quelque 25 000 sociétés ayant le statut juridique de coopérative que compte actuellement la Belgique sont agréées par le Conseil national de la coopération (CNC) et entrent donc dans les critères de l’Alliance coopérative internationale (ACI). Ce sont principalement elles qui sont concernées par le présent chapitre.
-
[109]
Les statuts des membres sont donc également multiples, du coopérateur au client adhérent (dans le cas d’une mutuelle, par exemple).
-
[110]
P. Lambert, La doctrine coopérative, op. cit., p. 177.
-
[111]
F. Paulsen, La coopération, Liège, Imprimerie coopérative, s.d. [1898], p. 5.
-
[112]
É. Vandervelde, Le Parti ouvrier belge, 1885-1925, Bruxelles, L’Églantine, 1925, p. 209.
-
[113]
Ibidem, p. 211.
-
[114]
J. Vandersmissen, Association et entreprises coopératives, Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1966, p. 22.
-
[115]
Il s’agit là d’un des éléments de la triple critique que, dès 1868, Karl Marx a adressée au modèle coopératif : « le patronage et l’apport de capitaux extérieurs ; la distinction entre les salariés non sociétaires et les sociétaires, rappelant celle entre classes dominées et dominantes ; la question délicate de la rémunération du capital » (cf. S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 19).
-
[116]
J.-L. Laville, « Économie sociale et solidaire, capitalisme et changement démocratique », in D. Hiez, É. Lavillunière (dir), Vers une théorie de l’économie sociale et solidaire, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 23.
-
[117]
Il convient de ne pas surestimer l’envie des travailleurs employés par les coopératives de devenir eux-mêmes coopérateurs. Il s’avère en effet que nombre d’entre eux ne désirent pas s’engager dans davantage de responsabilités, investir du temps, de l’argent et de l’énergie. Cela questionne le processus d’intégration éventuellement mis en œuvre par les structures coopératives à l’égard de leurs travailleurs.
-
[118]
V. Huens, « Les coopératives de travailleurs associés : un modèle entrepreneurial a-typique », SAW-B, 2014, p. 3, www.saw-b.be.
-
[119]
F. Paulsen, La coopération, op. cit., p. 8.
-
[120]
P. Lambert, La doctrine coopérative, op. cit., p. 188.
-
[121]
Cf. G. Valenduc, P. Vendramin, « La réduction du temps de travail », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2191-2192, 2013, p. 28.
-
[122]
Cf. également É. Dutilleul, La coopération, op. cit., p. 28-29.
-
[123]
V. Serwy, La coopération et la femme. Vade mecum de la propagandiste coopérative, Gand, Volksdrukkerij (pour le compte de la Ligue des coopératrices belges), 1924, p. 3.
-
[124]
J. Bondas, Un demi-siècle d’action syndicale, 1898-1948. Histoire de la CS, de la CGTB et de la FGTB, Anvers, Excelsior, 1948, p. 184. Cf. aussi infra.
-
[125]
Ibidem, p. 186.
-
[126]
C. Baillargeon, « Du Syndicat des employés et voyageurs de Liège au SETCA Liège-Huy-Waremme », in Cols blancs, cœur rouge. Les combats des employés, techniciens et cadres du SETCA Liège-Huy-Waremme, Liège, SETCA/IHOES, 2012, p. 30.
-
[127]
Ibidem.
-
[128]
G. Ansion, « Les coopératives en Belgique », op. cit., p. 10.
-
[129]
J. Bondas, Un demi-siècle d’action syndicale, 1898-1948, op. cit., p. 190.
-
[130]
Ibidem, p. 191.
-
[131]
P. Lambert, Syndicalisme, coopération et problèmes sociaux d’aujourd’hui, Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1955, p. 12-13.
-
[132]
Ibidem.
-
[133]
Elle ne se pose pas que dans les initiatives coopératives, mais aussi dans le secteur du non-marchand et dans les nombreuses asbl qui le composent.
-
[134]
E. Mayné, Syndicalisme et économie sociale, op. cit., p. 33-38.
-
[135]
F. Darbus, « Mains-d’œuvre et gestion des ressources humaines », in R. Holcman (dir), Économie sociale et solidaire, op. cit., p. 226. Le fait d’être dans le secteur non marchand, où l’influence des subsides publics – souvent jugés insuffisants – joue souvent sensiblement sur les moyens financiers, est à prendre en compte.
-
[136]
Ibidem, p. 243.
-
[137]
Ibidem, p. 246. Cf. aussi : « [L’]éthique du désintéressement [qui caractérise l’économie sociale] ne manque pas d’affronter les nouvelles logiques managériales que le secteur déploie. À ce titre, conflits au travail et dialogue social cristallisent une partie de ces tensions » (Ibidem, p. 238-239).
-
[138]
Ibidem, p. 246.
-
[139]
V. Huens, « Les coopératives de travailleurs associés », op. cit., p. 7.
-
[140]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 39.
-
[141]
Diverses agences conseil en économie sociale peuvent aider les initiatives coopératives d’économie sociale, lors tant de leur création que de leur développement. En Belgique francophone, ces agences conseil sont notamment l’Agence conseil en économie sociale (AGES, cf. www.creation-projet.be), Crédal Conseil (cf. www.credal.be), la Fédération belge de l’économie sociale et coopérative (FEBECOOP, cf. www.febecoop.be), Progress (cf. www.agenceprogress.be), Progrès Participation Gestion en économie sociale (PROPAGE-S, cf. infra), Solidarité des alternatives wallonnes et bruxelloises (SAW-B, cf. supra) et Syneco (cf. www.syneco.be). Par ailleurs, en Wallonie, les initiatives coopératives d’économie sociale peuvent, si elles remplissent les critères ad hoc, trouver un soutien financier auprès de la Société wallonne d’économie sociale marchande (SOWECSOM, qui est une filiale spécialisée de la Société régionale d’investissement de la Wallonie - SRIW : cf. www.sowecsom.org). L’un des mécanismes mis en place par la SOWECSOM est Brasero, instauré en décembre 2014, qui finance chaque année 20 coopératives à hauteur de maximum 200 000 euros chacune (cf. www.brasero.org). Enfin, les initiatives coopératives wallonnes peuvent, afin de réaliser les étapes préalables indispensables à la bonne marche d’un projet, solliciter l’octroi d’une bourse de préactivité auprès de l’Agence pour l’entreprise et l’innovation (AEI, cf. www.aei.be).
-
[142]
Cf. le site Internet www.alterfin.be.
-
[143]
Cf. V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, op. cit.
-
[144]
Ibidem, p. 31.
-
[145]
V. Serwy, Vade mecum du propagandiste coopérateur, op. cit., p. 3.
-
[146]
Tract conservé dans les collections du Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire (CARHOP).
-
[147]
Il n’est cependant pas non plus en retard sur son époque. Ainsi, même si elles sont fort rares, certaines femmes tiennent une place de premier plan dans le mouvement coopératif. Un exemple est celui de la militante socialiste Gisèle Paffen qui, au fil de son parcours, est notamment présidente de la section locale de l’Union coopérative de Liège à Angleur et vice-présidente de l’Union coopérative de Liège.
-
[148]
Cf. les archives Gisèle Paffen, conservées à l’IHOES.
-
[149]
É. Dutilleul, La coopération, op. cit., p. 10-11.
-
[150]
V. Serwy, La coopération et la femme, op. cit., p. 3.
-
[151]
Dans des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie, le phénomène des coopératives de production est plus prégnant. En Belgique, il commence à émerger, notamment via des tentatives de reprise d’une entreprise par des travailleurs après le départ de l’actionnaire. Ces initiatives sont notamment portées, dans une logique d’entrepreunariat, par l’asbl Progrès Participation Gestion en économie sociale (PROPAGE-S) ; active depuis 2009, liée à la FGTB et agréée par la Région wallonne, cette asbl est une agence conseil qui vise à stimuler et à accompagner les projets d’économie sociale (cf. le site Internet www.propage-s.be ; cf. aussi FGTB wallonne, « Sur le terrain. Économie sociale », www.fgtb-wallonne.be).
-
[152]
Mentionnons par exemple ici la tentative, en région liégeoise en 2009, de relancer, par la création d’une coopérative (Les Magasins du peuple), des coopératives d’alimentation (sous l’appellation C Populaire). Issue d’un partenariat étroit de l’Action commune et de l’asbl Les Travailleurs réunis, sa vocation était de proposer un autre mode de consommation, en offrant des produits régionaux à prix bas. L’expérience a dû s’arrêter après cinq ans et l’ouverture de trois magasins et une brasserie, en raison de pertes financières conséquentes.
-
[153]
Cf. le site Internet http://bees-coop.be.
-
[154]
Cf. le site Internet www.cdlt.be.
-
[155]
Cf. le site Internet https://terre-en-vue.be.
-
[156]
Cf. le site Internet www.catl.be.
-
[157]
V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, op. cit., p. 300.
-
[158]
« Pas de crédit. Le crédit met le travailleur sous la dépendance du commerçant. Il l’avilit. Le crédit se paie » (V. Serwy, Vade mecum du propagandiste coopérateur, op. cit., p. 6).
-
[159]
Cf. le site Internet www.lacooperativeardente.be.
-
[160]
Une autre différence entre les coopératives et les groupes d’achat se situe au niveau de la pérennité : les coopératives évoluent souvent rapidement vers la professionnalisation, ce qui n’est pas le cas des groupes d’achat. Cette pérennité a pour avantage de permettre que l’initiative ne soit pas un feu de paille et qu’elle s’inscrive dans un temps long qui favorise un processus d’émancipation.
-
[161]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 60.
-
[162]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 49.
-
[163]
La semaine de travail étant alors de six jours, la durée hebdomadaire du travail est de 48 heures (avec, à partir de la loi du 9 juillet 1936, une réduction à 40 heures dans les industries nécessitant un travail dans des conditions insalubres, dangereuses ou éreintantes). Cf. G. Valenduc, P. Vendramin, « La réduction du temps de travail », op. cit., p. 27.
-
[164]
Cf. par exemple Les prix de détail relevés en 1927 dans les coopératives et dans le commerce privé, Bruxelles, Office coopératif belge, 1927.
-
[165]
É. Dutilleul, La coopération, op. cit., p. 10-11.
-
[166]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 42. Le texte poursuit : « L’assemblée générale du 5 novembre 1897 nomma quatre nouveaux membres du personnel, quatre hommes de plus devenus libres pour défendre les idées généreuses ». On notera que la décision de nomination est prise par l’assemblée générale.
-
[167]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 47.
-
[168]
V. Serwy, La coopération en Belgique, op. cit., tome 4, p. 41. Difficultés reconnues aussi par É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 172-173.
-
[169]
V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, op. cit., p. 7.
-
[170]
Ibidem, p. 28.
-
[171]
Union coopérative de Liège, « Statuts du personnel : le cahier général des charges applicables aux membres du personnel », s.d.
-
[172]
S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 34.
-
[173]
V. Huens, « Les coopératives de travailleurs associés », op. cit., p. 5.
-
[174]
F. Darbus, « Mains-d’œuvre et gestion des ressources humaines », op. cit., p. 239-240.
-
[175]
Cf. B. Garbarczyk, F. Konstantatos, Q. Mortier, « Être engagé pour une cause par une entreprise sociale. Ou (comment) peut-on être militant et salarié en même temps ? », SAW-B, 2015, www.saw-b.be.
-
[176]
Ainsi, au XIXe siècle, C. De Paepe « revient à plusieurs reprises sur la coopération qui, agrégée à sa vision des services publics dans la société future, représente la base de l’organisation économique socialiste envisagée » (J. Puissant, « L’historiographie de la coopération en Belgique », op. cit., p. 15).
-
[177]
P. Lambert, La coopération en Belgique : cours de coopération, Bruxelles/Liège, Institut des hautes études (IHE)/Faculté de droit de l’Université de Liège, 1963, p. 50.
-
[178]
Cf. notamment les coopératives wallonnes regroupées au sein de la Fédération wallonne des associations locales et coopératives d’énergie renouvelable (RESCOOP Wallonie, cf. www.rescoop-wallonie.be).
-
[179]
À ce sujet, cf. B. Huybrechts, « Les coopératives citoyennes d’énergies renouvelables : feu de paille ou renouveau du mouvement coopératif ? », in Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit., p. 90-103. Concernant le cadre légal en Belgique, cf. F. Collard, « Les énergies renouvelables », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2252-2253, 2015.
-
[180]
S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 36.
-
[181]
F. Darbus, « Mains-d’œuvre et gestion des ressources humaines », op. cit., p. 238-239.
-
[182]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 158.
-
[183]
Il convient de noter que la fondation de la BBT est essentiellement le fait de quelques dirigeants du Vooruit, qui ressentaient le besoin de disposer d’un tel outil pour assurer le développement de leur structure et pour combattre le capitalisme avec ses propres armes, et que cette initiative n’a reçu l’accord ni du POB ni de la FSC.
-
[184]
En effet, la BBT est une forme de banque mixte. C’est d’ailleurs l’exemple de la faillite de la BBT, entre autres, qui a amené à une perte de confiance dans le monde bancaire et à la scission des banques mixtes.
-
[185]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 42.
-
[186]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 130-131.
-
[187]
Cf. aussi S. Govaert, « Le dossier Arco », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2361-2362, 2017.
-
[188]
J. Vandersmissen, Association et entreprises coopératives, op. cit., p. 10.
-
[189]
S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 34.
-
[190]
J.-L. Laville, « Économie sociale et solidaire, capitalisme et changement démocratique », op. cit., p. 18.
-
[191]
En cette matière, le modèle est indéniablement Delhaize : cf. E. Collet et al., Delhaize “Le Lion” : épiciers depuis 1867, Bruxelles, Racine, 2003, p. 19-31.
-
[192]
J. Leroux, Études sur le mouvement coopératif, Paris, Rousseau, 1897, p. 268.
-
[193]
Les deux derniers constats recoupent l’évolution de la social-démocratie européenne des quatre dernières décennies, qui a délaissé les classes populaires pour se concentrer justement sur la petite et moyenne bourgeoisie (cf. D. Zamora, « Quand la gauche n’essaie plus » (entretien avec Serge Halimi), Lava, n° 4, 2018, p. 65-76).
-
[194]
L. Bertrand, La coopération, op. cit., p. 10-11.
-
[195]
Loin de se cantonner à la seule Belgique, ce débat a agité les échanges entre les différents courants socialistes d’Europe (notamment en Allemagne et en France) dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec une intensité et des conclusions différentes. Il est à noter que, sur cette question, K. Marx considérait que, si certes elles remplissaient un rôle utile dans l’immédiat, les coopératives (surtout celles de consommation) portaient en elles le germe d’un détournement des travailleurs d’un changement total de la société.
-
[196]
J. Leroux, Études sur le mouvement coopératif, op. cit., p. 265-266.
-
[197]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 14.
-
[198]
S. Mac Say [pseudonyme de S. Masset], De Fourier à Godin. Le Familistère de Guise, Quimperlé, La Digitale, 2005 [réédition de 1928], p. 47.
-
[199]
B. Thiry, « L’économie sociale : roue de secours ou alternative économique ? », Analyse de l’IHOES, n° 40, 23 décembre 2008, www.ihoes.be.
-
[200]
J.-L. Laville, « Économie sociale et solidaire, capitalisme et changement démocratique », op. cit., p. 29.
-
[201]
É. Dacheux, D. Goujon, « L’économie solidaire : une transition vers une société post-capitaliste ? », in P. Glémain, E. Bioteau (dir.), Entreprises solidaires, op. cit., p. 221.
Introduction
1Co-operare, travailler ensemble. Le mot aurait été forgé dans la première moitié du XIXe siècle par le théoricien socialiste britannique Robert Owen pour désigner une forme d’organisation des activités humaines dans le domaine économique. Il résume à lui seul un projet qui se distingue de la compétition inhérente au système capitaliste et aux tendances philosophiques qui font de l’homme, selon l’expression consacrée, « un loup pour l’homme ». On retrouve d’ailleurs, dans nombre de documents produits par les coopératives, la devise « Tous pour un, un pour tous ».
2À sa création, dans le dernier quart du XIXe siècle, le modèle de la coopérative tel qu’il s’est développé en Belgique, et plus encore celui de la coopérative liée au mouvement socialiste – qui sera au cœur de notre propos –, a incarné la modernité : « Le magasin d’un particulier est au magasin coopératif ce qu’est la diligence aux chemins de fer », estima ainsi le futur député socialiste Louis Bertrand en 1893 [1]. Ce modèle a également constitué la concrétisation, dans l’ici et le maintenant, de l’utopie socialiste d’un monde nouveau fonctionnant sur d’autres bases que le système capitaliste : « [La coopérative] apparaît (…) comme une sorte de réalisation embryonnaire du socialisme, qui prépare les esprits à concevoir un ordre social très différent du régime capitaliste actuel » [2], écrivit à ce propos le député socialiste et futur président du Parti ouvrier belge (POB) Émile Vandervelde en 1902. Enfin, la puissance que le modèle coopératif a rapidement obtenue a fait de ses différentes déclinaisons « les chars d’assaut de la classe ouvrière », pour reprendre l’expression du fondateur de la première coopérative belge d’importance (à savoir le Vooruit, à Gand, en 1881), le socialiste Édouard Anseele [3].
3Certes, cela fait aujourd’hui plus de trois décennies que s’est terminée l’aventure des coopératives sous cette forme. Cependant, la mémoire collective en a gardé le souvenir, tout comme, en dépit de nombreuses démolitions, le paysage urbain.
4Il n’est donc guère étonnant que, dans une période de crise de la répartition des richesses (outre de crise financière et économique) qui ne fait que s’accentuer [4], un nombre grandissant de citoyennes et de citoyens s’interrogent sur ce qu’est le mouvement coopératif et sur ce qu’a été son histoire. Alors que, il y a quelques années encore, faire référence à un livre intitulé Peut-on critiquer le capitalisme ? [5] était peu compris, aujourd’hui, une revue comme Politique pose la question pour son centième numéro : « Peut-on sortir du capitalisme ? » [6] L’étape suivante, qui est souvent renvoyée comme question disqualifiante à celles et ceux qui osent poser sérieusement les deux premières questions, est tout logiquement : « Que peut-on mettre à la place du capitalisme ? » [7]
5 En 2002, un ouvrage réalisé par des chercheurs universitaires a posé la question de l’avenir des coopératives en Belgique et y a répondu sur un ton plutôt positif [8]. Il a également constitué l’occasion de faire le point sur ce qui avait existé et, surtout, sur ce qui existait encore alors. Au terme de leur étude, les auteurs concluaient : « Le génie et la force de la coopérative tiennent sans doute beaucoup à cette étonnante combinaison de réalisme au quotidien et d’utopie qui, de tout temps, a marqué la coopération : entreprise devant assurer sa viabilité au jour le jour, la coopérative est aussi l’expression d’une quête séculaire d’égalité et de solidarité dans la vie économique. Quand on mesure le chemin que nos sociétés ont dû parcourir pour conquérir, dans la sphère politique, une démocratie encore inachevée, et sans cesse à revivifier, quand on voit combien le principe “une personne, une voix” a pu paraître irréaliste et même impensable pendant des siècles, comment ne pas reconnaître dans la coopérative une piste exigeante mais féconde, parmi d’autres certes, sur la route encore longue vers la démocratie économique » [9].
6Depuis lors, l’approfondissement de la crise enclenchée par le krach financier de 2008 a encore accentué la recherche d’alternatives (parfois de manière contrainte, comme en Argentine, en Espagne ou en Grèce). Ainsi, en France, les coopératives sont revenues à la mode sur le versant de la production [10], avec notamment le combat emblématique d’anciens salariés de l’usine Fralib qui ont créé la Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions (SCOP-TI). Ce sont surtout des coopératives liées à l’alimentation humaine qui se sont développées ces dernières années : à l’origine autour d’une nourriture bio et locale, puis de plus en plus autour d’une production destinée à fournir le marché du circuit court, et ce afin de constituer une alternative à la nourriture produite par l’industrie agroalimentaire.
7Le présent Courrier hebdomadaire n’a pas pour objectif de livrer un récit historique de ce qu’ont été les coopératives en Belgique (d’autant que, en 1981, le CRISP a déjà publié une telle étude [11] qui, sur son objet direct, est toujours à la page, d’autant qu’elle a été complétée dix ans plus tard par un numéro spécial de la Revue belge d’histoire contemporaine [12]). Notre ambition est de reparcourir cette histoire afin de l’interroger en portant sur elle un nouveau regard : un regard centré sur les questionnements d’hier qui font écho à ceux d’aujourd’hui. En effet, l’histoire des coopératives est riche en leçons susceptibles d’éclairer nombre de débats actuels. Comment assurer une alimentation de qualité à un prix accessible ? Comment toucher réellement les classes les plus populaires et ne pas être un phénomène de petite et moyenne bourgeoisie ? [13] Comment assurer un fonctionnement démocratique ? Quel rapport entretenir avec les producteurs et avec les consommateurs ? Est-il possible de produire et de consommer autrement ? Etc.
8Autrement dit, il s’agit ici de mener une recherche historique impliquée dans le présent, selon le principe qu’« un enseignement de l’histoire bien compris peut apporter un éclairage sur les rêves de l’humanité, sur le pouvoir qu’ont les hommes sur le cours des choses, sur les possibles et les alternatives » [14]. Notre travail se veut donc au croisement de l’étude scientifique, par son souci de respect des faits et par ses références aux recherches historiques publiées [15], et de l’interpellation citoyenne, par les questionnements formulés.
9L’étude se structure en quatre chapitres. Le premier d’entre eux retrace brièvement l’histoire des coopératives, en commençant par revenir sur la « Société des équitables pionniers de Rochdale », qui est considérée comme l’origine du mouvement coopératif contemporain. Il rappelle ensuite que cette initiative due à des travailleurs britanniques en 1844 a été contemporaine de textes théoriques et d’expériences portées par les « socialistes utopistes ». Il se termine par l’histoire de l’implantation de l’idée coopérative en Belgique.
10Le deuxième chapitre pose le cadre belge du mouvement coopératif historique, en montrant entre autres à quel point et de quelle manière les coopératives se sont développées de manière spécifique dans ce pays, en lien avec les caractéristiques propres de celui-ci, en particulier le poids de la pilarisation de la société. Ainsi É. Vandervelde a-t-il relevé que le mouvement coopératif socialiste belge, s’il a largement repris les principes arrêtés par les pionniers de Rochdale, y a ajouté une obligation : celle d’adhérer au POB et d’affecter une partie des bénéfices à la propagande socialiste [16]. Cet ajout différencie clairement le modèle coopératif belge de celui des autres pays. En Belgique, les coopératives ont en effet été intégrées au modèle d’organisation « à bases multiples » mis en place par les socialistes à partir de la fin du XIXe siècle, à tel point qu’elles en ont formé un temps le noyau central, puis à l’« Action commune » socialiste. De même, rédigeant l’article consacré à la Belgique dans le catalogue de l’exposition universelle de la coopération, qui s’est tenue à Gand en 1924, l’économiste français Charles Gide a-t-il souligné, d’une part, les liens entre les coopératives belges et le POB et, d’autre part, le fait que la Belgique se distingue par le peu de coopératives de production [17] (les rares qui existent étant en outre liées à une coopérative de consommation) [18]. Il est à noter que ce chapitre constitue l’occasion d’évoquer la coopération qui a été développée au sein du pilier chrétien [19] ; par la suite, seule sera prise en considération la coopération socialiste, en tant qu’elle a été la seule à porter un projet plus global de société anticapitaliste et, par là même, à permettre de soulever des contradictions entre les idées et les actes (et ce même si, au final, sa réussite a davantage été politique et sociale qu’idéologique, à l’image de la social-démocratie belge).
11Le troisième chapitre décrit la réalité multiple des coopératives. Parti de regroupements de personnes voulant se procurer du pain et se dotant de locaux pour ce faire, le mouvement coopératif a eu pour ambition de concentrer, tant horizontalement que verticalement, des pans entiers de l’économie afin de socialiser celle-ci. Son développement et sa puissance se sont incarnés dans les maisons du peuple, ces « citadelles ouvrières » qui ont été tout à la fois un outil au service du développement du mouvement socialiste et une affirmation de la fierté acquise. En maints endroits, il en reste une trace encore bien visible. Ce chapitre se termine par les œuvres sociales, qui n’ont pas été étrangères au succès du modèle coopératif en Belgique, et dont une partie a constitué une sécurité sociale avant la lettre à destination des membres des coopératives. Il souligne que ces œuvres sociales distinguent – avec les œuvres éducatives et le mode de fonctionnement démocratique – les coopératives ici étudiées des simples groupes d’achat et autres groupes économiques.
12Cette distinction permet par ailleurs d’établir le lien avec le quatrième chapitre, qui passe en revue les thématiques d’hier faisant écho aux débats d’aujourd’hui : démocratie interne, conditions de travail, prix et qualité, refus du crédit, lien entre émancipation matérielle et intellectuelle, etc. Tous ces sujets d’actualité sont questionnés au regard de l’expérience coopérative historique.
13La dernière question, relative au fait qu’un moyen de changer la société puisse devenir un but en soi, mène à la conclusion. Celle-ci est centrée sur l’interrogation suivante. Les coopératives ont-elles été, sont-elles et peuvent-elles être une alternative au capitalisme ? Ou bien constituent-elles un phénomène de niche, c’est-à-dire des segments moraux au sein d’un marché capitaliste qui ne voit pas son fonctionnement être fondamentalement perturbé par les coopératives voire qui parvient à s’immiscer dans celles-ci ?
1. Une origine inscrite dans la dialectique entre pratique et théorie
14« La construction théorique et la propagation du mouvement coopératif résultent à la fois d’expérimentations pragmatiques et d’utopies qui ont été la source d’innovations sociétales », note une récente étude [20]. Plus largement, l’ensemble de l’histoire du mouvement coopératif est inscrit dans une dialectique constante entre de « multiples expériences portant des innovations sociales » et « la construction de doctrines et de propositions réformatrices visant à la transformation sociale » [21].
15Ce premier chapitre rappelle l’origine du mouvement coopératif contemporain, qui a vu le jour dans le cadre de la société née de la Révolution industrielle. Cette origine est faite à la fois de pratiques et d’expériences vécues par et pour les travailleuses et travailleurs, d’une part, et d’écrits théoriques de penseurs du socialisme, d’autre part. Ce bref historique débutera par l’évocation de la « Société des équitables pionniers de Rochdale », dont les quatre principes de base continuent à fonder la définition de la coopérative actuelle telle qu’elle a été donnée par l’Alliance coopérative internationale (à l’occasion du centenaire de sa fondation, en 1995) : « Association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement » [22].
1.1. La Société des équitables pionniers de Rochdale
16Toutes les études relatives à l’histoire des coopératives s’accordent à considérer que son point de départ a été la fondation de la Société des équitables pionniers de Rochdale (Rochdale Society of Equitable Pioneers) par des tisserands britanniques en 1844 (même si des tentatives similaires, liées souvent au socialisme utopique, avaient existé auparavant). Au-delà de son aspect quelque peu mythique, cet épisode est intéressant à rappeler ici, car il met déjà en lumière une série de points qui seront développés par la suite.
17Il a donc semblé utile de retracer brièvement ici l’histoire des « équitables pionniers de Rochdale » tout en montrant la manière dont celle-ci a appuyé la constitution du mouvement coopératif socialiste belge. Pour cela, nous résumons ci-après un ouvrage écrit par le Britannique George J. Holyoake en 1893, mais dans sa version condensée éditée en 1923 par le mouvement coopératif belge socialiste (et, plus précisément, par la société coopérative gantoise Volksdrukkerij) [23]. Il s’agit d’une traduction réalisée par Marie Moret, qui n’est autre que l’épouse (présentée ici comme « Madame veuve ») de Jean-Baptiste André Godin (cf. infra). La préface de cet ouvrage, signée par un acteur clé de l’histoire de la coopération socialiste en Belgique, Victor Serwy (qui a notamment été secrétaire de la Fédération des sociétés coopératives belges - FSCB), indique : « L’histoire des pionniers de Rochdale par G. Holyoake est somme toute l’histoire du mouvement coopératif lui-même, non seulement en Angleterre où il est né, mais en Belgique et dans tous les pays. Ce sont les pages vécues de la vie des travailleurs, avec tout l’idéal encore atteint, avec tous les préjugés de la masse des consommateurs, avec toutes les bêtises et les méchancetés de quelques porcs-épics sociaux, avec toute l’abnégation de quelques âmes d’élites. C’était vrai en 1844. C’est encore malheureusement vrai en 1923. Il n’y a pas, dans toute la littérature du XIXe siècle, d’histoire ouvrière plus vécue, plus vive d’intérêt que celle des équitables pionniers de Rochdale » [24].
18En 1843, Rochdale, cité industrielle du nord-ouest de l’Angleterre, voit ses usines textiles tourner à plein régime. Devant l’échec d’une revendication de hausse salariale portée par les ouvriers tisserands, « quelques-uns d’eux, sans emploi, presque sans pain et complètement isolés dans l’état social, se réuni[ss]ent afin d’étudier ce qu’il [est] possible de faire pour améliorer leur condition », pensant notamment aux idées de R. Owen (cf. infra). Si l’idée est initiée par douze tisserands s’engageant à collecter des fonds, c’est finalement un groupe de 28 travailleurs – qui ne sont pas tous actifs dans le textile et qui sont de tendances politiques diverses – qui fait enregistrer, le 24 octobre 1844, la Société des équitables pionniers de Rochdale.
19Dès le départ, le magasin formera l’ossature de cette coopérative. Toutefois, deux autres actions sont prévues : d’une part, « acheter ou édifier un nombre de maisons destinées aux membres qui désirent s’aider mutuellement pour améliorer leur condition domestique et sociale » et, d’autre part, « commencer la manufacture de tels produits que la Société jugera convenables pour l’emploi des membres qui se trouveraient sans ouvrage, ou de ceux qui auraient à souffrir de réductions répétées sur leurs salaires » [25]. Le texte évoque également l’achat de terres à cultiver, ainsi que l’érection d’une « salle de tempérance » pour lutter contre les ravages de l’alcool [26]. Il est donc à noter que, dès ses origines à Rochdale et bien au-delà du magasin auquel il est souvent limité dans la littérature, le projet coopératif se veut global, comme une alternative concrète destinée à réorganiser totalement « les forces de la production et de la distribution ».
20Le 21 décembre 1844, le magasin est inauguré : il s’agit d’un petit local loué dans lequel a été rassemblé du beurre, du sucre, de la farine de froment et de la farine d’avoine. Les débuts sont difficiles, les marchandises étant peu variées et parfois plus chères et de qualité moindre qu’ailleurs, ce qui ne facilite pas la mobilisation des travailleurs. Un travail d’explication (l’ouvrage parle de « côté moral ») est nécessaire, car « la pauvreté est souvent une plus grande entrave au succès des entreprises sociales que les préjugés eux-mêmes. Avec le pauvre, il faut que chaque sou ait son utile emploi et remporte tout ce qu’il peut donner » [27]. Ce travail d’éducation sur le fait que le prix ne doit pas être l’unique critère d’achat sera une constante du mouvement coopératif (cf. infra) ; il passera par l’explication du principe de la ristourne, c’est-à-dire du fait qu’une partie des bénéfices réalisés par la coopérative est redistribuée aux membres de celle-ci en proportion des achats qu’ils y ont effectués (et non au prorata des parts qu’ils y ont acquises), ce qui encourage une participation active au développement de la coopérative.
21En dépit des difficultés, le magasin se développe et se diversifie, notamment par l’occupation de l’ensemble du bâtiment dans lequel il s’est installé et par la mise en place d’une bibliothèque. Après sept ans, le nombre de membres est de 630 et la vitesse de croisière est atteinte. La Société exploite désormais un moulin. Plus tard, elle dispose d’un département de vente en gros ; celui-ci est destiné notamment à aider au développement d’initiatives similaires dans d’autres villes, ainsi qu’à assurer le développement de succursales, d’« institutions de protection mutuelle » [28] et d’un important « département de l’éducation » dispensant des cours pour les enfants, filles comme garçons [29]. Sur cet aspect d’égalité de genre, l’ouvrage note que le magasin « a rendu de précieux services pour la réalisation de l’indépendance civile des femmes. Celles-ci peuvent devenir membres de la société et exercer le droit de vote [30] » [31], et ce quelle que soit leur situation. Outre le résultat concret dans le portefeuille et dans l’assiette des membres, la bonne résistance à la crise du début des années 1860, provoquée par la Guerre de Sécession aux États-Unis, renforce la crédibilité de la coopérative.
22De manière moins heureuse, la Société se lance dans des manufactures reposant également sur des capitaux « normaux ». L’expérience doit être vite abandonnée, car l’idée d’appliquer les principes de la participation des travailleurs aux bénéfices [32] est très vite contrée par les actionnaires de type traditionnel. En revanche, le développement continue au niveau de la production de produits vendus dans les magasins, ainsi que par la création d’une banque, d’un service d’assurances, d’un navire d’import-export avec la France, etc. En 1867, ce développement se concrétise par la construction d’un immeuble qui « domine tous les autres bâtiments de la ville ». Outre le magasin, la Société possède alors des locaux de réunion et d’administration, une bibliothèque et une salle de 1 400 sièges [33], marquant ainsi dans l’espace la puissance qu’elle a acquise en une génération.
23Synthétisons ce que nous apprend l’histoire de cette coopérative « originelle ». Influencés par la connaissance de théories socialistes, une poignée de travailleurs se regroupent pour améliorer concrètement leurs conditions matérielles d’existence, tout en ayant un horizon plus large d’émancipation également intellectuelle et de transformation radicale de la société. Ils fondent alors une société coopérative, dans laquelle les dividendes qui sont versés aux membres et le poids décisionnel qui leur est octroyé ne sont pas liés au capital qu’ils ont investi mais à leur participation effective dans la coopérative. Au départ d’un petit local loué proposant quelques denrées de première nécessité, ils développent une structure solide qui, rapidement, se diversifie au niveau des produits proposés et permet de répondre à la volonté de ne pas se limiter à la distribution mais d’être aussi présent dans la production. Le projet étant également celui d’un changement de société, ils développent une bibliothèque, une caisse de secours, une structure d’enseignement, etc., et constituent ainsi une contre-société. Bientôt, celle-ci se retrouve toutefois confrontée aux limites du système capitaliste, qui reste largement prédominant dans son environnement.
24De l’expérience de la Société des équitables pionniers de Rochdale, sont issues les quatre règles de base de la coopération. L’égalité : c’est le principe de la démocratie exprimé par l’expression « un membre, une voix ». La justice : c’est le principe de la ristourne, qui veut que le bénéfice net ne soit pas réparti au prorata du capital apporté mais au prorata des achats effectués. L’équité : c’est le principe d’une rémunération fixe et limitée du capital afin de dégager des moyens pour le développement. La liberté : c’est le principe qui veut que chacun est libre d’adhérer ou de reprendre ses parts sans restriction. Il est à noter que, si la limitation du dividende et le principe de la ristourne sont souvent retenus comme constituant les principales particularités du mouvement coopératif, c’est en réalité la forme de démocratie choisie (cf. infra) qui représente l’aspect le plus révolutionnaire du projet coopératif [34].
1.2. L’influence du « socialisme utopique »
25Comme nous l’avons déjà évoqué, l’idée coopérative a été théorisée par des penseurs du socialisme avant d’être mise en pratique. Si nous avons volontairement inversé ici la présentation chronologique habituelle, c’est afin de souligner à quel point, si effectivement les penseurs ont pu influencer et susciter des initiatives, les coopératives telles qu’elles se sont développées sont avant tout des expériences concrètes menées par des anonymes. L’économiste belge Paul Lambert, penseur du fédéralisme coopératif, formule cette idée comme suit : « En ce qui concerne la coopération, la doctrine précède la science, car elle a précédé le fait coopératif lui-même : la coopération est issue d’un jugement porté par ses fondateurs sur le monde tel qu’il se présentait au lendemain de la révolution industrielle, et c’est parce que ce jugement a été défavorable que la coopération est née » [35]. Pour sa part, V. Serwy écrit de façon moins sèche : « Robert Owen, qu’on a nommé le père de la coopération en Grande-Bretagne, pas plus que Charles Fourier en France [cf. infra], ne sont les créateurs de la coopération, mais ils n’en sont pas moins les éveilleurs. Leurs pensées ont exercé une influence considérable sur les premières réalisations économiques des travailleurs, dénommées coopératives, mais [ce sont] avant tout les besoins de la vie qui ont amené les travailleurs à l’action constructive » [36]. Cet aspect profondément pragmatique n’a pas été sans conséquence sur le développement de la coopération, particulièrement au sein du mouvement ouvrier socialiste en Belgique.
26Il importe cependant d’évoquer rapidement les quelques « théoriciens » de la coopération auxquels toutes les études se réfèrent. À cet égard, le premier nom qui revient est sans conteste celui du Britannique Robert Owen, qui serait d’ailleurs le premier à avoir utilisé dans le domaine social le terme de coopérer, « travailler ensemble » (du latin co : « avec, ensemble », et operare : « œuvrer, travailler »). Viennent ensuite les philosophes français Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon et Charles Fourier, dont l’influence sur le socialisme belge a été étudiée en détail par ailleurs [37]. Celle du premier est des plus diffuses, le mouvement saint-simonien étant fort divisé et présentant peu de réalisations concrètes ; il n’empêche que, à l’époque, il connaît une importante diffusion des idées et prépare ainsi ce qui suivra. Par contre, l’influence du second est plus marquée, en raison notamment des réalisations concrètes de « disciples » comme l’industriel français Jean-Baptiste André Godin, de la propagande efficace du philosophe français Victor Considérant, et du fait que les fouriéristes, bien que membres de la bourgeoisie, ne sont pas isolés des masses laborieuses et diffusent largement leurs idées.
27Dans ce cadre, soulignons en particulier l’expérience que constitue le « familistère » que J.-B. A. Godin, inspiré par le socialisme utopique (et notamment par l’idée de « phalanstère » de C. Fourier), fait construire entre 1859 et 1884 à Guise (dans le département de l’Aisne) pour héberger les ouvriers de ses fonderies. Il s’agit d’un vaste établissement où vivent en communauté les familles et individus, et dans lequel ceux-ci trouvent tout ce qui leur est nécessaire dans des magasins coopératifs. Cette expérience a une sensible influence sur la pensée économique et sociale du XIXe siècle [38], non seulement en France mais aussi en Belgique. Et ce d’autant que, en 1887-1888, sur le modèle de son Familistère de Guise, l’industriel français fait ériger un Familistère Godin à Laeken (commune dans laquelle se trouve, le long du canal, une succursale de ses usines) [39]. Ce second familistère fonctionnera jusqu’en 1968 et ses bâtiments sont toujours visibles.
28Le quatrième théoricien régulièrement mentionné dans la littérature est Charles Gide, qui se distingue des trois premiers par le fait qu’il intervient après le début des réalisations coopératives. Docteur en droit, C. Gide occupe la chaire de coopération du Collège de France à partir de 1921. Ses théories, empreintes de morale chrétienne, marquent le mouvement coopératif entre sa phase d’expansion et le début de sa décrue.
29R. Owen, C.-H. de Saint-Simon, C. Fourier et C. Gide forment, dans des styles et avec des apports différents, le quatuor de penseurs généralement cités lorsqu’est évoquée la théorisation de la coopération moderne.
1.3. Les débuts du mouvement coopératif en Belgique
30En Belgique, se produit un mouvement dialectique [40] entre, d’une part, une auto-organisation des travailleurs afin de répondre à des besoins concrets immédiats et, d’autre part, une influence théorique de bourgeois liés au mouvement utopiste. Ce deuxième aspect débute en janvier 1831, avec l’arrivée de saint-simoniens à Bruxelles. En dépit de l’interdiction du saint-simonisme décrétée par l’Église catholique belge, de nombreux bourgeois se montrent intéressés par la doctrine issue de C.-H. de Saint-Simon. Les saint-simoniens subissant cependant une forte opposition à Bruxelles, ils se déplacent ensuite en dehors de la capitale, et notamment à Liège et Verviers entre février et juin 1831. L’accueil qu’ils y reçoivent y est bien plus favorable, au point que de petits groupes appelés « familles saint-simoniennes » se forment et qu’une production littéraire commence à assurer la propagation de la doctrine. Bien que fort diffuse, l’action des saint-simoniens ouvre des perspectives et constitue un socle sur lequel des successeurs pourront s’appuyer. Ainsi la féministe belge Zoé de Gamond, qui œuvre à faire circuler les œuvres de C. Fourier en Belgique, est-elle saint-simonienne. Tel est également le cas de V. Considérant, qui est le principal propagateur des idées de C. Fourier ; il arrive en Belgique vers 1838-1839 et s’y lie avec Charles Rogier, qui est un des personnages politiques centraux de l’époque et qui avait déjà assisté à des conférences saint-simoniennes. C. Rogier accorde donc une oreille attentive au continuateur de C. Fourier. Personnage charismatique et grand orateur, V. Considérant revient ensuite en Belgique à plusieurs reprises, d’abord en octobre 1845 puis en février 1848. Ses différentes tournées de propagande, qui s’appuient sur des banquets mais aussi sur des discussions au sein de loges maçonniques, débouchent sur la création de groupes fouriéristes à Liège, à Verviers, à Huy et à Gand.
31C’est ainsi qu’une partie de la bourgeoisie éclairée et progressiste de Belgique est conquise par les idées de changement social, à caractère pacifique et progressif, parmi lesquelles figure l’idée coopérative. Celle-ci se concrétise d’abord par la création de groupes d’achat et de boulangeries communales ; ces initiatives sont facilitées par une période de disette, à laquelle les autres réponses apportées restent cantonnées à de la philanthropie ou de la charité.
32En Belgique, la création de la première coopérative de production date du milieu du XIXe siècle. À l’initiative de Nicolas Coulon, l’Association fraternelle des ouvriers tailleurs est fondée à Bruxelles le 16 avril 1849. Elle est rapidement suivie par d’autres initiatives ; celles-ci ont toutefois une existence éphémère, à l’exception notable de l’Alliance typographique. Dès 1854, il n’existe presque plus rien de ces diverses tentatives, qui significativement ont été des coopératives de production et non de consommation. La coopération redevient alors une utopie dont il est discuté dans les lieux où se côtoient libéraux progressistes et premiers socialistes. C’est ainsi que, à la veille de la création d’une section belge de l’Association internationale des travailleurs (AIT, nom officiel de la Première Internationale), il n’existe guère que quelques sociétés coopératives créées vers 1864, notamment La Coopérative à Grivegnée, constituée par des ouvriers et des contremaîtres de l’industrie, ou La Prévoyante à Verviers. L’AIT, dont l’influence est très importante (en ce compris en Belgique) en dépit de sa brève existence, prône surtout le développement des coopératives de production et se montre réticente envers celles de consommation.
33Le 18 mai 1873, la Belgique se dote d’une loi sur les coopératives [41], qui connaîtra plusieurs évolutions par la suite [42]. Les contours très lâches de cette loi expliquent qu’une majorité significative des structures économiques qui se doteront de cette forme juridique n’aura rien à voir avec le projet de changement de société qui nous intéresse dans le cadre de la présente étude. En outre, si cette loi permet à diverses organisations du mouvement ouvrier (dont le droit d’association reste par ailleurs limité) d’avoir une existence légale et reconnue, elle impose des obligations qui ne sont pas nécessairement aisées à remplir pour des personnes qui ne sont pas ou guère instruites. Cette difficulté force le mouvement coopératif socialiste belge à développer des formations et à diffuser des statuts types, qu’il suffit de compléter.
34Il faut attendre la création de la société coopérative gantoise Vooruit en 1881 (cf. infra) et son effet d’entraînement, renforcé par la création du POB en 1885, pour que le mouvement coopératif socialiste se mette réellement en marche en Belgique. Le tournant des XIXe-XXe siècles voit la multiplication des créations de magasins coopératifs. Ce phénomène est illustré par la fondation, à la fin de l’année 1900, de la Fédération des sociétés coopératives belges (FSCB). D’obédience socialiste, celle-ci est destinée à devenir l’organe central d’un mouvement qui multiplie les diversifications dans le modèle de l’assurance [43], des pharmacies, etc. [44] À la veille de la Première Guerre mondiale, le mouvement coopératif est inscrit dans le paysage belge essentiellement via le volet de la consommation, les coopératives de production existantes étant cantonnées à un rôle de fournisseuses des magasins coopératifs.
35La courte période qui va de la fin de la Première Guerre mondiale à la crise économique, puis politique, des années 1930 est considérée comme l’âge d’or des coopératives. Celles-ci sont alors à l’apogée de leur puissance. L’exposition internationale de la coopération, qui se tient à Gand, ville du Vooruit, du 15 juin au 15 septembre 1924 et qui accueille 200 000 visiteurs, symbolise cet apogée. L’exposition est organisée par le seul mouvement coopératif socialiste même si, au niveau international, toutes les tendances politiques et idéologiques sont représentées (ainsi, l’Italie fasciste dispose d’un stand, qui est par ailleurs le plus vaste de tous, ce qui provoque un certain malaise).
36Les années 1920 sont prospères pour les coopératives socialistes belges, avec la multiplication de projets d’« usines rouges » dans divers secteurs : fabrication textile, pêche, métallurgie, etc. Les coopératives socialistes bénéficient alors de l’aide non négligeable de la Banque belge du travail (BBT). Fondée en mars 1913, cette institution financière socialiste fournit en effet des fonds à de nombreuses entreprises du mouvement coopératif socialiste. Mais celles-ci souffrent de graves défauts financiers structurels (endettement, sous-capitalisation, etc.), que la crise économique déclenchée aux États-Unis en 1929 vient aggraver encore. Leur fragilisation croissante rejaillit sur la BBT, qui est contrainte de fermer ses portes le 28 mars 1934 [45]. C’est avec cette faillite retentissante que prend fin la période faste des coopératives socialistes. En effet, l’événement emporte purement et simplement leur épargne (ainsi que celle des syndicats et mutuelles socialistes). Une intervention du gouvernement belge (associant alors le Parti catholique et le Parti libéral) permet certes de sauver l’épargne des particuliers (via un organisme parastatal : la Caisse générale d’épargne et de retraite - CGER), mais pas celle des organisations [46]. En conséquence, le mouvement coopératif socialiste est très durement touché par la faillite de la BBT ; il ne survit que grâce à un prêt de l’État, qu’il lui faut ensuite rembourser jusqu’en 1956.
37La fin de la Seconde Guerre mondiale est douloureuse pour les coopératives : elle amorce une lente agonie, dont les acteurs ne prendront conscience que tardivement. D’une part, le mouvement sort financièrement affaibli des années 1940-1944. Ainsi, Émile Dutilleul estime que, en raison de la guerre, les biens des coopératives socialistes « en immeubles, mobiliers, matériel et marchandises ont subi des dommages qui, en valeur de 1939, s’élèvent à près de 70 millions de francs » [47]. À ce chiffre, il faut en outre ajouter le coût de l’aide que, comme en 1914-1918, les coopératives ont apportée à leurs membres pour leur permettre de tenir face aux restrictions imposées par l’occupant allemand. D’autre part et surtout, la société évolue rapidement après 1945, et en tout cas plus rapidement que le mouvement coopératif : de précurseur (centrales d’achat, production interne, marque propre, ristourne, etc.), celui-ci devient de plus en plus anachronique. Par exemple, il rate l’ère des libres services et des magasins situés en périphérie des villes où l’on se rend en voiture. Il rencontre en outre de nombreuses difficultés internes (cf. infra). Par ailleurs, l’attrait pour les œuvres sociales des coopératives (caisses de chômage, de pension, de maladies, d’accidents, de layette, etc.) est rendu moindre par la création puis par l’extension de la sécurité sociale, qui constitue précisément la généralisation à l’ensemble de la population de ces réalisations du mouvement coopératif et la concrétisation d’une partie de son idéal socialiste de la société.
38Le secrétaire général de la Société générale coopérative (SGC, d’obédience socialiste), Roger Ramaekers, résume bien la situation qui prévaut au milieu des années 1960 : « Force nous [est] de constater que, face aux autres formes de commerce intégré, nous sommes trop souvent à la traîne : notre retard porte autant sur les techniques de distribution que sur les assortiments ; nous négligeons ou tardons à satisfaire les besoins toujours plus diversifiés des consommateurs, nous condamnant ainsi à vendre de plus en plus ce que les gens consomment de moins en moins » [48]. Ce constat est d’autant plus interpellant que la naissance et le succès même des coopératives constituent une réponse aux besoins primaires de consommation. Malgré tout, les coopératives regroupent encore plus de deux millions de personnes à cette époque.
39Durant les années qui suivent, sont entreprises des rationalisations et des fusions. Cela va jusqu’au rapprochement entre le pilier socialiste et le pilier chrétien qui, alliés de manière significative à deux mastodontes capitalistes (Delhaize et Carrefour), donnent naissance à l’éphémère Distrimas au début des années 1980, qui contrôle des hypermarchés à Rocourt et à Messancy. L’échec de cette expérience met fin aux coopératives de consommation qui, sur la fin, ont vécu, ironie d’un certain retournement de l’histoire, sous la perfusion des autres branches dont elles étaient à l’origine.
40Le mouvement autogestionnaire qui se développe dans les années 1970 relance les créations de coopératives de production, souvent consécutives à une faillite d’entreprise et basées sur la volonté des travailleuses et travailleurs de continuer une activité à laquelle ils croient. En effet, autogestion et coopération sont des concepts qui, théoriquement, peuvent se superposer : « Dans son acception la plus stricte, l’autogestion est le fait d’une entreprise détenue en pleine propriété par ses travailleurs. Une entreprise autogérée ainsi comprise est donc, en théorie, une coopérative de travailleurs. La coopérative de travailleurs est dès lors “autogestionnaire” dès le moment où ses travailleurs sont propriétaires de leur entreprise (…). Il arrive très fréquemment que des coopératives soient créées par des entrepreneurs alternatifs qui veulent tout simplement entreprendre autrement, sans pour autant participer, ni même mettre en œuvre, les utopies des militants politisés » [49]. Si le pilier chrétien se montre particulièrement proactif sur ses initiatives, le mouvement socialiste n’y reste pas étranger [50]. Les initiatives sont alors nombreuses à voir le jour, mais peu d’entre elles parviennent à être pérennes [51].
2. Une structure centrale de la pilarisation en Belgique
41En Belgique, contrairement à d’autres pays où la « neutralité politique » des coopératives est davantage de mise, le mouvement coopératif se développe tout à la fois comme l’un des ingrédients et l’une des manifestations de la pilarisation. Cela est surtout vrai en ce qui concerne le pilier socialiste et le pilier chrétien. Pour leur part, les libéraux n’investissent guère dans des initiatives qui viennent faire directement concurrence aux petits commerçants, qui constituent l’une de leurs bases électorales [52], bien qu’il existe des traces de coopératives libérales (comme Help U Zelf à Anvers ou à Gand, au sein de la « défense ouvrière libérale ») [53] – de même qu’il existe par ailleurs des coopératives neutres (à l’image de L’Union économique à Bruxelles) [54]. En outre, c’est en Belgique, pays où le socialisme se caractérise par son choix idéologique en faveur d’un grand pragmatisme [55], que le modèle de la coopérative s’épanouit. À tel point que, durant une période, le mouvement coopératif est l’épine dorsale du Parti ouvrier belge (POB), dont on oublie parfois qu’il est, à sa création, l’émanation d’une volonté de regroupement entre des groupes politiques, des coopératives déjà bien implantées et des syndicats naissants. En 1898, les députés socialistes Jules Destrée et Émile Vandervelde écrivent : « De même qu’il y a des curés, dans chaque village, pour la diffusion des idées catholiques, de même il y a des employés des coopératives, dans chaque centre industriel, pour la propagation des principes socialistes » [56].
2.1. Le pilier chrétien
42Même si la loi du 18 mai 1873 brouille quelque peu les pistes, le développement du modèle coopératif est indubitablement dû à la progression imposante des coopératives socialistes et à la place centrale qu’elles prennent rapidement au sein du POB. Face à cela, il faut du temps au monde catholique pour reconnaître la pertinence de la formule coopérative, tout comme celle de la formule syndicaliste (toutes deux ne cadrant pas avec la doctrine du patronage par leur aspect d’auto-émancipation des travailleurs) [57]. Les progrès du socialisme, dans lesquels le rôle central des coopératives n’échappe à personne, incitent les milieux catholiques à revoir leurs positions en la matière.
43Cependant, à la fin du XIXe siècle, seules existent quelques initiatives catholiques dans les centres industriels importants : Liège (dans le giron de la Société ouvrière Saint-Joseph), Houdeng (L’Union des ouvriers) et évidemment Gand (où la société Het Volk est créée par des membres de l’Antisocialistiche Werkliedenbond pour faire face au déjà puissant Vooruit socialiste). Ces coopératives catholiques sont renforcées ensuite par divers éléments : le succès des œuvres économiques du Boerenbond (créé en 1890) ; le constat que, au niveau international, les coopératives se développent avec succès sans forcément être imbriquées dans le mouvement socialiste ; le développement du syndicalisme chrétien (dont les besoins en capitaux exercent une pression en faveur de l’action coopérative). Elles se distinguent de leurs homologues socialistes par deux éléments : d’une part, les capitaux ne proviennent pas uniquement d’ouvriers et, d’autre part, leur activité est limitée à leur objet premier (il n’y a pas de transfert de fonds vers des œuvres sociales ou éducatives, celles-ci étant prises en charge par d’autres organisations et mouvements du pilier chrétien, dont l’Église).
44Du côté chrétien, il faut cependant attendre 1910 pour que la création de la société L’Économie à Hasselt joue un rôle moteur équivalent à celle du Vooruit. En outre, cette impulsion ne se traduit concrètement qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, avec la création, en février 1919, de la Coopération ouvrière belge (COB), qui fédère les quelques structures existantes. De son côté, L’Économie, via une alliance avec le Boerenbond, se mue en Le Bien-être, dont le nom finira par désigner l’ensemble des coopératives du pilier chrétien. Créée en 1921, la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC) collabore très étroitement avec la COB. La concentration et la centralisation vont alors bon train ; à l’aube des années 1930, le processus est quasi achevé sous le nom générique de Bien-être (L’Économie populaire assurant la centralisation en provinces de Namur et de Luxembourg). Rapidement, le réseau de distribution du pilier chrétien crée des centres de production pour alimenter les magasins coopératifs du Bien-Être et met en œuvre d’importantes campagnes de promotion.
45À la veille de la Seconde Guerre mondiale, le pilier chrétien met en place une organisation très centralisée portant le nom de Fédération nationale des coopératives chrétiennes (FNCC), qui apporte un financement significatif aux autres branches de ce pilier. La FNCC devient autonome à la Libération, tout en gardant des liens très forts avec le reste du mouvement chrétien via des avantages croisés pour les membres, qui sont de plus en plus nombreux. Les années d’après-guerre sont similaires à ce que vit la coopération socialiste : difficulté à se moderniser, à s’adapter au changement de société et à contrer la concurrence qui se développe. Les différentes tentatives de rationalisation ne suffisent pas et les années 1960 à 1980 sont pour Le Bien-Être celles d’une lente disparition.
2.2. Le pilier socialiste
46Du côté socialiste, la coopérative est indissociable du parti, et ce dès les origines. En effet, une série de coopératives font partie des structures qui décident, en 1885, de se regrouper pour créer le POB. Adhérer au POB est obligatoire pour les membres des coopératives socialistes (le paiement de l’affiliation au parti étant pris en charge par chaque coopérative pour ses membres) [58]. L. Bertrand indique clairement que, « pour être membre d’une coopérative socialiste, il faut faire une profession de foi socialiste, adhérer en même temps au programme du [POB]. Dans ces conditions, l’organisation coopérative se confond avec l’organisation même du socialisme. Les progrès de l’une réagissent nécessairement sur les progrès de l’autre. Presque tous les socialistes deviennent coopérateurs et, par conséquent, la coopération bénéficie de toute la propagande socialiste tandis que, réciproquement, par le fait de leur adhésion au [POB], tous les coopérateurs sont socialistes » [59]. Un exemple concret est celui de la société La Concorde à Roux : c’est le POB lui-même qui impose les conditions exigées par celle-ci : « Se grouper syndicalement, mutuellement, coopérativement » [60]. Lors de l’Exposition universelle qui se tient à Gand en 1913, le stand de la coopérative Vooruit apparaît comme une vitrine du socialisme belge [61].
47Une carte postale de propagande de la maison du peuple de Bruxelles résume le projet en montrant le syndicalisme, la coopération et la politique ouvrière séparés être battus par le capitalisme, alors que l’union entre la politique ouvrière socialiste, le syndicalisme socialiste et la coopération socialiste au profit du travail permet de vaincre ce même capitalisme. C’est cette même logique d’union qui prévaudra à la création de l’Action commune [62] dans le cadre de la lutte des socialistes contre le retour du roi Léopold III durant la Question royale (et après leur défaite aux élections législatives du 26 juin 1949) et, accessoirement, contre l’influence communiste au sein de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB).
48Durant toute la période d’existence du POB, les coopératives constituent l’épine dorsale, la réalité même de ce parti qui n’existerait pas sans elles. Cette situation crée d’ailleurs une dépendance qui n’est pas sans conséquence sur certains choix politiques et, surtout, sur l’approfondissement de la voie réformiste. En effet, les dirigeants des coopératives visent le changement progressif et se montrent frileux quant à tout mouvement qui risquerait de mettre en danger financièrement l’édifice lentement et durement construit (ce qui leur vaut, déjà à la veille de la Première Guerre mondiale, une critique virulente de la part d’Henri De Man et de Louis De Brouckère, qui parlent de « crétinisme coopératif » [63]). « Au point de vue politique, tout d’abord, il faut remarquer que, dans le [POB], les groupes politiques proprement dits sont relativement rares. L’assemblée générale des fédérations, de même que le congrès annuel, se compose à peu près exclusivement des délégués des groupements économiques. À l’approche des élections, il est vrai, on crée fréquemment des sections de propagande, mais celles-ci n’ont guère d’existence propre et n’ont aucune autonomie financière. (…) Ce sont les coopératives qui fournissent au [POB] la majeure partie de ses ressources, sous forme de cotisations, de subsides en cas de grève, de souscriptions en faveur de la presse socialiste et des autres œuvres de propagande » [64]. Longtemps après la Seconde Guerre mondiale, la coopérative La Prévoyance sociale figure parmi les principaux financeurs des campagnes du Parti socialiste belge (PSB).
49Si l’antériorité revient à la maison du peuple de Jolimont, créée en 1872 par des ouvriers membres de l’AIT, c’est le Vooruit de Gand qui est le modèle de la coopération socialiste. À l’origine, se trouve la société De Vrije Bakkers, créée en 1875 à Gand, centre textile très important ; composée majoritairement de socialistes, elle est neutre. Suite au refus d’arborer le drapeau rouge à la façade du bâtiment de la société, une scission provoque la création du Vooruit en 1881. Dès 1884, un journal du même nom voit le jour et, l’année suivante, le Vooruit participe activement à la création du POB. Longtemps, le Vooruit reste le seul pilier du POB en Flandre, ce qui donne un poids considérable et à vrai dire disproportionné à son directeur (et par ailleurs député socialiste entre 1894 et 1936), Édouard Anseele (qui n’est pas un ouvrier textilien mais un employé typographe qui, loin des débats théoriques sur la révolution, défend un pragmatisme basé sur un socialisme influençant directement et immédiatement la vie quotidienne des ouvriers). Le Vooruit se développe rapidement et consacre prioritairement ses moyens financiers à la propagande et à des œuvres, et secondairement au versement de dividendes. L’aide qu’il apporte aux mineurs borains grévistes au printemps 1885 (consistant en l’envoi de dix tonnes de pain) fait forte impression (y compris au niveau international) et le lance réellement [65].
50Le « modèle gantois », pragmatique, imbriquant au POB toutes les formes du mouvement ouvrier et multipliant les « services », marque durablement et en profondeur l’histoire du socialisme « à la belge ». D’autant qu’il est d’une grande efficacité, ce qui permet au socialisme gantois de se distinguer par son taux de syndicalisation, son poids électoral, etc. (un succès renforcé par le fait que, à partir de 1900, les caisses de chômage des syndicats gantois sont subventionnées par les autorités communales dans une logique de réformisme libéral [66]). Le poids du Vooruit se marque également dans le paysage de la ville, avec principalement la maison du peuple Ons Huis au Vrijdagsmarkt et le Palais des fêtes, ainsi qu’avec l’érection d’une maison du peuple dans chacun des quatre principaux quartiers ouvriers de la ville. Avec les usines de production de la coopérative, puis avec la prise de participation dans des initiatives mixtes avec la frange la plus « ouverte » du patronat gantois, c’est un véritable empire que dirige É. Anseele. Cet empire incarne à la fois l’immense succès du mouvement ouvrier et son embourgeoisement.
51Le Vooruit n’est pas la seule coopérative qui se développe à la fin du XIXe siècle. En raison de son succès, il est vite copié. À Verviers, la Meunerie et boulangerie mécanique est fondée en 1884, après une conférence d’É. Anseele. La Meunerie fait partie des quatre groupements de la région verviétoise qui sont présents au congrès de fondation du POB (les trois autres étant deux syndicats et un cercle politique). Elle se dote d’une imposante maison du peuple dès 1894. Citons également Le Progrès à Jolimont, La Concorde à Roux, L’Union des coopérateurs à Charleroi, La Maison du peuple à Bruxelles, La Populaire à Liège [67], etc. À la fin du XIXe siècle, toutes les communes à forte présence ouvrière sont dotées de leur coopérative socialiste, aux locaux et aux succursales plus ou moins importants. Hormis dans les grandes villes, ce sont surtout de petites structures indépendantes qui se multiplient [68] – au grand dam des dirigeants socialistes, qui dénoncent un esprit de clocher.
52Les problèmes dus à la Première Guerre mondiale sont terribles et forcent les coopératives socialistes, jusqu’alors farouchement attachées à leur indépendance locale, à se fédérer, via notamment une centrale d’achat établie aux Pays-Bas (pays resté neutre durant le conflit), à la limite frontalière avec la province de Liège. Le 22 mai 1918, est fondée l’Union coopérative de Liège [69], par « fusion de 76 sociétés locales en une seule société régionale qui étend son champ d’action à 164 communes et possède notamment 174 magasins » [70]. Son développement est exponentiel : en 1920, l’Union coopérative de Liège « compte 249 magasins répartis dans 213 communes et implantés dans cinq provinces différentes. En outre, elle possède 10 débits de boucherie-charcuterie, 3 magasins d’habillement et confection, 6 magasins régionaux, 1 magasin d’ameublement, 18 boulangeries, etc. Enfin, à côté de la siroperie de Micheroux déjà installée pendant la guerre (…), [elle] dispose bientôt d’autres usines alimentaires de production : confiturerie, chocolaterie, confiserie, conserves alimentaires, moutarderie » [71]. À partir de ce moment, l’Union coopérative de Liège est souvent citée comme l’exemple à suivre, en tant qu’elle concrétise les vœux des dirigeants socialistes, qui plaident pour une centralisation accrue afin de gagner en efficacité, notamment pour lutter contre la concurrence qui s’accroît au niveau du commerce privé (qui développe des grands ensembles, à l’image de Delhaize) [72].
53Le début des années 1920 voit une répartition des tâches s’opérer entre deux pôles au sein du mouvement coopératif socialiste belge : l’Office coopératif belge (OCB), pour la propagande, et la FSCB, pour le rôle de centrale d’achat et de grossiste [73]. En 1924, est mise sur pied la Société générale coopérative (SGC), qui a pour mission d’assurer la centralisation des productions alimentant le circuit de consommation. La SGC reprend à ce titre, l’année suivante, le centre industriel de Micheroux. En 1933, est lancée la marque COOP pour identifier tant les magasins que les produits, ainsi qu’un périodique destiné à renforcer l’unité et la centralisation : Le coopérateur belge.
54En 1945, prend fin l’obligation d’affiliation automatique au POB (qui devient le PSB). Toutefois, le mouvement coopératif socialiste ne connaît pas de débat sur l’indépendance vis-à-vis du parti (contrairement à la FGTB) [74], même si, dans un de ses ouvrages, V. Serwy dit considérer que la coopération doit se détacher du parti, pour le bien des deux organes [75]. La coopérative demeure donc un lieu central de la sociabilité du parti et le contrôle du PSB sur les coopératives reste entier.
55Le mouvement coopératif socialiste est alors un colosse aux pieds d’argile, dont les 1 200 000 coopérateurs en 1963 sont l’arbre qui cache la forêt : en réalité, la puissance du mouvement s’effrite rapidement [76]. En 1964, la destruction du bâtiment de la maison du peuple de Bruxelles réalisé par Victor Horta [77] – dont les coûts d’exploitation avaient été jugés trop élevés – est en ce sens le symbole inverse de ce qu’a été l’exposition internationale qui s’était tenue à Gand quarante ans auparavant. En 1968, un vaste plan de rationalisation et de fusion est mis en place, qui supprime de nombreux points de vente et crée plusieurs supermarchés.
56En 1970, les organes de gestion sont réformés. Il y a désormais, d’une part, la Fédération belge des coopératives (FBC, qui existe toujours aujourd’hui sous le nom de Fédération belge de l’économie sociale et coopérative - FEBECOOP), qui est destinée à la propagande, au lobbying et aux relations au sein de l’Action commune, et, d’autre part, Coop-Belgique, qui s’occupe du volet commercial et opérationnel. Les problèmes financiers se multipliant dans les régionales, il est décidé de s’appuyer sur l’Union coopérative de Liège – qui, dans les faits, a déjà étendu sa zone d’influence sur tout l’est et le sud de la Wallonie – pour créer Coop-Sud en 1978. En Flandre, les pôles de Gand, de Malines et d’Anvers maintiennent leur indépendance. En 1981, le pôle malinois fait faillite ; il n’est pas intégralement sauvé par le reste du mouvement, ce qui constitue une première et suscite la méfiance des fournisseurs. Cela se répercute sur le reste du mouvement, qui est déjà fortement fragilisé et qui ne tient plus que sous la perfusion des branches restées rentables (assurance, pharmacie, etc.). Après l’expérience Distrimas avec le pilier chrétien (cf. supra), Coop-Sud jette le gant et se replie sur la gestion du patrimoine, abandonnant toutes ses activités commerciales, qui sont reprises en grande partie par Delhaize.
3. Une réalité multiple
57Après avoir replacé le contexte et les balises du développement des coopératives, nous abordons maintenant la réalité multiple du modèle coopératif. Ce chapitre permet de mieux comprendre l’importance que celui-ci a représentée non seulement pour la classe ouvrière, mais aussi dans le paysage commercial, à savoir que la coopérative a été, selon l’expression de l’historien Marcel Liebman, tout à la fois la citadelle et l’auberge du mouvement ouvrier ou, selon les mots d’É. Anseele, un « socialisme d’épiciers » où l’on s’emploie à « bombarder le capitalisme à coups de tartines et de pommes de terre » [78].
58L’histoire de la coopérative Les Artisans réunis de Jemeppe-sur-Meuse offre un bon aperçu de ce qu’a été le développement d’une telle structure, des origines à la veille de la Première Guerre mondiale. En 1887, alors que l’entité de Jemeppe est dotée d’une caisse de résistance regroupant quelque 1 200 ouvriers, 25 travailleurs décident de fonder une coopérative. Parmi eux, se trouve Joseph Wettinck, déjà à l’origine de la caisse de résistance, qui deviendra le président de la coopérative. Né en 1852, il travaille à la mine depuis l’âge de 9 ans. Autodidacte, il est élu parmi les 28 premiers députés du POB en 1894 et devient conseiller communal en 1899. À son décès, en 1907, son poste d’administrateur délégué échoira à son gendre François Logen (déjà employé dans la coopérative, ses activités politiques l’empêchant de trouver du travail ailleurs) ; après la guerre, celui-ci fera carrière au sein de l’Union coopérative de Liège, notamment comme secrétaire général, tout en menant une carrière politique.
59Pour tenir ses activités, la société Les Artisans réunis loue une maison face au charbonnage des Kessales. Les premiers temps sont difficiles, parce que les coopérateurs manquent d’expérience et de compétence et qu’ils sont attaqués par les commerçants traditionnels, ainsi que par le pouvoir en place, ce qui multiplie les tracasseries. De plus, une partie des coopérateurs s’en va pour fonder un groupe d’achat. L’année 1895 est importante pour Les Artisans réunis, car la coopérative parvient à acquérir un bâtiment rue de l’Hôtel communal. L’année suivante, une salle est construite en annexe au café. En 1897, les finances permettent de développer des œuvres sociales : une caisse de secours aux malades et aux blessés et une caisse d’épargne. C’est également l’année de l’affiliation au POB. En 1900, s’ajoute une caisse de la femme accouchée et, l’année suivante, une caisse de funérailles. En 1901, sont également développées des activités de loisirs, avec un corps de musique et une bibliothèque, tandis que le café est agrandi. À partir de 1902, la coopérative essaime, avec des succursales à Bois-de-Mont, à Toutes-Voies et à Hollogne. Elle se dote également d’une boulangerie en 1906 et d’une boucherie en 1911. À la veille de la Grande Guerre, elle compte près de 1 000 associés, s’est dotée d’un journal (L’Avenir) et a ajouté différentes caisses à celles déjà existantes : une caisse de pension, une caisse de grève et une caisse de chômage.
60 Partout, un même modèle est suivi, y compris dans de plus petites communes [79]. Ainsi, à Tubize, l’origine de la société L’Aurore, fondée en 1896, réside dans l’association d’une quarantaine de personnes réunies chez un travailleur [80]. Les douze premiers membres sont tous des ouvriers manuels dépourvus du diplôme de l’enseignement primaire, qui achètent un bâtiment et y aménagent un café, une salle des fêtes et des locaux pour les autres groupes du mouvement socialiste. La coopérative possède également un attelage pour livrer le pain à domicile. La maison du peuple est inaugurée en 1900 par une grande fête ouvrière.
3.1. À la base, le magasin
61L’idée première des coopératives, leur principale raison d’être et le facteur essentiel de leur développement et de leur multiplication, est de répondre à un besoin élémentaire et vital : se nourrir. Si le pain – qui, à la fin du XIXe siècle, constitue l’essentiel du régime alimentaire des familles ouvrières (avec les pommes de terre) et représente une part non négligeable de leur budget total [81] – est à la base des initiatives originelles, d’autres produits s’y ajoutent très vite, diversifiant l’offre proposée et dépassant le cadre alimentaire. Tout d’abord, d’autres produits alimentaires, comme le beurre ou les conserves, voire la viande dans le cas où la coopérative possède une boucherie. Ensuite, des produits de mercerie (tissus, fil, etc.) et de soins (comme le savon) [82]. Enfin, dans le cas des plus grosses structures, l’extension peut aller parfois jusqu’à la vente de meubles.
62Mais quel que soit le degré de développement atteint, l’alimentation – et le pain en particulier – reste l’élément principal. La question du prix du pain et de sa qualité est centrale pour les magasins coopératifs et pour leur succès, des origines à la fin. V. Serwy décrit ainsi un pain de bonne qualité : « [Il] est bien levé, de forme arrondie, régulière ; il est sonore, poreux. La mie est blanche, très légèrement jaunâtre, sans points noirâtres ou rougeâtres. Les trous (alvéoles) ne sont ni très petits, ni serrés, mais de grandeur moyenne, régulière et également distribuée sur toute la surface de la coupe. Ayant été soumise à une légère pression, la mie reprend sa position première ; elle est soyeuse au toucher. Pétrie entre les doigts, elle ne s’y attache pas. Son odeur est douce et sa saveur agréable. La croûte uniformément cuite n’est ni trop mince ni trop épaisse et adhère à la mie » [83]. Dans les années 1960, l’Union coopérative de Liège se vante, dans une brochure, de produire 40 000 pains dans les usines « ultra-modernes des deux plus puissantes boulangeries-pâtisseries de l’est du pays » (basées à Seraing et à Huy) et de les livrer dans les magasins ou à domicile par camionnette (la livraison à domicile étant, dès les origines, une caractéristique et un argument commercial).
63La diversification des produits proposés dans le magasin constitue un objectif et un enjeu central. Ainsi, la vente de viande suit la montée puis le déclin des coopératives. Pour des travailleurs dont l’alimentation s’est pour l’essentiel limitée pendant des dizaines d’années à quelques patates, à du pain et éventuellement à un peu de matière grasse, le fait de se doter d’une boucherie est le signe supplémentaire d’affirmation d’une puissance, d’un progrès social. Des documents d’époque vantent d’ailleurs telle ou telle coopérative en reproduisant une photographie montrant les vaches sur un trottoir à l’entrée du magasin ou de la boucherie. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, la question de la vente de viande devient l’un des symboles des difficultés grandissantes des coopératives à répondre aux changements de société. Les fonds manquent pour mettre l’ensemble des magasins aux normes sanitaires, notamment en installant des comptoirs frigorifiques.
64Cette situation illustre fort bien le fait que, dorénavant, les magasins coopératifs ne sont plus en mesure de proposer une gamme de produits équivalente à celles des autres magasins, phénomène qui s’accentue encore avec le développement des supermarchés [84]. Obligés de compléter leurs achats ailleurs, les coopérateurs s’éloignent progressivement des magasins coopératifs. Une spirale négative s’amorce alors : le nombre d’achats diminue, ce qui réduit les moyens, ce qui entraîne une baisse du nombre de produits disponibles, ce qui provoque un désintérêt accru, etc. Ainsi, à Verviers, au cours des vingt années qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale, la moitié des membres quittent la coopérative ; en outre, force est de constater que ceux qui restent sont de moins en moins actifs. Lors des réunions des comités locaux, les plaintes se multiplient quant aux retards de fourniture, à l’absence de travaux d’entretien et de rénovation, au manque de proactivité (pas d’ouverture de magasins dans des nouveaux quartiers, notamment dans ceux de logements sociaux), etc., alors que chacun sait qu’un magasin modernisé et bien approvisionné voit son chiffre d’affaires rebondir. En outre, les carences au niveau de l’entretien des bâtiments ont pour conséquence une diminution de la location des salles de réunion ; même les autres structures socialistes s’en vont ailleurs.
3.2. Le principe de la concentration horizontale et verticale
65Si, en Belgique, la coopération se développe essentiellement sous la forme de la consommation, des initiatives de production existent également. Cependant, elles se caractérisent par leur dépendance à la première forme.
66Une réelle volonté de changement de société est à l’origine de cette situation, l’idée étant d’étendre le principe coopératif à l’ensemble de l’économie à partir de la coopérative originelle. La concentration se veut tout à la fois, d’une part, horizontale (par la multiplication des produits vendus dans les magasins coopératifs et par la densification du réseau de ceux-ci) et, d’autre part et surtout, verticale (par la volonté de contrôler l’ensemble de la chaîne de production). S’y ajoute une réflexion concernant les intermédiaires : « Il est certain que les sociétés coopératives de consommation sont appelées, dans un temps plus ou moins rapproché, à remplacer le commerce de gros et de détail tel qu’il fonctionne aujourd’hui. Il est inadmissible, en effet, de comprendre que les gens continueront à se faire exploiter par des intermédiaires », écrit L. Bertrand [85]. À l’intersection entre horizontalité et verticalité de la concentration, se trouve la création d’une boucherie, d’une laiterie (comme « Le bon beurre » à Herfelingen, ouverte par la maison du peuple de Bruxelles) ou d’un ensemble de bateaux de pêche destinés à alimenter les magasins coopératifs (comme la « flotte rouge » installée par le Vooruit à Ostende), ou encore la mise en place de la marque COOP, marque propre des coopératives.
67À la fin des années 1920, les principales coopératives de production sont La Verrerie ouvrière de Fraire, Les Cigariers réunis à Gand, La Volonté à Gosselies (fabrique de produits émaillés), L’Union métallurgique à Huy (fonderie), Les Campagnards de Tihange à Huy, L’Union des travaux à Lonzée, Les Ouvriers du bâtiment réunis à Mouscron, Le Travail collectif à Bruxelles (peinture), La Prévoyance à Presgaux (saboterie), Broederlijke Mandemokers à Tamise (vannerie). « Plus importante est la coopération de production dépendant de la consommation. Il existe 72 boulangeries, (…) 11 brasseries, 12 imprimeries, 7 ateliers de confection de vêtement, 1 saboterie à Engis, 1 entreprise de production agricole (Les Planteurs de Saint-Léger) » [86]. Tout cela sans compter ce qui dépend de la Société générale coopérative (SGC), dont le principal centre de production est celui de l’Union coopérative de Liège (un vaste complexe situé à Micheroux, sur les hauteurs de Liège, cf. supra) : bière, cirage, chocolat, confiserie, confiture, fruits en conserve, margarine, moutarde, savon, sirop, chaussures, conserves alimentaires, bonneterie, laine, chicorée. Par la suite, les coopératives de production et les usines liées au mouvement continuent à se diversifier.
68C’est à partir de la question du pain que se développe la volonté de concentration verticale. Il est à noter que, dès l’origine, outre la dimension idéologique et exemplative, l’objectif est non seulement de contrôler voire d’abaisser les coûts de production (notamment par une production centralisée et industrialisée) – et donc de fournir un pain dont le prix est conforme à la quantité annoncée voire, à terme, de proposer des produits moins chers – mais également de contrôler et d’augmenter la qualité des produits, les coopératives dénonçant régulièrement les fraudes au poids et à la qualité. Ainsi, les principales coopératives se dotent rapidement toutes d’une boulangerie (quand celle-ci n’est pas à l’origine même du projet de création de la coopérative) [87]. À Verviers, cette priorité s’inscrit jusque dans le nom : Meunerie et boulangerie mécanique, qui marque le fait qu’une nouvelle étape a été franchie par la création d’une meunerie. Celle-ci est destinée à fournir de la farine, non seulement à la boulangerie qui produit le pain vendu dans les magasins, mais également aux coopérateurs qui font leur pain eux-mêmes. L’enjeu suivant est d’alimenter la meunerie en céréales. Par exemple, la coopérative agricole La Justice à Waremme permet à plusieurs boulangeries coopératives de s’approvisionner en blé, orge, etc. Enfin, étape ultime, il s’agit de créer une coopérative de semence. Le mouvement se dote d’au moins une telle structure, à Huy. Ainsi, de la semence au pain consommé par l’ouvrier, le mouvement coopératif socialiste parvient à « socialiser » un processus complet pour une partie de ses membres (la concentration verticale intégrale restant exceptionnelle).
69 Ce modèle de production adossée à la consommation est prôné par le POB. À partir de 1907, face au grand nombre d’échecs constaté, le parti décide par ailleurs de ne plus soutenir les initiatives de production qui n’ont pas reçu son aval préalable. Cette position est réaffirmée en 1911.
3.3. La maison du peuple
70C’est en 1872 qu’apparaît la première maison du peuple, à Jolimont. On en compte 66 en 1893 et 149 en 1914 ; « chaque coopérative, dès que ses moyens le permett[ent], [veut] avoir la sienne » [88].
71La maison du peuple est une extension du magasin des débuts, avec lequel elle se confond d’ailleurs parfois. Au-delà de ses aspects pratiques, elle revêt bien vite une charge symbolique importante. En effet, elle est destinée à s’inscrire dans le paysage urbain comme la « citadelle ouvrière », faisant souvent contrepoids à l’église. Sa taille et les matériaux nobles utilisés pour sa construction constituent donc l’affirmation de la puissance du POB et, plus largement, de la fierté d’un mouvement ouvrier qui n’a plus besoin de se cacher [89] (même s’il peut encore rencontrer des difficultés à trouver des locaux de réunion). Cette fierté se manifeste notamment lors des cérémonies d’inauguration des locaux, dont certaines affiches attestent le faste. Elle s’incarne aussi dans le nom qui est donné au bâtiment et qui sonne comme un programme : Hand aan Hand à Alost, L’Avenir à Andenne, De Werker à Anvers, Le Palais du peuple à Charleroi, Volksrecht à Courtrai, La Fraternelle à Dison, Germinal à Ensival, L’Alliance à Flémalle, Vooruit et Ons Huis à Gand, La Ruche à Herstal, Le Progrès à Jolimont, L’Avenir du Centre à La Louvière, La Sociale à Lessines, La Populaire à Liège, Le Prolétaire à Louvain, La Persévérance à Nivelles, Noordstar à Ostende, Union-Progrès-Économie à Pâturages, La Concorde à Roux, L’Émulation prolétarienne à Seraing, La Prévoyante à Tournai, L’Aurore à Tubize, La Justice à Waremme, etc.
72« Dans la création d’une maison du peuple, l’objectif alimentaire et festif prévaut : améliorer l’alimentation de l’ouvrier dans un premier temps ; développer une stratégie d’implantation à proximité du consommateur dans un deuxième temps et organiser les loisirs ouvriers. La fonction éducative est plus discrète (…). Mais ce qui distingue les maisons du peuple (…), [c’est] qu’elles apparaissent comme des conquêtes, comme des lieux d’indépendance et de maturité, loin du rapport infantilisant de domination patronale, comme des constructions autonomes, des possessions autogérées, comme des bastions de solidarité et de dignité nés du sentiment de se réunir pour faire du pain, boire la bière, s’amuser librement et en définitive ne pas être exploité » [90]. La maison du peuple n’est pas seulement le lieu des activités commerciales de la coopérative. Dès le départ, elle est conçue comme un ensemble plus large permettant d’accueillir et de développer l’ensemble des activités des organisations et mouvements liés au POB. Son processus de construction ou d’achat est également représentatif du projet dont elle participe, puisqu’il implique les coopérateurs, y compris dans les travaux mêmes.
73Se doter de ses propres instruments d’émancipation est au cœur du projet. Les montants financiers consacrés à ces réalisations immobilières sont parfois colossaux. Pour les architectes qui les conçoivent, le défi qui se pose est réel : il s’agit de réunir plusieurs fonctions dans un même bâtiment qui, de plus, doit marquer symboliquement le paysage urbain et affirmer la fierté et la puissance du mouvement ouvrier. L’emblématique maison du peuple de Bruxelles, confiée à V. Horta qui y met toute la vision progressiste de son architecture Art nouveau, est le symbole de cette volonté de faire aussi bien, voire mieux, que la bourgeoisie et de montrer jusque dans la pierre la réalisation du projet de société socialiste. À Liège, un projet de dépôt central relié à la gare de chemin de fer du Longdoz et doté d’une tour de 85 mètres de haut pour les services administratifs doit être abandonné suite à la crise économique des années 1930.
74L’aspect plus ou moins grandiose du bâtiment dépend de la puissance acquise par la coopérative. Une certaine émulation existe entre les coopératives à cet égard, même si l’aspect fonctionnel et l’adéquation avec la réalité locale restent primordiaux. Les maisons du peuple, qui constituent un véritable maillage, présentent ainsi une grande diversité, tant au niveau de leur taille que de leur architecture : de la modeste salle fonctionnelle située au-dessus du magasin de la coopérative ou derrière un café jusqu’à l’« élégant débit de boisson érigé bien en vue au centre du village » [91]. En règle générale, une maison du peuple comprend : un café, parfois un magasin (mais le plus souvent, celui-ci est connexe, comme à Liège où Le Phare se trouve à côté de La Populaire), une boulangerie (parfois liée à une meunerie), des salles de réunion (pour les syndicats, les harmonies, les groupes sportifs, etc.), une bibliothèque et salle de lecture, et une salle des fêtes (qui, polyvalente, est destinée à accueillir les meetings, les fêtes, les activités culturelles, les entraînements et compétitions sportives, etc.) [92]. Les constructions de la fin du XIXe siècle comprennent également des écuries (nécessaires pour les chevaux tirant les charrettes livrant le pain et autres marchandises), qui se transforment en garages au fil du temps.
75La façade de la maison du peuple bénéficie d’une attention toute particulière [93] : décoration, balcon (destiné aux orateurs), hampes de drapeaux, enseignes (dont généralement l’intitulé « maison du peuple », accompagné parfois de la date d’érection du bâtiment, du nom de la coopérative et de l’indication « Parti ouvrier belge »). Souvent, à l’extérieur ou à l’intérieur, des fresques glorifient le travail et la classe ouvrière et annoncent un avenir radieux au socialisme. Figurent également de nombreuses références à la Révolution française (triptyque « liberté, égalité, fraternité », bonnet phrygien, etc.) [94].
76Cette description d’époque de la salle des fêtes de La Concorde à Roux illustre bien ces éléments : « Coquette, malgré ses grandes dimensions, elle est des plus richement décorées. Les murs comme l’antichambre sont peints en imitation de marbre, variée par panneau. De la scène, le rideau est superbe. Au premier plan, un solide forgeron brise de son lourd marteau des canons, sinistres semeurs de mort, cependant que les prolétaires clament leur enthousiasme et leur joie d’avoir secoué leurs chaînes. Ils saluent avec allégresse la déesse du travail et de la paix, coiffée du bonnet phrygien, portant d’une main la torche qui fera fondre, anéantira à jamais les armes maudites et sera le flambeau éclatant de la lumière tant attendue, et, de l’autre, le drapeau rouge de la rénovation sociale. À droite, sous le buste de César De Paepe [95], à côté de la femme symbole de vie et de fécondité, un vieil ouvrier vaincu par l’âge et le labeur, soutenu par son fils robuste vient, lui aussi, suivi des époux heureux, ses enfants, manifester son bonheur d’être délivré : il peut s’en aller tranquille, car les siens auront un sort meilleur, ils ont enfin le bien-être et la liberté. C’est la libération du travail, tous les exploités sont en fête ; ils n’ont plus ni maîtres ni oppresseurs et célèbrent la délivrance sous l’œil haineux et menaçant encore de la mort impuissante représentant le régime capitaliste faucheur d’hommes. Entourant le rideau, on voit, symbolisant les figures de la science et du travail, un ouvrier à côté de ses plans et de ses machines et une femme écrivant les tables du savoir sous l’égide de la justice enfin égale pour tous. L’artiste a su exprimer sobrement tout ce que veut le socialisme pour le bien de l’humanité » [96].
77Lorsque prend fin l’ère des coopératives, les maisons du peuple connaissent un sort emblématique : devenant des biens immobiliers comme d’autres, nombre d’entre elles sont détruites. Mais même après la fin de l’activité, la vente ou la destruction, les traces de nombre de maisons du peuple restent dans l’imaginaire collectif, et même souvent très concrètement par le nom de rues ou de places. La charge symbolique de ces espaces culturels et festifs qui ont été le cœur d’événements centraux d’une sociabilité construite au fil des ans continue à vivre dans les esprits et la toponymie [97].
3.4. Les caisses d’entraide
78Les coopératives authentiques se distinguent des simples groupes d’achat ou groupes économiques par le fait qu’elles développent des œuvres sociales (ainsi que des œuvres éducatives, cf. infra) [98].
79Ainsi, durant la grève générale de 1893 visant à obtenir le suffrage universel, la maison du peuple de Verviers assure chaque jour la nourriture à 700 grévistes et consacre plus de 6 000 francs à fournir du pain aux familles ouvrières [99]. Au printemps 1885, le Vooruit apporte une aide directe et non négligeable aux grévistes borains wallons (cf. supra). Outre l’approvisionnement en pain, l’aide logistique apportée à des travailleuses et travailleurs en lutte se diversifie avec le temps, comprenant la distribution de soupe, la mise à disposition de locaux, l’impression des tracts, etc.
80Plus largement, les coopératives mettent progressivement en place une sécurité sociale avant la lettre à destination de leurs membres. Ceux-ci peuvent en effet cotiser à diverses caisses : caisse de layette, caisse de chômage, caisse d’accident, caisse de pension, caisse de funérailles, etc. Les montants ainsi collectés sont parfois impressionnants. Par exemple, au début des années 1930, alors qu’elle couvre 239 communes dans cinq provinces différentes et regroupe près de 80 000 membres, l’Union coopérative de Liège a une caisse de pension qui, à elle seule, s’élève à plus de 37 millions de francs belges. Ces caisses, fort diverses, gagnent en importance avec le temps. L’aide qu’elles apportent aux bénéficiaires consiste soit en versement d’argent, soit en pain quotidien, soit en possibilité de consulter gratuitement un médecin, etc. L’importance de cette aide dépend du nombre d’années de cotisation, mais aussi du volume d’achats dans les magasins de la coopérative, voire du nombre d’années d’affiliation dans les autres organisations du pilier socialiste comme les syndicats et les mutuelles.
4. Quand l’histoire éclaire des débats contemporains
81Après avoir rappelé la réalité de ce qu’a été le monde coopératif issu du mouvement socialiste et notamment sa volonté, plus ou moins affirmée et incarnée, de changer la société, abordons maintenant quelques aspects qui interrogent cette ambition. Il s’agit d’examiner dans quelle mesure et de quelle manière ces questions se sont posées aux coopératives de l’époque, et dans quelle mesure et de quelle manière elles sont toujours d’actualité pour les initiatives similaires qui existent aujourd’hui [100].
82En effet, on recense actuellement toute une série d’initiatives coopératives plus ou moins nouvelles. Pour l’essentiel, il s’agit d’activités qui ressortissent de l’économie sociale [101] (également parfois appelée secteur privé non lucratif ou, en Belgique, tiers-secteur), c’est-à-dire de la production de biens ou de services poursuivant une finalité d’utilité collective voire d’intérêt général (au bénéfice des seuls membres ou de l’ensemble de la collectivité) plutôt qu’une finalité de profit. Il s’agit donc d’organismes et d’entreprises qui cherchent à concilier l’activité économique et l’équité sociale. Ces structures travaillent selon une éthique qui se traduit entre autres par la primauté de l’humain sur le capital et par l’absence de lucrativité (ou la lucrativité limitée). Il s’agit, par exemple, de nombre des entreprises d’économie sociale qui se sont regroupées, au niveau fédéral, au sein de la Fédération belge de l’économie sociale et coopérative (FEBECOOP) [102] ou, en Belgique francophone, au sein de la fédération pluraliste Solidarité des alternatives wallonnes et bruxelloises (SAW-B) [103].
83En 2011, SAW-B a publié un ouvrage qui dresse une synthèse historique du mouvement coopératif et fait le tour d’une série de questions qui se posent à celui-ci aujourd’hui [104]. Dès l’introduction, l’ouvrage considère que le renouveau d’intérêt pour le modèle coopératif qu’il observe [105] doit être mis en lien avec l’actuelle crise économique et financière, mais aussi avec les aspects démocratiques et avec la dimension d’alternative que présente le mouvement coopératif. Il montre aussi que ce sont les pratiques effectives et les expériences vécues qui relient des initiatives contemporaines au mouvement coopératif historique que nous venons de passer en revue, et ce bien plus que la forme juridique adoptée [106]. En effet, un important flou juridique existe toujours actuellement en Belgique quant au statut juridique des coopératives : celui-ci « ne garantit pas vraiment qu’une société coopérative travaille selon les principes coopératifs – qu’ils soient belges ou mondiaux » [107]. De nos jours comme hier, seule une petite partie des sociétés ayant la forme d’une coopérative selon le droit commercial s’insèrent dans l’économie sociale [108]. Inversement, les structures actives dans l’économie sociale peuvent avoir de multiples formes juridiques autres que la coopérative : société à finalité sociale, association (association sans but lucratif, par exemple), mutuelle ou fondation [109].
84Il est à noter que l’apparition d’une « nouvelle économie sociale » complique encore la situation, car les structures ressortant de cette nouvelle économie sociale étant encadrées, organisées et financées par les pouvoirs publics (principalement dans le cadre de l’insertion socio-professionnelle visant à répondre à la question du chômage), l’aspect alternatif de l’économie sociale n’y est que rarement présent. Notre propos ne concerne que partiellement ces structures qui, par leurs buts annoncés et leurs réalités, sont de facto éloignées de certains aspects de notre questionnement.
4.1. La démocratie
85« La coopération est à la fois la forme la plus ancienne et une forme pure de démocratie économique » [110], écrit P. Lambert en 1959. Il entend par là que, dès l’origine, le modèle coopératif exclut totalement le capital comme facteur d’autorité. Le principal facteur de distinction qu’il reconnaît entre les coopérateurs est la démocratie, incarnée dans le principe « un homme, une voix » qui ne lie pas le poids à la fortune. Mis en pratique en Belgique dans le dernier quart du XIXe siècle, alors que le mouvement socialiste revendique le suffrage universel, ce principe constitue l’un des points majeurs de la société que le socialisme appelle à ériger. Son universalité ne comprend formellement pas d’exception, ni de sexe ni de nationalité, ce qui en accentue encore le rôle précurseur au regard de l’évolution du droit de vote et d’éligibilité sur le plan politique.
86L’application du principe de démocratie incarne donc la société à venir pour laquelle se bat le mouvement ouvrier. Il constitue également l’occasion d’effectuer un travail d’éducation réellement populaire par la pratique, puisque l’ensemble des décisions relatives à une entreprise coopérative sont prises par les membres eux-mêmes (les coopérateurs), dans un processus d’émancipation collective des travailleurs. L’utilisation du terme « citoyens » dans les correspondances et les documents internes des coopératives, et non « camarades », souligne aussi cet aspect (en plus de faire référence à la Révolution française).
87La règle en vigueur en matière de durée des mandats participe également de cet état d’esprit : « Les mandats des personnes composant [l]es comités administratifs sont à termes assez rapprochés (…). Cette règle est universellement admise par la démocratie socialiste ; il n’en est pas de même partout, par exemple chez les démocrates-chrétiens, qui désignent des administrateurs à vie, de sorte que la volonté des membres peut être impunément transgressée à certains moments » [111]. Cependant, cette modalité est surtout valable aux origines. Bien entendu, jouent l’implication des uns et des autres, la technicité des points, l’ascendant individuel, etc. Mais le principal facteur d’évolution de la règle relative aux mandats est l’accroissement de la taille des structures coopératives et des fusions qu’elles opèrent entre elles. La démocratie directe, où les coopérateurs gèrent le magasin qu’ils ont créé, fait progressivement place à la démocratie indirecte : une démocratie représentative où, à des échéances plus ou moins régulières, des représentants des comités locaux sont appelés à se prononcer sur les grandes orientations du mouvement, tandis que la gestion quotidienne est confiée à des responsables.
88É. Vandervelde décrit comme suit le processus à l’œuvre durant l’entre-deux-guerres : « Les coopérateurs d’une commune constituent, statutairement, une section de l’Union coopérative [de Liège] ; ils se réunissent deux fois l’an en assemblée plénière ; un délégué du conseil d’administration vient faire rapport dans cette assemblée, sur la marche des affaires et sur la situation de la société ; ce délégué répond à toutes les demandes de renseignements introduites par les coopérateurs et développe les points qui exigent un vote de la part des sociétaires. Ce sont ces assemblées de section qui nomment un comité local et qui désignent ses délégués à l’assemblée générale. L’assemblée générale, à son tour, nomme le conseil d’administration et celui-ci désigne le comité exécutif et le comité directeur » [112]. Progressivement, le pouvoir décisionnel des comités locaux se réduit et É. Vandervelde reconnaît que la centralisation excessive entraîne la léthargie des groupes locaux, qui n’ont plus de réel pouvoir de décision [113].
89Cette réduction du poids des comités locaux induit et accentue, dans une dialectique négative qui se renforce, une désaffection des réunions des comités locaux, principalement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les comités locaux sont alors davantage perçus comme une courroie de transmission de décisions qui leur échappent que comme l’élément de base central de la démocratie coopérative : « Si la conception peut être réalisée au centre avec la collaboration efficiente et enthousiaste des représentants des régions, la diffusion des idées doit être largement décentralisée par le truchement des militants les plus proches de la masse des consommateurs » [114].
90Sur un autre plan, se posent également la question de la « démocratie économique » au sein même des entreprises coopératives et, donc, celle des relations entre personnel et direction. En l’occurrence, l’idéal démocratique ne trouve souvent à s’incarner qu’entre les coopérateurs, et non au sein des relations collectives de travail [115]. Les travailleurs des coopératives n’ont dès lors pas davantage de prise sur les processus de décision (orientations stratégiques de l’entreprise, choix de management, conditions de travail, etc.) que s’ils étaient employés dans un autre type d’entreprise. Dès lors, cette situation peut être perçue comme problématique par les travailleurs, qui dénoncent une contradiction entre l’idéal prôné – dans lequel certains ont puisé leur volonté de travailler dans la coopérative – et la pratique interne effective. Cette inégalité de traitement entre les coopérateurs et les membres du personnel est particulièrement questionnée par les personnes qui ont les deux statuts (à la fois coopérateur et travailleur).
91Aujourd’hui encore, la question de la démocratie interne et celle de la différence pouvant exister entre coopérateurs et travailleurs de la coopérative sont au centre d’enjeux importants.
92Même s’il est parfois légèrement pondéré, le principe « un homme, une voix » continue certes à marquer, dans le fonctionnement de la prise de décision au sein des initiatives coopératives, une différence fondamentale avec le principe « une action, une voix ». Mais il n’empêche qu’il n’apporte pas une solution à toutes les questions. À quelle fréquence, sur quels types de questions et selon quelles modalités les coopérateurs doivent-ils être consultés ? En permanence ou une fois par an lors de l’assemblée générale ? Sur l’ensemble des points ou uniquement sur ceux jugés centraux ? Personnellement ou par le biais d’une délégation de pouvoir au conseil d’administration et/ou à un administrateur délégué ?
93Il convient à ce sujet de relever que, si les statuts d’une entreprise donnée se revendiquant du modèle coopératif constituent certes un premier indicateur intéressant du degré de démocratie voulu, ils ne sont pas suffisants pour établir que ladite initiative fonctionne effectivement selon le modèle coopératif. Seule l’observation des pratiques au sein des organes de décision permet de le déterminer. À cet égard, une étude note : « La confusion entre l’égalité formelle des membres, d’une part, et la démocratie dans le processus de décision, d’autre part, s’avère dommageable. L’ensemble des études sociologiques et socio-économiques souligne que l’égalité en droit, quel que soit le capital détenu, ne saurait être assimilée à un fonctionnement démocratique, alors que l’ensemble des constats effectués dans les monographies montre que le statut ne saurait constituer une condition suffisante en la matière. Le postulat de statuts assurant à eux seuls une démocratie interne peut, en outre, gêner la reconnaissance de la divergence de logiques, la représentation de divers groupes, l’implantation de contre-pouvoirs ou la recherche d’organisations du travail et de conditions sociales d’emploi plus favorables aux salariés » [116].
94La relation contractuelle avec les membres du personnel (c’est-à-dire les travailleurs employés par la coopérative) – qui ne sont pas forcément tous des coopérateurs (même si, souvent, ils sont encouragés à le devenir [117]) – n’est pas non plus toujours simple. Ainsi, la question de la démocratie interne se pose avec plus d’acuité envers les travailleurs de la coopérative qu’entre les coopérateurs. En effet, le fonctionnement démocratique n’est pas toujours de mise en dehors des organes décisionnels de la coopérative, ce qui est contesté par certains travailleurs. Certes, il s’agit là d’une source de tensions classique dans le monde du travail. Mais il n’en reste pas moins qu’elle atteint un degré d’intensité particulier dans le cas des initiatives coopératives, en raison du fait que les personnes qui postulent pour être engagées dans une entreprise coopérative sont souvent à la recherche d’autre chose que d’un simple salaire. Dès lors, elles arrivent dans la structure avec des attentes supérieures par rapport à un emploi lambda. « Les motivations sont diverses, tantôt collectives, tantôt individuelles. Mais toutes se rejoignent sur un point : il s’agit de trouver une manière de travailler “différente”, plus vertueuse, efficace ou agréable. C’est retrouver du plaisir dans son travail en prenant appui sur la force du collectif qui est ici en jeu » [118]. Le manque de démocratie interne, perçu comme une trahison de l’idéal coopératif, est donc souvent mal vécu.
4.2. L’exemplarité des conditions de travail
95« Les grandes coopératives travaillent énergiquement à l’émancipation des classes laborieuses, par ce seul fait qu’elles appliquent les principales revendications ouvrières, telles que : un minimum de salaire, un maximum d’heures de travail. C’est un exemple permanent donné au monde capitaliste, et la preuve éclatante de la supériorité morale du peuple ouvrier qui entend voir traiter les travailleurs avec toute l’humanité et tous les égards que se doivent des hommes égaux en droits et en dignité », lit-on dans une brochure d’époque [119]. Ainsi, complète P. Lambert, le Vooruit « limit[e] la journée de travail à 8 heures, en tant que première entreprise du pays à le faire, et, dans leur ensemble, les sociétés coopératives, dès le XIXe siècle, ont donné à leur personnel un statut de loin plus humain que tout ce qu’on rencontrait dans le monde ambiant » [120].
96Cette réduction collective du temps de travail à 8 heures par jour constitue un accomplissement de la revendication de « trois fois 8 heures » qui est au cœur des manifestations annuelles du 1er Mai. Le fait que le mouvement coopératif socialiste instaure la journée de 8 heures bien avant que celle-ci soit imposée par la loi du 14 juin 1921 (cf. infra) est un bel exemple de ce qu’il veut être : une concrétisation de la société socialiste. Il en va de même pour les congés payés, dont le principe est introduit dans les coopératives socialistes de nombreuses années avant d’être officialisé par la loi du 8 juillet 1936 (qui accorde une première semaine de congés payés aux travailleurs, moyennant certaines restrictions liées à l’ancienneté et à la taille de l’entreprise) [121]. Ainsi, un tract de propagande souligne, parmi les avantages de la coopération : « Journée de travail normale, (…) congés annuels payés ». Toujours dans le même état d’esprit, les coopératives versent à leurs travailleurs des salaires supérieurs à ceux ayant cours dans l’industrie et dans le commerce ordinaires, de même qu’elles s’imposent des normes d’hygiène et de salubrité sensiblement supérieures à celles qui ont cours ailleurs, notamment à l’infirmerie et dans le réfectoire (où sont par ailleurs servis des repas à des prix inférieurs aux prix de revient) [122]. Plus largement, elles mettent en œuvre diverses revendications que les militants socialistes voudraient voir instaurer dans l’ensemble du monde du travail : participation des travailleurs aux bénéfices, représentation du personnel dans l’administration, négociation des conditions de travail avec des délégations ouvrières, présence d’une commission visant à régler les différends, etc.
97Le souci des conditions de travail ne se limite pas au personnel des coopératives. Il s’étend également aux producteurs des produits vendus dans les magasins : « Il faut acheter à la coopérative, car c’est la seule organisation commerciale qui s’inquiète des conditions de travail et de la rémunération des producteurs » [123].
98Inévitablement, la question des relations avec les syndicats au sein du pilier socialiste est complexe. Certes, les relations entre le mouvement coopératif et le mouvement syndical sont faites de solidarité : « Pendant des dizaines d’années, [les coopératives] ont prêté [aux syndicats] des bureaux pour travailler, des salles pour se réunir, sans réclamer de location, ou seulement une location de principe. Au temps de la répression patronale contre les syndicats, c’est dans les coopératives socialistes que les militants, chassés des entreprises, [ont] trouv[é] à s’occuper et la possibilité de continuer à agir » [124]. Mais cela n’empêche pas que des tensions existent. Rapidement, les coopératives deviennent en effet de gros employeurs : à leur apogée, elles emploient plusieurs milliers de personnes. Dans un tel contexte, et dans le cadre plus global d’une coopération se voulant un modèle, les tensions ne peuvent qu’exister avec les syndicats : d’un côté, sur la lenteur ou la frilosité des coopératives à mettre en œuvre certaines réformes ou sur la propension de leurs dirigeants d’être « trop imbus de l’esprit purement commercial » [125] et, de l’autre côté, sur l’impatience des syndicats pouvant menacer l’ensemble de l’édifice coopératif.
99En particulier, si elle semble aller de soi au vu de l’imbrication du mouvement coopératif dans le pilier socialiste, la syndicalisation du personnel employé dans les structures des coopératives est moins évidente dans les faits. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, et sans pour cela se mettre en porte-à-faux avec le POB, le Syndicat des employés et voyageurs (créé à Liège en 1895 et ancêtre de l’actuel Syndicat des employés, techniciens et cadres - SETCA, affilié à la FGTB) dénonce les conditions de travail de la main-d’œuvre employée dans les coopératives socialistes (« salaires trop bas, heures supplémentaires – au nom de la “cause” – trop nombreuses », etc.) et réclame une enquête sur la question [126]. Cette enquête est menée deux ans plus tard, et ses résultats sont discutés lors du congrès que le syndicat tient en 1899 et à l’occasion de celui que les coopératives organisent l’année suivante. Le lien entre le Syndicat des employés et voyageurs et les coopératives socialistes « demeure néanmoins très étroit, car (…) les employés de ces dernières forment la première base du recrutement des membres du syndicat. En outre, à partir de 1900, toutes les coopératives socialistes ont en principe l’obligation de s’adresser au syndicat – qui s’occupe aussi du placement de ses affiliés – pour recruter leur personnel “employé”. Ce service de placement est une des réponses apportées par le Syndicat des employés [et voyageurs] à la question du chômage qui le préoccupe » [127].
100Les relations sont parfois tendues, au point que, dans l’entre-deux-guerres, le mouvement coopératif socialiste connaît des grèves [128]. Au milieu des années 1920, est créée la Commission nationale de conciliation et d’arbitrage des syndicats et des coopératives. Les discussions sont nombreuses et débouchent, à la fin des années 1930, sur une convention fixant les relations entre les parties. De manière significative, ce texte souligne dans ses conditions générales que l’« on ne peut jamais négliger ce fait essentiel que les coopératives évoluent dans un régime capitaliste, qu’elles sont soumises aux lois de la concurrence et il tombe sous le sens qu’à vouloir, par exemple, exiger, en plus des avantages sociaux qu’ignorent généralement les travailleurs des entreprises rivales, des rémunérations plus élevées que celles payées par ces dernières et en disproportion avec les possibilités financières des sociétés coopératives, on met celles-ci en état d’infériorité et on les condamne » [129]. Plus loin, le texte indique encore que, même si, certes, « la coopération se considère comme une organisation anticapitaliste », elle ne peut aller trop loin au-delà des règles appliquées partout ailleurs [130].
101Après la Seconde Guerre mondiale, sans que cela ne résolve toutes les questions liées à la syndicalisation, un modèle de concertation est mis en place : l’Union coopérative de Liège élabore avec la FGTB une convention disposant qu’« un conseil syndical est instauré au sein de l’Union coopérative ; un délégué syndical permanent y a son local et sert de trait d’union entre le personnel, le syndicat et la direction de la coopérative. À côté du conseil syndical, une instance mixte, représentative à la fois du personnel syndiqué et des dirigeants de la coopérative, a divers pouvoirs » [131]. Les autres coopératives tentent de résoudre les mêmes problèmes selon des modalités diverses : « Toutes comptent des délégués du personnel au sein de leur conseil d’administration, et quelquefois, comme à Charleroi, il s’agit de délégués de l’organisation syndicale comme telle » [132].
102Aujourd’hui, la question des conditions de travail du personnel – qui est un des aspects clés de la démocratie économique et sociale – est peut-être la question la plus sensible [133].
103L’opportunité d’une présence syndicale constitue régulièrement une source de conflits, d’aucuns parmi les coopérateurs et les organes dirigeants estimant qu’une telle présence n’est pas nécessaire dans de telles structures, d’autant que celles-ci sont souvent de petite taille [134]. Est également souvent mise en avant la démocratie interne, quand bien même celle-ci, quand elle est réelle, ne s’applique pourtant quasi exclusivement qu’aux coopérateurs et, donc, rarement aux travailleurs (cf. supra).
104Or, si le sens, l’autonomie et l’ambiance de travail sont certes jugés meilleurs qu’ailleurs par les travailleurs des initiatives coopératives, force est de constater que, « à quelques exceptions près, l’économie sociale (…) est un secteur où les conditions de travail et d’emploi sont loin d’être plus favorables qu’ailleurs, quand elles ne sont pas même moins protectrices que dans le secteur marchand “classique”. Quelle que soit la catégorie socio-professionnelle, le salaire d’un travailleur de l’économie sociale est inférieur à celui des autres salariés du secteur privé comme du public » [135]. Certes, ce constat est nuancé par un moindre écart salarial en interne. Mais il est en revanche aggravé par le recours à de nombreux contrats « atypiques » et au bénévolat (ce qui soulève par ailleurs la question de la concurrence potentielle avec des emplois réels). En outre, « l’amalgame entre travail salarié et engagement militant se traduit souvent par une surcharge de travail et des empiétements sur le temps de vie hors travail » [136] (constat qui peut être généralisé à l’ensemble du secteur associatif).
105À propos de l’attitude adoptée par les organisations de l’économie sociale vis-à-vis de leur main-d’œuvre, une récente recherche indique ainsi : « Alors que les plus établies et les plus grandes d’entre elles semblent prendre les devants et opter pour un management “entrepreneurial” ou “économiste” de leurs salariés, d’autres continuent à jouer sur le mélange des genres (entre engagement militant et travail) et des statuts (entre bénévole et salarié) pour maintenir les salariés en deçà de leurs droits et tenir à distance les outils du dialogue social » [137]. En outre, est souvent de mise un discours très similaire au discours paternaliste du « bon patron » du XIXe siècle. « Du côté des salariés, cette situation n’est pas sans susciter des réactions, augmente les tensions et dégrade les conditions de travail des salariés des structures de l’économie sociale » [138].
106Le constat final est que, « si certaines coopératives ont tenté par le passé d’instaurer une égalité totale des salaires et de hiérarchie entre les travailleurs, cela semble plus compliqué aujourd’hui » [139].
4.3. L’accès au statut de membre de la coopérative
107Pour pouvoir être créée puis se développer, une coopérative a besoin de disposer d’un certain capital (plus ou moins important selon le but fixé). Par principe, comme elle se veut une construction des travailleurs pour les travailleurs, le recours à un prêt extérieur est banni ; dès lors, l’apport originel et principal est nécessairement celui des coopérateurs. Cependant, ce principe est de moins en moins de mise dans les faits, notamment en raison du recours à deux formes de financement complémentaire : les prêts entre coopératives et le recours à des mécanismes publics (cf. infra).
108Logiquement, acquérir une part de la coopérative constitue une condition d’accès au statut de membre (outre, jusqu’à la Libération, les obligations liées à la pilarisation, cf. supra). Le montant des parts est d’ailleurs fixé de manière à être accessible au plus grand nombre. Ainsi, à l’extrême fin du XIXe siècle, « les actions sont de 10 francs, sauf à Jolimont (2 francs) et à Louvain (75 centimes). La libération de ces actions s’opère au moyen de prélèvements sur les bénéfices. De telle sorte que, sans bourse délier, le plus pauvre peut devenir coopérateur » [140]. Il n’empêche que, parfois, certains coopérateurs potentiels ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour acquérir une part. Outre une éducation à l’épargne – qui renvoie au refus de recourir au crédit (cf. infra) mais aussi à une vision plus conservatrice, qui voit dans le défaut de prévoyance la principale cause des malheurs de la classe ouvrière –, un mécanisme est mis en place par les coopératives : il est possible de s’acquitter du montant de la part dans un délai plus ou moins long, via soit un versement régulier, soit une retenue totale ou partielle sur la ristourne.
109Aujourd’hui, la question du montant de la part à acquérir pour pouvoir accéder au statut de coopérateur reste importante. Au moment de la constitution d’une structure coopérative, il est en effet primordial pour les fondateurs de parvenir à rassembler un capital suffisant pour permettre le démarrage de l’activité puis assurer sa pérennité [141], tout en évitant de fixer le montant de chaque part à une somme qui, trop élevée, pourrait être un frein à une participation large. Les débats sont dès lors nombreux. Certaines initiatives, comme la société coopérative de financement alternatif Alterfin (fondée en 1994) [142], proposent un système dans lequel il est possible de laisser en stand-by les éventuels dividendes que touche un coopérateur jusqu’à ce que la somme atteinte lui permette d’acquérir, par conversion, une part supplémentaire dans la coopérative.
110Il est à noter que les coopérateurs d’aujourd’hui ont des profils de départ plus hétérogènes que ce n’était le cas pour les coopérateurs d’hier. Ils se retrouvent cependant dans l’objectif commun poursuivi par l’initiative à laquelle ils ont adhéré.
4.4. Juste prix et juste qualité
111Comme déjà évoqué, le prix et la qualité des aliments vendus par la coopérative sont des arguments centraux, à l’origine même du projet coopératif. Le principe du « juste prix » et celui de la « ristourne » sont ainsi constamment mis en avant dans les brochures et les tracts. C’est là un argument tellement central qu’il est au cœur de la formation du personnel [143], les coopératives étant conscientes que c’est sur la question du prix que surgissent le plus souvent des remarques de la « clientèle » (il est significatif que ce terme soit utilisé en lieu et place de celui de coopérateurs). L’un des principaux éléments de l’argumentaire déployé est le fait que, avant la création de la coopérative, les prix étaient plus élevés et que, depuis lors, le commerce indépendant n’a baissé ses prix et n’a consenti à des promotions que pour combattre l’œuvre coopératrice. Dans ces conditions, la disparition de la coopérative entraînerait donc immédiatement une hausse des prix, puisque « le commerce privé ne manquerait pas de reprendre sa liberté d’exploiter les consommateurs » [144]. En outre, le prix est également lié au fait que la coopérative veut supprimer les intermédiaires (ce qui la distingue également du modèle capitaliste de la distribution) : « Entre la minorité exploitante, symbolisée par la société anonyme, et les consommateurs, [se trouve] la foule des intermédiaires qui grèvent le produit de prélèvements nombreux et considérables (…). Il faut aller du consommateur au producteur en réduisant, en brisant la chaîne des intermédiaires parasitaires » [145].
112Un élément essentiel du travail d’instruction et d’émancipation intellectuelle consiste à expliquer que le juste prix n’est pas nécessairement le prix le plus bas. Si les surcoûts liés à la multiplication des intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs sont dénoncés dès l’origine, ainsi que le coût caché de la publicité ou celui des promotions (qui est répercuté sur d’autres produits), les conditions de travail et de rémunération des producteurs et des travailleurs sont aussi mises en avant (cf. infra). Un tract de propagande indique ainsi : « Je préfère les produits coopératifs de qualité excellente, fabriqués par les travailleurs des usines de Micheroux, payés au tarif syndical » [146]. Le fonctionnement du principe de la ristourne nécessite également des explications régulières. Enfin, le fait que les bénéfices réalisés par le magasin permettent de financer diverses œuvres sociales et éducatives est aussi mis en avant comme argument.
113La volonté des coopératives de veiller à la qualité des produits passe par des tentatives de contrôler l’ensemble de la chaîne de production (en particulier, des semences au pain), desquelles il a été fait état précédemment.
114Le travail éducatif portant sur le prix, la qualité, le principe de la ristourne, etc. cible notamment les femmes ou, selon le vocabulaire commun des coopératives, les « ménagères ». Sur la question des relations entre hommes et femmes, l’égalité théorique ne fait en effet pas du mouvement coopératif une société en avance sur son temps [147] : les coopératrices sont vues essentiellement à travers leur rôle de femmes au foyer. Cependant, leur statut de gestionnaires des courses du ménage fait d’elles les personnes centrales des opérations de communication visant à convaincre le monde ouvrier d’effectuer ses achats dans les coopératives [148]. En attestent de nombreuses publicités reproduites dans des brochures et autres documents édités spécialement dans ce dessein de conscientisation des ménagères. On lit ainsi dans une publication de 1930 : « La femme est avant tout ménagère. La coopération présente pour elle un intérêt direct et constant : elle est immédiatement accessible à la femme sans grande préparation » [149]. Six ans plus tôt, une autre brochure insistait sur le fait que les ménagères ne doivent pas acheter « dans le commerce privé, dont le principe est de vendre non pour (…) rendre service mais pour uniquement réaliser du bénéfice. Recherche du bénéfice veut dire au besoin falsification et fraude. Il faut acheter à la coopérative parce qu’elle fonctionne pour rendre service et vend sans esprit de lucre. Dès lors personne n’a intérêt à tromperie. Bon poids, mesure exacte, bonne qualité (…). Notre santé est mise en danger par les pratiques du commerce capitaliste. Que de milliers d’enfants périssent chaque année pour avoir été alimentés d’un lait insuffisant et malsain. Le commerce nous trompe sur le poids et la mesure. Nous devons exiger le poids imprimé sur chaque paquet » [150].
115Aujourd’hui, le mouvement coopératif se développe toujours principalement autour de la question de la consommation, notamment en Belgique [151]. Il s’agit essentiellement de la consommation de nourriture [152].
116En effet, si les propos des coopérateurs des XIXe et XXe siècles sont réactualisés, c’est en raison certes du moindre apport de capitaux nécessaires pour créer une coopérative que pour mettre sur pied un projet industriel, mais pas seulement. La première cause tient sans doute à la succession de scandales touchant le secteur agroalimentaire (fraudes, gaspillage des ressources et des denrées produites, dangers pour la santé humaine, pollution, dégradation des sols, destruction d’écosystèmes, menace sur la biodiversité, contribution au réchauffement climatique, mal-être animal, etc.) et aux pratiques de la production industrielle de nourriture (recours aux organismes génétiquement modifiés - OGM, dépendance des agriculteurs envers les multinationales semencières de type Monsanto, etc.). Groupes d’achat commun, circuits courts, supermarchés bio-locaux, ventes en vrac, etc. : la liste est longue des initiatives développées ces dernières années autour d’une volonté de se nourrir plus sainement, plus localement et d’une façon plus respectueuse de l’environnement (entre autres, en respectant le rythme des saisons). Citons par exemple la Coopérative bruxelloise écologique économique et sociale (BEES Coop) [153].
117Aux initiatives touchant à la distribution des aliments, s’ajoute actuellement un nombre croissant d’initiatives portant sur la chaîne de production de ces aliments. Ainsi, fondée à Liège en 2015, la coopérative à finalité sociale les Compagnons de la terre (CDLT) a pour but de pratiquer une agriculture « agroécologique et paysanne, locale et solidaire, collective et participative, autonome et créatrice d’emplois, novatrice et expérimentale » [154]. Bien d’autres exemples existent, comme la coopérative Terre-en-vue (à Gembloux), qui vise à acquérir « des terres nourricières pour les libérer de la spéculation foncière [et] des modes d’agriculture destructrice » pour les confier « à des agriculteurs, en vue de les aider à s’installer et à développer des projets agroécologiques, coopératifs et d’agriculture paysanne, respectueux de la terre » [155]. Toutes ces initiatives insistent sur la qualité des produits, sur la traçabilité du processus de production, sur la transparence des méthodes de production, sur l’absence – ou la réduction au strict minimum – d’utilisation de la chimie, sur la recherche de synergie entre les différents acteurs (comme dans le réseau Ceinture aliment-terre liégeoise - CATL, lancé en 2013) [156] et souvent sur le côté local de la production et sur une participation active des coopérateurs. Elles travaillent par ailleurs aussi au lien social (par la formation, par la création d’emplois, par la mise en avant des talents, par la préservation des savoirs paysans, etc.) et à la rencontre (entre les producteurs, entre les producteurs et les consommateurs, entre les consommateurs-producteurs). Les nouveaux outils de communication permettent une diffusion large de ces informations, utilisées comme arguments de promotion.
118Tout comme les coopératives historiques, ces initiatives contemporaines allient notamment volonté d’assurer la qualité des aliments, de maîtriser les coûts et donc les prix (en supprimant les intermédiaires, en réduisant les frais de transport, en limitant l’usage d’engrais chimiques, en évitant l’achat de semences à des multinationales, etc.) et d’assurer le juste prix (c’est-à-dire, pour le consommateur, un prix qui corresponde plus étroitement au produit acheté et, pour le producteur, un prix rémunérateur en phase avec le travail fourni).
119De nos jours, ce ne sont plus les « ménagères » qui constituent le public cible des initiatives coopératives, mais l’ensemble des personnes susceptibles d’effectuer leurs achats dans de telles structures. Il n’empêche que, même si la situation tend à évoluer à cet égard, la répartition toujours inégale des tâches ménagères au sein du couple fait que les femmes restent globalement davantage concernées par les questions ayant trait à l’alimentation quotidienne.
4.5. « Vente au comptant » : le refus du crédit
120« Depuis toujours la ménagère sérieuse sait que le crédit fait par le commerçant se paie et parfois largement. Le crédit octroyé se paie par la qualité moindre, par l’insuffisance de poids et même par la perte de la liberté », écrit V. Serwy dans l’entre-deux-guerres [157]. Le mouvement coopératif s’emploie à montrer aux travailleurs combien le crédit obtenu auprès d’un commerçant, s’il peut certes apparaître intéressant à court terme, a en réalité de multiples effets négatifs à long terme. D’une part, le crédit amène le client à payer in fine ses achats plus chers. D’autre part, le fait de vivre à crédit met les travailleurs dans une situation de dépendance, non seulement vis-à-vis du commerçant [158], mais également vis-à-vis des patrons : par peur de ne pas pouvoir rembourser leur crédit, les ouvriers évitent toute action susceptible d’entraîner une diminution de leur salaire ou la perte de leur emploi. Pour le mouvement coopératif, lutter contre le crédit constitue donc non seulement un moyen d’assurer le bien-être quotidien des travailleurs, mais également, plus largement, de contrer un éventuel frein aux mobilisations sociales.
121Aujourd’hui, loin des crédits à la consommation que les entreprises de la grande distribution alimentaire accordent facilement à leur clientèle, les coopératives de consommation actuelles fonctionnent au paiement par comptant, voire via l’approvisionnement d’un portefeuille-client (c’est-à-dire que le client verse de l’argent à l’avance et qu’il ne peut ensuite effectuer des achats qu’à concurrence du montant qu’il a ainsi rendu disponible). Il s’agit ainsi pour elles de ne pas contribuer aux problèmes de surendettement que connaissent nombre de ménages. Ainsi, la Coopérative ardente, qui est une « coopérative de consommateurs, de vente de produits alimentaires et ménagers bio, locaux et/ou équitables » de la région liégeoise, pratique le portefeuille-client [159].
4.6. Émancipation matérielle et émancipation intellectuelle
122L’un des éléments qui permettent de distinguer les coopératives des groupes d’achat est leur volet éducatif [160]. Le mouvement coopératif socialiste se veut émancipateur sur le plan matériel pour permettre au prolétariat, dégagé des soucis primaires de la survie, de travailler à sa propre émancipation intellectuelle. C’est là aussi une différence avec les organisations philanthropiques bourgeoises, en ce compris une partie du mouvement libre-penseur qui, au nom de la lutte contre la croyance, néglige le volet matériel. Pour sa part, la coopérative socialiste a pour ambition de travailler sur les deux plans.
123L’émancipation intellectuelle prend plusieurs formes. Les bibliothèques-salles de lecture apparaissent assez tôt, alors même que la majorité des travailleurs sont, si pas analphabètes, du moins illettrés ; cela démontre bien le caractère volontariste de la démarche. Les quelques traces qui nous sont parvenues (registres ou livres portant des cachets de coopérative) attestent de la variété des livres proposés : des classiques politiques ou d’économie politique aux guides pratiques et aux romans prolétariens, en passant par la grande littérature française et les livres populaires. Notamment, des livres juridiques permettent « aux ouvriers de connaître immédiatement les solutions à donner aux griefs qu’éventuellement ils auraient à formuler » [161]. Le tout constitue donc une forme d’élitisme bien conçu, c’est-à-dire une réelle volonté de pousser les gens vers le haut et de ne pas simplement leur « offrir ce qu’ils demandent » (même si cet aspect n’est pas absent).
124Les coopératives socialistes sont aussi au centre de la diffusion de livres, de brochures, etc. de propagande. L’essentiel de ces publications est édité par le mouvement coopératif lui-même via ses imprimeries. La diffusion peut être très importante. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, les coopératives se chargent de « distribu[er] gratuitement 2 millions de brochures (8 pages), s’adressant aux différentes catégories de travailleurs. Chacune des grandes corporations (…) a eu sa brochure spéciale, dont le tirage avait été calculé d’après le recensement professionnel de 1890 » [162].
125La salle des fêtes de la maison du peuple sert certes à l’organisation de festivités, comme son nom l’indique, mais aussi à la tenue de conférences, de meetings, de représentations théâtrales, etc. Toujours dans un souci de rendre la culture populaire accessible, les projections cinématographiques complètent rapidement l’offre (avec un choix de films qui s’avère moins pointu et exigeant que celui des livres dans les bibliothèques). Il est d’ailleurs significatif que la loi du 14 juin 1921 réduisant à 8 heures la durée de la journée de travail (dite loi Wauters) [163] soit prise en parallèle de la loi du 17 octobre 1921 sur les bibliothèques publiques (dite loi Destrée), loi fondatrice de l’éducation populaire (depuis lors devenue « éducation permanente »).
126Diverses initiatives sont prises spécifiquement à l’adresse des femmes afin de les aider voire de les former dans leur tâche de « ménagères » préposées aux achats domestiques de la famille. Il s’agit notamment par là de favoriser le travail de conscientisation et d’éducation portant sur les questions de prix et de qualité, sur le principe de la ristourne, etc. Ainsi, la Guilde des coopératrices (dont le principe est décidé à Charleroi en 1920 et qui a été fondée à Verviers en 1923) tient des comparatifs de prix, afin de permettre aux femmes de confronter l’évolution des prix pratiqués dans les structures coopératives, d’une part, et dans les autres magasins, d’autre part [164]. Elle développe aussi des formations visant à apprendre aux femmes à lire correctement les étiquettes : calculer le rapport entre le prix et le poids, décrypter les ingrédients, etc. Outre des « causeries », des démonstrations culinaires à base des produits des coopératives sont aussi organisées afin de montrer aux ménagères l’intérêt et la bonne qualité des produits.
127Lieux et moments d’échanges sur leurs réalités et leurs conditions de vie, ces initiatives participent en outre à la construction de liens. Elles permettent également aux femmes de « s’inclure » dans les coopératives, de s’intéresser à leurs actions et d’avoir accès à leurs réalisations. Par ailleurs, plus largement, « la coopération (…) permet (…) de s’élever rapidement au-dessus des simples questions de boutique, car on peut facilement, en partant de la coopération, amener les femmes à s’occuper, tout en se plaçant du point de vue de [leurs] intérêts de ménagère[s], de questions sociales de première importance (…). On peut ainsi amener les femmes à comprendre les revendications des travailleurs et l’intérêt des luttes politiques » [165].
128Enfin, le fait que, aux origines du moins, ce soient les travailleurs eux-mêmes qui s’occupent de l’ensemble des aspects de la gestion et du développement des coopératives constitue souvent un processus d’autoformation intéressant. En outre, le personnel des coopératives est souvent composé de militants qui ont été licenciés d’autres lieux de travail ou qui ont été mis sur une liste noire en raison de leurs activités syndicales ou politiques. À tout le moins, le recrutement au sein des organisations du pilier socialiste est en effet clairement favorisé. Ainsi, à Roux à la fin de l’année 1897, quand le développement de la coopérative nécessite de procéder à de nouveaux engagements, il est fait appel « aux groupes affiliés pour la présentation des candidats aux emplois à conférer » [166]. Il s’agit là d’une pratique que J. Destrée et É. Vandervelde expliquent clairement : « Les militants du [POB], lorsqu’ils sont privés de travail et jetés sur le pavé, à cause de leurs opinions, trouvent un refuge assuré dans le personnel des coopératives » [167].
129S’il est cohérent, le choix de privilégier l’engagement de militants socialistes n’en comporte pas moins un risque de complications. Ainsi, il entraîne régulièrement des difficultés financières et autres [168]. En effet, le manque de compétences du personnel ainsi recruté peut poser des soucis, surtout si le processus de formation interne ne suit pas. Le mouvement coopératif est parfaitement conscient de cet écueil. Dès avant la Première Guerre mondiale, il organise des cours de plusieurs jours pour le personnel, pratique qui est étendue dans l’entre-deux-guerres. « La raison de ces cours (…) est d’élever le personnel des coopératives à la connaissance du but du mouvement coopératif » [169]. Il est intéressant de noter que l’objectif de la formation n’est donc pas seulement technique mais aussi idéologique : « C’est ainsi qu’apparaît un caractère nouveau de la fonction de vendeur dans une société coopérative, c’est celui de missionnaire, de propagandiste de la coopération » [170].
130Les statuts du personnel de l’Union coopérative de Liège (dans une version non datée mais postérieure à 1945) précisent clairement que la personne engagée doit être membre du PSB, apporter son « aide constante à toutes les œuvres ouvrières agréées par le PSB » et être affiliée à la FGTB et à la mutualité socialiste (article 36) [171]. Au moment de décider d’un engagement, la priorité est par ailleurs clairement donnée à un coopérateur ou à l’enfant d’un coopérateur. Ce document révèle donc une évolution intéressante : il n’est désormais plus question de militants socialistes, mais de simples membres de la coopérative. Cela est à mettre en lien avec les nombreuses plaintes enregistrées dans les années 1950-1960, dénonçant le manque d’investissement des gérants des magasins dans les initiatives socialistes (certains ne sont même pas membres du PSB). De même, inversement, on sait qu’un nombre croissant de membres du PSB ne sont pas coopérateurs. Ce sont là autant de signes que, bien que les coopératives demeurent un pilier de l’Action commune fondée en 1949, les liens se distendent entre elles et les autres structures du socialisme.
131Aujourd’hui encore, « au-delà du seul intérêt des membres de la coopérative, c’est la coopération et la participation qui sont promues. La dimension (…) éducative du projet coopératif ne doit pas être oubliée au seul avantage de la stratégie organisationnelle » [172]. Concrètement, même si certains aspects comme la création de bibliothèques ou la construction de salles de spectacle ne sont plus de mise, la volonté éducative reste très présente, souvent via une inscription dans le secteur de l’éducation permanente ou via l’organisation et la participation à des conférences destinées à promouvoir et expliquer les projets, etc.
132 La volonté d’encourager la participation active des coopérateurs appartient également à cette dynamique, tout comme l’aspect d’autoformation continue des membres du personnel. Ce dernier élément ne va cependant pas sans poser parfois quelques difficultés : « Des expériences passées et actuelles démontrent (…) que des travailleurs de tout niveau de formation et de tous milieux sociaux peuvent acquérir [l]es “compétences coopératives”. Mais (…) cela demande un changement parfois radical dans sa manière de penser l’entreprise et son rôle comme travailleur. Dans le film Entre nos mains de Mariana Otero [sorti en 2010], qui présente la tentative d’ouvrières d’une entreprise de lingerie en faillite de la transformer en [société coopérative de production], on voit l’une d’entre elles poser cette question “Moi, je vais pouvoir décider ? Vraiment ? Je vais pouvoir donner mon avis ?” Une chose qui lui paraît tellement improbable » [173].
133 Ce questionnement est bien plus présent encore au niveau des fonctions dirigeantes. La pression sur la nécessaire « professionnalisation » du secteur (l’« indispensable recrutement d’experts ») est très forte aujourd’hui comme hier, en lien d’ailleurs avec le développement de ce secteur et avec la nécessité pour lui de trouver de nouvelles sources de financement : « Depuis quelques années, on assiste à l’arrivée de nouveaux profils de dirigeants à la tête des organismes de l’économie sociale (…). Ceux-ci tendent à être plus des “cadres-gestionnaires” que des “cadres-militants” ; ils sont issus des rangs de l’université et passés par le travail social. En effet, les recruteurs de l’économie sociale (…) cherchent désormais davantage des cadres ayant une expérience et une formation dans les métiers de la gestion plutôt que des cadres de formation généraliste en sciences humaines ayant une expérience dans l’action sociale » [174].
134 Dans les faits, cette professionnalisation est aujourd’hui devenue une réalité dans l’ensemble du secteur, au point d’être au cœur de cursus d’enseignement supérieur élaborés en concertation avec le mouvement coopératif (à HEC-École de gestion de l’ULiège et bientôt à la KULeuven). Cette réalité n’a cependant pas fait disparaître la tension entre gestion et militance, qui apparaît difficile à résoudre [175].
4.7. Auto-organisation ou service public
135Dès les débuts du mouvement coopératif, une tension existe entre deux volontés : d’une part, celle d’une auto-organisation du monde ouvrier et, d’autre part, celle de voir certains services rendus par les coopératives être pris en charge par la puissance publique [176]. Les débats sont particulièrement vifs à partir des lendemains de la Première Guerre mondiale. Le mouvement coopératif socialiste atteint alors son apogée et connaît son âge d’or, mais la puissance qu’il a acquise au sein du mouvement ouvrier a déjà commencé à décliner. Par ailleurs, par l’entrée du POB au gouvernement, le socialisme commence à investir l’appareil d’État. Se pose dès lors la question de l’opportunité de tâcher de faire remplir par les services publics certaines des missions dont se sont investies les coopératives. Les avis divergent, parfois de façon très tranchée. Certains, comme le conseiller du gouvernement puis sénateur socialiste Louis de Brouckère, estiment toutefois qu’une synthèse des deux positions est possible : il insiste sur le rôle de démocratie des coopératives, sur leur complémentarité avec le service public, et sur le fait qu’elles constituent un garant contre un État tout puissant [177].
136Après la Seconde Guerre mondiale, la création de la sécurité sociale donne une nouvelle vigueur à la question. Bien que partiellement gérée par le secteur privé, cette nouvelle institution publique apparaît en effet comme un aboutissement important des revendications de Welfare State du mouvement ouvrier. Mais, dans le même temps, elle diminue l’attractivité des coopératives socialistes, puisque les œuvres sociales internes, qui étaient un facteur de recrutement, perdent de leur intérêt.
137Aujourd’hui, les initiatives coopératives ont souvent pour but d’assurer une intervention dans des domaines où il est estimé que l’intervention de l’État n’est pas (ou plus) suffisante ; ces coopératives se perçoivent donc comme venant en complément ou en suppléance de l’action publique. Tel est notamment le cas des coopératives ayant une dimension sociétale liée à l’écologie. À cet égard, le cas des sociétés d’énergie renouvelable [178] est ici intéressant [179]. Celles-ci n’ont pas pour seul objectif d’assurer aux coopérateurs une rentabilité de leurs investissements ou une baisse du prix de l’électricité qu’ils consomment. Il s’agit également souvent pour elles de porter « un projet et un mode de vie faisant figure d’exemple pour les autres citoyens » [180]. L’action a donc également vocation à être in fine utile à la société tout entière. Plus largement, l’économie sociale « attire à elle des travailleurs dotés d’une vision du monde et d’un rapport à leur activité qui est proche, sinon identique, à une éthique de service public » [181].
138Il n’en reste pas moins que, hier comme aujourd’hui, il existe une différence fondamentale entre une coopérative et un service public : même si la responsabilité sociétale n’est pas absente de nombre de coopératives, voire est une partie intégrante de leur projet, une coopérative est d’abord et avant tout au service de ses membres, et ensuite de ses éventuels clients, et non de la collectivité.
4.8. Quand le moyen devient un but
139En 1910, une société anonyme, dénommée Les Ateliers de tissage et filatures unis, est créée par le Vooruit dans le but d’étendre son emprise en créant des fabriques ouvrières à même de concurrencer les entreprises capitalistes. Quelque 600 à 700 ouvriers y travaillent. Une filature de coton et une filature de lin suivent peu après. Cependant, ainsi que le souligne É. Vandervelde, ces initiatives ne sont pas à proprement parler des coopératives, puisqu’« il a fallu faire appel à des capitalistes privés, dans des conditions assez onéreuses (…), et adopter la forme anonyme. Les actions des “Tisserands réunis” sont cotées en bourse » [182]. Certes, le Vooruit détient la majorité des parts sur les nouvelles usines, et donc contrôle largement celles-ci. Toutefois, l’évolution sous-jacente n’est pas sans provoquer des débats. Notamment, il apparaît que, si certes les salaires sont plus élevés et les conditions de travail meilleures qu’ailleurs, la différence est toutefois minime en raison de la nécessité d’être concurrentiel.
140En mars 1913, É. Anseele va plus loin encore dans la logique du Vooruit en créant la Banque belge du travail (BBT). Sous la forme à nouveau d’une société anonyme, celle-ci est destinée à collecter l’épargne des travailleurs pour pouvoir l’investir dans le développement de groupes industriels et, ainsi, développer une économie alternative au capitalisme (cf. supra) [183]. À nouveau, ce choix ne fait pas l’unanimité : les critiques portent sur le statut de société anonyme, sur le fait que des risques sont pris avec l’épargne des travailleurs [184], sur l’enrichissement des dirigeants, et sur le fait que les conditions de travail et les relations sociales sont jugées insuffisamment différentes de ce qu’elles sont ailleurs.
141La difficulté de conformer la pratique à la théorie s’incarne aussi dans la question de la vente d’alcool. Alors que, dans son volet éducatif, le mouvement coopératif lutte contre les ravages de l’alcoolisme et incite à la tempérance, une part significative de ses rentrées d’argent provient de la vente d’alcool dans ses cafés (bière, vin, genièvre, etc.). En 1903, le POB décide d’interdire la vente d’alcool par les coopératives sous peine d’exclusion mais, dès 1906, il doit revenir sur sa décision devant la désaffiliation massive qui s’en est suivie au niveau national (et alors que les fédérations locales n’appliquent pas la directive). In fine, le mouvement se limite à des initiatives comme promouvoir l’exemple des coopératives qui ont franchi le pas (comme Le Progrès à Jolimont, du moins en ce qui concerne les alcools forts puisque, par ailleurs, la brasserie de cette coopérative « ne suffit pas aux besoins d’une clientèle qui va tous les jours grandissant » [185]) ou essayer de limiter la consommation d’eau-de-vie. L’exemple de La Concorde à Roux est significatif : en juin 1903, dans la foulée de la décision du POB, l’administration de cette coopérative « prohib[e] la vente de l’alcool de ses locaux, rendant ainsi un précieux service à la classe ouvrière. Elle décid[e] en outre de substituer à la vente du genièvre celle du vin pur, hygiénique et réconfortant » [186].
142Pour bien comprendre les enjeux du débat qui entoure la vente d’alcool, il faut aussi garder à l’esprit que, avec le magasin (et même avant celui-ci, dans le cas où existe une maison du peuple), c’est le café qui est le centre de la vie de la coopérative : c’est le lieu de sociabilité par excellence où les coopérateurs viennent jouer aux cartes et au billard, lire le journal, etc. On sait également à quel point les cafés sont alors les lieux de nombreux grands événements du mouvement ouvrier, leurs arrière-salles constituant longtemps les seuls endroits de réunion possibles.
143L’histoire des coopératives offre donc de nombreux exemples des dangers que présente, même au seul niveau de la consommation et a fortiori au niveau de la production, la stratégie de l’extension progressive, dangers que semble synthétiser l’expérience malheureuse de la BBT [187]. Cette tendance est dès lors critiquée, ou à tout le moins questionnée, par ceux qui y voient une dérive, consistant en l’emballement d’une logique sur elle-même et amenant in fine à confondre le but avec le moyen. Face à eux, d’autres évoquent les réalités du marché (en 1966, la direction des coopératives estime que moins de 2 % du commerce de détail est coopératif, le système capitaliste restant donc ultra-dominant et créant un climat ambiant difficile pour les coopératives [188]).
144Aujourd’hui encore, de telles contradictions se posent, parfois avec acuité, aux expériences coopératives. Les dirigeants de certaines d’entre elles perdent parfois au moins partiellement de vue la philosophie de la coopération, au profit des seules stratégies d’organisation et de développement [189]. Et cela d’autant qu’un constat s’impose : l’économie sociale « n’a pas pu peser sur les choix de société et promouvoir de façon large l’émancipation humaine dont elle est porteuse » [190]. N’ayant pu modifier l’environnement capitaliste ambiant, le mouvement coopératif reste largement tributaire de ses relations avec celui-ci. Il demeure donc dans une contradiction entre sa dynamique interne de démocratie, qui est un processus exigeant et réclamant du temps, et la dynamique générale externe, qui l’oblige à fonctionner dans une économie de marché dont le principe clé est la concurrence, souvent à tout crin.
Conclusion
145Le mouvement coopératif socialiste a été le précurseur de nombreux positionnements et débats, notamment sur les questions liées à l’alimentation : centrale d’achat [191], marque propre, refus du crédit, éducation à la consommation, contrôle sur la qualité et le prix, etc. Le rôle multiple qu’il a endossé s’est pleinement inscrit dans l’histoire de la Belgique. Ainsi, les coopératives ont été longtemps l’un des principaux appuis (voire, à leurs débuts, l’épine dorsale) du pilier socialiste. Cette puissance n’a pas été sans conséquence sur la forme qu’a prise le socialisme belge, qui se caractérise par un important réformisme assumé dès les origines. Ainsi la volonté de « socialiser » progressivement l’économie peut-elle être mise en parallèle avec celle d’accéder au pouvoir au niveau politique par la voie parlementaire via l’extension progressive du droit de vote et du droit d’éligibilité. Elle doit également être mise en lien étroit avec l’autoformation, l’éducation populaire, conçue pleinement dans une dialectique d’émancipation matérielle et intellectuelle visant à permettre à la classe ouvrière de s’élever par elle-même. Les ambitions du mouvement socialiste ont été liées intimement à l’action de ses coopératives, puisque ce sont elles qui ont notamment assuré la logistique lors des grèves poussant à l’obtention du suffrage universel, ce qui a pu être résumé de manière lapidaire par la formule suivante : « Les sociétés de consommation sont surtout une caisse pour le parti socialiste » [192].
146Les modalités et les résultats du fonctionnement des coopératives socialistes historiques méritent d’être réétudiés à l’heure où se multiplient les initiatives reprenant les objectifs de changement de la société qu’ont autrefois poursuivis ces coopératives. Trois différences fondamentales existent cependant entre aujourd’hui et hier. La première réside dans le fait que les initiatives actuelles portent ces objectifs de façon séparée, alors que le propre du mouvement coopératif historique était – élément sur lequel nous avons insisté à plusieurs reprises – de tous les comprendre dans une vision et une action globalisantes. Même si, certes, l’aspect de combinaison de plusieurs objectifs se retrouve dans nombre de projets actuels, il n’en reste pas moins que la dimension de construction d’une alternative concrète au capitalisme par la totale réorganisation des forces de production et de distribution de la société s’est perdue. La deuxième différence fondamentale est plus sociologique. Historiquement, le mouvement coopératif était porté par la classe ouvrière, dans un processus d’auto-émancipation passant d’abord par des améliorations concrètes des moyens de survie. Aujourd’hui, il est davantage le fait d’une petite et moyenne bourgeoisie disposant d’un capital financier et culturel et soucieux d’accroître son bien-être. Enfin, la troisième différence consiste dans le fait que le mouvement coopératif historique a été clairement structuré selon la division de la société belge en piliers (avec un lien fort, du côté socialiste, avec le POB/PSB), alors que, de nos jours, le modèle coopératif est le fait d’une frange de la population qui est certes politisée mais d’une façon autre que par l’appartenance à un monde idéologique ou par la proximité avec un parti politique [193].
147Il est intéressant de relire ce qu’écrivait Louis Bertrand à la fin du XIXe siècle, alors que le mouvement des coopératives n’en était encore qu’à son premier développement : « La coopération est autre chose que (…) la poursuite pure et simple d’un bénéfice sur les denrées alimentaires et autres que l’on consomme. Elle est plus que cela. Mais elle n’est pas non plus un moyen d’émancipation sociale, comme le croient d’autres coopérateurs. C’est là une utopie d’autant plus dangereuse qu’elle mène forcément à des déceptions cruelles. Il faut, en effet, être bien naïf pour oser espérer que par la seule force de l’association et à l’aide de capitaux minimes, si on les compare aux milliards possédés par les compagnies de capitalistes, les coopérateurs pourront éliminer peu à peu les grands intermédiaires qui sont possesseurs de terre, du sous-sol et des grands instruments de production, de transport et d’échange (…). La coopération est un moyen puissant d’organisation de la classe des non-possédants. Elle est une école d’éducation économique et commerciale, elle permet à la classe ouvrière de vivre à meilleur compte, d’acquérir plus de force, plus de loisirs, plus d’instruction (…). Les grandes transformations sociales ne se font jamais que par voie législative ou révolutionnaire » [194]. Cet extrait montre que, au sein même du mouvement, les ambitions que devait se fixer la coopération n’ont donc jamais fait l’unanimité ; au contraire, elles ont été au cœur d’un débat constant entre partisans d’une acception large et défenseurs d’un cadre plus restreint [195].
148L’évolution a davantage été dans le sens préconisé par L. Bertrand. En effet, si elle a d’abord été mise au premier plan des moyens d’émancipation de la classe ouvrière, surtout dans sa forme de production, l’utopie coopérative a ensuite été reléguée au second plan (en l’occurrence, au profit de l’arme de la grève). Dès 1897, un spécialiste du mouvement coopératif note : « Les coopérateurs belges fondent de grandes espérances sur les sociétés de consommation, mais ils ont sur le rôle de la coopération, au point de vue social, des idées absolument particulières, toutes différentes des théories anglaise et française. Pour eux, la coopération, par elle-même, ne peut aboutir à aucun résultat ; sa force propre n’est pas bien grande et c’est l’exagérer singulièrement que de croire que les sociétés coopératives pourront arriver, seules, à produire la moindre transformation, la moindre régénération sociale. Elle constitue cependant un merveilleux instrument dont on peut se servir pour réaliser les changements que réclame la société actuelle ; en un mot, elle n’est pas le but, elle n’est que le moyen dont socialistes ou catholiques peuvent tirer parti chacun de leur côté. Ce sont les socialistes surtout qui préconisent cette doctrine ; ils subordonnent la coopération à leur système politique, ils lui demandent les ressources dont ils ont besoin pour faire campagne contre le régime capitaliste, ils attendent d’elle l’éducation sociale du peuple, le développement de l’esprit d’association et de solidarité, de l’altruisme » [196].
149Ainsi, Émile Vandervelde constate que si, pour les fondateurs des premières sociétés de consommation ou de production, la coopération était « le moyen, à l’exclusion de tout autre (…), de réalisation du socialisme » [197], elle n’est déjà plus « qu’un de [ces] moyens » pour quelqu’un comme Édouard Anseele lorsqu’il est à la tête du Vooruit. De même, étudiant dans les années 1920 l’expérience du Familistère de Guise (dont nous avons souligné l’importance comme modèle), le militant anarchiste français Stanislas Masset note à propos de la France : « Le privilège a déplacé l’axe de la victoire. Et, dans le cercle admis où la propriété est un dieu qu’on défend plus qu’un bien qu’on partage, aussi “l’espoir changera de camp, le combat changera d’âme”. Pareil à ces déracinés dont l’instruction fait des transfuges du peuple, l’ouvrier qui croit avoir gravi un échelon du capitalisme – et tel est l’angle sous lequel le familistérien juge son ascension – en épouse l’esprit et les objectifs. Il cesse de partager les aspirations d’intérêt du prolétariat. Cette “conscience de classe”, comme disent les communistes, cesse d’animer sa solidarité et il ne peut rester fidèle – ou revenir – à la cause humaine du travail que par la sensibilité de ses fibres ou l’adhésion de sa raison » [198]. Avec le temps et, pour quelques-unes d’entre elles, avec la réussite, certaines coopératives ont donc peu ou prou perdu l’esprit originel du mouvement coopératif.
150Aujourd’hui, les nombreuses nouvelles initiatives qui s’inspirent du modèle coopératif ou qui en prennent le nom ne peuvent que se poser les mêmes questions qu’à l’époque. Peuvent-elles suffire, par leur seule multiplication au plan local, à mettre fin au système économique actuel pour l’ensemble de la société [199] ? Convient-il qu’elles partent du principe que « l’existence d’entreprises non capitalistes reste sans grande portée si elle n’est pas couplée avec une action politique menée auprès des pouvoirs publics pour faire évoluer les cadres institutionnels à l’intérieur desquels prennent forme les faits économiques » [200], et donc qu’elles intègrent une dimension publique d’actions collectives menées en tant qu’organisations de la société civile ? Ou convient-il qu’elles se contentent d’être autant de lieux qui, à leur échelle et à la destination de leurs seuls membres, apportent des améliorations concrètes au niveau des conditions de vie et de travail ? Et, dans un cas comme dans l’autre, comment, en réfléchissant à des modes de fonctionnement et de gestion démocratiques et en les mettant en œuvre, jouer au mieux leur rôle d’expérimentation sociale et de moteur d’émancipation ?
151Au-delà des limites du modèle coopératif, que nous avons ici soulignées non pour les dénoncer mais pour les questionner de manière critique, les coopératives semblent en effet pouvoir être la matrice d’un apprentissage dans l’ici et le maintenant. Cette vision de l’économie sociale « ne fait pas de cette dernière la matrice d’une société nouvelle, mais simplement un apprentissage concret de la résistance à un système capitaliste qui restera dominant (…). L’économie [sociale et] solidaire, dans cette perspective, n’est pas un modèle alternatif de société mais un moyen concret d’éprouver la possibilité d’un autre mode de vie (…), une manière de renouveler par la pratique un imaginaire utopique post-capitaliste » [201]. Dans ce cadre, si la question de la détention du capital reste essentielle, il apparaît qu’elle n’est en réalité que secondaire par rapport à une question plus centrale encore : celle de la démocratie, qui va bien au-delà des seules initiatives coopératives.
Notes
-
[1]
L. Bertrand, La coopération, Bruxelles, Rozez, 1893, p. 152.
-
[2]
Préface d’É. Vandervelde, dans L. Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes, les idées, les faits, tome 1, Bruxelles, Dechenne et Cie, 1902, p. ix.
-
[3]
É. Anseele, Les chars d’assaut de la classe ouvrière, Bruxelles, Office coopératif belge, s.d. Les « chars » évoqués par É. Anseele sont les camions des coopératives.
-
[4]
Pour le cas belge, cf. C. Valenduc, « Distribution et redistribution des revenus : évolution des inégalités en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2346-2347, 2017.
-
[5]
K. Aghouchy et al., Peut-on critiquer le capitalisme ?, Paris, La Dispute, 2008.
-
[6]
Politique, n° 100 : « Peut-on sortir du capitalisme ? 1917-2017 : un siècle d’essais et d’erreurs », 2017.
-
[7]
Parmi les pistes de réponse à cette question, l’économiste et militant altermondialiste Olivier Bonfond mentionne le modèle des coopératives (cf. O. Bonfond, Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde, Cuesmes, Le Cerisier, 2017, p. 159-163).
-
[8]
J. Defourny, M. Simon, S. Adam, Les coopératives en Belgique : un mouvement d’avenir ?, Bruxelles, Luc Pire, 2002.
-
[9]
Ibidem, p. 99.
-
[10]
Cf. notamment B. Borrits, Coopératives contre capitalisme, Paris, Syllepse, 2015.
-
[11]
G. Ansion, « Les coopératives en Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 933-934, 1981.
-
[12]
Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2 : J. Puissant, G. Vanthemsche (dir.), « La coopération, un des principaux piliers sociaux de l’organisation politique belge », 1991.
-
[13]
Concernant cette classification, qui nous semble plus correcte ici que celle de classe moyenne, cf. C. Baudelot, R. Establet, J. Malemort, La petite bourgeoisie en France, Paris, Maspero, 1975 ; G. Vanthemsche (dir.), Les classes sociales en Belgique : deux siècles d’histoire, Bruxelles, CRISP, 2016.
-
[14]
P. Italiano, M. Jacquemain, J. Beaufays, La démocratie en perspective. Tables rondes de citoyens contre l’extrême droite, Bruxelles, Luc Pire, 2006, p. 44.
-
[15]
Ce Courrier hebdomadaire est également basé sur le dépouillement de la presse coopérative, ainsi que sur des archives conservées à l’Institut Émile Vandervelde (IEV : archives de l’Union coopérative de Liège, etc.), à l’Institut liégeois d’histoire sociale (ILHS : archives A. Dohogne) et à l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES : archives de l’Union coopérative de Liège et archives de G. Paffen).
-
[16]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, Paris, Alcan, 1913, p. 3-4 et 69.
-
[17]
Signalons toutefois l’existence d’une banque (la Banque belge du travail - BBT, fondée en 1913), d’une compagnie d’assurance (La Prévoyance sociale, fondée en 1907 et devenue aujourd’hui le groupe P&V) et d’un réseau de pharmacies coopératifs.
-
[18]
Livre d’or de l’exposition internationale de la coopération et des œuvres sociales. Gand (Belgique). 15 juin-15 septembre 1924, Gand, Volksdrukkerij, 1925.
-
[19]
Pour sa part, le pilier libéral n’a que fort peu investi le mouvement coopératif.
-
[20]
S. Swaton, M. Poorter, « Mouvement coopératif et coopératives », in R. Holcman (dir.), Économie sociale et solidaire, Paris, Dunod, 2015, p. 9.
-
[21]
P. Glémain, E. Bioteau (dir.), Entreprises solidaires : l’économie sociale et solidaire en question(s), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 12.
-
[22]
Cité par ibidem, p. 12.
-
[23]
G. Holyoake, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, Gand, Volksdrukkerij, 1923. Pour une étude scientifique de l’histoire de cette coopérative, cf. J. K. Walton, « Revisiting the Rochdale Pioneers », Labour History Review, volume 80, n° 3, 2015, p. 215-247.
-
[24]
G. Holyoake, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, op. cit., p. 2.
-
[25]
Ibidem, p. 9.
-
[26]
Ibidem, p. 10-11.
-
[27]
Ibidem, p. 14.
-
[28]
Ibidem, p. 80-81.
-
[29]
Ibidem, p. 81-90.
-
[30]
Rappelons que, en Belgique, c’est en 1919 que les femmes ont commencé à acquérir progressivement le droit de vote et le droit d’éligibilité, mouvement qui n’aboutira qu’en 1948.
-
[31]
G. Holyoake, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, op. cit., p. 50-51.
-
[32]
Ibidem, p. 57-59.
-
[33]
Ibidem, p. 77.
-
[34]
P. Lambert, La doctrine coopérative, Bruxelles/Paris, Propagateurs de la coopération/Fédération nationale des coopératives de consommation, 1959, p. 13.
-
[35]
Ibidem, p. 15.
-
[36]
V. Serwy, Vade mecum du propagandiste coopérateur, Bruxelles, Office coopératif belge, 1922, p. 4.
-
[37]
J. Bartier, Naissance du socialisme en Belgique : les saint-simoniens, éd. par A. Smolar-Meynart, Bruxelles, Présence et action culturelle, 1985 ; J. Bartier, Fourier en Belgique, éd. par F. Sartorius, Bruxelles, Bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles/Lérot, 2005.
-
[38]
Cf. J. Dos Santos, L’utopie en héritage : le Familistère de Guise, 1888-1968, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2016. Cette influence peut être mesurée notamment par le nombre de textes y faisant référence (cf. par exemple Navez, Une expérience sociale : le familistère de Guise, Gand, Volksdrukkerij, 1914).
-
[39]
Les deux sites existent toujours de nos jours, cf. www.familistere.com. Cf. aussi A. Morelli, « Le familistère Godin », in A. Morelli (dir.), Le Bruxelles des révolutionnaires : de 1830 à nos jours, Bruxelles, CFC, 2016, p. 54-55.
-
[40]
Cf. J. Bartier, Naissance du socialisme en Belgique, op. cit. ; J. Bartier, Fourier en Belgique, op. cit. ; L. Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique. Les hommes, les idées, les faits, 2 tomes, Bruxelles, Dechenne et Cie, 1902-1903 ; V. Serwy, La coopération en Belgique, 4 tomes, Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1940-1952. Relativement au mouvement coopératif en Belgique, les deux dernières publications citées sont incontournables car elles constituent la source principale de toutes les études qui les ont suivies. Précisons qu’elles sont l’œuvre de deux militants du mouvement coopératif socialiste.
-
[41]
Loi du 18 mai 1873 contenant le titre IX, livre I, du Code de commerce, relatif aux sociétés, Moniteur belge, 25 mai 1873.
-
[42]
L’évolution de la législation belge relative aux coopératives n’est pas l’objet de la présente étude (pour cela, cf. M. Vahnoove, « Les coopératives en Belgique », in Coopératives, un modèle tout terrien, Monceau-sur-Sambre, SAW-B, 2011, p. 46-65 ; L. Ciccia, « Statut coopératif et pouvoirs publics. Des freins et des soutiens », in Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit., p. 68-87). Signalons simplement deux éléments ici. D’une part, la loi du 20 juillet 1955 portant institution d’un Conseil national de la coopération (Moniteur belge, 10 août 1955) instaurera un agrément des coopératives qui permettra de distinguer celles respectant les « principes de Rochdale » des autres, tentant ainsi de mettre fin au flou volontairement créé à cet égard en 1873 (cf. « Le Conseil national de la coopération », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 38, 1959, p. 2-15). D’autre part, le résultat de cette mesure étant jugé insuffisant, la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge, 1er août 1991) sera adoptée dans le même but.
-
[43]
Cf. É. Geerkens, « La Prévoyance sociale ou la gestion habile d’une coopérative socialiste », in L. Peiren, É. Geerkens, A. Vincent, H. Van Humbeeck (dir.), Cent ans de P&V, 1907-2007. L’histoire originale d’une société coopérative d’assurances, tome 2, Gand/Bruxelles, Archief en Museum van de Socialistische Arbeidersbeweing-Instituut voor Sociale Geschiedenis (AMSAB-ISG)/P&V, 2007, p. 95-164.
-
[44]
Sur l’histoire de ces différentes extensions, cf. J. Defourny, M. Simon, S. Adam, Les coopératives en Belgique, op. cit.
-
[45]
M. Verbauwhede, La Banque belge du travail : fusillée pour l’exemple ? Origine, création, développement et chute d’une institution bancaire socialiste, Mémoire de master en Histoire, ULB, 2012 ; G. Vanthemsche, « Des caisses d’épargne régionales à Coop-dépôt », in E. Witte, R. De Preter (dir.), Histoire de l’épargne sociale : à travers l’évolution de la banque d’épargne Codep et de ses prédécesseurs, Bruxelles, Labor, 1989, p. 236-247 ; C. Laisne, « Une “autre banque” à l’épreuve de l’histoire », Études marxistes, n° 102, 2013, www.marx.be.
-
[46]
Dont celle des organisations syndicales qui y avaient placé leur caisse de résistance (notamment les syndicats verviétois du textile, soumis alors à un lock-out).
-
[47]
É. Dutilleul, « Le mouvement coopératif », in Les fastes du parti, 1885-1960, Bruxelles, Institut Émile Vandervelde (IEV), 1960, p. 254.
-
[48]
R. Ramaekers, La coopération : formule périmée ou grande idée du vingtième siècle ?, Paris, Fédération coopérative régionale, 1964, p. 11. Le constat est identique pour les coopératives catholiques (cf. infra).
-
[49]
L. Ciccia, « Coopératives et travailleurs : le défi de l’autogestion pour les acteurs sociaux », in Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit., p. 108. Pour une actualisation du questionnement, cf. A. Liesenborghs, « Autogestion : entre mythes et pratiques », Barricade, 2017, www.barricade.be.
-
[50]
E. Mayné, Syndicalisme et économie sociale, Bruxelles, Luc Pire, 1999, principalement p. 40-49. Pour un exemple concret (dans la région de Verviers), cf. J. Dohet, La coopération à Verviers, une économie solidaire de la révolution industrielle à nos jours, Verviers, Institut de développement européen de l’économie sociale (IDEES), 2000.
-
[51]
Pour une perspective historienne sur des expériences autogestionnaires européennes, cf. F. Georgi (dir.), Autogestion : la dernière utopie ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003.
-
[52]
Intervient aussi l’attachement du pilier libéral à la défense de la petite bourgeoisie et à l’élévation sociale individuelle (cf. J. Neuville, Il y a 75 ans naissait le premier syndicat chrétien, Bruxelles/Paris, La Pensée catholique/Office général du livre, 1961, p. 23).
-
[53]
Cf. G. Vanschoenbeek, Le monde du Vooruit de Gand (Belgique) et les coopérateurs de Saint-Claude (France), Saint-Claude, La Fraternelle, 2002, p. 18. Sur une expérience libérale de banque coopérative, cf. C. Van Praet, « De Gentsche Volksbank: een blauwe coöperatie », Brood & Rozen: Tijdschrift voor de Geschiedenis van Sociale Bewegingen, n° 2, 2017, p. 5-27. Sur l’inspiration maçonnique de cette coopération libérale, cf. J. Tyssens, « Association, Patronizing and Autonomy: Belgian Masonic Lodges as Sponsors of a “Cooperative” Movement in the 1860s and 1870s », Journal for Research into Freemasonry and Fraternalism, volume 2, n° 2, 2012, p. 261-292.
-
[54]
J. Puissant, « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 47-50.
-
[55]
Ce constat (posé par M. Liebman, Les socialistes belges, 1885-1914 : la révolte et l’organisation, Bruxelles, EVO, 1979) est valable tant sur le plan historique que sur le plan de l’évolution idéologique et de celle des pratiques.
-
[56]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, Paris, Giard & Brière, 1898, p. 47.
-
[57]
Cette partie se base sur G. Kwanten, La moisson de l’entraide. L’histoire des coopératives chrétiennes de 1886 à 1986, Bruxelles, Fédération nationale des coopératives chrétiennes (FNCC), 1987 (cf. aussi G. Kwanten, « Les coopératives chrétiennes », in E. Gerard, P. Wynants (dir.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, tome 2, Louvain, Leuven University Press, 1994, p. 278-323).
-
[58]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 69.
-
[59]
L. Bertrand, Histoire de la coopération en Belgique, op. cit., p. x.
-
[60]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, Gand, Volksdrukkerij, 1906, p. 115.
-
[61]
G. Deneckere, P. Hannes, « Een showcase voor het socialisme. De Gentse coöperatie Vooruit op de Wereldtentoonstelling van 1913 », Brood & Rozen, n° 2, 2013, p. 69-72.
-
[62]
Fondée en juillet 1949 (en remplacement du système des « bases multiples »), l’Action commune constitue un outil de coordination entre le parti, le syndicat, la mutuelle et les coopératives socialistes, visant à renforcer leurs moyens d’information, de sensibilisation et de mobilisation de l’opinion publique. La création de ce réseau constitue le retour d’un lien structurel entre les constituants du monde socialiste, mais cette fois par le sommet, c’est-à-dire entre les organisations, et non plus par la base. Cf. notamment « Aspects du développement et du fonctionnement de l’Action commune socialiste », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 248, 1964.
-
[63]
H. De Man, « Die Arbeiterbewegung in Belgien: Erwiderung an Vandervelde », Die neue Zeit, 29e année, tome 2, n° 32, 12 mai 1911, p. 197-199 (pour une traduction en français, cf. H. De Man, L. De Brouckère, Le mouvement ouvrier en Belgique, 1911 : un épisode de la lutte des tendances socialistes, éd. par R. Deprez et M. Steinberg, Bruxelles, Fondation Joseph Jacquemotte, 1965, p. 65). Ils ajoutent : « Nous appellerons crétinisme coopératif cette mentalité et cette conception particulière engendrées par le développement hypertrophique du coopératisme ». À ce propos, cf. J. Puissant, « L’historiographie de la coopération en Belgique », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 23-24. Il est à noter que L. De Brouckère se verra attribuer une « chaire de la coopération » à l’ULB en 1926 ; parmi ses ouvrages, citons La coopération : ses origines, sa nature, ses grandes fonctions (Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1926).
-
[64]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 47.
-
[65]
Sur le Vooruit, cf. G. Vanschoenbeek, Novecento in Gent: de wortels van de sociaal-democratie in Vlaanderen, Anvers/Gand, Hadewijch/AMSAB, 1995, p. 67-85 ; H. Defoort, “Werklieden bemint uw profijt!” De Belgische sociaaldemocratie in Europa, Louvain/Gand, Lannoo Campus/AMSAB, 2006.
-
[66]
G. Vanthemsche, « La Ville de Gand et l’aide aux chômeurs (1900-1914) : une innovation communale à résonance nationale et internationale », Revue belge de philologie et d’histoire, volume 89, n° 2, 2011, p. 889-917.
-
[67]
J. Dohet, La Populaire, maison du peuple de Liège, Le Chaînon manquant, s.d. [avril 2009], www.lechainonmanquant.
-
[68]
J. Puissant, « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », op. cit., p. 44.
-
[69]
À ce sujet, cf. L. Musin, R. Flagothier, « De la coopérative locale à la société multirégionale : l’Union coopérative de Liège (1914-1940) », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 281-309.
-
[70]
50e anniversaire de l’Union coopérative, 1918-1968, Liège, Union coopérative de Liège, 1968, p. 9.
-
[71]
Ibidem.
-
[72]
V. Serwy, La coopération socialiste de demain, Bruxelles, s.l.n.d. [1918 ?].
-
[73]
H. Legros, « Les structures de la coopération socialiste, 1900-1940 », Revue belge d’histoire contemporaine, volume 22, n° 1-2, 1991, p. 73-127.
-
[74]
Cf. par exemple la résolution votée à l’unanimité par le conseil d’administration de l’Union coopérative de Liège en sa séance du 12 janvier 1946 (Archives de l’Union coopérative de Liège conservées à l’IHOES).
-
[75]
V. Serwy, La coopération en Belgique, op. cit., tome 2, p. 220.
-
[76]
La composante féminine du mouvement coopératif (qui représente encore, à la fin de l’année 1958, 192 guildes locales regroupant quelque 21 000 femmes) n’échappe pas à la désaffection généralisée. Ainsi, la revue Entre nous, éditée à destination des coopératrices, subit une chute constante de ses abonnements.
-
[77]
Cf. N. Malinconi, De fer et de verre : la Maison du peuple de Victor Horta, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2017.
-
[78]
M. Liebman, Les socialistes belges, 1885-1914, op. cit., p. 187.
-
[79]
Cf., par exemple, J. Mertens, « Petite histoire d’un commerce coopératif local. L’Union coopérative ouvrière, Rotheux-Rimière », Analyse de l’IHOES, n° 67, 7 octobre 2010, www.ihoes.be.
-
[80]
Cf. Société coopérative ouvrière L’Aurore de Tubize. Son histoire, ses institutions, son action, statistiques (par « quelques élèves de l’école socialiste de Tubize »), Louvain, De Zaaier, 1921.
-
[81]
J. Puissant, « La coopération en Belgique. Tentative d’évaluation globale », op. cit., p. 43.
-
[82]
Sur l’offre de produits d’habillement par le Vooruit, cf. P. Scholliers, « Sociaal-democratische consumptie. De baanbrekende Gentse Vooruit voor 1914 », Brood & Rozen, n° 4, 2000, p. 7-31.
-
[83]
V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, Bruxelles, L’Églantine/Les propagateurs de la coopération, 1932, p. 70-71.
-
[84]
Cette situation n’est pas propre aux coopératives : elle procède d’une évolution de la société qui touche l’ensemble du commerce de détail. Cf. J.-P. Grimmeau, B. Wayens, « Les causes de la disparition des petits commerces (1945-2015) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2301-2302, 2016.
-
[85]
L. Bertrand, La coopération, op. cit., p. 152.
-
[86]
É. Dutilleul, La coopération, Bruxelles, L’Églantine, 1930, p. 27-28.
-
[87]
Par ailleurs, de nombreuses fabriques de pain d’épices voient également le jour.
-
[88]
G. Quaden, R. Ramaekers, « Le socialisme coopératif », in 1885-1985, du Parti ouvrier belge au Parti socialiste, Bruxelles, Labor, 1985, p. 97. Sur l’histoire des maisons du peuple, cf. T. Willems, R. Zeebroek (dir.), Les maisons du peuple : entre militantisme et loisirs, Namur, Institut du patrimoine wallon (IPW), 2012.
-
[89]
J. Dohet, Vive la sociale ! Mouvement ouvrier, capitalisme et laïcité, Bruxelles, Espace de libertés, 2011.
-
[90]
A. Brauman, B. Buyssens, « Voyage au pays des maisons du peuple », in Architecture pour le peuple. Maisons du peuple. Belgique, Allemagne, Autriche, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Suisse, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1984, p. 34.
-
[91]
J. Moors, La belle époque des maisons du peuple en province de Liège, Liège, J. Moors, 2007, p. 10. Cf. aussi B. Buyssens, « Inventaire visuel des maisons du peuple en Wallonie et à Bruxelles », in Architecture pour le peuple, op. cit., p. 63-71.
-
[92]
La salle des fêtes est souvent une annexe ajoutée à l’arrière du bâtiment, même dans les projets architecturaux plus prestigieux. Plus rarement, elle est intégrée directement dans l’ensemble (il s’agit alors généralement de réalisations tardives).
-
[93]
Cf. F. Fonck, Les maisons du peuple en Wallonie, Namur, IPW, 2010.
-
[94]
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, La Marseillaise est le chant entonné dans les manifestations socialistes belges, avant d’être progressivement supplantée par L’Internationale (au départ chantée sur l’air de La Marseillaise). Cf. P. Raxhon, La Marseillaise ou le devenir d’un chant révolutionnaire en Wallonie, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1998. Concernant le rapport du mouvement socialiste belge au souvenir de la Révolution française, cf. J. Dohet, Vive la sociale !, op. cit., p. 19-37 ; J. Dohet, « “À bas les calotins” », L’Athée. Revue de l’Association belge des athées, n° 4, 2017, p. 105-118.
-
[95]
Médecin, il est l’un des fondateurs du POB (qui lui doit son nom).
-
[96]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 188-191.
-
[97]
Il est à noter que, en région liégeoise, l’asbl Les Travailleurs réunis (créée en 1981 par la Centrale générale FGTB Liège-Huy-Waremme) possède toujours actuellement une dizaine de maisons du peuple (et a des parts dans quelques autres). Elle en loue les locaux, principalement mais pas exclusivement, à des unions socialistes communales.
-
[98]
Pour leur part, les groupes d’achat se limitent à effectuer des achats groupés de produits, dans le but de baisser le prix de ces produits pour leurs adhérents voire d’obtenir des produits de meilleure qualité.
-
[99]
V. Serwy, La coopération en Belgique, op. cit., tome 1, p. 400-401.
-
[100]
Nombre des sources scientifiques mobilisées dans le présent chapitre ont été publiées en France : elles sont donc utilisées ici par extension et analogie avec la situation prévalant en Belgique, les quelques différences qui existent entre les deux pas n’invalidant pas les propos tenus ici.
-
[101]
En France, l’expression consacrée est « économie sociale et solidaire », mais cet usage n’a pas cours en Belgique.
-
[102]
Cf. le site Internet http://febecoop.be. Il est à noter que la FEBECOOP est l’héritière directe du mouvement coopératif socialiste historique (cf. supra).
-
[103]
Cf. le site Internet www.saw-b.be.
-
[104]
Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit.
-
[105]
Outre les multiples réalisations concrètes, cf. par exemple le décret wallon du 20 novembre 2008 relatif à l’économie sociale (Moniteur belge, 31 décembre 2008), ou le fait que, depuis 2002, l’Organisation internationale du travail (OIT) recommande la structuration coopérative des entreprises pour le travail décent.
-
[106]
L. Ciccia, « Statut coopératif et pouvoirs publics », op. cit., p. 77.
-
[107]
M. Vahnoove, « Les coopératives en Belgique », op. cit., p. 48.
-
[108]
Ainsi, seules environ 3 % des quelque 25 000 sociétés ayant le statut juridique de coopérative que compte actuellement la Belgique sont agréées par le Conseil national de la coopération (CNC) et entrent donc dans les critères de l’Alliance coopérative internationale (ACI). Ce sont principalement elles qui sont concernées par le présent chapitre.
-
[109]
Les statuts des membres sont donc également multiples, du coopérateur au client adhérent (dans le cas d’une mutuelle, par exemple).
-
[110]
P. Lambert, La doctrine coopérative, op. cit., p. 177.
-
[111]
F. Paulsen, La coopération, Liège, Imprimerie coopérative, s.d. [1898], p. 5.
-
[112]
É. Vandervelde, Le Parti ouvrier belge, 1885-1925, Bruxelles, L’Églantine, 1925, p. 209.
-
[113]
Ibidem, p. 211.
-
[114]
J. Vandersmissen, Association et entreprises coopératives, Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1966, p. 22.
-
[115]
Il s’agit là d’un des éléments de la triple critique que, dès 1868, Karl Marx a adressée au modèle coopératif : « le patronage et l’apport de capitaux extérieurs ; la distinction entre les salariés non sociétaires et les sociétaires, rappelant celle entre classes dominées et dominantes ; la question délicate de la rémunération du capital » (cf. S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 19).
-
[116]
J.-L. Laville, « Économie sociale et solidaire, capitalisme et changement démocratique », in D. Hiez, É. Lavillunière (dir), Vers une théorie de l’économie sociale et solidaire, Bruxelles, Larcier, 2013, p. 23.
-
[117]
Il convient de ne pas surestimer l’envie des travailleurs employés par les coopératives de devenir eux-mêmes coopérateurs. Il s’avère en effet que nombre d’entre eux ne désirent pas s’engager dans davantage de responsabilités, investir du temps, de l’argent et de l’énergie. Cela questionne le processus d’intégration éventuellement mis en œuvre par les structures coopératives à l’égard de leurs travailleurs.
-
[118]
V. Huens, « Les coopératives de travailleurs associés : un modèle entrepreneurial a-typique », SAW-B, 2014, p. 3, www.saw-b.be.
-
[119]
F. Paulsen, La coopération, op. cit., p. 8.
-
[120]
P. Lambert, La doctrine coopérative, op. cit., p. 188.
-
[121]
Cf. G. Valenduc, P. Vendramin, « La réduction du temps de travail », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2191-2192, 2013, p. 28.
-
[122]
Cf. également É. Dutilleul, La coopération, op. cit., p. 28-29.
-
[123]
V. Serwy, La coopération et la femme. Vade mecum de la propagandiste coopérative, Gand, Volksdrukkerij (pour le compte de la Ligue des coopératrices belges), 1924, p. 3.
-
[124]
J. Bondas, Un demi-siècle d’action syndicale, 1898-1948. Histoire de la CS, de la CGTB et de la FGTB, Anvers, Excelsior, 1948, p. 184. Cf. aussi infra.
-
[125]
Ibidem, p. 186.
-
[126]
C. Baillargeon, « Du Syndicat des employés et voyageurs de Liège au SETCA Liège-Huy-Waremme », in Cols blancs, cœur rouge. Les combats des employés, techniciens et cadres du SETCA Liège-Huy-Waremme, Liège, SETCA/IHOES, 2012, p. 30.
-
[127]
Ibidem.
-
[128]
G. Ansion, « Les coopératives en Belgique », op. cit., p. 10.
-
[129]
J. Bondas, Un demi-siècle d’action syndicale, 1898-1948, op. cit., p. 190.
-
[130]
Ibidem, p. 191.
-
[131]
P. Lambert, Syndicalisme, coopération et problèmes sociaux d’aujourd’hui, Bruxelles, Les propagateurs de la coopération, 1955, p. 12-13.
-
[132]
Ibidem.
-
[133]
Elle ne se pose pas que dans les initiatives coopératives, mais aussi dans le secteur du non-marchand et dans les nombreuses asbl qui le composent.
-
[134]
E. Mayné, Syndicalisme et économie sociale, op. cit., p. 33-38.
-
[135]
F. Darbus, « Mains-d’œuvre et gestion des ressources humaines », in R. Holcman (dir), Économie sociale et solidaire, op. cit., p. 226. Le fait d’être dans le secteur non marchand, où l’influence des subsides publics – souvent jugés insuffisants – joue souvent sensiblement sur les moyens financiers, est à prendre en compte.
-
[136]
Ibidem, p. 243.
-
[137]
Ibidem, p. 246. Cf. aussi : « [L’]éthique du désintéressement [qui caractérise l’économie sociale] ne manque pas d’affronter les nouvelles logiques managériales que le secteur déploie. À ce titre, conflits au travail et dialogue social cristallisent une partie de ces tensions » (Ibidem, p. 238-239).
-
[138]
Ibidem, p. 246.
-
[139]
V. Huens, « Les coopératives de travailleurs associés », op. cit., p. 7.
-
[140]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 39.
-
[141]
Diverses agences conseil en économie sociale peuvent aider les initiatives coopératives d’économie sociale, lors tant de leur création que de leur développement. En Belgique francophone, ces agences conseil sont notamment l’Agence conseil en économie sociale (AGES, cf. www.creation-projet.be), Crédal Conseil (cf. www.credal.be), la Fédération belge de l’économie sociale et coopérative (FEBECOOP, cf. www.febecoop.be), Progress (cf. www.agenceprogress.be), Progrès Participation Gestion en économie sociale (PROPAGE-S, cf. infra), Solidarité des alternatives wallonnes et bruxelloises (SAW-B, cf. supra) et Syneco (cf. www.syneco.be). Par ailleurs, en Wallonie, les initiatives coopératives d’économie sociale peuvent, si elles remplissent les critères ad hoc, trouver un soutien financier auprès de la Société wallonne d’économie sociale marchande (SOWECSOM, qui est une filiale spécialisée de la Société régionale d’investissement de la Wallonie - SRIW : cf. www.sowecsom.org). L’un des mécanismes mis en place par la SOWECSOM est Brasero, instauré en décembre 2014, qui finance chaque année 20 coopératives à hauteur de maximum 200 000 euros chacune (cf. www.brasero.org). Enfin, les initiatives coopératives wallonnes peuvent, afin de réaliser les étapes préalables indispensables à la bonne marche d’un projet, solliciter l’octroi d’une bourse de préactivité auprès de l’Agence pour l’entreprise et l’innovation (AEI, cf. www.aei.be).
-
[142]
Cf. le site Internet www.alterfin.be.
-
[143]
Cf. V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, op. cit.
-
[144]
Ibidem, p. 31.
-
[145]
V. Serwy, Vade mecum du propagandiste coopérateur, op. cit., p. 3.
-
[146]
Tract conservé dans les collections du Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire (CARHOP).
-
[147]
Il n’est cependant pas non plus en retard sur son époque. Ainsi, même si elles sont fort rares, certaines femmes tiennent une place de premier plan dans le mouvement coopératif. Un exemple est celui de la militante socialiste Gisèle Paffen qui, au fil de son parcours, est notamment présidente de la section locale de l’Union coopérative de Liège à Angleur et vice-présidente de l’Union coopérative de Liège.
-
[148]
Cf. les archives Gisèle Paffen, conservées à l’IHOES.
-
[149]
É. Dutilleul, La coopération, op. cit., p. 10-11.
-
[150]
V. Serwy, La coopération et la femme, op. cit., p. 3.
-
[151]
Dans des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie, le phénomène des coopératives de production est plus prégnant. En Belgique, il commence à émerger, notamment via des tentatives de reprise d’une entreprise par des travailleurs après le départ de l’actionnaire. Ces initiatives sont notamment portées, dans une logique d’entrepreunariat, par l’asbl Progrès Participation Gestion en économie sociale (PROPAGE-S) ; active depuis 2009, liée à la FGTB et agréée par la Région wallonne, cette asbl est une agence conseil qui vise à stimuler et à accompagner les projets d’économie sociale (cf. le site Internet www.propage-s.be ; cf. aussi FGTB wallonne, « Sur le terrain. Économie sociale », www.fgtb-wallonne.be).
-
[152]
Mentionnons par exemple ici la tentative, en région liégeoise en 2009, de relancer, par la création d’une coopérative (Les Magasins du peuple), des coopératives d’alimentation (sous l’appellation C Populaire). Issue d’un partenariat étroit de l’Action commune et de l’asbl Les Travailleurs réunis, sa vocation était de proposer un autre mode de consommation, en offrant des produits régionaux à prix bas. L’expérience a dû s’arrêter après cinq ans et l’ouverture de trois magasins et une brasserie, en raison de pertes financières conséquentes.
-
[153]
Cf. le site Internet http://bees-coop.be.
-
[154]
Cf. le site Internet www.cdlt.be.
-
[155]
Cf. le site Internet https://terre-en-vue.be.
-
[156]
Cf. le site Internet www.catl.be.
-
[157]
V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, op. cit., p. 300.
-
[158]
« Pas de crédit. Le crédit met le travailleur sous la dépendance du commerçant. Il l’avilit. Le crédit se paie » (V. Serwy, Vade mecum du propagandiste coopérateur, op. cit., p. 6).
-
[159]
Cf. le site Internet www.lacooperativeardente.be.
-
[160]
Une autre différence entre les coopératives et les groupes d’achat se situe au niveau de la pérennité : les coopératives évoluent souvent rapidement vers la professionnalisation, ce qui n’est pas le cas des groupes d’achat. Cette pérennité a pour avantage de permettre que l’initiative ne soit pas un feu de paille et qu’elle s’inscrive dans un temps long qui favorise un processus d’émancipation.
-
[161]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 60.
-
[162]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 49.
-
[163]
La semaine de travail étant alors de six jours, la durée hebdomadaire du travail est de 48 heures (avec, à partir de la loi du 9 juillet 1936, une réduction à 40 heures dans les industries nécessitant un travail dans des conditions insalubres, dangereuses ou éreintantes). Cf. G. Valenduc, P. Vendramin, « La réduction du temps de travail », op. cit., p. 27.
-
[164]
Cf. par exemple Les prix de détail relevés en 1927 dans les coopératives et dans le commerce privé, Bruxelles, Office coopératif belge, 1927.
-
[165]
É. Dutilleul, La coopération, op. cit., p. 10-11.
-
[166]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 42. Le texte poursuit : « L’assemblée générale du 5 novembre 1897 nomma quatre nouveaux membres du personnel, quatre hommes de plus devenus libres pour défendre les idées généreuses ». On notera que la décision de nomination est prise par l’assemblée générale.
-
[167]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 47.
-
[168]
V. Serwy, La coopération en Belgique, op. cit., tome 4, p. 41. Difficultés reconnues aussi par É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 172-173.
-
[169]
V. Serwy, W. Serwy, R. Peereboom, Guide du personnel de vente dans les sociétés coopératives de consommation, op. cit., p. 7.
-
[170]
Ibidem, p. 28.
-
[171]
Union coopérative de Liège, « Statuts du personnel : le cahier général des charges applicables aux membres du personnel », s.d.
-
[172]
S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 34.
-
[173]
V. Huens, « Les coopératives de travailleurs associés », op. cit., p. 5.
-
[174]
F. Darbus, « Mains-d’œuvre et gestion des ressources humaines », op. cit., p. 239-240.
-
[175]
Cf. B. Garbarczyk, F. Konstantatos, Q. Mortier, « Être engagé pour une cause par une entreprise sociale. Ou (comment) peut-on être militant et salarié en même temps ? », SAW-B, 2015, www.saw-b.be.
-
[176]
Ainsi, au XIXe siècle, C. De Paepe « revient à plusieurs reprises sur la coopération qui, agrégée à sa vision des services publics dans la société future, représente la base de l’organisation économique socialiste envisagée » (J. Puissant, « L’historiographie de la coopération en Belgique », op. cit., p. 15).
-
[177]
P. Lambert, La coopération en Belgique : cours de coopération, Bruxelles/Liège, Institut des hautes études (IHE)/Faculté de droit de l’Université de Liège, 1963, p. 50.
-
[178]
Cf. notamment les coopératives wallonnes regroupées au sein de la Fédération wallonne des associations locales et coopératives d’énergie renouvelable (RESCOOP Wallonie, cf. www.rescoop-wallonie.be).
-
[179]
À ce sujet, cf. B. Huybrechts, « Les coopératives citoyennes d’énergies renouvelables : feu de paille ou renouveau du mouvement coopératif ? », in Coopératives, un modèle tout terrien, op. cit., p. 90-103. Concernant le cadre légal en Belgique, cf. F. Collard, « Les énergies renouvelables », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2252-2253, 2015.
-
[180]
S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 36.
-
[181]
F. Darbus, « Mains-d’œuvre et gestion des ressources humaines », op. cit., p. 238-239.
-
[182]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 158.
-
[183]
Il convient de noter que la fondation de la BBT est essentiellement le fait de quelques dirigeants du Vooruit, qui ressentaient le besoin de disposer d’un tel outil pour assurer le développement de leur structure et pour combattre le capitalisme avec ses propres armes, et que cette initiative n’a reçu l’accord ni du POB ni de la FSC.
-
[184]
En effet, la BBT est une forme de banque mixte. C’est d’ailleurs l’exemple de la faillite de la BBT, entre autres, qui a amené à une perte de confiance dans le monde bancaire et à la scission des banques mixtes.
-
[185]
J. Destrée, É. Vandervelde, Le socialisme en Belgique, op. cit., p. 42.
-
[186]
F. Duquesne, Histoire de la société coopérative de Roux, op. cit., p. 130-131.
-
[187]
Cf. aussi S. Govaert, « Le dossier Arco », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2361-2362, 2017.
-
[188]
J. Vandersmissen, Association et entreprises coopératives, op. cit., p. 10.
-
[189]
S. Swaton, M. Poorter, Mouvement coopératif et coopératives, op. cit., p. 34.
-
[190]
J.-L. Laville, « Économie sociale et solidaire, capitalisme et changement démocratique », op. cit., p. 18.
-
[191]
En cette matière, le modèle est indéniablement Delhaize : cf. E. Collet et al., Delhaize “Le Lion” : épiciers depuis 1867, Bruxelles, Racine, 2003, p. 19-31.
-
[192]
J. Leroux, Études sur le mouvement coopératif, Paris, Rousseau, 1897, p. 268.
-
[193]
Les deux derniers constats recoupent l’évolution de la social-démocratie européenne des quatre dernières décennies, qui a délaissé les classes populaires pour se concentrer justement sur la petite et moyenne bourgeoisie (cf. D. Zamora, « Quand la gauche n’essaie plus » (entretien avec Serge Halimi), Lava, n° 4, 2018, p. 65-76).
-
[194]
L. Bertrand, La coopération, op. cit., p. 10-11.
-
[195]
Loin de se cantonner à la seule Belgique, ce débat a agité les échanges entre les différents courants socialistes d’Europe (notamment en Allemagne et en France) dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec une intensité et des conclusions différentes. Il est à noter que, sur cette question, K. Marx considérait que, si certes elles remplissaient un rôle utile dans l’immédiat, les coopératives (surtout celles de consommation) portaient en elles le germe d’un détournement des travailleurs d’un changement total de la société.
-
[196]
J. Leroux, Études sur le mouvement coopératif, op. cit., p. 265-266.
-
[197]
É. Vandervelde, La coopération neutre et la coopération socialiste, op. cit., p. 14.
-
[198]
S. Mac Say [pseudonyme de S. Masset], De Fourier à Godin. Le Familistère de Guise, Quimperlé, La Digitale, 2005 [réédition de 1928], p. 47.
-
[199]
B. Thiry, « L’économie sociale : roue de secours ou alternative économique ? », Analyse de l’IHOES, n° 40, 23 décembre 2008, www.ihoes.be.
-
[200]
J.-L. Laville, « Économie sociale et solidaire, capitalisme et changement démocratique », op. cit., p. 29.
-
[201]
É. Dacheux, D. Goujon, « L’économie solidaire : une transition vers une société post-capitaliste ? », in P. Glémain, E. Bioteau (dir.), Entreprises solidaires, op. cit., p. 221.