Notes
-
[1]
Précisons que la Communauté française a décidé, en mai 2011, d’adopter la dénomination de « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’ayant cependant pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution allant dans le même sens, nous maintiendrons, dans le texte de ce Courrier hebdomadaire, l’appellation constitutionnelle de Communauté française.
-
[2]
Décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études, Moniteur belge, 18 décembre 2013.
-
[3]
J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2268, 2015 ; M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2269-2270, 2015 ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2271-2272, 2015 ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Le décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur francophone (“décret Marcourt”) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2273-2274, 2015. Ces quatre livraisons constituent le prolongement de M. Molitor, « Les transformations du paysage universitaire en Communauté française », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2052-2053, 2010.
-
[4]
Afin d’éviter autant que possible les confusions, il est bon de signaler que le terme « pôle » est particulièrement polysémique. Il a été utilisé dans divers projets non aboutis en prenant des significations différentes. Depuis 2002, il a en outre connu deux usages distincts dans l’enseignement supérieur pour désigner des entités qui ont été effectivement constituées.
Primo, il y a eu quatre associations installées par les universités sans aucune base légale. Le 1er février 2002, a été créé le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie, associant l’ULB à cinq hautes écoles bruxelloises du réseau officiel subventionné. Le 25 mars 2002, a été lancé le Réseau hainuyer d’enseignements supérieurs et universitaires (RHESU), regroupant l’UMH, la FPMs et six établissements supérieurs non confessionnels ; le 22 octobre 2009, cette association a pris le nom de Pôle hainuyer. Le 27 juin 2002, 39 institutions, pour très grande majorité de tradition catholique, ont créé l’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française autour de l’UCL, des FUNDP, des FUSL et des FUCaM. Enfin, le 8 juillet 2002, l’ULg a lancé le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire, réunissant des établissements de tous les réseaux. Bien que seules deux puis trois de ces quatre associations portent le nom de « pôle », c’est ce terme qui a été utilisé par de nombreux acteurs, analystes et journalistes pour les désigner (ainsi, la deuxième a souvent été désignée sous l’expression « Pôle Louvain »). Dans cette étude, ils seront appelés « pôles historiques ».
Secundo, la signification actuelle du mot « pôle » a été donnée lors de la table ronde de l’enseignement supérieur qui s’est tenue de décembre 2009 à mai 2010. Cinq « pôles académiques » – définis comme des associations d’établissements d’enseignement supérieur fondées sur la proximité géographique de leurs implantations d’enseignement et de recherche, et chargées principalement de susciter et de fédérer leurs collaborations et activités communes ou transversales – ont ensuite acquis une existence légale par le décret Paysage du 7 novembre 2013 : le Pôle académique de Liège-Luxembourg (sur le territoire des provinces de Liège et de Luxembourg), le Pôle académique Louvain (sur le territoire de la province de Brabant wallon), le Pôle académique de Bruxelles (sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale), le Pôle hainuyer (sur le territoire de la province de Hainaut) et le Pôle académique de Namur (sur le territoire de la province de Namur).
Les frontières des pôles historiques et des pôles académiques établis par le décret Paysage du 7 novembre 2013 ne sont pas identiques, pas davantage que leur nombre et, moins encore, que leurs attributions. -
[5]
Moniteur belge, 18 décembre 2013.
-
[6]
Cf., par exemple, Conseil national de la politique scientifique, L’expansion universitaire, Bruxelles, 1968.
-
[7]
Décret du 5 août 1995 fixant l’organisation générale de l’enseignement supérieur en hautes écoles, Moniteur belge, 1er septembre 1995. À ce sujet, cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit. ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit.
-
[8]
Décret du 31 mars 2004 définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités, Moniteur belge, 8 juin 2004. À ce sujet, cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit.
-
[9]
Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie, « Évolution du Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie. Note de réflexion sur la stratégie de rapprochements », 14 mars 2008.
-
[10]
Ibidem, p. 5.
-
[11]
Pôle hainuyer, « Redéfinition de l’enseignement supérieur en Communauté française : position des membres du Pôle hainuyer », s.d. [décembre 2009].
-
[12]
J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 22.
-
[13]
Sur les différentes acceptions du terme « pôle », cf. supra.
-
[14]
Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit.
-
[15]
Pôle Louvain, « L’enseignement supérieur en Communauté française : vers un système intégré de compétences et de connaissances », 17 mars 2009.
-
[16]
Sur ce thème, cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit.
-
[17]
Au printemps 2009, un membre du Pôle Louvain, la Haute École Léonard de Vinci (HE Vinci), produit également une note très détaillée étudiant divers scénarios d’association entre les hautes écoles et les universités. Dans cette note, la HE Vinci exprime clairement son ambition de s’amarrer à la nouvelle université en discussion entre l’UCL, les FUNDP, les FUSL et les FUCaM (cf. « Propositions du “Groupe stratégique Vinci”. Intégration hautes écoles–universités », communiqué à la table ronde, janvier 2010).
-
[18]
Conseil inter-réseaux de concertation, « L’enseignement supérieur en Communauté française. Vers une harmonisation du paysage… Note politique », 5 mai 2009. Le CIC s’occupe de matières qui concernent l’organisation des études dans les hautes écoles. Il est également divisé en cinq conseils inter-réseaux zonaux : Bruxelles-Brabant wallon, Namur, Liège, Hainaut et Luxembourg.
-
[19]
Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit.
-
[20]
Le Soir, 14 décembre 2009.
-
[21]
Table ronde de l’enseignement supérieur, « Document préparatoire », 14 décembre 2009.
-
[22]
Les titres et qualités des participants indiqués ci-dessous ont été repris tels quels des documents de la table ronde.
-
[23]
Miguel Souto Lopez et Philippe Vienne rapportent l’avis d’un membre du groupe de travail qui a souligné que les procès verbaux avaient accordé un même poids à toutes les opinions, qu’elles aient été exprimées par un seul individu ou par la majorité des participants (M. Souto Lopez, P. Vienne, « Table ronde de l’enseignement supérieur. Tensions et contradictions », La Revue nouvelle, n° 3, 2012, p. 46-56). Ce membre considère qu’il « n’est pas possible, à la lecture des procès-verbaux, de faire cette distinction, pourtant essentielle ». Il est vrai que les procès-verbaux ont la forme d’énumérations des interventions des divers participants. Des essais de synthèse n’ont été opérés que dans le rapport intermédiaire et le rapport définitif.
-
[24]
Cf. Fédération des étudiants francophones, « Table ronde : arrêtons de tourner autour du pot ! », s.d., www.fef.be.
-
[25]
Cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit., p. 24-27.
-
[26]
L’exposé des sections qui suivent repose sur l’examen des procès-verbaux du groupe de travail « Paysage institutionnel » (7 et 21 janvier, 4 et 25 février, 11 et 25 mars 2010) rédigés par le cabinet du ministre Marcourt.
-
[27]
Cf. Fédération des étudiants francophones, « À quoi sert une table ronde si ce n’est à tourner en rond ? », s.d., www.fef.be.
-
[28]
Le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie autour de l’ULB, le Réseau hainuyer d’enseignements supérieurs et universitaires (RHESU) puis Pôle hainuyer autour de l’UMH puis de l’UMons, l’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française (dite Pôle Louvain) autour de l’UCL et le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire autour de l’ULg.
-
[29]
Cf. Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 4, 18 novembre 2009, p. 38-40.
-
[30]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 47-Ens.sup. 7, 12 janvier 2010, p. 10.
-
[31]
Confédération des syndicats chrétiens, « Table ronde de l’enseignement supérieur : la CSC demande des précisions », communiqué, 3 mars 2010. Un temps de questions-réponses avait été prévu pour la séance intermédiaire du 25 février. Sa suppression a justifié que l’interpellation prévue pour cette date ait pris la forme d’une lettre.
-
[32]
Une note de bas de page d’une bonne dizaine de lignes, à la page 2 du rapport final, présente toutes les autres appellations qui ont été discutées par le groupe de travail. Pour distinguer ces pôles académiques des pôles qui s’étaient constitués de façon spontanée en 2002, ceux-ci sont dénommés ici « pôles historiques » (cf. supra).
-
[33]
En posant la liberté d’association comme le principe devant guider les rapprochements, les participants protégeaient le législateur des mouvements d’opposition qui s’étaient exprimés quand il avait été question d’imposer des regroupements dans l’enseignement supérieur (cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 19-26).
-
[34]
La Libre Belgique, 9 avril 2010.
-
[35]
J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 21-26.
-
[36]
« Table ronde de l’enseignement supérieur, décembre 2009-mai 2010. Synthèse finale », www.desy.ucl.ac.be.
-
[37]
M. Souto Lopez, P. Vienne, « Table ronde de l’enseignement supérieur. Tensions et contradictions », op. cit., p. 53.
-
[38]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 12-Ens.sup. 2, 11 octobre 2010, p. 8.
-
[39]
Françoise Dupuis (PS), ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
-
[40]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 17, 8 juin 2011, p. 30.
-
[41]
Le Soir, 14 septembre 2010.
-
[42]
RTBF.be, 16 septembre 2010.
-
[43]
Le Soir, 15 septembre 2010.
-
[44]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[45]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[46]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 1, 23 septembre 2010, p. 15.
-
[47]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 12-Ens.sup. 2, 11 octobre 2010, p. 4-5.
-
[48]
Ibidem, p. 3-4.
-
[49]
Ibidem, p. 6.
-
[50]
Ibidem, p. 7.
-
[51]
Ibidem, p. 8-9.
-
[52]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[53]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[54]
Le Soir, 4 novembre 2010.
-
[55]
Le Soir, 18 janvier 2011.
-
[56]
Le Soir, 3 novembre 2010.
-
[57]
Le Soir, 12 janvier 2012.
-
[58]
Le Soir, 12 janvier 2012. Quand A. Poutrain deviendra chef de cabinet de Paul Magnette (PS), ministre-président wallon, et secrétaire de gouvernement de la Région wallonne, L’Avenir écrira d’elle : « On raconte aussi qu’elle a minutieusement préparé le “plan B” au cas où le pays exploserait, plan qui serait gravé dans le seul disque dur de son cerveau » (L’Avenir, 31 juillet 2014).
-
[59]
Le Soir, 16 janvier 2012.
-
[60]
Le Soir, 21 janvier 2012.
-
[61]
Le Soir, 22 janvier 2012.
-
[62]
Le Soir, 24 janvier 2012.
-
[63]
La Libre Belgique, 24 janvier 2012.
-
[64]
La Libre Belgique, 24 janvier 2012.
-
[65]
Parlement wallon, Compte rendu intégral, CRI 10, 25 janvier 2012, p. 20.
-
[66]
Ibidem, p. 21.
-
[67]
Le Soir, 3 février 2012.
-
[68]
Le Soir, 12 juin 2012.
-
[69]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[70]
FDF, « Les dangers des régionalisation et sous-régionalisation pour l’enseignement supérieur et la politique des soins de santé », conférence de presse, 21 décembre 2012, www.fdf.be.
-
[71]
M. El Berhoumi, « Enseignement supérieur : voir par-dessus les pôles », Politique, revue de débats, n° 72, 2011, http://politique.eu.org.
-
[72]
Cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit.
-
[73]
S. Grawez, « Après les académies universitaires. Les pôles en position ? », L’Appel, le magazine chrétien de l’événement, n° 338, 2011, p. 10, http://magazine-appel.be.
-
[74]
P. Henry, « Quel avenir pour notre enseignement supérieur ? », Humanisme et solidarité, n° 19, 2010, www.humanismeetsolidarite.be.
-
[75]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 47-Ens.sup. 7, 11 janvier 2011, p. 9.
-
[76]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 79-Ens.sup. 11, 15 mars 2011, p. 11.
-
[77]
Ibidem.
-
[78]
En faisant référence aux provinces de Hainaut et de Luxembourg, le ministre a désigné à la fois la plus peuplée (1 309 880 habitants) et la moins peuplée de Wallonie (274 000 habitants). On a vu que les sollicitations politiques n’émanaient toutefois que d’une seule de ces deux provinces, le Hainaut. Le Luxembourg avait milité en d’autres temps pour obtenir une structure universitaire qu’il avait obtenue en 1972 et qui a été absorbée par l’ULg en 2004 (cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 9-11).
-
[79]
Fédération des étudiants francophones, « Paysage : la FEF n’apprécie pas la politique communicationnelle du ministre », 25 octobre 2012, www.fef.be.
-
[80]
La position de C. Conti n’a pas changé, comme l’atteste son discours à l’inauguration du pôle hainuyer, dans lequel il réclame davantage de compétences pour son pôle et des habilitations (cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 47-48).
-
[81]
Le Soir, 9 mai 2011.
-
[82]
Le Soir, 9 mai 2011.
-
[83]
ULB, « Note sur les propositions de réforme de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles », mai 2011
-
[84]
C. Conti, « Évolution du paysage de l’enseignement supérieur. Position de l’UMons », 14 juin 2011.
-
[85]
Conseil inter-réseaux de concertation, « Le paysage de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles », juin 2011.
-
[86]
Centrale générale des services publics - Enseignement, « Paysage institutionnel de l’enseignement supérieur. Contribution de la CGSP-Enseignement à la réflexion sur l’évolution du paysage institutionnel de l’enseignement supérieur », juin 2011.
-
[87]
B. Delvaux, « Note complémentaire : approche spécifique de l’UCL », 5 juin 2011.
-
[88]
Y. Poullet, « Enseignement supérieur. Oui à l’académie unique et aux pôles, mais dans le respect de l’autonomie des universités », juin 2011.
-
[89]
Confédération des syndicats chrétiens - Services publics (secteur des universités) et Centrale nationale des employés (secteur des universités), « Note à l’attention du ministre Marcourt à propos du non paper du 9 mai 2011 », 27 juin 2011.
-
[90]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 16, 25 mai 2011, p. 65.
-
[91]
Ibidem, p. 67.
-
[92]
La Libre Belgique, 3 juin 2011.
-
[93]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 17, 8 juin 2011, p. 30.
-
[94]
La Libre Belgique, 3 juin 2011.
-
[95]
La Libre Belgique, 4 juin 2011. Le recteur de l’ULB aurait été consulté sur cette hypothèse par le vice-recteur à l’enseignement de l’UCL lors d’un voyage en compagnie du ministre. Il aurait accepté d’en discuter, sans plus. Le climat extrêmement tendu alors à l’intérieur de l’ULB l’aurait poussé à démentir cette ouverture.
-
[96]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 17, 8 juin 2011, p. 30.
-
[97]
Ibidem.
-
[98]
Ibidem, p. 31.
-
[99]
Ibidem, p. 36.
-
[100]
Ibidem.
-
[101]
Ibidem, p. 35.
-
[102]
La note rapporte que « le Conseil inter-réseaux de concertation (CIC) et la CGSP-Enseignement plaident pour un maximum de cinq pôles sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles, là où la table ronde préconisait plutôt trois ou quatre pôles ».
-
[103]
Centrale nationale des employés - Enseignement, Communiqué, 10 novembre 2011.
-
[104]
Le Soir, 14 septembre 2011.
-
[105]
Le Soir, 20 septembre 2011.
-
[106]
Le Soir, 20 septembre 2011.
-
[107]
Le Soir, 20 septembre 2011.
-
[108]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 4-Ens.sup. 1, 4 octobre 2011, p. 3.
-
[109]
Ibidem, p. 4.
-
[110]
Ibidem.
-
[111]
Ibidem.
-
[112]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 14-Ens.sup. 2, 18 octobre 2011, p. 14.
-
[113]
Ibidem.
-
[114]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 67-Ens.sup. 9, 14 février 2012, p. 4.
-
[115]
Ibidem, p. 5.
-
[116]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 85-Ens.sup. 12, 20 mars 2012, p. 3-4.
-
[117]
Le Soir, 2 mars 2012.
-
[118]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 85-Ens.sup. 12, 20 mars 2012, p. 6.
-
[119]
Ibidem, p. 7.
-
[120]
Ibidem, p. 8.
-
[121]
Le Soir, 29 mars 2012.
-
[122]
Le Soir, 19 octobre 2011.
-
[123]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 111-Ens.sup. 16, 29 mai 2012, p. 11-12.
-
[124]
Ibidem, p. 12.
-
[125]
Le Soir, 26 août 2012.
-
[126]
Le Soir, 17 septembre 2012.
-
[127]
Décret du 13 décembre 2007 intégrant l’École d’interprètes internationaux de la Haute École de la Communauté française du Hainaut à l’UMH et modifiant les habilitations universitaires, Moniteur belge, 12 mars 2008. Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 28-35.
-
[128]
La Libre Belgique, 31 août 2013.
-
[129]
La Libre Belgique, 15 juillet 2011.
-
[130]
La Libre Belgique, 15 septembre 2011.
-
[131]
La Libre Belgique, 16 septembre 2011.
-
[132]
B. Delvaux, « Allocution de Bruno Delvaux, recteur. Décider d’espérer », 18 septembre 2012, www.uclouvain.be.
-
[133]
L’Avenir, 21 septembre 2012.
-
[134]
J.-P. Lambert, « Discours de la séance publique de rentrée des Facultés par le recteur Jean-Paul Lambert. L’enseignement supérieur et ses défis », 25 septembre 2012, p. 7-8, www.usaintlouis.be.
-
[135]
Cf. décret du 29 novembre 2008 portant intégration de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux au sein de l’Université de Liège, création de l’Université de Mons par fusion de l’Université de Mons-Hainaut et de la Faculté polytechnique de Mons, restructurant des habilitations universitaires et refinançant des universités, Moniteur belge, 10 février 2009.
-
[136]
J.-P. Lambert, « Discours de la séance publique de rentrée des Facultés par le recteur Jean-Paul Lambert. L’enseignement supérieur et ses défis », op. cit., p. 8.
-
[137]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 10-Ens.sup. 2, 9 octobre 2012, p. 7.
-
[138]
À ce propos, cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 29-35.
-
[139]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 10-Ens.sup. 2, 9 octobre 2012, p. 8.
-
[140]
Le Soir, 25 octobre 2012.
-
[141]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 3, 14 novembre 2012, p. 16.
-
[142]
Ibidem, p. 17.
-
[143]
Ibidem, p. 18.
-
[144]
Ibidem, p. 19.
-
[145]
Ibidem, p. 20-21.
-
[146]
La critique de l’UCL portait sur la version (périmée) du 25 novembre 2012 de l’avant-projet de décret (cf. infra).
-
[147]
Le Soir, 3 décembre 2012.
-
[148]
La Libre Belgique, 29 novembre 2012.
-
[149]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[150]
La Libre Belgique, 5 décembre 2012.
-
[151]
Le Soir, 11 décembre 2012.
-
[152]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[153]
Le Vif/L’Express, 20 décembre 2012.
-
[154]
Le Soir, 13 décembre 2012. Renaud Mazy, administrateur délégué des cliniques universitaires Saint-Luc, reprend les mêmes arguments dans l’interview qu’il accorde au Soir une semaine plus tard (Le Soir, 21 décembre 2012).
-
[155]
Le Soir, 13 décembre 2012.
-
[156]
M. De Wolf, X. Banse, C. Bragard, M. Francaux, T. Pardoen, G. Schamps, N. Schiffino (pour l’assemblée générale des professeurs de l’UCL), « Le projet de décret Marcourt est contraire à la Constitution », Le Soir, 20 décembre 2012.
-
[157]
La Libre Belgique, 14 décembre 2012.
-
[158]
La Libre Belgique, 14 décembre 2012.
-
[159]
La Libre Belgique, 15 décembre 2012.
-
[160]
Xavier Banse, vice-président du personnel académique, Nicolas Tajeddine, président du personnel scientifique, Pascale Steyns, présidente du personnel administratif et technique, et François Braghini et Corentin Lahouste, co-présidents de l’AGL.
-
[161]
La Libre Belgique, 17 décembre 2012.
-
[162]
L’Avenir, 20 décembre 2012.
-
[163]
Le Soir, 22 décembre 2012.
-
[164]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[165]
Déclarations de Jean-François Raskin dans La Libre Belgique, 4 décembre 2012.
-
[166]
Le Soir, 6 décembre 2012.
-
[167]
La Libre Belgique, 6 décembre 2012.
-
[168]
La Libre Belgique, 6 décembre 2012.
-
[169]
La Libre Belgique, 7 décembre 2012.
-
[170]
Cf. Le Soir, 24 janvier 2012.
-
[171]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[172]
On parle alors du chef de cabinet du ministre (cf. supra).
-
[173]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[174]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[175]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 39-Ens.sup. 6, 11 décembre 2012, p. 3-5.
-
[176]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[177]
La Libre Belgique, 13 décembre 2012.
-
[178]
Le Soir, 14 décembre 2012. Cf. Secrétariat général de l’enseignement catholique, « Enseignement supérieur : projets à revoir », communiqué de presse, 13 décembre 2012, http://enseignement.catholique.be ; Conseil d’administration du Secrétariat général de l’enseignement catholique, « Enseignement supérieur : “paysage” et “formation initiale” », 13 décembre 2012, http://enseignement.catholique.be.
-
[179]
La Libre Belgique, 17 décembre 2012.
-
[180]
La Libre Belgique, 21 décembre 2012.
-
[181]
Le Soir, 27 décembre 2012.
-
[182]
C. Conti, J.-P. Lambert, Y. Poulet, B. Rentier, D. Viviers, « Lettre ouverte au recteur de l’Université catholique de Louvain », s.d. [4 janvier 2013].
-
[183]
Ibidem.
-
[184]
Sur ce sujet, cf. N. Ryelandt, « Les décrets “inscriptions” et “mixité sociale” de la Communauté française », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2188-2189, 2013.
-
[185]
Le Soir, 5 janvier 2013.
-
[186]
D. Viviers, « Pourquoi le paysage de l’enseignement supérieur doit changer et pourquoi il faut éviter de diaboliser le changement », 7 janvier 2013, http://blog-recteur.ulb.ac.be.
-
[187]
Le Soir, 7 janvier 2013.
-
[188]
Le Soir, 7 janvier 2013.
-
[189]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 47-Ens.sup. 7, 8 janvier 2013, p. 6-7.
-
[190]
Ibidem, p. 7.
-
[191]
La Libre Belgique, 22 décembre 2012.
-
[192]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[193]
Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[194]
Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[195]
Le Soir, 11 janvier 2013.
-
[196]
Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[197]
A. Bodson (recteur honoraire de l’ULg), B. Coulie (recteur honoraire de l’UCL), M. Crochet (recteur honoraire de l’UCL), É. Davignon (président du conseil d’administration de l’ICHEC), P. Delaunois (président honoraire de l’Union wallonne des entreprises, UWE), C. Delporte (recteur honoraire des FUCaM), J. Stéphenne (président honoraire de l’UWE), J.-L. Vanherweghem (recteur honoraire de l’ULB), J.-J. Verdickt (président honoraire de l’UWE), J.-J. Viseur (président honoraire du conseil d’administration de l’UCL), « Réformer le paysage de l’enseignement supérieur dans la sérénité », Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[198]
Le Soir, 18 janvier 2013.
-
[199]
Le Soir, 18 janvier 2013.
-
[200]
Le Soir, 23 janvier 2013.
-
[201]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 71-Ens.sup. 10, 26 février 2013, p. 7.
-
[202]
Ibidem.
-
[203]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 77-Ens.sup. 11, 11 mars 2013, p. 4-8.
-
[204]
La Libre Belgique, 8 mars 2013.
-
[205]
Le Soir, 12 mars 2013.
-
[206]
Pour mémoire, le CIUF comporte dix « composantes » ; six représentent les universités, deux les organisations syndicales et deux les organisations étudiantes.
-
[207]
La Libre Belgique du 22 mars 2013 signalera incidemment que les institutions attachées aux « interpôles » représentent 43 % du total des populations étudiantes.
-
[208]
Le MR critiquait également cette « emprise » du monde politique et y voyait l’effet d’un « dirigisme » peu compatible avec les principes de l’autonomie universitaire. Cf. supra l’interview de F. Bertieaux dans La Libre Belgique, 15 décembre 2012.
-
[209]
La Libre Belgique, 20 mars 2013.
-
[210]
La Libre Belgique, 22 mars 2013.
-
[211]
La Libre Belgique, 22 mars 2013.
-
[212]
La Libre Belgique, 31 mai 2013.
-
[213]
La Libre Belgique, qui rapporte cet épisode de la négociation, évoque également la réaction du recteur de l’USaint-Louis critiquant le fait de n’avoir pas été invité aux négociations alors que les décisions prises auront des conséquences évidentes pour son institution (cf. La Libre Belgique, 31 août 2013).
-
[214]
La Libre Belgique, 31 août 2013.
-
[215]
L’Avenir, 14 septembre 2013. Cf. aussi La Libre Belgique, 14 septembre 2013.
-
[216]
La Libre Belgique, 9 octobre 2013.
-
[217]
La Libre Belgique, 9 octobre 2013.
-
[218]
La Libre Belgique, 9 octobre 2013.
-
[219]
Parlement de la Communauté française, Projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études. Rapport de commission présenté au nom de la Commission de l’Enseignement supérieur par P. Tachenion, E. Disabato et M. de Lamotte, DOC 537-3, 15 octobre 2013, p. 5.
-
[220]
Ibidem.
-
[221]
Ibidem, p. 5-6.
-
[222]
Ibidem, p. 6.
-
[223]
Ibidem.
-
[224]
Ibidem, p. 7.
-
[225]
Ibidem.
-
[226]
Ibidem.
-
[227]
Ibidem, p. 8.
-
[228]
Ibidem.
-
[229]
Ibidem, p. 9.
-
[230]
Ibidem.
-
[231]
Ibidem, p. 9-10.
-
[232]
Ibidem, p. 13.
-
[233]
Ibidem, p. 12.
-
[234]
Ibidem, p. 14.
-
[235]
F. Bertieaux déclare qu’elle comprend « la position du ministre. Il n’aurait jamais pu redessiner le paysage en négociant le financement en même temps ».
-
[236]
Pour éviter les répétitions et sauf si la configuration exige de déroger à cette règle, seuls seront repris dans cette section les arguments qui n’ont pas encore été avancés par d’autres intervenants.
-
[237]
Ibidem, p. 18.
-
[238]
Ibidem.
-
[239]
Ibidem.
-
[240]
Ibidem, p. 21.
-
[241]
Ibidem.
-
[242]
Ibidem, p. 22.
-
[243]
Ibidem, p. 24-25.
-
[244]
Ibidem, p. 25.
-
[245]
Ibidem, p. 25-26.
-
[246]
Ibidem, p. 26.
-
[247]
Ibidem.
-
[248]
Ibidem, p. 27.
-
[249]
Ibidem.
-
[250]
Ibidem, p. 28.
-
[251]
Ibidem, p. 29.
-
[252]
Ibidem.
-
[253]
Ibidem, p. 34.
-
[254]
Ibidem, p. 38.
-
[255]
Ibidem, p. 38-39.
-
[256]
Ibidem, p. 39.
-
[257]
Ibidem.
-
[258]
Ibidem, p. 46.
-
[259]
Ibidem.
-
[260]
Ibidem.
-
[261]
Ibidem, p. 49.
-
[262]
Ibidem, p. 64.
-
[263]
Ibidem.
-
[264]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 5, 6 novembre 2013, p. 15.
-
[265]
Ibidem, p. 16.
-
[266]
Ibidem, p. 16.
-
[267]
Ibidem, p. 17.
-
[268]
Ibidem, p. 17.
-
[269]
Ibidem, p. 17.
-
[270]
Ibidem, p. 17-18.
-
[271]
Ibidem, p. 24.
-
[272]
Ibidem, p. 25.
-
[273]
Ibidem, p. 19.
-
[274]
Ibidem, p. 21.
-
[275]
Ne sont repris de l’intervention de F. Bertieaux et des autres parlementaires que les propos concernant la partie du décret consacrée au paysage de l’enseignement supérieur, à l’exclusion de leurs considérations sur la nouvelle organisation des études prévue par le projet.
-
[276]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 5, 6 novembre 2013, p. 13.
-
[277]
Ibidem, p. 13.
-
[278]
Ibidem, p. 13.
-
[279]
Ibidem, p. 14.
-
[280]
Ibidem, p. 14.
-
[281]
Ibidem, p. 23.
-
[282]
Ibidem, p. 27.
-
[283]
Ibidem, p. 27.
-
[284]
Ibidem, p. 32.
-
[285]
Il est à noter que 74 députés de la Communauté française ont pris part au vote (sur 93). Un cinquième des parlementaires étaient donc absents, ce qui peut paraître paradoxal pour le vote d’un décret considéré comme majeur.
-
[286]
M. Lebrun (CDH), W. Ancion (CDH), F. Dupuis (PS), M.-D. Simonet (CDH).
-
[287]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Commentaire du CREF sur le rapport des recteurs honoraires A. Bodson et J. Berleur “Quelles urgences pour une politique universitaire en Communauté française de Belgique” commandité par le ministre W. Ancion », 9 mars 1999, www.cref.be.
-
[288]
Une bonne illustration de cette appréhension est la carte blanche publiée par C. Crespo dans Le Soir, 19 octobre 2011 (cf. supra, p. 53-54).
-
[289]
Parlement de la Communauté française, Projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études. Rapport de commission présenté au nom de la Commission de l’Enseignement supérieur par P. Tachenion, E. Disabato et M. de Lamotte, DOC 537-3, 15 octobre 2013, p. 6.
-
[290]
Cf. notamment supra (p. 39) la réponse du ministre à une interpellation de M. de Lamotte.
-
[291]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 5, 6 novembre 2013, p. 28.
-
[292]
« L’enseignement supérieur (…) a pour objectif d’accompagner les étudiants dans leur rôle de citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, pluraliste et solidaire. »
-
[293]
M. Molitor, « Les transformations du paysage universitaire en Communauté française », op. cit., p. 97.
-
[294]
La lecture des procès-verbaux du groupe « Paysage institutionnel » de la table ronde semble indiquer que la fusion était acquise pour nombre de participants.
-
[295]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Commentaire du CREF sur le rapport des recteurs honoraires A. Bodson et J. Berleur “Quelles urgences pour une politique universitaire en Communauté française de Belgique” commandité par le ministre W. Ancion », op. cit. À ce sujet, cf. M. Molitor, « Les transformations du paysage universitaire en Communauté française », op. cit., p. 27-28.
-
[296]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 13, 31 mars 2010, p. 8.
-
[297]
Ibidem, p. 9.
-
[298]
M. Souto Lopez, « Réformer le paysage de l’enseignement supérieur. Quelle méthode ? », La Revue nouvelle, n° 5, 2013, p. 70.
-
[299]
M. El Berhoumi, « Enseignement supérieur : voir par-dessus les pôles », op. cit., p. 9.
-
[300]
Cf. son interview dans Le Soir, 12 décembre 2012 (déjà cité supra, p. 69-70).
-
[301]
Cette idée a été avancée entre autres par C. Persoons lors du débat parlementaire du 6 novembre 2013.
-
[302]
Les chiffres sont extraits de l’annexe à la « Note au gouvernement » du 15 juillet 2011.
-
[303]
Dans l’annexe chiffrée de la « Note au gouvernement », les données concernant les facultés des sciences de la santé de l’UCL établies à Bruxelles (Woluwe-Saint-Lambert) sont agrégées aux données de Louvain-la-Neuve. On a choisi de reprendre ce calcul alors qu’il aurait également été possible d’agréger les données de l’UCL-en-Woluwe aux données de Bruxelles. Par ailleurs, conformément aux données de la note du ministre, on a choisi de distinguer, à l’intérieur de la population totale, les inscriptions à titre principal (c’est-à-dire des étudiants d’établissements dont le siège social est situé dans la zone géographique concernée) et les inscriptions à titre complémentaire (c’est-à-dire des étudiants dépendant d’établissements dont le siège principal est situé hors de la zone géographique considérée comme, par exemple, une section localisée en Brabant wallon d’une haute école bruxelloise).
-
[304]
À titre d’information, la ventilation de l’ensemble des populations étudiantes en fonction des « pôles historiques » de 2002 aurait donné les résultats suivants : 130 051 dans l’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française dite Pôle Louvain, à savoir 33 000 à l’université (UCL, FUNDP, FUSL et FUCaM) et 97 051 en haute école (réseau libre subventionné) ; 38 104 étudiants dans le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire, à savoir 19 612 à l’université (ULg et FUSAGx) et 18 492 en hautes écoles ; 35 536 dans le Pôle universitaire européen de Wallonie-Bruxelles, à savoir 22 852 à l’université (ULB) et 12 684 en hautes écoles (Communauté, province, ville) ; 16 318 étudiants dans le Pôle hainuyer, à savoir 4 998 à l’université (UMons) et 11 320 en hautes écoles.
Cependant, cette ventilation est totalement hasardeuse parce qu’elle repose sur l’hypothèse de l’affiliation de toutes les hautes écoles du réseau libre au Pôle Louvain, ce qui n’a jamais été démontré. Certaines hautes écoles, notamment à Namur et à Liège, auraient pu rejoindre le Pôle mosan et donc s’inscrire dans une logique plus territoriale. On peut penser cependant que ce genre de projection appartenait aux fantasmes de certains dirigeants universitaires. On se rappelle néanmoins que, en 2002, lors de la constitution des pôles autour de l’ULB et du RHESU (le pôle hainuyer historique), les hautes écoles du réseau libre n’avaient pas été invitées à les rejoindre. Beaucoup plus récemment, en février 2014, un projet d’accord cadre visant à constituer un pôle « laïque » entre l’ULB et plusieurs hautes écoles bruxelloises avait été préparé. J.-C. Marcourt a été interpellé à ce sujet par M. de Lamotte, E. Disabato et F. Bertieaux le 26 février 2014, en séance plénière du Parlement de la Communauté française. Par la voix de sa collègue Fadila Laanan (PS), le ministre a répondu qu’il n’avait pas été informé de ce projet et que celui-ci lui paraissait critiquable dans la mesure où il s’écartait du principe même de constitution des pôles académiques définis par le décret Paysage, à savoir : « Le décloisonnement confessionnel et institutionnel au profit d’une logique de coopération entre tous, privilégiant la logique géographique plutôt que les piliers. Les objectifs poursuivis par les anciens pôles sous la législation antérieure sont intégralement repris dans les missions académiques » (cf. Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 13, 26 février 2014, p. 9). -
[305]
Cf. J.-É. Charlier, F. Moens, « La tentation de faire une croix sur le passé », La Revue nouvelle, n° 3, 2012, p. 67-82.
-
[306]
J.-P. Lambert, « Discours de la séance publique de rentrée des Facultés par le recteur Jean-Paul Lambert. L’enseignement supérieur en attente d’un nouveau “paysage” », 29 septembre 2011, p. 5, www.usaintlouis.be.
-
[307]
Ibidem.
-
[308]
Cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit., p. 27 ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 29-30.
-
[309]
Cette implication du CREF n’était en rien cachée. Le ministre Lebrun a indiqué qu’il « examin[ait], avec le Conseil des recteurs, un “toilettage” complet de [la] loi afin de veiller à supprimer (…) la différence entre les grades académiques, légaux et scientifiques » (Conseil de la Communauté française, Proposition de décret modifiant les lois coordonnées sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires. Rapport présenté au nom de la Commission de l’Enseignement, de la Formation et de la Recherche par R. Henneuse, DOC 10-2, 9 juillet 1992, p. 3).
-
[310]
Cf. la section « Communications », du site Internet du CREF : www.cref.be.
-
[311]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Note du CREF relative au non paper de M. le ministre Jean-Claude Marcourt portant sur la réforme de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles », mai 2011, p. 1.
-
[312]
Ibidem.
-
[313]
Ibidem, p. 2-3.
-
[314]
Parlement de la Communauté française, Projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études. Rapport de commission présenté au nom de la Commission de l’Enseignement supérieur par P. Tachenion, E. Disabato et M. de Lamotte, DOC 537-3, 15 octobre 2013, p. 6 (extrait déjà cité supra).
-
[315]
Cf. J.-É. Charlier, « Les disciplines dans “le grand chambardement” : “fourbi de la qualité”, migration des objets et effacement des frontières », in A. Gorga, J.-P. Leresche (dir.), Disciplines académiques en transformation : entre innovation et résistance, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2015, p. 213-226.
-
[316]
Cf. le site Internet www.magna-charta.org.
-
[317]
Le ministre a notamment déclaré : « J’ai compris qu’être universitaire et stupide n’était pas incompatible », ajoutant : « Il y a des moments où les ouvriers ont plus de sens commun que des universitaires. Au moins quand on travaille avec des ouvriers, qui risquent de perdre leur emploi, on sait de quoi on parle » (La Libre Belgique, 14 décembre 2012).
-
[318]
Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 19-26.
-
[319]
C’est l’idée d’une « fenêtre d’opportunité » développée par M. El Berhoumi, « Enseignement supérieur : voir par-dessus les pôles », op. cit.
-
[320]
Il est trop tôt pour faire le bilan du fonctionnement de l’ARES, mais les avis de beaucoup de participants sont aujourd’hui négatifs. D’aucuns reparlent d’« usine à gaz », d’autres de « discussions très superficielles », d’« ambiance tendue voire malsaine », ou ont le sentiment que l’ARES est « devenu[e] une succursale du cabinet ». Cf. La Libre Belgique, 27 mars 2015.
-
[321]
Cf. supra, p. 13.
-
[322]
M. Molitor, « Vers la fin des piliers dans l’enseignement supérieur ? », Les analyses du CRISP en ligne, 28 octobre 2013, www.crisp.be. Cette partie des conclusions est inspirée de cette analyse.
-
[323]
La Libre Belgique, 21 avril 2004.
-
[324]
Cf. par exemple J. De Munck, « Attention à un face-à-face État/société civile », La Libre Belgique, 20 décembre 2012. Cf. aussi l’interview d’A. Coudyzer, président de la FEDESUC, dans La Libre Belgique, 9 octobre 2013. C’est également l’analyse d’un acteur académique extérieur à la Communauté française, Rik Torfs, recteur de la KULeuven et ancien parlementaire CD&V, qui estime qu’« il faut donner beaucoup d’autonomie aux universités et ne pas les forcer à collaborer sur des bases régionales. Cela n’a pas de sens, il faut les laisser libres dans leurs choix d’enseignement et d’associations. Il faut aussi faire attention à ce que les politiques ne fassent pas la loi dans le monde universitaire » (La Libre Belgique, 12 octobre 2013).
-
[325]
La Libre Belgique, 14 décembre 2012.
-
[326]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Commentaire du CREF sur le rapport des recteurs honoraires A. Bodson et J. Berleur “Quelles urgences pour une politique universitaire en Communauté française de Belgique” commandité par le ministre W. Ancion », op. cit.
Introduction
1 En deux décennies, l’organisation de l’enseignement supérieur a été profondément transformée, tant en ce qui concerne les universités que les institutions non universitaires (c’est-à-dire les hautes écoles, les écoles supérieures des arts, les instituts supérieurs d’architecture et les établissements d’enseignement supérieur de promotion sociale). Une dynamique de rapprochement des établissements a d’abord été enclenchée dans le supérieur non universitaire ; elle a ensuite visé les universités et l’intégration des diverses formes d’enseignement supérieur. Pour soutenir cette dynamique de rapprochement, des incitants financiers de plusieurs ordres ont été proposés aux établissements ; des mesures particulières ont aussi accompagné plusieurs fusions. Ces stimulants ont eu une efficacité jugée insuffisante par certains : des fusions ont eu lieu, mais en ordre relativement dispersé. Le 7 novembre 2013, la Communauté française [1] a promulgué un décret réorganisant le paysage de l’enseignement supérieur [2] en privilégiant une logique de proximité géographique. Depuis lors, les instances mises en place par ce décret ont commencé à fonctionner, et c’est une mécanique institutionnelle complexe qui se rode petit à petit. Ce texte, dit décret Paysage ou décret Marcourt, ne sera certainement pas le dernier ; il fait peu de doute que d’autres documents viendront bientôt le compléter et le nuancer. Ajoutons qu’un décret sur le financement est attendu de longue date et qu’il est vraisemblable que, une fois finalisé, il aura des effets importants sur l’organisation de l’enseignement supérieur.
2Cette vaste transformation de l’enseignement supérieur est retracée et analysée en quatre livraisons du Courrier hebdomadaire [3]. La présente étude constitue le quatrième et dernier volet de cette série. Elle est consacrée à la préparation du décret Paysage, à son adoption et à la présentation des transformations qu’il imprime dans l’organisation de l’enseignement supérieur. On y revient d’abord sur la table ronde de l’enseignement supérieur qui s’est tenue de décembre 2009 à mai 2010 : sa composition, son fonctionnement, les conclusions qu’elle a dégagées. Sur plusieurs questions, notamment celle de la logique devant guider la construction des pôles [4] et celle du nombre de ceux-ci, les participants à la table ronde n’ont pu se mettre d’accord. Le ministre de l’Enseignement supérieur de la Communauté française, Jean-Claude Marcourt (PS), a dès lors tenté de faire progresse le dossier par l’envoi d’un non paper aux recteurs. Après l’échec de la fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain, les recteurs n’ont plus été capables de dégager des consensus. Leurs différends ont été rendus publics, l’UCL se trouvant particulièrement isolée. Le décret Paysage a été finalement adopté. Cette dernière livraison inclut enfin une conclusion générale, qui propose au lecteur quelques éléments d’analyse.
3 Le décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études (dit décret Paysage ou décret Marcourt) [5] est l’un des actes législatifs majeurs de la coalition PS/Écolo/CDH formant le gouvernement de la Communauté française Demotte II entre 2009 et 2014. La préparation de ce décret, qui entend proposer à l’enseignement supérieur un cadre général largement inédit, a mobilisé les énergies de nombreux acteurs du secteur et des autorités politiques en charge du dossier. Ce projet a fait l’objet d’un important suivi médiatique, faisant écho aux débats et prises de position des uns et des autres. Voté le 6 novembre 2013 au terme d’un long processus, le décret Paysage comporte deux dimensions. D’une part, la définition d’un cadre général de l’enseignement supérieur (le « paysage ») ; d’autre part, un nouveau régime des études concernant les universités et les hautes écoles, ainsi que les écoles supérieures des arts. Dans cette livraison du Courrier hebdomadaire, seuls sont abordés les questions et débats concernant la dimension « paysage », c’est-à-dire la réorganisation de l’enseignement supérieur, englobant dans une même proposition universités, hautes écoles, écoles supérieures des arts et, dans une moindre mesure, établissements d’enseignement supérieur de promotion sociale.
4 Ce décret est le terme (provisoire ?) d’un processus qui remonte à plus de trente ans et qui, étape par étape, a cherché à proposer une structure cohérente à l’enseignement supérieur qui fasse place aux besoins du secteur, qui poursuive l’objectif général de démocratiser l’accès aux études supérieures, qui prenne en compte les nouvelles donnes en matière d’enseignement et de recherche (internationalisation, Europe, mobilité, investissement dans la recherche). À ce titre, on peut dire qu’il succède au régime créé au début des années 1970, dans un contexte bien différent où l’on considérait que « l’expansion universitaire » était une clé de la croissance et du progrès économique [6]. D’un autre côté, le processus proprement politique qui a conduit au vote de ce décret en novembre 2013 a été le révélateur d’une série de tensions : entre formations politiques, entre institutions et/ou secteurs de l’enseignement supérieur, entre une option régionale et une option « Communauté française ». Au cœur de ces tensions, deux principes se sont heurtés : l’organisation territoriale censée présider à la coopération entre les diverses institution, d’une part, et la liberté d’association, d’autre part. Pour les détracteurs du décret, le cadre proposé vise à limiter et contrôler la concurrence entre institutions sans que soient revues les règles de financement qui sont à l’origine de cette concurrence. Les défenseurs du décret le justifient par le meilleur accès à l’enseignement supérieur que facilite la proximité géographique qu’il organise. Pour le ministre J.-C. Marcourt, l’objectif a en outre été de faciliter l’adéquation entre les filières d’enseignement et les besoins des bassins d’emploi, ce qui justifie essentiellement l’option « territoriale » qui est promue à travers le décret.
5 Enfin, le système de pilotage de l’enseignement supérieur est assez largement transformé par la création d’une instance de concertation commune, l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES), qui, pour certains, signe le transfert aux autorités politiques des capacités d’initiative et de régulation traditionnellement assumées par le secteur lui-même. Pour d’autres, l’ARES constitue un espace de coopération qui a le mérite singulier de mettre sur pied d’égalité tous les acteurs de l’enseignement supérieur.
6 De manière incontestable, le cadre nouveau mis en place par le décret Paysage réorganise de manière sensible la carte de l’enseignement supérieur.
1. La table ronde
7La mise au point du projet de décret est précédée par une phase inédite : la réunion d’une table ronde permettant aux divers acteurs d’exprimer leurs positions et points de vue sur l’organisation de l’enseignement supérieur. Dans l’esprit du ministre J.-C. Marcourt, ces travaux ont également une fonction d’évaluation, même si cet objectif n’est pas explicitement défini, au départ tout au moins. De leur côté, les participants à la table ronde estiment que les accords qui se dégagent au cours des travaux de celle-ci doivent constituer des points de repère ou des orientations dont le futur décret doit tenir compte.
1.1. Les positions préalables
8 À la fin de la législature 2004-2009, divers acteurs importants présentent la manière dont il convient, selon chacun d’eux, d’organiser le champ de l’enseignement supérieur. Leurs propositions font écho aux réorganisations nées de la création des hautes écoles en 1995 [7] et du décret Bologne du 31 mars 2004 [8]. Elles visent à orienter les projets que la coalition qui sera installée à la tête de la Communauté française au lendemain des élections régionales du 7 juin 2009 devra lancer pour faire aboutir les chantiers entamés alors. La plupart d’entre eux sont bien conscients qu’il faudra aller plus loin que les réformes opérées jusqu’alors, au coup par coup, et trouver une formule qui réponde à un objectif majeur : la définition d’un cadre général qui concerne à la fois les universités et les hautes écoles. Dès juillet 2002, le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire a envisagé une étroite collaboration entre les institutions d’enseignement supérieur, toutes formes et tous réseaux confondus. Fondé sur le principe de la proximité géographique, il s’est cependant heurté à certaines réticences des tenants de la liberté d’association. Un accord cadre a toutefois été conclu entre les instituions organisées par la Communauté française.
9 Dès mars 2008, le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie, organisé autour de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et rassemblant des institutions implantées pour l’essentiel en région bruxelloise, produit une note de réflexion sur la stratégie des rapprochements [9]. Si la note concerne au premier plan les institutions qui composent le Pôle, elle présente des analyses et des principes généraux valables pour l’ensemble de la Communauté française. Elle explore la possibilité de constituer une fédération d’établissements appuyée sur une « grande université » à visibilité internationale. Le projet vise à dépasser le clivage entre l’enseignement universitaire et celui organisé par les hautes écoles : « La question du rapprochement en Communauté française Wallonie-Bruxelles des trois familles d’établissements – universités, hautes écoles et instituts d’architecture – se pose (…) naturellement, la situation de l’enseignement artistique (…) pouvant faire l’objet d’une réflexion moins urgente. » Après avoir fait l’inventaire des formules adoptées dans d’autres contextes, en Flandre ou dans l’Union européenne, cette note propose de construire autour de l’ULB une fédération qui regrouperait divers établissements. Ceux-ci se transformeraient en facultés chargées de gérer les diverses filières d’enseignement et les cycles d’études. La note ne précise pas si les facultés chargées des cycles proprement universitaires seraient différenciées de celles qui organiseraient les formations précédemment prises en charge par l’enseignement supérieur non universitaire.
10 La fédération serait localisée principalement à Bruxelles, avec des implantations dans le Brabant wallon et en Hainaut. Le texte rappelle les liens établis avec la future UMons, mais n’en infère pas que celle-ci sera automatiquement absorbée par la fédération bruxelloise projetée : « L’ULB est membre d’une académie universitaire (…) et entretient de ce fait des rapports privilégiés avec la future UMons, fusion de la FPMs et de l’UMH. Ces dernières sont partenaires du RHESU, pôle universitaire constitué à notre image avec d’autres établissements d’enseignement supérieur du Hainaut. Notre “fédération” deviendra donc naturellement, voire automatiquement, membre de l’Académie universitaire [Wallonie-Bruxelles]. Toutefois, les modalités précises des collaborations avec tout ou partie du RHESU dépendront de l’évolution parallèle de celui-ci et de la volonté de ses membres de progresser dans un sens compatible avec notre projet. » [10]
11 En décembre 2009, le Pôle hainuyer, qui a succédé en octobre 2009 au Réseau hennuyer d’enseignements supérieurs et universitaires (RHESU), publie une note présentant sa position en matière d’organisation de l’enseignement supérieur [11]. Nous en avons déjà commenté quelques extraits dans une précédente livraison du Courrier hebdomadaire [12]. La note analyse la situation particulière du Hainaut. L’accès à l’enseignement supérieur y est plus faible que dans d’autres régions et appelle des mesures spécifiques. Le Pôle recommande de privilégier le critère géographique d’organisation de l’enseignement supérieur mieux à même, selon lui, de rencontrer les besoins des populations. Les académies universitaires créées par le décret Bologne du 31 mars 2004 pourraient être maintenues, mais « le rôle des institutions universitaires y [serait] remplacé par celui des pôles » ; autrement dit, le facteur d’intégration du système de coopération serait constitué par les pôles [13], alors que, dans le scénario issu du décret Bologne, cette fonction était implicitement assurée par les trois institutions dites « complètes » : Université catholique de Louvain (UCL), Université libre de Bruxelles (ULB) et Université de Liège (ULg). Dans ses conclusions, la note du Pôle hainuyer plaide pour un cadre souple, « favorisant les partenariats volontaires ». Ce texte est pleinement cohérent avec les déclarations du recteur de l’UMons, Calogero Conti, visant à faire exister un pôle universitaire hainuyer à part entière [14].
12 L’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française (communément appelée Pôle Louvain) produit également une note en mars 2009 [15], alors que les quatre universités qui la composent sont engagées dans leur projet de fusion [16]. Les institutions formant le Pôle Louvain estiment que trois objectifs majeurs doivent être réalisés : l’intégration de l’ensemble de l’enseignement supérieur, un développement de pôles universitaires qui respecte les identités, des réseaux articulés aux réalités politiques et géographiques de la Communauté française. Le Pôle Louvain prend acte des rapprochements qui s’opèrent entre hautes écoles et universités, et estime également qu’il faut encourager les rapprochements entre ces deux types d’institution [17]. Il constate que les académies universitaires s’inscrivent dans les réseaux traditionnels de la société belge, mais qu’elles ne s’y limitent pas. La note plaide pour la constitution de grands pôles d’enseignement et de recherche autour des universités complètes. Ces pôles seraient « affranchis des contraintes géographiques surannées que traduit le système des habilitations actuelles ». Ils pourraient développer entre eux des collaborations étroites, « organisant en commun certaines formations et recherches de pointe ». Le Pôle Louvain conçoit les pôles comme des sortes de « coupoles », appelées à prendre le relais des académies universitaires. Ces coupoles organiseraient deux ensembles d’enseignement : d’une part, toutes les formations universitaires et les formations de type long organisées par les hautes écoles et, d’autre part, les formations de type court qui garderaient les spécificités qu’on leur connaît alors. La note décrit enfin les mécanismes qui organiseraient ces intégrations successives.
13 Enfin, le Conseil inter-réseaux de concertation (CIC) plaide aussi pour une clarification du paysage de l’enseignement supérieur [18]. Il publie une « note politique » qui propose quelques balises aux clarifications à opérer dans le paysage de l’enseignement supérieur. Les autorités responsables de hautes écoles insistent pour que les réorganisations à venir ne soient plus traitées au cas par cas, mais qu’elles obéissent à une vision d’ensemble « respectueuse des spécificités de chacun ». Pour elles, les acteurs de l’enseignement supérieur doivent être englobés dans les « zones d’influence » des universités. Le CIC considère que le paysage de l’enseignement supérieur en Communauté française « devrait être organisé en un ensemble de quelques grands pôles d’enseignement et de recherche développant des collaborations étroites entre les différents (…) opérateurs de l’enseignement (…). Chaque institution [devrait] se positionner clairement au sein d’une des plates-formes, même si des collaborations autres rest[erai]ent possibles ». Pour le CIC, trois objectifs majeurs doivent être poursuivis : la reconnaissance de la valeur de tous les types d’enseignement supérieur, la définition de l’enseignement supérieur comme un ensemble, le développement de plates-formes universitaires respectant les identités et les spécificités.
14 Ces prises de position convergent sur plusieurs points : toutes soulignent qu’il est opportun d’intégrer les diverses composantes de l’enseignement supérieur, de soutenir les coopérations et complémentarités entre ces composantes, d’organiser l’enseignement supérieur en quelques grands ensembles intégrés (fédérations, pôles, plates-formes, coupoles). Il existe par ailleurs des divergences sensibles à propos des principes qui organiseraient ces rassemblements : la logique géographique est prônée par le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire et le Pôle hainuyer, la logique d’association est privilégiée un temps par le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie et reste la préférence du Pôle Louvain. Au-delà de ces divergences, tous les acteurs insistent pour que les rapprochements s’opèrent sur une base volontaire.
1.2. L’annonce de la déclaration de politique communautaire
15Les élections régionales de juin 2009 aboutissent à la formation, à la Région wallonne comme à la Communauté française, de gouvernements réunissant les trois mêmes partis – le PS, Écolo et le CDH – sous la présidence de Rudy Demotte (PS). Le portefeuille de l’Enseignement supérieur échoit à Jean-Claude Marcourt (PS), qui succède à Marie-Dominique Simonet (CDH). La déclaration de politique communautaire de juillet 2009 aborde explicitement le sujet de l’enseignement supérieur et de son organisation. D’une manière générale, le gouvernement Demotte II entend poursuivre l’action entreprise dès le début des années 2000 et visant à inscrire l’enseignement supérieur de la Communauté française dans l’architecture de l’enseignement supérieur européen :
« La Communauté française a été l’une des premières entités à s’inscrire dans le processus de Bologne. Il faut s’atteler à ce que la poursuite de la réorganisation garantisse l’accessibilité, la démocratisation et la qualité de l’offre d’enseignement supérieur. »
17 Le gouvernement prend acte des réorganisations opérées durant les deux législatures précédentes, mais juge utile de les évaluer :
« L’enseignement supérieur en Communauté française se caractérise par une diversité d’institutions : universités, hautes écoles, écoles supérieures artistiques, enseignement supérieur de promotion sociale qui ont toutes leurs atouts et leurs spécificités. En vue de disposer d’une vision claire de l’avenir et d’un projet global cohérent pour l’enseignement supérieur, le gouvernement veut évaluer les processus de collaboration afin d’optimaliser la qualité de l’enseignement supérieur, son accessibilité pour les étudiants et la gestion des établissements. Sur base de cette évaluation, le gouvernement organisera durant la première année de la législature une table ronde de l’enseignement supérieur, avec les acteurs concernés. »
19 Les résultats de cette évaluation fourniront la matière de mesures législatives nouvelles (un « dispositif décrétal ») destinées à encadrer les réorganisations jugées nécessaires en vue de garantir « une évolution de l’enseignement supérieur respectueuse de tous ses acteurs ».
20 En réponse aux critiques maintes fois exprimées lors de la législature précédente, le gouvernement affirme son souci d’aboutir à un cadre général susceptible de conduire l’ensemble des regroupements ou restructurations qui pourraient s’avérer utiles :
« Le gouvernement estime (…) qu’il est indispensable de fixer un cadre qui notamment balise les processus de fusions, afin d’éviter, entre autres, une diminution de l’offre et de l’accès à l’enseignement supérieur. Il faut rappeler que la proximité est un facteur extrêmement important dans l’accès des plus démunis aux études supérieures, notamment en raison des coûts qu’engendre le fait de suivre une formation loin du domicile familial et de l’obstacle psychologique et culturel que cela représente. »
22 La déclaration précise :
« Il faut également faire en sorte que les fusions suivent davantage une logique géographique qu’une logique de réseaux. »
24 Il est également indiqué que le gouvernement entend soutenir
« une organisation de l’offre qui soit coordonnée par bassin géographique en relation notamment avec les potentialités d’emploi et des spécificités locales, notamment, pour les filières d’enseignement supérieur à finalités technologiques (…). Cela pourrait passer entre autres par le développement d’un système de co-diplomation entre toutes les filières plus attractif pour l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur, en précisant les obligations et moyens financiers pour chacune des parties co-diplomantes ».
26 L’intention de poursuivre la réorganisation de l’enseignement supérieur est clairement affirmée dans cette déclaration de politique communautaire, comme la volonté de construire un cadre général guidant cette réorganisation. Pendant la législature précédente, l’absence de cadre général a fait l’objet de multiples critiques du MR et d’Écolo, notamment lorsque la ministre M.-D. Simonet a pris diverses mesures décrétales destinées à favoriser la fusion d’institutions – comme entre l’ULg et la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux (FUSAGx), et de hautes écoles subventionnées – ou le rapprochement d’universités et d’institutions d’enseignement supérieur non universitaire tels les instituts supérieurs d’architecture ou les écoles de traduction et interprétariat [19]. Cette fois, toutes les institutions sont concernées : universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts, qui pourront être associées dans des articulations inédites (co-diplomations). Le gouvernement affirme également sa volonté de privilégier la base géographique comme fondement aux regroupements. Enfin, il est dit explicitement que l’on travaillera sur la base d’une évaluation des réalisations antérieures ou en cours et que ces évaluations seront traitées par une table ronde qui réunira l’ensemble des acteurs du système d’enseignement supérieur. C’est de cette table ronde que sortira la matière qui nourrira les cadres législatifs nouveaux destinés à réguler les réorganisations à venir.
1.3. L’ouverture de la table ronde
27La table ronde annoncée en juillet 2009 est officiellement ouverte le lundi 14 décembre 2009 au Palais des académies à Bruxelles. Le ministre J.-C. Marcourt précise d’emblée ses intentions : « J’ai (…) pensé (…) qu’il fallait qu’ait lieu un large débat participatif sur l’avenir de l’enseignement supérieur en Communauté française et sur son évolution dans le paysage européen (…). De nombreuses fusions ont eu lieu, d’autres sont en cours de finalisation. D’autres projets sont aujourd’hui en gestation (…). Parmi les fusions, toutes réalisées au cas par cas, les exemples de réussite ne manquent pas. Et cela me pousse à croire qu’il est sans doute plus productif de s’inspirer de ces succès que d’adopter une position de repli face aux défis. Mais ne nous voilons pas la face. Notre enseignement supérieur peut aussi paraître disparate. Il peut souffrir parfois d’un manque de cohérence. »
28 Il estime qu’il faut aborder toutes les questions : « La logique des réseaux telle que nous la connaissons depuis un siècle et demi est-elle encore appropriée à ce jour ? Une logique territoriale ne serait-elle pas plus pertinente ? Est-il vraiment judicieux de nous livrer à une concurrence interne entre institutions sur un si petit territoire, quand la concurrence internationale se fait sans cesse plus redoutable ? (…) Il me semble que, progressivement, le paysage de notre enseignement supérieur devrait être organisé autour de grands pôles d’enseignement et de recherche qui resserreraient les collaborations entre eux et associeraient plus étroitement encore les différents opérateurs actuels de l’enseignement. »
29 Il est attendu de la table ronde qu’elle remette ses conclusions au printemps 2010.
30 Avant J.-C. Marcourt, d’autres ministres de l’Enseignement supérieur ont tenté de lancer une dynamique participative associant les acteurs de l’enseignement supérieur. Françoise Dupuis (PS) et après elle M.-D. Simonet (CDH) ont fait l’expérience des difficultés de l’entreprise après l’échec du Comité de concertation entre organes consultatifs de l’enseignement supérieur (COCCES), où se sont affrontées les autorités universitaires et les directions des hautes écoles et où les tensions entre recteurs ont été sensibles. Ce sont probablement ces échecs qui ont poussé le cabinet Marcourt à tenter d’inverser la tendance en repartant du terrain, dans une vaste consultation inspirée des états généraux de l’enseignement. Le chef de cabinet de J.-C. Marcourt, Toni Pelosato, est l’ancien directeur de cabinet de Marie Arena (PS) lorsqu’elle a occupé le poste ministre-présidente de la Communauté française (2004-2008), et a été, avec d’autres, à l’origine de ces états généraux ; la procédure adoptée alors a débouché sur une série de mesures qui ont pu se prévaloir du soutien de ces concertations (le « Pacte pour l’école »). La même stratégie avait été utilisée par la ministre de la Communauté française en charge de la Culture et de l’Audiovisuel, Fadila Laanan (PS), avec la réunion d’états généraux de la culture qui ont abouti à des propositions de réforme des conseils supérieurs et des critères d’éligibilité des centres culturels. On peut raisonnablement penser que la démarche du ministre J.-C. Marcourt est un décalque de cette méthode, adaptée au cas de l’enseignement supérieur.
31 Le même jour, Le Soir commente cette initiative en donnant largement la parole au ministre : « Ce lundi, J.-C. Marcourt va engager les universités, les hautes écoles, les étudiants et les syndicats à réfléchir au visage à donner à notre enseignement supérieur, à la problématique de l’accès aux études, au financement des institutions, etc. Six groupes de travail seront installés ce lundi. Le ministre de l’Enseignement supérieur souhaite de premières analyses pour le 12 février 2010 et un rapport final pour la fin mars. “Je crois possible de se parler franchement dans un délai assez bref”, dit le ministre (…). Les deux dernières décennies ont bouleversé le supérieur et un temps d’arrêt, de réflexion, ne paraît pas saugrenu – songeons à la fusion des 113 écoles supérieures en 30 hautes écoles (1994), l’application du Traité de Bologne (2004) et, depuis, divers rapprochements d’institutions, fusions, collaborations (création d’académies, de pôles universitaires, etc.). À cet égard, [le ministre] Marcourt parle diplomatiquement d’un “processus empirique” pour désigner une série d’initiatives spontanées, envisagées au cas par cas, sans vision d’ensemble, sans véritable cadre légal. “Si on laisse faire, on devrait manifestement arriver à la création de quelques grands pôles d’enseignement. Est-ce que c’est ça que l’on veut ? Il faut en débattre. En tout état de cause, si on laisse les choses évoluer de façon empirique, comme c’est le cas actuellement, on risque d’aboutir à un schéma sans cohérence, chaotique à terme.” De la table ronde, [le ministre] Marcourt attend que (…) les partenaires définissent le visage à donner à l’enseignement supérieur et qu’ils tracent le compromis entre, par exemple, l’intérêt à créer des pôles d’enseignement forts et la nécessité de préserver des petites structures mieux adaptées à certains publics. Le ministre, en tout cas, érige un garde-fou : “Attention à ce que des efforts de rationalisation n’affectent pas l’accès des étudiants à l’enseignement. On est un petit pays, OK. Mais on sait que des jeunes ont du mal à se déplacer ou ne peuvent s’offrir un kot. Il faut tenir compte des sociologies qui ne sont pas les mêmes partout.” Dans un autre registre, il juge que les réseaux ne doivent pas étouffer la réflexion : “Si un exemple doit être donné dans le domaine de la collaboration entre réseaux, il doit venir de l’enseignement supérieur. Les réseaux ne doivent pas être un frein.” » [20]
1.4. L’organisation de la table ronde
32Le cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur rédige un document de treize pages qui synthétise les objectifs de la table ronde, qui rappelle le contexte et qui identifie les questions à traiter : les relations entre les institutions, le financement, l’offre d’enseignement, la qualité et l’évaluation [21]. Le chapitre consacré au thème « Synergies, regroupements ou collaborations ? » est particulièrement détaillé. On y traite de l’évolution des collaborations entre institutions, des modalités décidées lors de la réforme de Bologne, des pôles et des académies universitaires, ainsi que de la situation des hautes écoles dans les pôles. L’importance de ce chapitre permet de penser que l’organisation de l’enseignement supérieur est au cœur des préoccupations des promoteurs de la table ronde.
33 Les travaux sont distribués entre six groupes de travail : « Démocratisation », « Paysage institutionnel », « Statut des personnels », « Offre d’enseignement supérieur », « Ouverture à la société » et « Financement ». Chaque groupe de travail est animé par deux co-présidents et est composé de quatre recteurs d’université, de trois directeurs-présidents de haute école, de deux directeurs d’école supérieure des arts, de trois représentants des étudiants, de six représentants des organisations syndicales du secteur, de deux représentants de l’administration (l’Administration générale des Personnels de l’enseignement (AGPE) et l’AGERS), d’un commissaire du gouvernement auprès des universités et d’un commissaire du gouvernement auprès des hautes écoles. La présidence des groupes de travail est distribuée entre diverses personnalités selon un dosage subtil.
34 Le groupe de travail « Démocratisation » est co-présidé par Bruno Gosse, président du Conseil supérieur de l’enseignement supérieur artistique, et Michel Taverne, président du Conseil supérieur des prêts et allocations d’études. Le groupe de travail « Paysage institutionnel » est co-présidé par Bernard Rentier, recteur de l’ULg, et André Coudyzer, vice-président du Conseil général des hautes écoles (CGHE) et, par ailleurs, secrétaire général de la Fédération de l’enseignement supérieur catholique (FEDESUC). Le groupe de travail « Statut des personnels » est co-présidé par Christiane Cornet, de la CGSP-Enseignement, et Jean-Luc Vreux, directeur-président de la Haute École Charleroi-Europe (HECC, désormais intégrée dans la Haute École Louvain en Hainaut, HELHA). Le groupe de travail « Offre d’enseignement supérieur » est co-présidé par Pierre Lambert, président du CGHE, et Michel Scheuer, recteur des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (FUNDP). Le groupe de travail « Ouverture à la société » est co-présidé par Anne-Françoise Vangansbergt, de la CSC Enseignement, et Calogero Conti, recteur de l’Université de Mons (UMons). Le groupe de travail « Financement » est co-présidé par Josephina De Cicco, directrice-présidente de la Haute École provinciale de Hainaut - Condorcet (HEPH Condorcet), et Jean-Paul Lambert, recteur des Facultés universitaires Saint-Louis (FUSL).
35 Quant à lui, le groupe de travail « Paysage institutionnel » est composé de quarante personnes.
36 Vingt d’entre elles viennent de divers secteurs de l’enseignement supérieur. Les universités sont représentées par neuf personnes [22] : trois de l’UCL (Anne Barthelemy, Bruno Delvaux, recteur, et Claude Roosens), trois de l’ULg (Albert Corhay, premier vice-recteur, Hervé Degée et Bernard Rentier, recteur), un de l’ULB (Philippe Vincke, recteur), un des FUSL (Diane Bernard) et un de l’UMons (Bernard Harmegines, premier vice-recteur). Les hautes écoles sont représentées par huit personnes : trois représentants du réseau de l’enseignement officiel subventionné (Toni Bastianelli, directeur-président de la Haute École de la Province de Liège (HEPL), Françoise Gaspar, directrice-présidente de la Haute École de la Province de Namur (HEPN), et Michel Van Koninckxloo, directeur-président de la HEPH Condorcet), deux représentants du réseau de la Communauté française (Marianne Coessens, directrice-présidente de la Haute École de Bruxelles (HEB), et Jacques Lebegge, directeur-président de la Haute École Paul-Henri Spaak (HE Spaak)) et trois représentants du réseau libre confessionnel (Brigitte Chanoine, directrice de la Haute École Groupe ICHEC - ISC Saint-Louis - ISFSC (HE ICHEC-ISFSC), Richard Jusseret, directeur-président de la Haute École Blaise Pascal (HE Blaise Pascal), et Pierre Rummens, directeur-président de la HE ICHEC-ISFSC). Les écoles supérieures des arts sont représentées par trois personnes : deux représentants du réseau de la Communauté française (Laurent Gross, directeur de l’Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion (INSAS), et Caroline Mierop, directrice de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre (ENSAV La Cambre)) et un représentant du réseau libre confessionnel (Serge Flamé, directeur de l’Institut des arts de diffusion (IAD)). Sur le total de ces vingt personnes, on compte donc huit représentants du réseau libre confessionnel, sept représentants du réseau de la Communauté française, quatre représentants du réseau officiel subventionné et un représentant du réseau libre non confessionnel.
37 Les vingt autres membres du groupe de travail « Paysage institutionnel » sont les suivantes. Deux personnes représentent le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SEGEC) et une le Conseil supérieur des écoles supérieures des arts (CSESA). Les organisations étudiantes sont représentées par trois personnes : deux membres de la Fédération des étudiants francophones (FEF) et un membre de l’Union des étudiants de la Communauté française (UNECOF). Les organisations syndicales sont représentées par huit personnes, en ce compris les suppléants : deux représentants de la FGTB–CGSP et du SETCA–SE, trois représentants de la CSC et trois représentants de la CGSLB. Le Conseil supérieur de l’enseignement supérieur de promotion sociale a mandaté deux personnes ; une autre représente l’Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche scientifique (AGERS). Enfin, le groupe de travail est complété par deux commissaires du gouvernement de la Communauté française et un membre du cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur, Julien Nicaise, qui assure le secrétariat. En cours de route, la composition de ce groupe sera modifiée par le cabinet du ministre Marcourt, qui décidera unilatéralement d’y ajouter des représentants des associations des scientifiques propres aux universités. Cette initiative répond directement aux demandes des associations de chercheurs, qui souhaitent être mieux représentées dans ces procédures de concertation.
38 Le groupe de travail « Paysage institutionnel » tient cinq réunions ordinaires, les 7 et 21 janvier, 4 février et 11 et 26 mars ; une réunion supplémentaire, le 25 février, est consacrée à un rapport intermédiaire demandé par le ministre. Six procès-verbaux, dont le rapport intermédiaire, sont établis avant le rapport final remis en mai 2010. Tous sont rédigés par un membre du cabinet Marcourt [23]. La participation aux activités du groupe de travail est variable. Les procès-verbaux indiquent que la présence moyenne aux cinq réunions est de 22 membres (de 18 à 26 selon les sessions). Onze membres assistent aux cinq réunions ; vingt participent à au moins trois d’entre elles. La participation des représentants des universités est fort inégale. Les représentants de l’ULB (son recteur), de l’UMons (son vice-recteur) et de l’ULg sont présents à toutes les réunions, si ce n’est qu’un des trois représentants de l’ULg (son recteur) fait défaut à la réunion du 11 mars. L’assiduité des représentants des universités de l’Académie universitaire Louvain (AUL) est plus faible. Alors qu’elles ont quatre représentants dans ce groupe de travail (trois pour l’UCL et un pour les FUSL), un seul d’entre eux (chaque fois différent) est présent lors de quatre rencontres. Les représentants syndicaux sont très présents pendant tout le processus. La participation des représentants des hautes écoles est relativement soutenue, avec des inégalités sensibles. La FEF, quant à elle, se retire de la table ronde en publiant un communiqué dans lequel elle déplore la lourdeur et la lenteur du processus : « Plus d’un mois après l’inauguration de la table ronde de l’enseignement supérieur par le ministre Marcourt, la FEF ne voit pas l’ombre d’une avancée. Les promesses faites aux étudiants, dans l’accord de gouvernement, semblent avoir été oubliées dans les discussions des groupes de travail. » [24]
39Les procès-verbaux montrent que les discussions sont surtout assurées par quelques personnes. Outre les deux co-présidents (issus de l’ULg et du CGHE), il s’agit surtout des représentants de l’ULB, de l’ULg, de l’UMons, de l’ENSAV La Cambre et des organisations syndicales. Les interventions du vice-recteur de l’UMons, B. Harmegnies, contribuent à habiliter l’existence d’un pôle académique hainuyer. Par contraste, la faible participation des représentants de l’UCL et des FUSL peut étonner. Elle s’explique au moins partiellement par le fait que, entre janvier et mai 2010, les équipes dirigeantes des universités de l’AUL sont impliquées dans les négociations relatives à leur projet de fusion. À cet égard, les mois de janvier et de février 2010 sont particulièrement cruciaux puisque c’est en février qu’est décidé le report de la fusion et que cette décision est à la base de multiples travaux supplémentaires [25]. Ajoutons que le recteur de l’UCL, B. Delvaux, participe très activement à la dernière réunion du groupe de travail.
1.5. Le déroulement de la table ronde
40Les travaux de la table ronde se déroulent entre janvier et mai 2010, avec un rythme intense. Chaque groupe de travail dépose un rapport intermédiaire en février, et les rapports présentant les analyses et conclusions finales sont déposés en mai.
1.5.1. Les premiers débats [26]
41 Lors de leur première réunion, le 7 janvier 2010, les membres du groupe de travail « Paysage institutionnel » échangent leurs analyses de la situation et des évolutions esquissées depuis quelques années. L’exercice est commenté par la FEF dans un communiqué de presse dont le titre (« À quoi sert une table ronde si ce n’est à tourner en rond ? ») et le contenu (« Comme attendu, les positions de tous les acteurs sont connues. Les syndicats des travailleurs, celui des étudiants, ainsi que les présidents de différents conseils ont eu l’occasion de les rappeler au ministre qui – rappelons-le – passa les six premiers mois de mandat à “consulter les acteurs” ») sont très critiques [27].
42 Ce tour de table n’est cependant pas totalement vain ; il permet de relever les convergences et les divergences des points de vue. Plusieurs participants estiment que la faiblesse majeure de l’enseignement supérieur en Communauté française est l’absence d’une vision globale à partir de laquelle les problèmes pourraient être traités. À leurs yeux, cette carence explique l’éclatement de l’enseignement supérieur et la concurrence entre les institutions qui le composent. Dès la première séance, la question des coopérations entre les institutions d’enseignement supérieur est posée ; les participants considèrent qu’il faut envisager la constitution de mécanismes qui les faciliteraient. Des coupoles pourraient être mises en place, à partir desquelles différentes institutions pourraient se rapprocher, coordonner leur travail et coopérer. La mission de la coupole ne serait pas de rationaliser, mais de diminuer l’éclatement sans réduire la spécificité des projets pédagogiques.
43Deux structures peuvent être candidates à devenir ces coupoles. D’une part, les académies universitaires, constituées par le décret Bologne du 31 mars 2004 ; mais elles n’accueillent que les universités, à l’exclusion des hautes écoles. D’autre part, les pôles historiques constitués à partir de 2002 [28] et rassemblant des universités et des hautes écoles ; mais leurs succès apparaissent fort inégaux.
44 Certains intervenants privilégient la mise en place d’une seule coupole chargée de la coordination de l’ensemble des institutions. Toutefois, pour la majorité, cette option n’est pas praticable compte tenu de la complexité du système belge. Si la plupart estime donc préférable d’imaginer plusieurs coupoles, on est très loin du consensus quant à leur nombre optimal : trois, à l’instar des académies universitaires issues du décret Bologne, ou quatre, réunies autour de l’UCL, de l’ULB, de l’ULg et de l’UMons ? Après cette première réunion, plusieurs notes sont remises au groupe de travail ; celle du représentant de l’UMons argumente de manière très détaillée en faveur de l’organisation de coupoles établies sur une base géographique. Cette première réunion est marquée par des hésitations sur le sens à donner aux termes « coupoles » et « pôles ». Ce n’est que plus tard qu’un consensus se dégagera pour considérer que la coupole est la structure unique coiffant toutes les institutions et que le pôle est une instance de rapprochement d’établissements géographiquement proches.
45 La deuxième séance de travail a lieu le 21 janvier. Elle démarre par une discussion des mérites comparés des académies universitaires et des pôles. Les partisans des pôles soutiennent que leur construction sur une base géographique les rend aptes à organiser des rapprochements visant à offrir un enseignement de proximité. Certains estiment que les rapprochements basés sur la proximité ne devraient concerner que les deux premiers cycles, alors que d’autres souhaitent qu’ils concernent tout autant le troisième cycle. Pour les représentants de la FEF et des organisations syndicales, seul le critère géographique doit être envisagé pour guider les rapprochements, dans la mesure où la proximité géographique est, à leurs yeux, un facteur essentiel de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Ils soutiennent que la priorité doit aller à la mise en place de balises destinées à éviter les concurrences exacerbées dans les formations des deux premiers cycles.
46 Ce critère de proximité comme base de regroupement n’est pas jugé essentiel par d’autres membres du groupe de travail, qui estiment que les rapprochements doivent être la conséquence de la volonté des acteurs. À leurs yeux, l’objectif est de faire collaborer des institutions et non de les intégrer.
47 En synthèse, un consensus se dégage sur l’utilité de mécanismes de coopération entre institutions. Ces coopérations pourraient prendre la forme de pôles dont l’intérêt serait double : offrir une large gamme d’enseignements et mutualiser certaines ressources. Ces regroupements ne devraient pas s’accompagner de rationalisations irréfléchies ni empêcher d’éventuelles coopérations entre institutions dépendant de diverses coupoles. Aucun accord ne se dégage par ailleurs sur les principes qui pourraient fonder les rapprochements. Certains privilégient la base géographique, d’autres – essentiellement les représentants des écoles supérieures des arts – considèrent que le domaine d’étude peut constituer une base intéressante. Pour d’autres encore, les regroupements ne peuvent se concevoir que sur une base volontaire, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être déterminés par la proximité géographique.
1.5.2. Le rapport intermédiaire
48Le 25 février 2010, un rapport intermédiaire est publié, comme l’avait demandé le ministre. Il reprend, en les ordonnant, les résultats des analyses du groupe de travail et propose des orientations à poursuivre et à approfondir. Les participants s’entendent sur le constat d’« éclatement du champ de l’enseignement supérieur » en Communauté française et sur les concurrences qu’il entraîne. Il convient de le réduire, d’améliorer l’offre d’enseignement supérieur en la rendant plus claire et en limitant la concurrence. Cette maîtrise de l’offre doit se faire sous la contrainte du respect de la spécificité de chaque type d’enseignement. Enfin, le rapport insiste pour qu’une logique d’ensemble préside aux réorganisations nécessaires et inspire un pilotage global de l’enseignement supérieur : il s’agit désormais d’éviter les rapprochements au coup par coup.
49Le rapport propose de mettre en débat une série de propositions concrètes. L’idée d’associer les établissements au sein de pôles est généralement soutenue par les représentants des universités et des hautes écoles, beaucoup moins par ceux des écoles supérieures des arts. Si les écoles supérieures des arts de l’enseignement libre confessionnel et celles du Hainaut sont intéressées par l’idée de rejoindre un pôle, les autres le sont moins. Il en va de même pour les institutions d’enseignement supérieur de promotion sociale, qui renâclent non à l’idée de rejoindre un pôle, mais à celle de se voir imposer des balises qui ne leur conviendraient pas.
50 La logique géographique qui présiderait à la constitution des pôles ne fait pas l’objet d’un consensus général : « Une autre nuance concerne également la logique géographique qui, tout en admettant qu’elle peut être considérée en premier lieu comme prioritaire pour la mise en place des pôles, ne peut pas effacer la nécessité de la recherche d’un projet commun partagé par tous les partenaires. »
51 Le rapport souligne que les regroupements, qu’il s’agisse de coupoles, de pôles ou de confédérations, doivent avoir un sens pour les institutions concernées et être porteurs d’objectifs. Le rapprochement entre l’Université de Mons-Hainaut (UMH) et la Faculté polytechnique de Mons (FPMs), comme celui entre l’ULg et la FUSAGx obéissaient à des objectifs clairs alors que, dans d’autres secteurs tels ceux de l’architecture ou de la traduction-interprétariat, les mouvements ont été plus désordonnés. « Les modalités de concrétisation de rassemblements ultérieurs doivent se décliner dans un projet commun qui rencontre l’adhésion des partenaires et donne ainsi cohésion à l’ensemble mis en place, quelle que soit sa forme. Un tel projet peut s’inscrire dans une logique territoriale (…) voire une logique de réseau ou de caractère (…) sans exclusive et sans fermeture. Sur cette base, chaque établissement usera de sa liberté d’association mais devra obligatoirement s’inscrire dans un ensemble plus vaste. »
52 Le nombre de pôles dépendra de la structure choisie. Si plusieurs scénarios sont envisageables et sont d’ailleurs présentés dans le rapport final (cf. infra), la majorité des membres du groupe de travail privilégient les deux hypothèses les plus proches de la réalité de terrain : trois pôles qui partiraient des académies universitaires ou quatre pôles qui se constitueraient autour de l’UCL, de l’ULB, de l’ULg et de l’UMons. Quelques écoles supérieures des arts auraient volontiers privilégié une fédération construite sur l’enseignement des arts, mais elles n’ont pas été suivies ; le groupe de travail a rapidement considéré que le noyau d’un pôle devait être une université et que diverses formes d’enseignement supérieur devaient s’y combiner.
53 Le rapport intermédiaire souligne les avantages escomptés de ces rapprochements pour les étudiants et pour les institutions elles-mêmes : chacun tirerait de multiples bénéfices d’être inscrit dans un système d’enseignement supérieur mieux intégré et plus coordonné, respectueux des spécificités des uns et des autres.
1.6. Deux interpellations sur la méthode et la réponse du ministre
54Le 12 janvier 2010, le ministre Marcourt est interpellé en commission de l’Enseignement supérieur du Parlement de la Communauté française par Zakia Khattabi (Écolo) à propos de la méthodologie suivie dans la table ronde : « Nous avons par exemple appris que l’évaluation des réformes passées, prévue dans la déclaration de politique communautaire et sur laquelle M. [Marcel] Cheron vous interrogeait le 18 novembre dernier [29], n’aurait pas systématiquement lieu. Vous préférez vous reposer sur des indicateurs quantitatifs et qualitatifs existants ou sur les conclusions de groupes de travail mis en place par la FEF, le Conseil général des hautes écoles (CGHE) et les universités. Pouvez-vous préciser comment ces apports ont été structurés en vue de nourrir les débats ? Des notes sont-elles disponibles ? » [30]
55Le ministre lui répond : « Vous avez parlé des évaluations préalables. Lorsque j’ai pris mes fonctions, beaucoup d’experts m’ont dit avoir transmis les réflexions qu’ils avaient menées dans leur institution. Le Pôle hainuyer, le Pôle Louvain, le CGHE, la FEF avaient déjà initié des évaluations. Je me suis demandé si une évaluation externe supplémentaire était nécessaire. Finalement, j’ai décidé de confier les données brutes existantes à des spécialistes pour qu’ils puissent les affiner et décider eux-mêmes des données complémentaires à récolter. Vous avez reçu l’essentiel de la documentation. De très nombreuses productions nous sont parvenues. Évidemment, des analyses scientifiques et des audits de l’enseignement supérieur menés par des organismes indépendants complèteront les évaluations des acteurs eux-mêmes. Je pense en particulier aux travaux du réseau Eurydice de la Commission européenne, mais aussi à ceux de nos universités ou encore de l’OCDE. Un grand nombre de ces évaluations et analyses ont d’ailleurs été distribuées au début des travaux de la table ronde. »
56Le 3 mars, peu après la remise du rapport intermédiaire, les trois centrales de la CSC compétentes pour les personnels de l’enseignement supérieur (CSC-Enseignement, CSC-Services publics, CNE) interpellent le ministre Marcourt ainsi que l’ensemble des participants sur la méthode de travail poursuivie [31]. Tout en se félicitant de la rencontre des acteurs de l’enseignement supérieur organisée par la table ronde, l’organisation syndicale dénonce une carence importante dans l’organisation des travaux : l’absence d’évaluation du processus de Bologne, qui avait pourtant été annoncée dans la déclaration de politique communautaire. La CSC souligne également une différence d’approche entre les six groupes de travail et s’interroge sur la manière dont les divers acquis seront validés. Pour la CSC, la méthodologie doit être précisée avant que les travaux ne reprennent : « Nous suggérons que soit établi par le cabinet Marcourt, sous forme de synthèse intermédiaire, un relevé complet des propositions figurant dans les travaux des six groupes, en mettant en évidence les convergences et les divergences dans ce qui est actuellement repéré comme forces et comme faiblesses dans l’enseignement supérieur. Le ministre proposerait ensuite quelques premières balises en liaison avec ce qui est mentionné dans la déclaration de politique communautaire, chaque groupe étant invité à se positionner sur cette synthèse intermédiaire globale et sur ces balises. »
57 Dans la réponse qu’il donne le même jour au nom du ministre, le chef de cabinet, T. Pelosato, répond à la critique relative à l’absence d’évaluation en écrivant que la formule d’une évaluation pratique réalisée par les acteurs réunis autour de la table ronde a été préférée à celle d’une évaluation externe produite par des tiers. Selon lui, la dynamique de la table ronde semble confirmer le bien-fondé de cette option. T. Pelosato rappelle que les objectifs convenus par la coalition PS/Écolo/CDH et synthétisés dans la déclaration de politique communautaire fixent le cadre d’une action qui est soumise aux contraintes budgétaires qui s’imposent à tous. En réponse à l’interpellation de la CSC concernant la méthodologie, il propose que les groupes de travail poursuivent leurs activités pendant le mois de mars et que les conclusions des rapports intermédiaires soient étoffées. Sur cette base, le cabinet proposera une synthèse qui sera soumise aux six groupes de travail. Cette synthèse devra mettre en évidence les points d’accord et les divergences et préciser les différents choix possibles pour l’avenir de l’enseignement supérieur. Les propositions devront être rapportées à la législation existante afin d’identifier les modifications qui devraient être introduites pour les mettre en œuvre. Elles feront ensuite l’objet d’un débat parlementaire. L’échéance est le printemps 2010, mais le porte-parole du ministre estime préférable de laisser le débat ouvert autant que nécessaire plutôt que de l’enfermer dans un calendrier trop serré.
1.7. Poursuite des débats et rapport final
58Après un premier temps consacré à l’exploration des diverses hypothèses et à l’expression des diverses sensibilités, le groupe de travail « Paysage institutionnel » s’oriente vers la définition de propositions.
1.7.1. Vers une structure à deux niveaux
59Lors de la reprise de ses travaux, le 11 mars 2010, le groupe de travail « Paysage institutionnel » esquisse un schéma de pilotage de l’enseignement supérieur à deux étages : des pôles organiseraient les collaborations en matière d’enseignement, une confédération traiterait de matières communes à l’ensemble du supérieur. La majorité des participants soutiennent pareil mode de pilotage de l’enseignement supérieur, mais demandent fermement que la mise en place de ces nouvelles instances ne s’assortisse pas de rationalisations budgétaires. Sans nier l’intérêt de cette architecture, des membres du groupe de travail estiment qu’elle s’écarte des pistes ouvertes par le rapport intermédiaire et qu’il conviendrait de recentrer le travail sur le financement, les compétences et le gouvernement des pôles avant d’ouvrir d’autres hypothèses. Certains directeurs-présidents de hautes écoles craignent la répétition d’une séparation entre structure et financement, à l’image de ce qui avait été vécu en 1994-1995 lors de la discussion du décret relatif à la création des hautes écoles. Ils ne sont pas entendus, la réponse qui leur est donnée est qu’une vision qui se limiterait aux pôles serait vraisemblablement fort incomplète.
60 Les débats se poursuivent le 26 mars. Il n’est plus temps de tergiverser, le rapport étant attendu par le ministre. Lors de la réunion du 11 mars, il a été convenu de réaliser un exercice assez complexe en trois temps : chaque membre du groupe de travail doit établir une liste des missions de l’enseignement supérieur ; la liste de ces missions doit être retransmise aux membres du groupe de travail ; le groupe doit s’accorder sur la structure la plus adéquate pour accomplir chacune des missions identifiées (le pôle, la confédération ou une autre structure).
61 La question des pôles s’est imposée au groupe. Si tous les membres assignent pour première fonction aux pôles d’organiser la coopération entre les établissements, des divergences profondes persistent dans la définition qui en est donnée. Pour les uns, un pôle résulte du rapprochement de plusieurs universités, alors que d’autres estiment qu’un pôle est composé d’une université et de plusieurs hautes écoles ou écoles supérieures des arts associées sur une base locale. Cette dernière définition inscrit le pôle dans un bassin géographique, alors que la première est plus ouverte puisqu’elle permet d’organiser le pôle sur une base géographique ou selon une logique d’association ou d’adhésion indépendante de toute considération de proximité physique. La tension entre les partisans de structures locales de coopération et ceux d’une logique de réseau n’est pas résolue. Certains considèrent que ces deux visions pourraient coexister, alors que d’autres défendent une logique strictement géographique au motif que celle-ci est censée neutraliser les effets des concurrences induites par les réseaux. Des représentants des écoles supérieures des arts disent aussi leurs réticences. S’ils acceptent que leurs établissements appartiennent à des pôles, ils estiment que les compétences en matière d’enseignement doivent continuer à appartenir aux institutions et ne pas être transférées aux pôles.
62 Le rapport final du groupe de travail « Paysage institutionnel » est déposé le 24 avril 2010. Dans son introduction, quelques principes sont rappelés : « La Communauté française se doit (…) de présenter une offre d’enseignement supérieur de qualité et de proximité, accessible à tous (sans restriction sur le plan socio-économique pour l’étudiant), couvrant l’ensemble des disciplines et des besoins sociétaux, reconnue au niveau national et international. Il faut également qu’elle s’attache à promouvoir la recherche. Celle-ci, tout en étant indissociable de l’enseignement, doit pouvoir se développer de manière optimale et transversale et encore gagner en visibilité nationale et internationale. » Le groupe de travail considère que, pour mener à bien ces missions, il serait nécessaire de créer ou de renforcer « des structures de “rassemblement” souples et efficaces » : « des pôles académiques qui, ayant l’étudiant et son parcours comme fil rouge, doivent prioritairement rencontrer les préoccupations en matière d’enseignement supérieur ; un dispositif confédérateur ou une confédération destiné à favoriser les interactions entre institutions dans diverses dimensions (recherches, relations internationales et coopération au développement) ». Le lexique est précisé, les regroupements d’établissements s’appelleront désormais des « pôles académiques » [32] : « On peut définir un pôle académique comme étant le regroupement de plusieurs établissements d’enseignement supérieur (universités, hautes écoles, écoles supérieures des arts et établissements d’enseignement supérieur de promotion sociale) se reconnaissant dans un projet commun, autour d’une ou de plusieurs universités avec pour objectif d’améliorer l’offre d’enseignement supérieur en Communauté française au bénéfice de l’étudiant. »
63 Les travaux de la table ronde se déroulent alors que les négociations pour la création de l’UCLouvain battent leur plein. L’issue de celles-ci ne paraît alors faire mystère pour personne. Une note de bas de page attachée à la définition rapportée ci-dessus y fait référence et précise que « la possibilité qu’un pôle [académique] comporte plusieurs institutions universitaires est, en tout état de cause, nécessaire tant que le processus de création de l’UCLouvain n’a pas abouti, compte tenu de la volonté des institutions membres de l’actuel Pôle Louvain de ne former qu’un seul pôle ».
64 L’autonomie des établissements d’enseignement supérieur serait maintenue dans les pôles académiques. Compétents pour ce qui se rapporte à l’étudiant et l’encadrement des deux premiers cycles d’études, ceux-ci auraient pour fonction explicite de réduire la concurrence entre les institutions du pôle. Le regroupement en pôles académiques devra « être progressif, obligatoire et exclusif pour tous les établissements d’enseignement supérieur en Communauté française, le tout sur une base volontaire et de projet commun ». Cette phrase exprime le compromis auquel sont arrivés les participants du groupe de travail : chaque établissement sera obligé de rejoindre un pôle, mais il déterminera le critère qu’il privilégiera pour choisir celui qu’il rejoindra [33]. « Un tel projet peut s’inscrire dans une logique territoriale (sur la base des zones géographiques et des bassins de vie), voire une logique de réseau ou de caractère (mais pas nécessairement), sans exclusive et sans fermeture. Sur cette base, chaque établissement usera de sa liberté d’association mais devra obligatoirement s’inscrire dans un ensemble plus vaste. »
65 Le rapport du groupe de travail avance que le nombre de pôles académiques peut « différer en regard des logiques prônées » : « Un seul pôle académique pour toute la Communauté française (…) ; deux pôles académiques sur une base philosophique (ou sur un autre critère) ; trois pôles académiques, par exemple à partir des trois académies actuelles ; quatre pôles académiques, par exemple à partir des quatre pôles actuels sur une base philosophique et/ou géographique. Toutefois, considérant la situation actuelle de l’enseignement supérieur en Communauté française, l’influence de son histoire et la nécessité de concilier une logique géographique et une logique de rapprochement sur base volontaire et de projet commun, seuls deux scénarios, réalistes et ambitieux, à privilégier sur les autres se dégagent, à savoir : trois pôles académiques, à partir des trois académies actuelles (…) ; quatre pôles académiques, à partir des quatre pôles actuels et des quatre futures universités (ULB, UCL, ULg et UMons). »
66 Le rapport propose de mettre en place une autre structure de rassemblement essentiellement pour coordonner la recherche et les études de troisième cycle : « Il existe déjà des organes occupant le périmètre envisagé pour un dispositif à caractère confédératif : le FRS-FNRS, le Conseil interuniversitaire de la Communauté française (CIUF) et ses commissions (et en particulier la Commission universitaire pour le développement, CUD, et la Commission interuniversitaire des relations internationales, CIRI), les Conseils généraux et leurs commissions, le futur WBI-ES (Wallonie-Bruxelles International - Enseignement supérieur, qui est une initiative conjointe de WBI et de la Communauté française) par exemple. Plutôt que de créer une strate supplémentaire (…), la suggestion de plusieurs membres du groupe serait de confédérer ces structures en leur adjoignant simplement un comité de coordination dans lequel les divers partenaires de l’enseignement supérieur de la Communauté seraient représentés. Ainsi, le dispositif à caractère confédératif ferait bon usage de l’existant mais bénéficierait d’une visibilité accrue. »
67 Dans son édition du 9 avril, La Libre Belgique publie une synthèse du rapport final [34]. Le futur paysage de l’enseignement supérieur y est décrit comme une structure binaire composée de « pôles académiques » en charge de l’enseignement et d’une « confédération » en charge de la recherche. Le journal précise cependant : « Il ne s’agit que d’un projet de rapport final, qui doit encore être approuvé. De plus, c’est le ministre de l’Enseignement supérieur, J.-C. Marcourt (PS) et ses collègues Écolo et CDH qui décident, pas la table ronde. Néanmoins, on peut supposer : 1° que ce projet de rapport, très circonstancié, nuancé, et tenant compte d’avis divergents, est fidèle aux discussions du groupe de travail ; 2° que comme le prévoit la déclaration de politique communautaire, “les résultats (de la table ronde) inspireront un dispositif décrétal”. »
68 Le journal présente les grandes lignes du rapport. Sur la question des pôles, il souligne que le groupe de travail a laissé ouverte une option sensible : « Reste la question politiquement la plus délicate : combien de pôles ? Sans surprise, le groupe de travail ne tranche pas. Après avoir envisagé un seul pôle pour toute la Communauté, voire deux pôles, sur base géographique ou confessionnelle, le groupe de travail retient deux scénarios, “réalistes et ambitieux”. Soit trois pôles académiques à partir des trois académies actuelles ; soit quatre pôles académiques, à partir des quatre pôles actuels et des quatre futures universités (…). Dans le premier cas, l’UMons dépend fortement de l’ULB. Dans le second, elle s’affranchit de celle-ci et devient elle-même une “grande” université. Cette deuxième option présente l’avantage d’un ancrage territorial fort en Hainaut, mais isole l’ULB à Bruxelles. Elle aurait la préférence du PS. »
69 L’arrivée de C. Conti au rectorat de l’UMons et au pilotage du pôle historique hainuyer, en 2009, a été de pair avec la promotion de l’option régionaliste et son corollaire, la prise de distance par rapport à l’ULB, à laquelle le recteur Bernard Lux avait précédemment voulu arrimer l’UMH [35]. C’est ce projet de constitution d’un pôle hainuyer qui est inlassablement défendu au cours des réunions de la table ronde, à un point tel qu’il inspire un des scénarios de regroupement. L’ULB s’oppose à ce projet, comme en témoigne cet extrait de procès verbal du conseil d’entreprise du 15 juin 2010 : « Il a notamment été fait état d’une rencontre entre les autorités de l’ULB et celles de l’UMons (M. Calogero Conti, recteur, M. Dany Vince, administrateur délégué, et deux vice-recteurs, MM. Giuseppe Pagano et Bernard Harmegnies). Durant cette rencontre, les participants ont procédé à un échange de vues par rapport à leurs positions respectives dans le cadre du projet de redéfinition du paysage universitaire de la Communauté française. L’UMons a un plan défini. Elle a confirmé sa volonté de construire un pôle universitaire l’unissant aux hautes écoles du Hainaut. Elle souhaite que cette nouvelle structure de pôle universitaire dispose d’un cadre légal lui permettant d’obtenir les financements et les habilitations actuelles de l’UMons et des hautes écoles, en ce compris les cycles courts. Elle disposerait ainsi d’une panoplie d’habilitations dans des domaines plus larges que ceux dont l’UMons dispose actuellement. L’ULB a fait valoir sa position, fermement établie par le conseil d’administration à plusieurs reprises. Elle consiste à rester dans la situation actuelle d’un découpage en trois académies, étant entendu que des modifications législatives sont nécessaires afin que les académies puissent accueillir les hautes écoles. »
1.7.2. La synthèse finale
70Les travaux de la table ronde sont présentés dans une synthèse finale, publiée en mai 2010, élaborée par le cabinet du ministre Marcourt sur la base de la contribution des différents groupes de travail [36]. Les propositions du groupe de travail « Paysage institutionnel » y sont reprises dans un chapitre consacré aux « structures de rassemblement ». Cette synthèse présente les « pôles académiques » qui regroupent des établissements d’enseignement supérieur et le « dispositif confédérateur » destiné à traiter des matières qui leur sont communes. Les définitions sont très proches de celles amenées par le groupe de travail : « Un pôle académique peut être défini comme étant le regroupement de plusieurs établissements d’enseignement supérieur (universités, hautes écoles, écoles supérieures des arts et établissements d’enseignement supérieur de promotion sociale) autour d’au moins une ou de plusieurs universités avec pour objectif d’améliorer l’offre d’enseignement supérieur en Communauté Wallonie-Bruxelles au bénéfice de l’étudiant, des enseignants, des équipes de recherche et de la société en général. Les missions du pôle doivent être concentrées principalement sur ce qui se rapporte à “l’étudiant” et à “l’encadrant” des premier et deuxième cycles d’études. »
71 La synthèse rend compte des nuances des positions défendues par les membres du groupe de travail « Paysage institutionnel ». Elle prend acte des réserves des écoles supérieures des arts à s’inscrire dans une structure qui ne serait pas spécifique à l’enseignement supérieur artistique. Elle rappelle que ce regroupement serait obligatoire, mais devrait être progressif ; qu’il concernerait tous les établissements d’enseignement supérieur mais devrait s’opérer sur une base volontaire et sur un projet commun. « Un tel projet peut s’inscrire dans une logique territoriale (sur la base de bassins géographiques et socio-économiques) ou sur une logique de réseau ou de caractère, sans exclusive et sans fermeture. Sur cette base, chaque établissement usera de sa liberté d’association, mais devra obligatoirement s’inscrire dans un ensemble plus vaste. Dans le même ordre d’idée, des fusions entre institutions (…) doivent rester possibles au sein d’un pôle. »
72 La synthèse retient deux options quant au nombre de pôles : trois pôles académiques à partir des trois académies universitaires issues du décret Bologne du 31 mars 2004 ou quatre pôles académiques à partir « des quatre pôles actuels et des quatre futures universités (ULB, UCLouvain, ULg et UMons) ». Dans les pôles académiques, le statut comme l’autonomie des établissements seraient maintenus. Le pôle disposerait néanmoins d’une personnalité juridique propre et d’un gouvernement particulier où seraient représentées ses différentes composantes. Les pôles devraient devenir le niveau privilégié pour la conclusion d’accords de collaboration.
73 Par ailleurs, le dispositif confédérateur serait plus particulièrement chargé de la recherche, des troisièmes cycles, des relations internationales et de l’aide au développement, en vue « d’assurer leur qualité et leur rayonnement national et international ».
1.8. Conclusion concernant la table ronde
74Le groupe de travail « Paysage institutionnel » a été constitué à partir d’un soigneux dosage entre les diverses composantes de l’enseignement supérieur. Les comptes rendus des différentes réunions et le rapport final permettent d’identifier les zones d’entente et de divergence entre ses participants. Un accord de principe s’est rapidement dégagé sur la nécessité de réduire les effets perçus comme pervers de l’éclatement du système d’enseignement supérieur en renforçant la cohérence de l’offre. Deux éléments doivent y concourir : il s’agit, d’une part, de faire partager une vision d’ensemble du système d’enseignement supérieur et, d’autre part, de mettre au point des mécanismes de coopération entre institutions. Deux options ont été défendues : fonder les coopérations sur les proximités géographiques ou imposer aux institutions de se regrouper, mais en respectant la liberté de chacune de s’associer avec celles de son choix. Le groupe de travail a tenté une synthèse dont le rapport final rend bien compte : le critère de proximité souhaité par les uns pourrait constituer un point de départ à des regroupements sur une base volontaire. La liberté d’association, à laquelle plusieurs représentants d’institutions du réseau libre confessionnel ont rappelé leur attachement, est formellement préservée ; elle est néanmoins tempérée par l’obligation faite à chacun de s’insérer dans un regroupement. Pour les sociologues Miguel Souto Lopez (UCL) et Philippe Vienne (ULB), cette synthèse est fort proche d’une contradiction, dans la mesure où elle rend théoriquement possible une formule littéralement impraticable, la « coexistence de plusieurs pôles au sein d’un même territoire » : « Peut-être les rapprochements réduiront-ils la concurrence entre établissements au sein d’un même pôle, mais la coexistence de plusieurs pôles sur une même zone géographique risque de déplacer le problème à l’échelle “interpolaire”. Tous les établissements veulent conserver leur liberté d’association, leur autonomie, leur statut et leur spécificité, et éviter tout effet centralisateur, alors que tous doivent obligatoirement s’inscrire dans une logique de rapprochement qui suit une vision globale de l’enseignement supérieur orchestrée par le politique et encadrée juridiquement. » [37]
75 En mettant en évidence ces divergences et ces tensions, le rapport final de la table ronde a clairement identifié les choix qu’aurait à opérer le ministre s’il voulait proposer un cadre global à l’enseignement supérieur. Ce faisant, il a aussi pointé les difficultés qu’il pourrait rencontrer. La première d’entre elles et la plus prévisible est que la préférence affirmée par la déclaration de politique communautaire d’organiser les regroupements à venir sur une base géographique risque de se heurter au principe de liberté d’association auquel les représentants de plusieurs institutions ont redit leur attachement pendant les travaux de la table ronde. Les synthèses envisagées dans le rapport final cherchent à intégrer tous les points de vue, même s’ils sont fondamentalement contradictoires, ce qui a pour conséquence que les formules qu’elles invitent à tester risquent de se révéler impraticables à l’usage. Un autre risque est que des accords se construisent sur des bases minimalistes, très éloignées des ambitions initialement affichées.
76 La conclusion politique la plus évidente de cette table ronde est que, ses participants n’ayant pu aplanir les divergences de leurs positions au fil des réunions de travail, ils ont renvoyé au ministre la responsabilité d’opérer des choix et de les imposer. Aucun acteur majeur de l’enseignement supérieur n’a eu l’autorité nécessaire pour imposer à ses homologues de faire les concessions indispensables pour aboutir à un accord qui aurait pu être transmis tel quel pour mise en œuvre au ministre. Les universités, dont on aurait pu penser que leur longue pratique de concertation à travers le Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique (CREF) les avait préparées à prendre le leadership de l’opération, sont venues en ordre dispersé (quand elles sont venues). Les représentants des universités de l’AUL ont été peu présents, les représentants de l’ULB et de l’UMons ont défendu des thèses opposées. En renonçant à l’influence qu’elles auraient pu avoir si elles s’étaient accordées, les universités ont contraint le ministre à prendre l’initiative, alors que ce scénario n’avait pas sa préférence : « Comme toujours pour l’enseignement universitaire – rappelons qu’il s’agit normalement de l’élite de notre pays –, je préfère que les universités imaginent et adoptent les solutions qui leur conviennent le mieux. Je considère que je n’ai à intervenir qu’en dernier recours », déclare encore J.-C. Marcourt en commission parlementaire en octobre 2010 [38]. Moins d’un an plus tard, confrontée une autre fois à l’incapacité des responsables universitaires de trouver un accord, la députée de la Communauté française Françoise Bertieaux (MR) rappellera : « Au début des années 2000, Mme Dupuis [39] hésitait à entrer dans le processus de Bologne et à refondre le paysage de notre enseignement supérieur. Mais elle a finalement dû trancher car elle se trouvait face à une position unanime du CREF. » [40] La convergence des propos de ces deux responsables politiques est parfaite sur cette question : quand elle existe, l’unanimité des autorités universitaire emporte l’adhésion des décideurs politiques.
2. Un débat dans le débat : un projet ministériel de régionalisation de l’enseignement supérieur ?
77Un incident survient en octobre 2010, soit cinq mois après la remise des conclusions de la table ronde. Son point de départ est la courte réponse que, au cours d’un long entretien qu’il a accordé au Soir du 14 septembre et au cours duquel ont été abordées de multiples questions portant sur l’enseignement supérieur, le ministre J.-C. Marcourt a donnée à la question « Que pensez-vous de l’idée de régionaliser l’enseignement supérieur ? » : « J’ai toujours dit que je n’y étais pas opposé. » [41]
78 Cette petite phrase déclenche rapidement des réactions en série, dont certaines d’une assez grande violence. Pour compléter la description des éléments qui ont préparé cet incident, il faut rappeler que, à l’ULB, l’incertitude par rapport aux orientations que prendra le décret annoncé par le ministre Marcourt nourrit alors les pires inquiétudes. Le projet de création du pôle hainuyer est ressenti comme un risque majeur. Le 15 septembre, « les recteur et président du conseil d’administration ont prononcé le discours de rentrée, un discours inquiet. Ils redoutent le projet de régionalisation des universités, défendu par le ministre de l’Enseignement supérieur » [42]. Selon le président du conseil d’administration de l’ULB, Jean-Louis Vanherweghem, « il ne serait pas acceptable pour l’ULB d’affronter, à Bruxelles, la concurrence du réseau catholique tout en se voyant, en Hainaut, fermer son développement naturel au nom du concept des bassins géographiques. Si le ministre reste sur ses déclarations, nous lui demandons d’aller expliquer à l’UCL, aux FUSL, à l’ICHEC, etc. que le pôle géographique de Bruxelles doit s’organiser autour de la seule université francophone complète à Bruxelles, l’ULB » [43].
79 Le lundi 20 septembre 2010, le recteur de l’ULB, Philippe Vincke, présente sa démission, qu’il confirme le lendemain. Le moment est délicat pour l’ULB : les élections pour la présidence du conseil d’administration sont prévues de longue date pour janvier 2011, il faut désormais organiser d’abord l’élection d’un nouveau recteur en décembre. Pendant des semaines, les tensions restent vives à l’ULB. Pour d’aucuns, le conseil d’administration est divisé en deux clans : « Le premier [a] à sa tête le recteur et compren[d] les académiques (doyens et professeurs). Le second, le groupe Interfac, compte en son sein les représentants des étudiants et du personnel administratif, scientifique et technique ainsi que deux représentants académiques dissidents. Il est emmené par Fabrizio Bucella, actuel vice-président du conseil d’administration et candidat à la succession de Jean-Louis Vanherweghem, en janvier prochain. » [44]
80 Dans une lettre diffusée à la communauté étudiante, le professeur Guy Haarscher donne sa lecture des faits. Le Soir rapporte : « Il n’y aurait pas deux clans, comme on l’a expliqué, mais “d’une part un clan”, emmené par F. Bucella, et “de l’autre les défenseurs de l’intérêt général”, à savoir le recteur, les doyens et les professeurs. Selon G. Haarscher, F. Bucella “veut devenir président”. G. Haarscher semble voir en lui une espèce de Machiavel de couloirs. F. Bucella aurait ainsi “obtenu de ses alliés une rigoureuse discipline de vote”. Une “pratique qui ne respecte pas du tout l’esprit de la démocratie” (…). C’est pour cela, selon G. Haarscher, que le recteur, P. Vincke, “courageusement, a démissionné”. » [45]
81 Le 23 septembre 2010, Richard Miller (MR) interroge le ministre au Parlement de la Communauté française : « Quelle sera votre position sur la régionalisation de l’enseignement universitaire et supérieur ainsi qu’à l’égard du partenaire actuel de l’UMons, c’est-à-dire l’ULB ? » Le ministre Marcourt répond par la voix du ministre-président, R. Demotte : « Le modèle intégré d’académie formée à partir des institutions montoises et bruxelloises en 2002 ne correspond plus au souhait des deux universités ou du moins de l’une d’entre elles. Il faut trouver un compromis et sortir de ce débat par le haut. L’UMons doit continuer à se développer, notamment au sein du pôle hainuyer, excellent exemple de collaboration et de travail en commun entre institutions d’enseignement supérieur d’un même bassin géographique. L’ULB doit continuer à investir dans le Hainaut et soutenir des projets porteurs comme à Charleroi et à Mons dans le cadre du plan “Marshall 2.vert”. Il ne s’agit pas de concurrence mais bien de collaborations au bénéfice de tous nos étudiants. » [46] La réponse indique que pour le ministre, le pôle hainuyer existe désormais bel et bien autour de l’UMons et que son assise est clairement géographique. Elle indique aussi que, s’il est bien souhaitable que l’ULB continue à agir dans le Hainaut, c’est à partir d’un autre vecteur que l’Académie universitaire Wallonie-Bruxelles.
82 Ces éléments (l’interview donnée par le ministre Marcourt et dans laquelle il a affirmé ne pas être opposé à la régionalisation de l’enseignement supérieur, les problèmes de l’ULB, dont certains sont liés à la création du pôle hainuyer, la reconnaissance tacite de l’existence d’un pôle hainuyer par le ministre) suscitent des interpellations en commission de l’Enseignement supérieur du Parlement de la Communauté française le 11 octobre 2010. Françoise Schepmans (MR) lie les différents dossiers et demande au ministre d’intervenir pour aider l’ULB et l’UMons à trouver un bon accord de partenariat. Elle ajoute qu’empêcher l’ULB de fusionner avec l’UMons revenait à régionaliser l’enseignement universitaire. « J’aimerais connaître votre position sur des projets plus fondamentaux tels que la construction d’un pôle montois, voire d’une grande université indépendante et complète (…). L’UMons est une institution organisée par la Communauté française dont vous êtes, en tant que ministre, la représentation du pouvoir organisateur. Dans le cadre de cette fonction, ne pourriez-vous pas exercer une influence positive en proposant à l’UMons de se mettre autour de la table et d’envisager sereinement avec l’ULB un véritable partenariat durable et équitable qui permette à la troisième académie de rester compétitive face aux deux autres ? (…) En réalité, tout en empêchant l’ULB de fusionner avec l’UMons afin qu’elle devienne pleinement une institution bi-régionale, on souhaite régionaliser l’enseignement universitaire, ce qui rend très hypothétique la survie de l’ULB sur la seule région bruxelloise. Je le répète, il me semble important de développer et de renforcer de manière positive les liens entre les Régions wallonne et bruxelloise. L’Académie [universitaire] Wallonie-Bruxelles formée par l’ULB et l’UMons était précisément pionnière en cette matière. Quel est votre projet à terme ? Voulez-vous faire disparaître l’Académie [universitaire] Wallonie-Bruxelles et former tous les étudiants de proximité à Mons, éliminant ainsi une université au profit d’une autre ? Ne pensez-vous pas qu’il s’agit là d’un gâchis social pour les enseignants, les chercheurs et les étudiants ? » [47]
83 R. Miller tient un raisonnement très semblable. Il dresse d’abord un inventaire des problèmes que connaît alors l’enseignement supérieur, ajoutant qu’il soupçonne le ministre de laisser des situations pourrir afin de prouver que la Communauté française est incapable de gérer le secteur de l’enseignement supérieur. Après avoir évoqué les problèmes que rencontre l’ULB, il conclut ce premier point : « Cet aspect vous concerne également, M. le ministre, quoique vous en pensiez, parce que vous avez la responsabilité ministérielle de tout ce secteur. Une université comme l’ULB a droit à davantage qu’une place dans ce secteur, mais vos propos sur la régionalisation me semblent remettre cette place en cause. Notons aussi l’annonce de votre volonté de couper en deux le monde universitaire francophone, de séparer les universités wallonnes de Bruxelles (…). Je vous reproche vos prises de position très récentes qui sèment l’inquiétude dans le monde universitaire et dans celui des hautes écoles (…). Mais peut-être votre souhait est-il de démontrer que la Communauté française est incapable de gérer ce secteur fondamental pour notre avenir ? Vous tentez d’établir que l’enseignement universitaire et les autres matières dont vous avez la charge ne peuvent être gérés par la Communauté française alors que vous êtes ministre de cette même Communauté. » [48]
84 Comme les deux parlementaires qui l’ont précédée, F. Bertieaux, demande au ministre d’intervenir en tant qu’arbitre pour débloquer la situation entre l’UMons et l’ULB : « Nous apprenons, essentiellement par la presse, que cela coince entre l’UMons et l’ULB. Ce que M. Miller a tenté de vous dire, M. le ministre, c’est que devant ce type de difficultés, il vous appartient d’intervenir en qualité d’arbitre. C’est donc à raison que M. Miller fait appel à votre sens des responsabilités. Une régionalisation de l’enseignement supérieur irait tout à fait à contre-courant de ce qui se passe actuellement entre les universités. » [49]
85 À ces demandes pressantes d’intervention, le ministre répond en deux temps, mais sans s’engager à endosser ce rôle d’arbitre qu’il lui a explicitement été demandé de jouer : « J’espère qu’à l’ULB, les élections de décembre pour le recteur et de janvier pour le président se passeront bien. Je ne m’en mêlerai pas. Le ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas à s’ingérer dans l’organisation interne des universités. Vous m’avez dit qu’en ma qualité de ministre et membre du pouvoir organisateur de [l’U]Mons, je pourrais suggérer davantage la marche à suivre. Je partage votre opinion selon laquelle il faudrait renforcer les pouvoirs organisateurs des universités de la Communauté. Nous avons initié une réflexion visant à séparer davantage le pouvoir organisateur communautaire de la tutelle ministérielle, sans quoi nous sommes juge et partie. Cependant, aussi longtemps que je serai ministre, j’exercerai mon rôle. » [50]
86 R. Miller fait une dernière intervention : « Vous avez (…) déclaré que vous souhaitiez la régionalisation des compétences. Cela signifie la disparition, à terme, de la Communauté française dans sa forme actuelle. Cette régionalisation engendrerait, pour l’enseignement supérieur et universitaire, une rupture entre Bruxelles et la Wallonie. Par ailleurs, je ne vous reproche pas vos idées, votre engagement régionaliste ou renardiste. Ce n’est pas à l’homme politique que j’adresse cette interpellation mais, institutionnellement, au ministre chargé de faire fonctionner ce département de la Communauté française. Cependant, vous avez déclaré que vous n’êtes pas opposé à la régionalisation de cette compétence. On ne parviendra pas, dès lors, à m’empêcher de vous soupçonner d’opérer en ce sens (…). À vous, M. le ministre, de lever le soupçon vis-à-vis du monde universitaire et des hautes écoles. » [51]
87 Pour certains analystes, le lien entre la crise de gouvernance que traverse l’ULB et le projet de création du pôle montois est évident. Le Soir écrit ainsi : « Depuis la démission du recteur P. Vincke le 21 septembre dernier, les positions entre les deux factions du conseil d’administration (les académiques et doyens de facultés d’une part, les représentants des corps interfacultaires de l’autre) se sont encore radicalisées. Chaque camp accusant l’autre de n’avoir pour objectif que de renforcer son propre pouvoir : celui du recteur, du côté des premiers ; celui du vice-président du conseil d’administration, F. Bucella, pour les seconds. Mais le pouvoir de faire quoi ? De favoriser notamment la création (ou le “renforcement”) d’un pôle montois cher au président du PS (et bourgmestre de Mons), Elio Di Rupo. Ou de l’empêcher, comme le souhaiterait F. Bucella. » [52] Plus précisément encore, note le même quotidien, « beaucoup craignent que la mission du “candidat PS” idéal soit de faire passer les intérêts du parti avant ceux de l’ULB, non seulement dans le débat autour du pôle montois, cher au président Di Rupo, mais aussi dans celui de la possible régionalisation de l’enseignement supérieur à laquelle le ministre Marcourt, on le sait, ne dit pas non » [53].
88 F. Bucella ne fait rien pour corriger cette interprétation. Dans une interview accordée au Soir, il laisse entendre que son attitude négative par rapport au projet de création d’une université complète à Mons pourrait lui valoir des inimitiés au sein de son parti : « Si certains au PS espèrent avoir un candidat du PS à l’ULB, ils se trompent lourdement. C’est une institution de droit privé et dont les fonctions de président et recteur ne ressortissent pas aux arbitrages politiques. Peut-être suis-je considéré comme trop indépendant ou peut-être estime-t-on que je privilégie les intérêts de l’université à ceux du parti. J’ai toujours défendu l’alliance historique entre l’UMons et l’ULB, voire la fusion, sur pied d’égalité, sur le modèle de celle de Liège [ULg] avec Gembloux [la FUSAGx]. Si l’on considère que c’est un projet du ministre [J.-C. Marcourt] ou d’autres, au sein du PS, de créer une université complète et indépendante à Mons, forcément, ma position peut apparaître comme en conflit. » [54]
89 Dans tous les cas, le 17 janvier 2011, le conseil d’administration de l’ULB lui préfère Alain Delchambre. Avant cela, le 7 décembre 2010, le professeur Didier Viviers est élu recteur par 633 voix contre 173 à son rival, le professeur Pascal Delwit [55]. Avec une équipe complètement renouvelée à sa tête, l’ULB apparaît alors sortie de la crise de gouvernance qu’elle a traversée, même si les événements prouveront ensuite que tel n’est pas le cas. Avant les élections, les candidats au rectorat avaient été interviewés sur leur programme. À la question « Par rapport au développement du pôle montois, estimez-vous qu’il faille être ferme ? », la réponse de D. Viviers avait été : « Ce sera un des grands dossiers du futur recteur. Je rappelle, comme le conseil d’administration l’a fait, que nous faisons partie de la même académie. Il n’est pas souhaitable de sortir de cette ligne. Aucune université n’a intérêt à accroître la concurrence. Nous devons travailler dans un esprit de collaboration, pas de compétition. Il faudra se remettre autour de la table avec de nouvelles personnes et aborder les problèmes de fond. L’académie oui, mais l’ouverture aussi. » [56]
90 L’agitation née du projet prêté à J.-C. Marcourt de régionaliser l’enseignement supérieur retombe progressivement, effacée par d’autres actualités. Elle est toutefois relancée le 12 janvier, quand Le Soir publie un article expliquant que le PS prépare un « futur sans la Flandre et sans Bruxelles » [57]. « [Thierry] Bodson [président de la FGTB Wallonne] fait partie des noms cités dans le think tank du devenir wallon [ensemble d’experts chargés de rédiger le nouveau manifeste de l’identité wallonne], au même titre que Bernard Rentier (recteur de l’ULg), Jean-Pascal Labille (Mutualités socialistes et Société régionale d’investissement de Wallonie, SRIW), Olivier Vanderijst (SRIW), Jean-Claude Marcourt, ministre wallon de l’Économie, Bernard Thiry (Ethias), Édouard Delruelle (ULg), [Éric] Domb (Pairi Daiza). On cite également Alain Mathot (bourgmestre de Seraing), mais surtout Anne Poutrain. On dit que si elle est restée à la tête de l’Institut Émile Vandervelde, c’est parce que le PS désormais, a besoin de cette machine de guerre intellectuelle et de négociation, non plus pour sauver la Belgique [elle a joué un rôle important dans la longue négociation qui a abouti à la formation du gouvernement Di Rupo], mais pour préparer cet avenir “autonome”. » [58]
91 Le « projet de redressement accéléré de la Wallonie », écrit Le Soir, « nourri au premier chef par le ministre wallon de l’Économie J.-C. Marcourt, fait grincer des dents. Cette vision régionaliste irrite les fondateurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles : les ministres-président PS Rudy Demotte (Wallonie et Communauté française) et Charles Picqué (Bruxelles). R. Demotte relativise l’excitation autour d’un “Plan W”. Pour lui, l’heure n’est pas à la déconstruction-reconstruction de la Fédération telle que la souhaite J.-C. Marcourt. “Avant de quitter la maison familiale, il faut se demander si on a les moyens de s’offrir un appartement”, réplique, cinglant, le ministre-président (…). À Bruxelles, C. Picqué n’est pas plus tendre, qui dénonce la tentation d’un “repli wallon”. Philippe Moureaux [ancien ministre-président de la Communauté française et homme clé de la fédération bruxelloise du PS] embraie. Bref, on se toise. D’autant que l’arbitre traditionnel de ce genre de débat – E. Di Rupo – trône désormais au 16, rue de la Loi [comme Premier ministre] et non plus au boulevard de l’Empereur, le siège du parti » [59].
92 Le dévoilement de ce projet, toujours essentiellement associé à J.-C. Marcourt, n’agace pas qu’au sein du clan socialiste. Les réactions du MR, du CDH et du FDF sont massivement et unanimement hostiles. Pendant plusieurs jours, la critique du « plan Marcourt » occupe une place de choix dans l’actualité. Le Soir en livre une analyse éclairante : « Les polémiques en politique, c’est comme les grèves en social : il faut savoir “atterrir”. Après une petite dizaine de jours de chassé-croisé, vient le temps des tentatives de pacification (fût-ce une paix armée, cela vaut mieux que le conflit) dans l’épineuse discussion, en place publique, sur le sort de la Fédération Wallonie-Bruxelles (ex ?-Communauté française). On connaît le problème (…) : alors qu’il était question du lancement d’un think-tank wallon (un groupe W) sur le redressement socio-économique au sud du pays (Marcourt, Labille, Baudson, Dombe, Vanderijst, etc.), J.-C. Marcourt, toujours lui, déclare par ailleurs, soudainement, qu’il faudrait “déconstruire-reconstruire” la Fédération Wallonie-Bruxelles… Bronca ! En plus de la volonté du Liégeois de s’affirmer (l’homme du plan Marshall a lorgné l’Élysette [siège du gouvernement wallon]), est-ce le grand retour des régionalistes ? Quoi qu’il en soit, R. Demotte, ministre-président wallon, prend la mouche. Et P. Moureaux cingle : si les Wallons devaient nous lâcher, les Bruxellois auront “un dialogue renforcé” avec la Flandre ! Bref, tout le monde s’énerve. E. Di Rupo aussi, car tout cela fait désordre dans son parti, où Thierry Giet, faisant fonction, tarde (tout juste installé, le voilà, sans délai, au pied du mur) à faire autorité. Et désordre en général : la réforme de l’État en boîte au fédéral, voir ainsi les francophones qui se chamaillent ! Après le plan B, le plan W, tous, donc, à la recherche du plan A. Pour “atterrir”… » [60]
93 Le 22 janvier, le ministre-président de la Communauté française, R. Demotte, réaffirme « à l’occasion des vœux du PS bruxellois, l’intérêt d’un avenir commun entre Bruxellois et Wallons ainsi que les liens unissant les trois régions du pays » [61]. Le 24 janvier 2012, le ministre Marcourt présente sa vision de la Wallonie dans une interview accordée au Soir : « Il confirme la mise en place d’un groupe de réflexion structuré pour porter un projet de renouveau wallon. Pour le ministre wallon de l’Économie, il y a urgence : “Nous devons passer à la vitesse supérieure. Et avoir un projet pour la Wallonie (…). Avec les interlocuteurs sociaux, patrons et syndicats.” Ce groupe de réflexion sera constitué au cours de ce premier semestre 2012. J.-C. Marcourt agit en marge du gouvernement wallon, mais refuse qu’on l’oppose au ministre-président R. Demotte : “Nous sommes complémentaires et cela me fait beaucoup de peine de voir que trop souvent, on nous oppose (…)”. Sa vision de la Wallonie passe aussi par la déconstruction de la Fédération Wallonie-Bruxelles et la régionalisation d’une de ses composantes majeures : l’enseignement. “C’est un élément fondamental, en particulier l’enseignement obligatoire. Je n’ai jamais imaginé qu’on allait changer les normes de diplômes, mais, dans l’organisation, la réponse aux besoins locaux, il y a des différences entre ce que la Wallonie souhaite et ce que Bruxelles souhaite”. » [62]
94 Son intervention fait cette fois long feu. La ministre de l’Enseignement obligatoire et de Promotion sociale de la Communauté française (et ancienne ministre de l’Enseignement supérieure), M.-D. Simonet, déclare que « régionaliser l’enseignement (…) ne constitue pas une réponse à la crise » [63] et que la question ne figure pas dans l’accord de gouvernement. La chef de groupe MR au Parlement de la Communauté française, F. Bertieaux, publie un communiqué dans lequel elle livre ses interrogations : « M. Marcourt est-il encore digne d’occuper une fonction au sein d’une institution qu’il nie et dénigre ? Peut-être devrait-il en tirer les conclusions en toute conscience ? » [64] Enfin, le 25 janvier, Willy Borsus (MR) pose une question au ministre-président wallon, R. Demotte, sur « les nouvelles déclarations du ministre Marcourt concernant la régionalisation de l’enseignement » : « Depuis quelques jours, vous vous répandez en propos apaisants : “(…) il faut maintenir le lien avec Bruxelles (…)”. Versus Rudy Demotte, il y a le numéro 2 du gouvernement qui, lui, s’exprime en plaidant pour une régionalisation forte et qui, dans la foulée, en remet une large couche, en indiquant qu’en ce qui le concerne, il faut réfléchir – constituer un groupe de travail, avoir un certain nombre de discussions – à l’avenir de notre région, en proposant, quelques heures à peine après votre prise de position, la régionalisation de l’enseignement. Rien moins que cela » [65].
95 La réponse du ministre-président est très précise : « Les déclarations de M. Marcourt n’engagent pas le gouvernement wallon, pas plus que celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Deuxièmement, la déclaration de politique régionale, comme la déclaration de politique communautaire, n’enregistre effectivement aucune référence à une régionalisation de l’enseignement sous cette législature. Troisièmement, je suis le garant de ces deux textes, que ce soit ici ou dans l’assemblée du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. » [66] Cela n’empêche pas le ministre fédéral des Entreprises publiques, Paul Magnette (PS), d’apporter quelques jours plus tard un soutien très clair à la position défendue par J.-C. Marcourt. « Il ajoute que le débat ouvert par [J.-C.] Marcourt s’est poursuivi en interne au PS. Et qu’au PS : “On est d’accord”. » [67]
96 L’affaire, cette fois encore, finit par se calmer. Début juin 2012, J.-C. Marcourt annonce qu’il a « mis son projet en veilleuse, pour s’investir pleinement dans le programme Horizon 2022 initié par R. Demotte » [68].
97 Cependant, et sans que le ministre l’ait cette fois provoqué, le débat sur les intentions qui lui sont prêtées de régionaliser l’enseignement est relancé brièvement à la fin de l’année 2012. D’abord, au plus fort de la tension entre son cabinet et l’UCL, le 12 décembre 2012, deux professeurs de l’UCL prennent appui sur l’hypothèse d’un projet de régionalisation de l’enseignement supérieur pour s’opposer au projet de décret Paysage : « À regarder le projet Marcourt de plus près, cette hypothèse [la régionalisation de l’enseignement supérieur] gagne en pertinence. Concernant les pôles, le plus logique, si l’objectif était d’être ambitieux, eût en effet consisté à créer un seul pôle incluant Bruxelles et le Brabant wallon. Avec l’ULB, les FUSL et les deux implantations de l’UCL, on créait un futur pôle majeur au niveau international. Et cet ensemble aurait superposé des logiques de proximité géographique, de masse critique et de réel bassin de vie. Pourquoi cette incohérence d’une scission entre Bruxelles et le Brabant wallon ? Soit pour nuire à l’UCL, ce qui est sans doute une raison seconde, mais tout aussi probablement pour couper le lien Wallonie-Bruxelles. Séparant Bruxelles et la Wallonie, on se préparerait à la prochaine échéance électorale et au débat sur le “confédéralisme à deux” selon le souhait de la N-VA dont on anticipe la victoire. Sans le dire, le PS couperait le lien entre francophones. » [69]
98 Ensuite, le 21 décembre 2012, les FDF Olivier Maingain (président du parti), Caroline Persoons et Michel Colson organisent une conférence de presse sur le thème « Les dangers des régionalisation et sous-régionalisation pour l’enseignement supérieur et la politique des soins de santé » [70]. Dans son intervention, qui concerne exclusivement l’enseignement supérieur, C. Persoons pose une longue liste de questions, parmi lesquelles on peut retenir : « Pourquoi renforcer des universités incomplètes en affaiblissant les deux principales universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, présentes dans les classements mondiaux et connues pour la qualité de leurs recherches ? (…) En quoi le critère de “proximité” est-il la panacée à “la massification de l’échec”, au gaspillage du redoublement, aux inégalités dans la maîtrise des savoirs de base à l’entrée du supérieur ? » Par ailleurs, elle commente d’autres aspects du projet Marcourt : « L’organe unique de coordination doit être basé sur l’autonomie garantie des institutions d’enseignement supérieur et ne pas être une chape d’autorisation et de contrôle centralisé tel qu’est annoncée l’ARES. Les FDF veulent que la liberté académique soit garantie. Enseignement et recherche ne peuvent pas être dépendants, dans leurs choix académiques, de l’autorité publique. Les FDF craignent la mainmise de l’État, de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur l’enseignement supérieur et la recherche. L’autorité publique est là pour soutenir, non pour diriger. » Au-delà de ces critiques, le reproche majeur adressé au ministre Marcourt et à sa collègue la ministre wallonne de la Santé, Éliane Tillieux (PS), est de « projeter de transférer ces compétences aux Régions ».
99À de nombreuses autres reprises, le ministre Marcourt est soupçonné – voire quasiment accusé – de préparer la régionalisation de l’enseignement supérieur. Il s’en défend parfois, insistant sur le fait que l’ARES est une coupole commune à la Wallonie et à Bruxelles ; d’autres fois, il préfère développer la vision qu’il a de l’avenir, dans laquelle la Communauté française n’aurait guère de place.
3. Ballons d’essai après la table ronde
100Il n’est pas donné de suite immédiate aux travaux de la table ronde. Ceux-ci ont cependant permis de définir des orientations, de distinguer les préférences entre les diverses options disponibles et de mesurer les obstacles à la définition d’une vision commune.
3.1. Une période d’attente bien remplie
101Les conclusions de la table ronde déposées en mai 2010, il faut près d’un an avant qu’une suite leur soit donnée. Ce n’est en effet qu’en avril 2011 que le ministre Marcourt communique aux recteurs une note (le « non paper ») dans laquelle il synthétise les enseignements qu’il a tirés de la table ronde et les perspectives de travail qu’il se propose de poursuivre. Il est plus que plausible que le ministre a attendu l’issue du processus de fusion des universités de l’AUL avant de poursuivre son projet de réorganisation de l’enseignement supérieur, sachant que, quel que serait son aboutissement, il en affecterait nécessairement le paysage. Le juriste Mathias El Berhoumi (FUSL), ex-président de la FEF et attaché au cabinet du ministre de la Recherche, Jean-M arc Nollet (Écolo), a résumé en une formule l’avis de tous les observateurs : « Si le ministre de l’Enseignement supérieur lance ça et là des ballons d’essai, chacun sait qu’il attendra le résultat de l’entreprise confessionnelle avant de dévoiler sa vision. » [71] Rappelons que le processus de création de l’UCLouvain a été suspendu en décembre 2010 suite au vote de l’assemblée générale des FUNDP et que, en janvier 2011, il est devenu clair qu’il était définitivement arrêté [72]. Cet aboutissement a été à ce point inattendu qu’il a fallu du temps à toutes les parties pour en prendre acte et en tirer toutes les conséquences. Le ministre s’est abstenu de tout commentaire sur la fusion, ce qui a fait écrire à Stephan Grawez dans le magazine chrétien L’Appel : « Prudent, veillant à ne pas tirer sur l’ambulance, le ministre Marcourt avance à pas feutrés. » [73]
102L’expression est assez opportune. En effet, si aucun texte nouveau n’a été présenté au cours de l’année qui a séparé la remise des conclusions de la table ronde du non paper, des débats nombreux ont eu lieu, qui ont permis au ministre de prendre la mesure des sensibilités. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, le ballon d’essai qu’il a lancé le 14 septembre 2010 sur la régionalisation de l’enseignement supérieur : mise en perspective avec d’autres propos du ministre, sa déclaration s’inscrit dans une grande cohérence. Pour le ministre Marcourt, l’enseignement, comme les autres matières communautaires, gagnerait à être confié aux Régions.
103 Pendant la longue période allant de la table ronde au non paper, des parlementaires ont manifesté leur intérêt pour d’autres questions que celle de la régionalisation de l’enseignement. Avant l’arrêt du processus de fusion au sein de l’AUL également, Pascal Henry a par exemple publié dans un périodique de la démocratie chrétienne, Humanisme et solidarité, une critique acerbe de la politique universitaire de la Communauté française : « Depuis l’adoption du décret Bologne en 2004, l’orientation qui a prévalu consistait en un regroupement des universités et des facultés universitaires autour de trois académies universitaires (…). Un regroupement à Mons (sans les FUCaM) a maintenant, avec les appuis politiques que l’on devine, pu voler de ses propres ailes et créer un quatrième pôle académique, au grand dam de l’ULB qui se verrait ainsi limitée à la région bruxelloise ! Au-delà d’une joute entre Mons et Bruxelles, ces débats autour de la question des pôles académiques mettent bien en évidence l’absence de programmation de l’offre d’enseignement supérieur dans l’espace Wallonie-Bruxelles. Au nom de l’autonomie et de la liberté des réseaux, des institutions universitaires géographiquement proches (parfois dans la même ville) s’intégreront dans des pôles différents. En outre, on assiste depuis plusieurs années à une décentralisation de l’offre des universités. C’est surtout le cas pour l’ULB et l’UCL, qui ont organisé des baccalauréats et des masters dans la province de Hainaut. Ceci participe davantage d’un positionnement stratégique concurrentiel entre nos deux principales universités et d’un souci de capter la clientèle. Ces intérêts, pour légitimes qu’ils soient, ne nous semblent pas cohérents avec les discours (plaintifs) de ces mêmes institutions sur l’insuffisance des subsides publics accordés aux missions d’enseignement et sur les nécessités de regrouper des institutions pour atteindre une taille critique sur le plan international. L’avenir de l’enseignement supérieur (universitaire) passe par une planification de l’offre sur le “petit” territoire Wallonie-Bruxelles (à l’échelle européenne), à l’inverse des tendances centrifuges qui se multiplient, souvent avec la bénédiction (!) des politiques. » [74]
104 La longue attente, les débats amorcés, les déclarations des uns et des autres laissent penser qu’un des principaux problèmes du ministre dans son projet de redessiner le paysage de l’enseignement supérieur autour des universités a été de faire accepter que l’UMons bénéficie désormais du statut de « point central » de pôle identique à celui accordé à l’UCL, l’ULB et l’ULg, jusque-là distinguées de leurs homologues parce qu’elles sont « complètes » et qu’elles représentent très concrètement les trois types d’universités dont le pays, à travers son histoire compliquée, a été doté. Leurs caractéristiques avaient conduit les ministres F. Dupuis et M.-D. Simonet à faire d’elles les points centraux des académies universitaires quelques années plus tôt. Le ministre Marcourt s’est trouvé dans l’obligation de justifier son choix, qui consistait en une rupture avec la politique décidée par l’exécutif précédent, et il n’a pu trouver dans les conclusions de la table ronde les éléments qui le justifieraient, puisque ses participants ont laissé les deux options ouvertes : trois ou quatre pôles. En ultime complexité, il savait que sa décision risquait de fragiliser l’ULB et allait en fâcher les responsables.
105 En réponse à une question du député Emmanuel Disabato (Écolo) le 11 janvier 2011, quelques jours après l’échec du projet de fusion au sein de l’AUL, il a confirmé qu’il considérait que les académies universitaire étaient dépassées et qu’il fallait dorénavant leur préférer les pôles : « Le modèle des académies conçu en 2004 est dépassé. Non pas parce qu’il est mauvais, mais parce que l’évolution de la situation fait qu’il ne correspond plus à nos objectifs. C’est la raison pour laquelle nous parlons désormais de pôles et plus d’académies (…). J’entends désormais associer les universités et les hautes écoles à la réflexion en mettant deux éléments en parallèle. Tout d’abord, comment offrir un enseignement de qualité ? Ensuite comment développer la recherche ? (…) J’ai toujours dit que la logique des réseaux ne répondait pas spontanément à cette préoccupation. Sans l’écarter, cela ne doit pas être le critère prioritaire (…). Il est plus simple d’obtenir une plus grande collaboration inter-universitaire pour la recherche que de réunir les partenaires dans un ensemble unique [d’enseignement supérieur] (…). L’enveloppe fermée qui a été créée pour des raisons budgétaires et non selon des critères d’objectifs induit une concurrence malsaine entre les établissements. Nos finances ne permettent pas de sortir réellement de ce modèle. » [75]
106 Le 15 mars 2011, il est revenu sur le sujet en répondant à une question de Michel de Lamotte (CDH), qui l’interrogeait sur ses projets et terminait son intervention en rappelant « le principe fondateur qu’est la liberté d’association » [76] : « Si je devais suivre votre position, M. de Lamotte, je devrais laisser faire, chacun ayant ainsi la liberté d’agir comme il veut. Or tout le monde souhaite que nous nous saisissions de certaines choses (…). J’ai rencontré l’ensemble des acteurs sur le plan institutionnel et nous avons défini un objectif. Cet objectif est de faire en sorte que le paysage de l’enseignement supérieur tienne compte de l’évolution du monde et des besoins de l’enseignement. Nous avons un des rares systèmes où coexistent un enseignement universitaire et un enseignement de niveau universitaire. C’est compliqué à faire comprendre à l’étranger, et cela nuit aux hautes écoles dans leurs contacts internationaux (…). Nous avons d’autres particularités, comme la taille de nos établissements d’enseignement (…). Une autre spécificité de notre Communauté est que très peu de jeunes fréquentent l’enseignement supérieur dans les provinces de Luxembourg et de Hainaut. Notre réflexion doit tenir compte de tous ces éléments. La législation sur les académies répartissait notre enseignement supérieur en trois académies exclusivement universitaires (…). Deux de ces trois académies connaissent aujourd’hui des difficultés. Dans l’une, les fiancés ne veulent pas consommer le mariage ; dans l’autre, après un vote démocratique, le but fixé n’a pas été atteint. » [77]
107 Chacune de ses interventions a permis au ministre d’ajuster de plus en plus précisément les balises de sa réforme du paysage de l’enseignement supérieur : mettre un terme au dualisme entre l’enseignement universitaire et l’enseignement de type long organisé par les hautes écoles, trouver une formule d’organisation qui réponde aux besoins spécifiques des jeunes des provinces dans lesquelles les taux de scolarité supérieure sont les plus bas [78], se démarquer du système des académies universitaires qui a montré ses limites.
3.2. Le non paper
108Ces idées sont finalement développées dans une note (le non paper), que le ministre communique aux recteurs le 27 avril 2011. Cette méthode, qui soumet quelques scénarios à la discussion d’interlocuteurs choisis, est fortement critiquée par les acteurs non consultés. La FEF se montre particulièrement virulente dans sa critique : « La FEF a été désagréablement surprise par l’annonce de l’existence d’un tel document [le non paper sur le projet Paysage]. Si nous avions déjà constaté qu’il est du goût du ministre de lancer ces avant-projets telles des petites bombes tests afin de tester les réactions de certains acteurs, cela ne convient pas à notre fédération en charge de représenter les étudiants du supérieur. Le dossier du paysage de l’enseignement supérieur est en attente de traitement depuis longtemps (…). Nous attendons donc du ministre des propositions, à travers une note officielle pour que les étudiants de la FEF puissent être consultés de manière officielle. » [79]
109 Le non paper est une note d’intention, qui esquisse des orientations fort précises. Elle est exclusivement consacrée aux pôles, c’est-à-dire aux formules de coordination de l’offre d’enseignement. Le ministre rappelle que la déclaration de politique communautaire a prévu une coordination sur une base géographique et que la table ronde a encouragé les regroupements en pôles. Il souligne que les académies universitaires ne permettent d’atteindre aucun de ces deux objectifs puisqu’elles ne concernent que les universités et qu’elles ne sont pas basées sur des zones géographiques.
110 La note explore les compétences possibles d’un pôle : la répartition et la coordination de l’offre d’enseignement entre institutions, l’organisation de formations spécialisées, le soutien pédagogique et l’aide à la réussite, l’harmonisation des droits d’inscription, les services collectifs, la représentation extérieure, etc.
111 Les questions de la gouvernance sont abordées. La difficulté majeure serait d’assurer une représentation de chaque institution du pôle dans le gouvernement de l’ensemble sans engendrer une « structure pléthorique et inefficace ». La note distingue un niveau exécutif restreint, un niveau décisionnel plus large et, éventuellement, un niveau stratégique plus large encore. Les attributions de ces diverses instances sont décrites à titre hypothétique. Si l’on décidait de créer un niveau « stratégique », plus orienté vers l’extérieur, il conviendrait d’y associer des représentants des milieux sociaux, culturels et politiques, il serait le « garant de l’autonomie et de la liberté académique du pôle ».
112Le non paper pose un certain nombre de questions relatives au fonctionnement et à la gestion des pôles, en considérant comme acquis que l’enseignement supérieur doit désormais être organisé en pôles. La note ne revient pas sur les deux questions sensibles par rapport auxquelles aucun consensus n’a pu être dégagé par les participants à la table ronde. D’une part, les pôles doivent-ils être fondés sur une logique géographique ou une logique de réseau ? D’autre part, comment concilier le caractère obligatoire de l’appartenance à un pôle et la liberté d’association des institutions ? Sans prétendre que la déclaration de politique communautaire a engagé l’exécutif en cette matière, la note rappelle qu’elle a exprimé une préférence pour un fondement géographique des pôles.
113 Le CREF se réunit les 30 avril et 2 mai 2011 afin d’étudier ce document et d’élaborer une réponse au ministre. Dans leur commentaire, les recteurs commencent par dire que le document n’aborde pas certaines questions majeures telles que le financement, l’attractivité de l’université, l’accroissement des charges administratives et l’évaluation de la mise en œuvre du décret Bologne du 31 mars 2004. Comme lors des travaux de la table ronde, les universités sont divisées. Cette fois, le clivage isole la seule UMons du bloc majoritaire comprenant les six autres institutions, à savoir l’UCL, l’ULB, l’ULg, les Facultés universitaires catholiques de Mons (FUCaM), les FUNDP et les FUSL.
114 Les six institutions en position majoritaire commencent par mettre en lumière trois éléments fondamentaux à leurs yeux. Tout d’abord, elles rappellent que la recherche est un élément structurant fondamental de l’enseignement universitaire ; la coordination nécessaire de tous les types d’enseignement supérieur ne doit en aucun cas altérer le lien entre recherche et enseignement universitaire. Ensuite, la réforme doit tenir compte du principe d’autonomie des universités ; la Communauté française a un pouvoir de régulation et de contrôle, non d’organisation. Enfin, la disparition des académies universitaires, corollaire de la mise en œuvre d’un schéma d’organisation de l’enseignement supérieur à trois niveaux (ARES, chambres différenciées en fonction des types d’enseignement et pôles de proximité), n’est pas appréciée de la même manière par toutes les universités.
115 Les recteurs de ces six universités estiment qu’il n’est pas possible de se prononcer sur les « pôles géographiques » en l’absence d’une vision claire des autres dispositifs institutionnels. Ils proposent de distinguer trois niveaux, dont les compétences devraient encore être précisées : l’ARES, trois chambres (universités, hautes écoles, écoles supérieures des arts) et les pôles. La définition et la mission des pôles (de proximité) ne font pas l’unanimité des six recteurs, même si tous acceptent le principe général d’une coordination de l’enseignement. Ils ne s’entendent pas davantage sur le nombre des pôles que sur les aires géographiques de ceux-ci. Au nom de la liberté d’association, les six recteurs souhaitent que la possibilité de collaborer entre établissements de pôles différents soit maintenue. Ils esquissent les missions de ces pôles : coordination de l’offre d’enseignement supérieur, mutualisation de certains services (logement étudiant, lutte contre l’échec, infrastructures, etc.).
116 De son côté, l’UMons n’est pas favorable à la création de « chambres » qui se distingueraient de l’ARES et des pôles. Elle estime que les chambres doivent se situer au sein même de l’ARES et que les fonctions relatives à la recherche, à l’enseignement et aux relations internationales qui y seront logées concernent les universités, les hautes écoles et les écoles supérieures des arts. Le recteur de l’UMons souhaite par ailleurs qu’un nombre plus important de compétences soit confié aux pôles [80].
117 La note du CREF laisse apparaître des sensibilités différentes parmi les universités : les partisans de la liberté d’association s’opposent nettement aux regroupements fondés sur une logique géographique. Une autre distinction politique importante apparaît dans une note en bas de page : la majorité des universités (six sur sept) souhaitent préserver les instances qui les rassemblent (CIUF, CREF et autres réseaux) au sein d’une chambre particulière, alors que l’UMons estime cette option contradictoire avec la réforme qui vise à rassembler, à la base, les diverses institutions d’enseignement supérieur. Sur ce point, la position de l’UMons est fort proche de celle du ministre.
118 Le 9 mai 2011, Le Soir propose un décodage politique de cet épisode : « Après les académies, bientôt les pôles ? Conformément à la déclaration de politique communautaire qui envisage une coordination de l’offre de l’enseignement supérieur par zones géographiques – on parle de “bassins géographiques” – et suivant les recommandations de la table ronde, le ministre J.-C. Marcourt continue de travailler, dans la plus grande discrétion, à cette mutation. Récemment les recteurs des universités de la Communauté française ont été avertis des intentions du ministre en la matière. L’idée est, grossièrement, la suivante : il n’y aurait plus qu’une seule académie en Communauté française, en lieu et place des trois académies existantes (…). L’académie unique serait compétente pour la recherche et la formation doctorale. Les académies telles qu’on les connaît aujourd’hui seraient remplacées par des pôles qui comprendraient non seulement les universités mais aussi les hautes écoles d’une même région. On évoque la création de cinq ou six pôles : Brabant wallon, Bruxelles, Mons (peut-être avec Charleroi), Liège (…) et Namur. Un double bouleversement. Non seulement on passerait d’une logique confessionnelle à une logique géographique, mais on rattacherait les hautes écoles aux universités. Le cas de l’Académie Louvain est le plus épineux. Elle regroupe l’UCL, partagée entre Louvain-la-Neuve et Bruxelles essentiellement pour la médecine, les FUNDP, à Namur, les FUCaM à Mons (avec lesquelles l’UCL vient de fusionner) et les FUSL à Bruxelles. Conséquence de la suppression de l’académie : l’UCL “perdrait” Saint-Louis et les FUNDP et donc un ancrage solide à Bruxelles et Namur. On mesure mieux, à la lueur du projet “pôles” de [J.-C.] Marcourt, toute l’importance que revêtait la fusion des universités catholiques, et donc les conséquences de son échec, en décembre dernier. Mais si on savait le projet des pôles dans les cartons du ministre, la surprise, ce sont les compétences qu’il souhaite voir attribuer à ces pôles et leur mode de gouvernance. » [81]
119Le même article évoque la réaction des recteurs : « La réaction des recteurs des universités francophones au non paper du ministre ? Un non poli. En réalité, un classement vertical. À l’exception de celui de l’UCL, accroché à l’académie, les recteurs proposent une structure sur trois niveaux : 1° une académie avec des compétences en termes de visibilité internationale ; 2° trois chambres qui pourraient englober les conseils consultatifs existants (le Conseil [supérieur] de l’enseignement supérieur artistique, le Conseil général des hautes écoles et le Conseil interuniversitaire [de la Communauté française (CIUF)] auquel se joindrait notamment le FNRS) ; 3° des pôles de proximité construits sur des critères géographiques mais qui n’auraient que des compétences résiduaires. Bref, le système actuel, mais on supprime les académies. La négociation promet d’être longue. » [82]
120 Dans le mois qui suit, une série d’institutions communiquent au ministre des avis ou des commentaires complémentaires à propos du non paper. L’ULB [83], l’UMons [84], le CIC [85] et la CGSP [86] approuvent la perspective du regroupement géographique. L’UCL [87] insiste sur la liberté d’association assortie d’une concertation de l’offre d’enseignement au niveau local. À défaut d’obtenir le maintien des académies universitaires, elle réclame la création de pôles « dont le nombre est inférieur ou égal à trois, chaque pôle étant articulé autour d’au moins une université complète ». Les FUNDP [88] acceptent la perspective de pôles géographiques, mais insistent sur la nécessité de préserver l’autonomie des universités. La CNE et la CSC-Services publics estiment qu’il conviendrait d’approfondir la réflexion sur les notions de pôles et de zones géographiques qui n’ont pas fait l’objet de consensus lors de la table ronde [89]. Elles émettent un certain nombre de commentaires sur les compétences des pôles, leur gouvernance et leur financement.
121 Au cours de la même période, plusieurs interpellations parlementaires donnent encore l’occasion au ministre de préciser le projet qu’il nourrit pour l’enseignement supérieur. Le 25 mai 2011, il est interpellé par F. Bertieaux sur la distorsion entre la table ronde, dont les participants ont proposé une organisation de l’enseignement supérieur en trois ou quatre pôles, et l’intention que la presse prête au ministre d’en mettre cinq ou six en place. Incidemment, dans cette interpellation, la députée exprime une nouvelle fois sa crainte de voir le ministre préparer la régionalisation de l’enseignement supérieur : « La presse nous apprend qu’une note rédigée par votre cabinet évoque la création de cinq ou six pôles – Brabant wallon, Bruxelles, Mons, Charleroi, Liège et Namur – qui regrouperaient les établissements d’enseignement supérieur sur une base géographique (…). Les acteurs de terrain sont certainement demandeurs de collaborations au niveau de leur région. Mais de là à vouloir abandonner le système des trois académies universitaires pour découper notre territoire en six morceaux, le groupe MR a du mal à vous suivre. Est-il exact que l’idée de créer cinq ou six pôles répond uniquement à des critères politiques et non aux réflexions du secteur ou à des critères objectifs ? Sur quels éléments vous basez-vous pour envisager un tel découpage ? Vous voulez découper le Hainaut en deux et conserver Bruxelles en une zone unique, alors que cette dernière compte davantage d’étudiants dans le supérieur que toute autre région. Est-ce dans l’idée de régionaliser un jour notre enseignement supérieur ? » [90]
122Dans sa longue réponse, J.-C. Marcourt développe sa vision de l’enseignement supérieur et des conditions de son adaptation aux exigences de l’heure. Sur la question des pôles, il se montre très précis : « Il s’agit de réfléchir en termes plus locaux en lien avec la déclaration de politique communautaire. Il s’agit donc d’offres d’enseignement de proximité, d’infrastructures adaptées, de partage de ressources, d’échanges de personnel et d’étudiants, de services annexes aux étudiants – sport, culture, accompagnement, aide à la réussite, orientation, entre autres –, d’ancrage local des formations (…). Je fais, comme vous, référence à la déclaration de politique communautaire pour concevoir une organisation qui doit essentiellement se créer par bassin géographique. Mais comme nos établissements se déploient sur plusieurs sites et qu’ils ont développé des collaborations avec beaucoup de partenaires différents, il est évident que, quel que soit le découpage proposé, il est hors de question de brider leur capacité associative au-delà des limites de leur pôle, et même de nos frontières (…). Je n’ai jamais imaginé couper le Hainaut en deux. » [91] Il conclut sa réponse en annonçant son intention de rendre publiques, en juillet 2011, les grandes lignes du projet qu’il entend soumettre au gouvernement.
3.3. Les acteurs élaborent leur position
123Cette période est aussi mise à profit par divers acteurs pour faire mieux connaître et argumenter leurs positions. Ainsi, le 27 mai 2011, le recteur de l’UCL et les directeurs de cinq hautes écoles qui sont historiquement proches de cette institution – la Haute École Léonard de Vinci (HE Vinci), l’Institut catholique des hautes études commerciales (ICHEC), l’HELHA, l’École pratique des hautes études commerciales (EPHEC) et la Haute École Galilée (HE Galilée) – écrivent aux ministres J.-C. Marcourt et J.-M. Nollet pour leur dire leur souhait que les collaborations entre leurs institutions soient prises en compte dans les projets de réorganisation de l’enseignement supérieur : « Quelle que soit l’orientation prise par le nouveau décret visant à réorganiser l’enseignement supérieur, nous sommes soucieux qu’elles puissent être poursuivies, voire même renforcées. » Ils ajoutent que « toute initiative de cadrage géographique ignorant la réalité de ces collaborations entraînerait la ruine des acquis et des efforts consentis ».
124 La Libre Belgique du 3 juin 2011 relève que, parmi les signataires, « on ne retrouve ni les Facultés Saint-Louis, ni celles de Namur, ni les hautes écoles catholiques namuroise, liégeoise et luxembourgeoise » [92]. Dans une intervention au Parlement de la Communauté française le 8 juin 2011, F. Bertieaux fait la même remarque : « [Le courrier adressé par l’UCL et cinq hautes écoles aux ministres J.-C. Marcourt et J.-M. Nollet] est symptomatique (…) du malaise actuel, puisque tous les établissements regroupés actuellement dans l’Académie Louvain ou qui collaborent avec elle depuis 2004 ne sont pas signataires de ce courrier. » [93]
125 Dans l’édition de La Libre Belgique du 3 juin, le recteur de l’UCL, B. Delvaux, déclare : « Si l’on veut être raisonnable, plutôt que de passer de 3 à 5 ou 6 pôles, et de prendre le risque de saupoudrer les financements (…), on devrait imaginer un ensemble de pôles articulés autour d’universités complètes, d’une part, et, d’autre part, avec des critères géographiques et sociétaux. Moi, je vois bien un pôle organisé autour de l’ULg et un autre autour de l’ULB et de l’UCL qui regrouperait les zones Bruxelles, Brabant wallon et Namur. Et dans le Hainaut, on a deux universités complètes déjà présentes, l’ULB et l’UCL. Le recteur de l’ULB et moi-même sommes prêts à nous y investir ensemble. » [94] Cette déclaration entraîne une réponse sèche du recteur de l’ULB, D. Viviers, dans La Libre Belgique du lendemain : « “À aucun moment, l’ULB n’a marqué son accord sur une telle proposition qu’elle s’étonne d’apprendre par la presse. Lorsque l’on souhaite établir un partenariat positif et efficace, il convient d’abord de discuter avec ses partenaires et de prendre leur avis” (…). Le recteur de l’ULB se montre également favorable à l’idée des “pôles de proximité” dans l’idée qu’ils puissent coordonner l’offre d’enseignement supérieur. “Car, si l’on veut limiter la concurrence entre institutions et, partant, les dépenses inutiles (comme le réclame le recteur de l’UCL), il faut aussi éviter de multiplier les offres de formations identiques au sein d’une même zone géographique, comme y pousse la structuration actuelle de notre enseignement supérieur, encore trop caractérisé par les réseaux traditionnels.” (…) “L’ULB est donc favorable à un pôle bruxellois”, lance D. Viviers en citant les collaborations entre l’ULB et les FUSL. Pour lui, “la collaboration entre l’ULB et l’UCL se poursuivra d’autant plus facilement que l’on mettra en œuvre une académie universitaire unique. Cette collaboration nécessite que l’on réduise la concurrence sur le terrain bruxellois”. » [95]
126 Le 8 juin 2011, F. Bertieaux interpelle une nouvelle fois le ministre au Parlement de la Communauté française, accompagnée cette fois de M. de Lamotte. F. Bertieaux fait état des réactions enregistrées dans l’enseignement supérieur en écho aux projets prêtés au ministre. Elle souligne à nouveau les divergences entre les conclusions de la table ronde et les choix du ministre : « Vos annonces récentes reprennent des conclusions de la table ronde mais aussi des idées qui vous sont toutes personnelles. Vos propos ressemblent davantage à la stratégie d’un ministre régional de l’Économie plutôt qu’à celle du ministre de l’Enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles. » [96] Tout en reconnaissant que les académies universitaires sont imparfaites, elle souligne qu’elles ont suscité des collaborations « sur la base d’une appartenance philosophique et non géographique ». Elle se demande dès lors s’il fallait « jeter le bébé avec l’eau du bain, et concocter une réforme radicale avec une diminution de l’autonomie des universités et une atomisation géographique en cinq ou six pôles qui va bien au-delà de la conclusion de la table ronde ».
127 La députée critique l’option exclusivement géographique du ministre, mais aussi la précipitation avec laquelle il a rejeté la formule des académies universitaires : « Je suis consciente que le départ de l’UMons de [l’Académie universitaire Wallonie-Bruxelles] formée avec l’ULB et l’annonce du refus de fusion des universités de l’Académie Louvain ont mis en difficulté les principales universités complètes de ces académies. Je suis consciente également de la nécessité d’explorer d’autres pistes, que ce soit en laissant jouer la liberté d’association des universités ou y donnant un coup de pouce par décret. Puisqu’on se donne le temps, ne faudrait-il pas auparavant évaluer avec soin l’acquis positif des académies et les éléments négatifs qui justifieraient une autre configuration, comme une académie unique ? » [97] Dans la foulée, elle commente l’attitude de l’UMons, dont le recteur a soumis une note minoritaire et a refusé de s’associer à ses collègues du CREF : « Six des sept universités qui constituent le CREF ont répondu à votre note officieuse, l’UMons a soumis une note minoritaire. C’était prévisible. Connaissant la position de l’UMons, je ne sais si cette attitude sera extrêmement productive pour le rayonnement académique. Ce qui me préoccupe aujourd’hui avec l’idée des pôles, c’est que nous perdions quelque peu de vue le rayonnement académique et scientifique. » [98]
128M. de Lamotte prolonge la charge de F. Bertieaux. En se référant à la note que l’UCL et les hautes écoles associées ont adressée au ministre le 27 mai 2011, il souligne leur appréhension devant « toute initiative de cadrage géographique [qui], ignorant la réalité de [leurs] collaborations, entraînerait la ruine des acquis et des efforts consentis ». Le député rappelle la demande de ces institutions de voir garanti « le principe fondamental de la liberté d’association ». Il conclut son interpellation en rappelant les critères qui, selon le CDH, devraient présider à la réforme projetée : une évaluation des acquis du système antérieur des académies universitaires, la liberté d’association comme « axe fort de la réforme », l’organisation de collaborations autour d’un nombre limité de pôles académiques complets.
129 Deux autres parlementaires se joignent au débat. Sybille de Coster-Bauchau (MR) exprime son scepticisme devant une organisation en pôles géographiques qu’elle associe à un sous-régionalisme négatif pour les universités. Pour Caroline Désir (PS), les collaborations entre les établissements d’enseignement supérieur doivent être avant tout motivées par le souci d’offrir aux jeunes une formation accessible et de qualité.
130 Dans sa réponse, le ministre rappelle une nouvelle fois les grandes lignes de la réforme proposée : une seule académie d’enseignement supérieur pour la Communauté française, et des pôles géographiques chargés de susciter des collaborations dans les enseignements de base et de mettre en place des passerelles entre les divers types d’enseignement. Il réaffirme que ce choix est conforme à la déclaration de politique communautaire qui indique : « Il faut faire en sorte que les fusions suivent davantage une logique géographique qu’une logique de réseaux. » Par ailleurs, il garantit que « l’existence de pôles n’empêchera pas effectivement d’autres formes de collaboration ». Le ministre insiste encore sur sa volonté « d’unifier le paysage et non de le morceler » : « Les réflexions et les propositions de la table ronde visent à rapprocher les différentes catégories d’établissements dans un nombre d’entités restreint. Savoir si, après concertation, on aboutira à trois ou à cinq pôles autonomes n’est pas une question centrale. L’évolution aura été fondamentale, dans le sens d’une plus grande intégration et d’une polyvalence des entités au profit des étudiants. » [99]
131 Il précise enfin son souhait d’aboutir à des structures équilibrées : « Enfin, il est clair que l’organisation de structures de taille comparable est favorable à une répartition stable et équilibrée des moyens, des responsabilités et des habilitations (…). Dans ce contexte, élargir les zones d’habilitations actuelles à la faveur de la création de pôles, notamment par une fusion des zones de Bruxelles et du Brabant, risquerait de créer une concurrence inutile. J’ai pris connaissance de diverses réactions à la suggestion de B. Delvaux. Il semble que de nombreux établissements, et non des moindres, ne seraient pas favorables à ce projet. » [100]
132 Ce dernier point est une réponse à la suggestion du recteur de l’UCL – immédiatement contestée par le recteur de l’ULB, comme on l’a vu – d’unifier les pôles de Bruxelles et du Brabant wallon, ce qui aurait pour effet d’élargir les habilitations, c’est-à-dire la capacité d’organiser des études et de délivrer des diplômes dans l’ensemble de la zone considérée pour toutes les universités de cette zone, à savoir l’ULB, les FUSL et l’UCL, alors que la loi restreint cette capacité à des espaces géographiques très précis : pour l’ULB, Bruxelles et le canton de Nivelles, et, pour l’UCL, le canton de Wavre ainsi que la commune de Woluwe-Saint-Lambert pour ce qui concerne les sciences de la santé.
133 Enfin, le ministre insiste sur le maintien de l’autonomie de gestion des universités : « Nos universités jouissent d’une très grande autonomie de gestion. À aucun moment, ni dans les projets d’évolution ni dans les discussions de la table ronde, il n’a été question de la réduire. Au contraire, il a été suggéré d’accroître l’autonomie des autres types d’établissements par rapport à leur pouvoir organisateur et à l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à la faveur de leur intégration dans les pôles et en leur donnant un mode de gestion similaire à celui des universités. » [101]
3.4. La note au gouvernement
134Le 15 juillet 2011, le ministre Marcourt communique au gouvernement de la Communauté française une note présentant les principes auxquels il propose que le nouveau paysage de l’enseignement supérieur obéisse. Cette note circule assez rapidement chez les responsables et analystes de l’enseignement supérieur.
135Sans surprise, elle énonce un certain nombre de considérations relatives à l’organisation de l’enseignement supérieur et rappelle que la table ronde a permis de jeter les bases de la réforme en concertation avec les responsables du secteur. Deux principes ont été choisis pour guider la réforme : l’unicité de l’enseignement supérieur et la proximité destinée à permettre à chaque étudiant l’accès à un enseignement supérieur de qualité « partout en Fédération Wallonie-Bruxelles ». La note entend donc proposer le cadre général qui a fait défaut dans les organisations antérieures.
136 L’organisation projetée repose sur deux structures. Une structure faîtière unique, l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES), serait chargée de la représentation du système d’enseignement supérieur et de la coordination des activités. Elle comporterait deux organes spécialisés : le premier, transversal à l’ensemble, gérerait les matières communes (représentation internationale, coopération au développement, offre générale d’enseignement, habilitations, etc.) ; le second agirait à un niveau plus thématique (recherche, écoles doctorales, formation artistique, etc.). La note propose des dispositifs de gouvernance : un conseil académique composé de représentants de la communauté académique et un conseil stratégique qui intégrerait des personnalités extérieures au monde de l’enseignement supérieur.
137 L’autre structure, centrée sur les étudiants, serait les pôles académiques d’enseignement supérieur (PAES). Il y en aurait cinq : le pôle Liège-Luxembourg, le pôle Namur, le pôle Hainaut, le pôle Brabant wallon et le pôle Bruxelles. Ce seraient des entités décentralisées autonomes, « regroupant les établissements d’enseignement supérieur établis dans leur zone géographique conformément à la déclaration de politique communautaire 2009-2014 ». Les pôles coordonneraient les activités communes de leurs membres et organiseraient les services communs. Une institution serait membre à titre principal d’un pôle quand son siège social serait situé dans la zone géographique correspondant au pôle ; elle en serait membre à titre complémentaire quand son siège social (ou son implantation principale) serait situé en dehors de la zone géographique du pôle mais qu’elle y disposerait d’une implantation fonctionnelle.
138 La note reprend des éléments des rapports de la table ronde, mais elle ne retient qu’une partie des propositions du groupe de travail « Paysage institutionnel ». Celui-ci préconisait trois ou quatre pôles, alors que le ministre en propose cinq [102]. Le groupe de travail ne choisissait pas entre la logique territoriale, la logique de réseau ou la logique de caractère et laissait toutes les options ouvertes, là où le projet, en lien avec la déclaration de politique communautaire, ne retient que l’option géographique. Le rapport final du groupe de travail « Paysage institutionnel » et la synthèse finale insistaient sur le caractère volontaire, autour de projets, du regroupement dans les pôles, alors que la note au gouvernement tait cet aspect des choses.
139 Les conclusions de la table ronde ont été retenues avec une certaine sélectivité. Il est vrai que, après la table ronde, des options divergentes ont été émises par divers acteurs sur les orientations qu’il convenait de choisir. L’UMons a exprimé dès le début sa préférence pour la logique territoriale comme fondement des pôles, rejointe ultérieurement par l’ULB. L’UCL-FUCaM et cinq hautes écoles proches de l’UCL ont affirmé leur préférence pour la liberté d’association, alors que les FUNDP, les FUSL et d’autres hautes écoles du pôle Louvain n’ont pas manifesté leur préférence. Pour une partie d’entre eux, les conditions de l’échec de la fusion autour de l’UCLouvain expliquent sans doute cette abstention. La proposition de constitution d’un pôle Namur n’a, peut-être, pas été étrangère à la distance prise avec les thèses défendues par l’UCL et ses associés les plus proches.
140 De son côté, la CNE-Enseignement réagit un peu plus tard en déclarant : « Bien que les propositions avancées aient le mérite de dresser le constat de l’état insatisfaisant du paysage actuel, ce qui est la première étape d’une réforme valable, les orientations imprécises de la réforme annoncée soulèvent néanmoins d’importantes critiques et interrogations de la part de nos organisations, tant sur le plan du contenu que de la méthode. Sur la méthode, la richesse des débats des tables rondes, auxquelles nous avons très activement participé, fait l’objet d’une interprétation très ciblée voire d’une récupération, seuls les éléments pouvant servir à légitimer la note ministérielle étant repris. Sur le contenu, la proposition mise en débat offre peu de perspectives réelles sur les enjeux essentiels qui sont pour nous la démocratisation réelle des études supérieures, la lutte contre le morcellement, la concurrence et la marchandisation, l’harmonisation des statuts et le renforcement de la concertation sociale. En outre, il est illusoire de vouloir renforcer globalement l’enseignement supérieur dans l’ensemble de ses missions (pour rappel, enseignement, recherche, service à la société et formation continue) en conservant un financement des institutions sur base d’enveloppes fermées. » [103]
141 Les rentrées académiques donnent l’occasion aux autorités des diverses universités d’exprimer leur sentiment par rapport au projet. Parmi les déclarations, on retiendra celles des FUNDP et de l’UCL. Le 14 septembre 2011, le recteur des FUNDP, Yves Poullet, déclare : « On est enthousiaste par rapport à ce plan. De manière générale, je trouve qu’il est très important qu’universités et hautes écoles puissent discuter et collaborer (…). Il y a un intérêt à aller plus loin que ce que prévoyait le projet de l’Académie Louvain. En travaillant cette fois, sans exclusive, avec l’ensemble des universités et des hautes écoles francophones. » [104]
142 Le 20 septembre 2011, Marc Elsen, chef de groupe CDH au Parlement de la Communauté française, déclare à un journaliste du Soir : « Alors que le ministre Marcourt [dit] ne pas vouloir la régionalisation de l’enseignement supérieur, son projet de réforme dit l’inverse. Qu’il en ait la volonté ou que cela en soit une conséquence, peu importe. Il n’en est pas question. » [105] Interrogé à ce sujet (« Pour le CDH, votre projet des pôles porte les germes de la régionalisation »), le ministre a une réponse très claire : « J’ai des convictions personnelles mais j’ai dit que je serai celui qui sera le plus fidèle à la déclaration de politique communautaire… qui ne vise pas ce que vous évoquez. Je m’inscris en faux, même si cela ne m’aurait pas dérangé, sur le fait que cela soit une régionalisation. Le projet d’académie unique répond, à lui seul, à ceux qui prétendent le contraire. » [106]
143 Dans la même livraison du journal, le recteur de l’UCL, B. Delvaux, donne lui aussi son avis : « Le gouvernement doit réfléchir à remplir au mieux ses missions (…). Ne mettons pas à mal un système, les académies, qui a fait ses preuves. Tâchons plutôt de l’améliorer. Les meilleures universités du monde sont celles où l’État garantit l’autonomie et la liberté académique (…). [Le pôle] est un concept intéressant pour ce qui touche au sol. On doit pouvoir mutualiser des ressources comme les bibliothèques ou les salles de sport. Par contre, les missions académiques comme l’enseignement et la recherche sont des missions qui ont une dimension universelle, pas géographique. [L’académie] ne doit pas être un obstacle à l’autonomie des universités, leur capacité de gestion et leur stratégie académique. » [107]
144 Au cours des mois qui suivent, la note au gouvernement fait l’objet de commentaires et de débats. Dès la rentrée parlementaire, le 4 octobre 2011, F. Bertieaux revient sur ce document : « J’imaginais naïvement que lorsqu’un ministre présentait une note aboutie, susceptible de préfigurer un futur avant-projet de décret, il existait une entente réelle, à défaut d’être cordiale, au sein de la majorité. Après l’été, j’ai suivi avec assiduité les adieux de Mme [Joëlle] Milquet de son poste de présidente de parti. Et de ses nombreuses déclarations ou interviews je n’ai retenu qu’une seule chose : que le CDH (…) n’approuvait ni ne soutenait votre vision de l’enseignement supérieur (…). Cette note est-elle dès lors remise en cause ? » [108]
145 Le ministre choisit d’évacuer rapidement la question : « J’ai promis à Mme Milquet de lui expliquer par le menu cette réforme et je suis convaincu qu’elle changera d’opinion. » [109] Il rappelle les raisons qui justifient à ses yeux l’abandon des académies universitaires, mais développe un argument nouveau pour qualifier le projet de fusion entre l’ULB et l’UMons : « Conformément à la décision du Parlement, les académies ont été établies selon les affinités philosophiques des institutions qui les composent, bien que l’UMons puisse difficilement être assimilée à l’ULB sous cet angle. Ce critère d’organisation de l’enseignement supérieur ne me paraît pas être le plus pertinent. » [110] Il revient par ailleurs sur la situation particulière de l’enseignement supérieur en province de Hainaut et sur la nécessité de lui réserver un traitement particulier : « L’offre de proximité est une des pierres angulaires du dispositif. Il faut s’interroger sur son articulation en province de Hainaut. Il n’est pas normal que, dans cette province, à l’instar de celle de Luxembourg mais pour des motifs structurellement différents, les jeunes fréquentent moins l’enseignement supérieur que dans les autres provinces de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il faut une véritable politique pour remédier à cette situation, l’objectif n’étant pas que chaque jeune accède à l’enseignement supérieur mais que chaque élève ayant les qualités personnelles, la volonté et l’endurance pour suivre un enseignement supérieur puisse le faire. » [111]
146 Le 18 octobre 2011, E. Disabato aborde la question de la structuration de la future ARES : « La question de la structuration de la future ARES a fait débat entre les institutions. Certains souhaitaient que cette académie soit divisée, selon les types d’enseignement, entre les universités, les hautes écoles, les écoles supérieures des arts ; d’autres, comme le recteur de l’UMons, s’y sont opposés afin de ne pas défaire au sommet ce que l’on souhaitait faire à la base, à savoir coordonner les différents types d’enseignement. Laquelle de ces deux options comptez-vous retenir ? Si un tel niveau d’organisation n’était pas retenu, les organes de concertation existant dans chaque type d’enseignement – le CIUF, le CGHE et le CSESA – seront-ils maintenus ? » [112] La réponse du ministre est centrée sur ce qu’il en adviendrait des conseils consultatifs : « La réunion des trois conseils consultatifs actuels, prévue depuis bientôt dix ans par décret, n’a jamais pu avoir lieu. J’estime donc que ces conseils devront intégrer l’ARES et évoluer, sans nécessairement se dissoudre, vers un conseil unique. Cela répondrait au souhait très vif de l’enseignement supérieur artistique de préserver ses spécificités. Cependant, l’unicité doit primer, dans le respect de chacun. » [113]
147 L’impatience grandit au fil des mois. Le 14 février 2012, le ministre Marcourt est interpellé par F. Bertieaux en commission parlementaire à propos de la « future réforme du paysage de notre enseignement supérieur » : « Le temps passe, le dossier ne progresse pas (…). On a entendu parler d’un désaccord du CDH et puis, plus rien ! (…) Ceux qui se sont impliqués à fond dans les travaux de cette table ronde, ceux qui pensaient vous avoir convaincu de l’urgence du chantier sont très déçus (…). Je suppose que vous avez consulté le Conseil interuniversitaire [de la Communauté française] et le Conseil [général] des hautes écoles. J’imagine aussi que vous avez reçu des avis plus formels sur la réforme du paysage de notre enseignement supérieur. Pourriez-vous nous les communiquer ? (…) Depuis quelques semaines, vous vous affichez clairement régionaliste (…). La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si vous avez l’intention de vous engager dans une réforme aux accents beaucoup plus régionalistes. » [114] S. de Coster-Bauchau ajoute une question à cette interpellation : « Pourquoi avoir permis qu’en Wallonie, la traduction et l’interprétation rejoignent l’université, alors que des mesures identiques n’ont pas été prises pour Marie Haps [ILMH], l’ISTI et l’Institut Cooremans [IESLC] à Bruxelles ? » [115]
148 La réponse du ministre est d’indiquer que les ambitions de sa note sont telles qu’il est impératif de permettre aux mentalités de s’adapter à ce qu’elle propose. On ne peut détecter aucun accent régionaliste dans ses propos : « La note que j’ai déposée a constitué un des pas les plus importants pour l’évolution du paysage de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il s’agissait d’une révolution ! (…) Un consensus semble atteint sur la volonté essentielle de créer une académie unique, pour la Wallonie et Bruxelles, qui pilote l’enseignement supérieur au bénéfice de tous (…). Or l’idée même d’une académie unique d’enseignement supérieur commune à la Wallonie et à Bruxelles n’était pas évidente. »
4. Les péripéties de l’automne 2012 et du début de l’hiver 2013
149Les réactions à la note du ministre J.-C. Marcourt au gouvernement de la Communauté française indiquent qu’il n’existe pas de consensus entre les acteurs de l’enseignement supérieur sur les orientations de la réforme projetée. De leur côté, des parlementaires s’inquiètent de ne pas voir progresser un projet dont ils mesurent cependant toute l’importance.
4.1. De nouvelles polémiques
150Le 20 mars 2012, S. de Coster-Bauchau interroge à nouveau le ministre sur ses projets d’organisation de l’enseignement supérieur en pôles territoriaux et leur impact sur les institutions. Le même jour, Florence Reuter (MR) intervient également et évoque tour à tour l’intervention dans la presse de recteurs honoraires de l’UCL et de l’ULB, tous critiques par rapport à la réforme en préparation, un communiqué de presse de la CGSP portant sur le « sort fait aux enseignants » dans la faculté d’architecture de l’ULB et concluant que « le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles [devrait] comprendre que l’actuel projet de modification du paysage institutionnel de l’enseignement supérieur à Bruxelles était totalement inenvisageable », et un courrier de la HE Vinci « qui laisse entendre que les acteurs de terrain considèrent votre projet comme dommageable » [116]. Les deux parlementaires font écho à des articles publiés par La Revue nouvelle auxquels Le Soir a donné un certain écho dans son édition du 2 mars 2012 [117]. Un des articles concluait que l’UCL pourrait bien être affaiblie par l’option territoriale du projet de décret qui la limiterait dans le Brabant wallon.
151 Dans sa réponse, le ministre conteste cette analyse. Il commence par disqualifier les auteurs de l’article incriminé en leur reprochant de « diffuse[r] des plaidoyers pro domo ». Il reconnaît ensuite certains des effets de sa réforme que ces auteurs ont mis en lumière, sans considérer pour autant qu’ils puissent remettre en question la démarche qu’il a entreprise : « On a dit que la plus grande université deviendrait la troisième en importance. Où est le problème ? La cohérence du raisonnement est-elle mise en doute ? (…) Ce n’est pas moi qui ai choisi de m’installer à Louvain-la-Neuve, dans la province de Wallonie la moins peuplée après celle de Luxembourg. Mais c’est un fait (…). Il est stupéfiant d’entendre que nous voudrions affaiblir une université (…). Il y a effectivement des problèmes à l’UCL, mais pas à Louvain-la-Neuve. L’UCL est une institution répartie sur une multitude de sites, ce qui la soumet à une série de contraintes dont nous devons tenir compte. L’ULB, elle, est présente dans le Hainaut. Comment sera-t-elle traitée dans cette province ? L’ULB ne dit pas qu’elle sera marginalisée. Nous débattons afin de construire ensemble un modèle. » [118]
152 La réponse du ministre est suivie de réactions des deux parlementaires qui lui ont adressé une interpellation. S. de Coster-Bauchau déclare d’abord : « Il me semble, M. le ministre, que vous extrapolez beaucoup les questions et votre manière d’y répondre ne me semble pas toujours appropriée. Les inquiétudes de l’UCL proviennent de sa situation particulière que vous avez eu l’honnêteté de reconnaître à la fin de votre réponse. Son implantation sur plusieurs sites, le problème de sa faculté de médecine et ses particularités induisent des interrogations et des craintes. » [119] Ensuite, F. Reuter tente de faire une intervention, mais elle est coupée par le ministre à plusieurs reprises. Elle conclut par une adresse au président de la commission : « Je n’ai pas pu développer mes arguments car j’ai été interrompue à plusieurs reprises. J’estime que le travail du parlementaire est de poser des questions légitimes et de faire le lien avec les acteurs de terrain. » [120]
153 L’écho fait par Le Soir au dossier de la Revue nouvelle suscite une autre réaction, sous la forme d’une carte blanche publiée dans Le Soir et signée par Jean-François Bachelet (ULg), Marc Demeuse (UMons) et Dirk Jacobs (ULB) [121]. Les signataires de la carte blanche y reprennent l’argument ministériel du « plaidoyer pro domo », avant de développer leur propre analyse. « Les lecteurs retiendront de l’article du Soir qu’il existe une volonté d’affaiblir l’UCL (…). Les relations entre universités peuvent pourtant être analysées sur d’autres bases que les oppositions philosophiques, que les intérêts locaux ou régionaux ou que la compétition (…). C’est précisément ce que tente la proposition Marcourt (…). L’absence autour de la table ronde d’une large partie du monde universitaire catholique a bien montré que le débat était alors ailleurs. Le grain de sable namurois a bloqué la mécanique et le ministre a pu sortir son texte alors que l’armée louvaniste restait en rase campagne… ne gagnant finalement qu’une petite bataille aux portes de Mons (…). La dénonciation d’une stratégie dirigée contre l’UCL recouvre une posture de victime. Or, il n’y a pas de victime sans coupable(s). On joue donc sur les “valeurs”, au risque de laisser croire qu’il n’y en a de dignes de ce nom que de catholiques ; on convoque l’autonomie, la liberté et leur puissance d’évocation pour stigmatiser le caractère injuste et partial d’une réforme qui vise pourtant à plus de justice. On dit ne pas critiquer ses principes, mais bien “la manière d’incarner ces principes”. »
154 La lecture d’un plan Marcourt orienté pour réduire l’influence de l’UCL n’est pas proposée que par des analystes réputés proches de l’UCL ou par des parlementaires libéraux opposés à la politique du ministre. À sa manière, Carlos Crespo (PS), ex-permanent de la FEF (et ancien membre du cabinet du ministre Tarabella) et fervent soutien de la politique conduite par J.-C. Marcourt, développe une analyse similaire dans la carte blanche parue dans le journal Le Soir : « D’aucuns considèrent sans doute que la proposition du ministre Marcourt est partiale et nuisible aux intérêts de l’UCL en ce qu’elle contrecarre l’impérialisme académique de l’université louvaniste qui se rêvait présente et rayonnante à Bruxelles et dans les cinq provinces wallonnes. Les velléités hégémoniques ont été mises à mal par l’enterrement de première classe réservé à la fusion des universités catholiques. Croire qu’il sera possible de revenir à la situation d’avant le 17 décembre 2010 est plus que chimérique car les lignes ont bougé de manière substantielle. Le momentum est passé… B. Delvaux n’a pas été capable de constituer l’Invincible Armada qu’il appelait de ses vœux (…). Il importe que (…) le ministre Marcourt [ne se laisse pas détourner] de la route qu’il semble s’être tracée en matière de refonte du paysage de l’enseignement supérieur, à savoir celle du dépassement des clivages surannés et de l’objectivation des dynamiques partenariales. La démarche de l’UCL n’est bien entendu pas illégitime en soi, mais il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent de la hauteur en vue de faire primer l’intérêt collectif sur les intérêts particuliers. » [122]
155 Le soupçon d’une volonté du ministre Marcourt de limiter l’influence de l’UCL, voire de l’ULB, sur la scène universitaire francophone belge resurgit plusieurs fois au cours de la préparation du décret Paysage et est ré-exprimé à diverses reprises par des acteurs ou des analystes divers. Cette crainte, fondée ou non, n’est pas vraiment rencontrée par une argumentation objective qui permettrait d’évacuer définitivement ce qui n’est qu’une hypothèse.
156 Après cet incident, le dernier échange d’arguments avant la trêve estivale a lieu le 29 mai 2012. S. de Coster-Bauchau pose alors une question au ministre : « Je vous ai déjà interrogé sur la réforme de l’enseignement supérieur, notamment sur la situation de l’UCL. J’y reviens parce qu’un membre de votre gouvernement a relancé la polémique en déclarant dans la presse : “Il faut savoir quel type d’université nous voulons. Est-ce que nous voulons d’une université provinciale ou d’une université qui s’adresse à la Wallonie, qui s’adresse au monde ?” Il est vrai que l’UCL, qui occupe en Fédération Wallonie-Bruxelles la première place dans les classements internationaux, a des doutes sur le sort qui lui serait réservé si la réforme que vous envisagez se concrétisait. En mars, vous me répondiez : “On a dit que la plus grande université deviendrait la troisième en importance. Où est le problème ? La cohérence du raisonnement est-elle mise en doute ?” Pourtant, un partenaire de votre gouvernement, lui, se pose la question. Y a-t-il un blocage au sein de la majorité ? Le dossier de la traduction-interprétariat à Bruxelles semble également bloqué. Comptez-vous adopter le principe d’un grand projet de décret qui intégrerait tous les dossiers importants en chantier, pour que chacun y retrouve les sujets qui le préoccupent ? » [123]
157 Le ministre choisit de ne répondre qu’à la partie de la question qui concerne le dossier de la traduction-interprétariat : « Certaines hautes écoles souhaitent voir leur formation intégrée dans une université qui n’est pas située sur leur territoire et donc amener celle-ci à y être présente. On peut se demander pourquoi, sous la précédente législature, on a donné l’habilitation à Saint-Louis [FUSL], qui n’avait, semble-t-il, pas les compétences requises. On aurait dû la donner à une autre université, qui aurait pu être l’ULB car on ne doit pas nécessairement regrouper les filières par caractère (…). Sans m’enfermer dans un délai pour un dossier qui constitue une véritable révolution, je peux vous assurer que la situation évolue, les contacts informels se poursuivent. » [124]
158 Comme chaque année, la rentrée de septembre 2012 donne l’occasion à quelques acteurs d’exposer leurs positions. Dès le 26 août, le président du CDH, Benoît Lutgen, précise où sont placées les balises pour son parti. Relativement à l’enseignement supérieur, il « insist[e] sur le respect de la liberté de s’associer, dans la perspective des projets de recomposition du paysage des universités et des hautes écoles. “Clarifier notre paysage est un objectif louable. Toutefois, cet objectif ne justifie ni d’aller contre la volonté des universités et des hautes écoles, ni de prendre le risque de faire capoter des projets de très grande qualité” » [125].
159 Cette rentrée est aussi l’occasion, pour deux universités, d’annoncer leur changement de nom. Les FUNDP s’appellent désormais Université de Namur (UNamur) et les FUSL prennent le nom d’Université Saint-Louis - Bruxelles (USaint-Louis).
160 Enfin, le 17 septembre 2012, le ministre Marcourt affiche ses ambitions. « Le projet de réorganisation de l’enseignement supérieur propose de passer d’une logique confessionnelle, qui s’articule aujourd’hui autour des académies (…), à une logique dite de pôles, basée sur le regroupement des établissements d’enseignement supérieur (universités, hautes écoles, écoles des arts) dans une même zone géographique : “J’ai demandé à tous les acteurs (universités, hautes écoles…) d’aller au bout de leur réflexion pour me permettre de retourner devant le gouvernement avec un projet de décret complet avant la fin de l’année. Il dépassera le cadre du simple paysage. Ce sera une réforme complète.” » [126]
4.2. Que faire de l’Institut libre Marie Haps ?
161Plusieurs fois au cours de 2011 puis de 2012, le problème de l’intégration des écoles de traduction et interprétariat aux universités est posé. En 2007, le législateur communautaire avait pu croire que le problème, qui touchait également les instituts d’architecture, était définitivement résolu. La ministre M.-D. Simonet, par le décret du 13 décembre 2007, avait octroyé des « habilitations conditionnelles » à certaines universités, qui les autorisaient à organiser des programmes d’études à condition que ceux-ci ne soient pas nouveaux et qu’ils soient organisés avec des hautes écoles [127]. Sans en faire l’inventaire complet, retenons que, à Bruxelles, l’ULB – pour l’Institut supérieur de traducteurs et interprètes (ISTI, de la HEB) et l’Institut d’enseignement supérieur Lucien Cooremans (IESLC, de la Haute École Francisco Ferrer, HEFF) – et les FUSL – pour l’Institut libre Marie Haps (ILMH) – avaient reçu cette habilitation conditionnelle. Sur les raisons qui avaient conduit à concevoir ce montage, et plus encore sur la manière dont il fallait le considérer désormais que la fusion avait échoué, les interprétations se sont révélées contradictoires.
162 La position de l’UCL a été d’affirmer que ce montage partait de la certitude de la réussite de la fusion des quatre composantes de l’AUL. L’ILMH souhaitait en réalité renforcer une collaboration déjà ancienne avec l’UCL ; l’« habilitation conditionnelle » accordée aux FUSL était le moyen technique le plus simple de lui permettre de le faire, dès lors que les FUSL étaient appelées à se fondre rapidement dans la grande UCLouvain en gestation. La ministre Simonet avait validé cette interprétation, confirmée aussi en 2013 par plusieurs observateurs, dont La Libre Belgique : « Selon la très grande majorité de nos sources proches de ce dossier, cette habilitation conditionnelle aurait été octroyée à l’époque à Saint-Louis “dans l’optique de la fusion des universités catholiques francophones (UCL, FUNDP, FUSL et FUCaM) en une [université unique]” (…). Autrement dit, si l’Institut Marie Haps [ILMH] avait accepté cette habilitation conditionnelle avec Saint-Louis en 2007, “c’était très clairement parce que nous souhaitions être intégrés à l’UCL, université (…) complète”, (…) reconnaît Damien Huvelle, directeur de Marie Haps. » [128]
163 Quoi qu’il en soit, le recteur de l’UCL a pris les devants, par le courrier qu’il a cosigné le 27 mai 2011 avec cinq directeurs de hautes écoles, dont la HE Vinci (dont fait partie l’ILMH). Ce courrier, déjà commenté dans ces pages, plaide pour que les collaborations en place soient poursuivies et renforcées. Parmi ces collaborations, il y a bien sûr celle entre l’UCL et l’ILMH.
164 Le 15 juillet 2011, les responsables de l’ILMH expriment dans la presse leur déception de voir que le cabinet Marcourt a prévu de respecter les habilitations conditionnelles et donc de rattacher l’ILMH aux FUSL. « Marie Haps, et plus globalement la HE Vinci, regrette de se voir imposer un transfert à Saint-Louis. Paul Anciaux, directeur-président de la HE Vinci, et D. Huvelle, directeur de Marie Haps, n’ont officiellement appris ce projet que [le 13 juillet], lors d’une rencontre avec le cabinet Marcourt. “Je suis outré de voir des procédures pareilles, peste P. Anciaux. Marie Haps est le seul institut qui n’a pas pu choisir son partenaire universitaire. C’est contraire au principe de la liberté d’association.” Car, si Marie Haps travaille avec Saint-Louis, l’institut collabore davantage encore avec l’UCL, et il voudrait intégrer l’université complète, comme les autres hautes écoles. » [129]
165 Le 8 septembre 2011, la HE Vinci, la HE ICHEC-ISFSC, la HE Galilée et l’EPHEC font savoir au ministre « leur “opposition au projet de démantèlement de la zone Bruxelles-Brabant wallon”. Ces quatre hautes écoles accueillent, à Bruxelles et à Louvain-la-Neuve, 60 % de la population étudiante des hautes écoles de Bruxelles et du Brabant [wallon]. Elles estiment que ce projet “met à mal le principe fondamental de la liberté d’association et d’initiative” et “ruine le produit de plusieurs années de collaboration entre les quatre hautes écoles et l’UCL”. Elles revendiquent dès lors “l’insécabilité de la zone Bruxelles-Brabant wallon” qui “correspond à une évidente réalité en termes de recrutement étudiant, de bassin de vie, d’emploi, d’études, de transports, entre Bruxelles et sa métropole et positionne tous les partenaires sur le plan international (…). Toute initiative de cadrage géographique ignorant ces réalités entraînerait une perte des acquis et des efforts consentis et risquerait de paralyser leur développement” » [130].
166 Ce courrier en appelle un autre, daté du 12 septembre 2011 et signé par les responsables de l’ULB, des FUSL, de l’ISTI et de l’IESLC. La Libre Belgique en fait état : « [Les signataires] dénoncent le fait que l’UCL souhaite remettre en cause l’habilitation conditionnelle (…) attribuée en 2007 à Saint-Louis par la ministre (…) Simonet. Si UCL et Marie Haps estiment que cette habilitation a été accordée dans la perspective de la fusion finalement avortée entre Saint-Louis et l’UCL, les signataires jugent cet argument “fallacieux et inexact” car, en 2007, “rien ne permettait d’augurer de la réussite ou de l’échec de l’entreprise”. Remettre en cause les fragiles équilibres de l’époque, écrivent-ils, “ne manquerait pas d’entraîner des réactions en chaîne dont les conséquences seraient, à coup sûr, préjudiciables à la sérénité au sein de l’enseignement supérieur et au bon usage des deniers publics”. Quant à l’argument de la liberté d’association brandi par l’UCL et l’ILMH, les auteurs du courrier [soulignent que] “cet objectif légitime consiste à coordonner les enseignements supérieurs, à organiser l’offre d’enseignement de la façon la plus rationnelle et à limiter toute concurrence inutile entre institutions en renforçant les collaborations sur un site géographique donné”. En d’autres termes, poursuivons les rapprochements entre écoles bruxelloises et, au-delà, universités bruxelloises, plutôt que d’augmenter la concurrence en faisant entrer un nouvel acteur (l’UCL) sur le terrain des études de traduction à Bruxelles. » [131]
167 Un an plus tard, le dossier n’a guère évolué. Le 17 septembre 2012, à l’occasion de la rentrée académique de l’UCL, le recteur B. Delvaux prononce un discours dans lequel il donne ses options, jusque-là inédites, par rapport à la formation des interprètes et traducteurs à Bruxelles : « L’une de nos ambitions pour Bruxelles est d’ériger les fondements d’une “école des langues” avec six partenaires présents dans un rayon de moins de 25 kilomètres : trois institutions universitaires, dont l’ULB et l’UCL, trois hautes écoles dont l’Institut Marie Haps. Comment ? En valorisant, à moyens constants, les compétences et complémentarités des institutions présentes pour accroître la qualité de l’offre de formation pour le plus grand bénéfice des étudiants et du service public au niveau européen, aux portes du Parlement de l’Union ! Quel bénéfice pour les étudiants ! Quelle ambition pour Bruxelles ! Peut-on l’annihiler par un réductionnisme territorialiste ? Celui-ci n’est-il totalement contraire à l’esprit libre ? » [132]
168 Le 21 septembre 2012, à l’occasion de la rentrée académique de son institution, le recteur de l’ULB, D. Viviers, lui répond de manière très nette et affirme la position de son université par rapport au dossier des écoles d’interprètes et traducteurs. « L’ULB vit “comme une véritable agression” l’ambition affichée par l’UCL de s’implanter davantage à Bruxelles, son “territoire naturel” (…). Qualifiant de “stratégie de concurrence ouverte” l’ambition de l’UCL d’organiser à l’avenir des formations en langues dans la capitale, le recteur bruxellois, D. Viviers, estime, lui, bien suffisante l’offre actuelle en matière d’enseignement supérieur à Bruxelles (…). “Il y a un peu de l’universalisme conquérant historiquement associé à l’histoire catholique dans [ces] positions”, a grincé D. Viviers. “Il faut quitter la logique du réseau tentaculaire, où tous les chemins mèneraient à Louvain...” » [133]
169 Le 25 septembre 2012, le recteur de l’USaint-Louis, J.-P. Lambert, rappelle son soutien au projet de refonte du paysage de l’enseignement supérieur du ministre Marcourt. Il s’en prend ensuite à l’UCL, sans la nommer : « Une université, manifestement mal inspirée, tente, depuis de nombreux mois, un forcing pour franchir la ligne rouge et exiger, à son profit, de nouvelles habilitations (que ce soit directement, ou par intégration de catégories du supérieur hors université de type long ou via co-diplomation) dans le “territoire naturel” d’autres universités. Ce faisant, elle joue avec le feu. Ces autres universités se sentent évidemment agressées par cette tentative de rupture violente des règles du jeu et n’hésiteront pas, si l’“agresseur” devait par malheur obtenir gain de cause, à répliquer par l’exigence de compensations sous la forme d’octroi de nouvelles habilitations, pour elles aussi, sans doute pour l’essentiel, hors de leur “territoire naturel” (…). Nous en appelons donc aux responsables politiques, en tant qu’instance de “régulation”, à prendre leurs responsabilités (…) pour faire respecter les règles du jeu et empêcher que soit franchie la ligne rouge. » [134]
170 Ces prémisses bien établies, il présente sa vision de la manière dont le dossier des instituts de traduction-interprétariat devrait évoluer : « Dès ses premiers contacts avec les recteurs, le ministre Marcourt avait annoncé qu’il souhaitait mettre fin à la situation “hybride” et inéquitable qui prévaut actuellement au sein de la catégorie “traduction-interprétation”. Il avait, en conséquence, soumis au gouvernement un avant-projet de décret visant à régler, par intégration à l’université, la situation actuellement insatisfaisante des instituts de traducteurs et interprètes de Bruxelles et de Liège (la situation à Mons ayant déjà été réglée par décret en 2007, cf. supra). À cette fin, il a tout logiquement activé les dispositions du décret du 13 décembre 2007, qui conféraient, à Bruxelles, des habilitations en traduction-interprétation à l’ULB et aux FUSL et celles d’un décret ultérieur qui conféraient, à Liège, ces mêmes habilitations à l’ULg [135]. Cet avant-projet de décret prévoyait donc, à l’échéance de la rentrée 2012, l’intégration à l’ULg des traducteurs et interprètes de la Haute École de la Ville de Liège (HEL), l’intégration à l’ULB des traducteurs et interprètes de l’ISTI et de Cooremans [IESLC] et l’intégration aux FUSL des traducteurs et interprètes de l’Institut libre Marie Haps, avec lequel nous collaborons déjà de longue date dans une relation de confiance, d’estime et de respect mutuel (…). Si tout se passe comme prévu, nous [les FUSL] aurons donc le plaisir d’accueillir, à la rentrée académique 2013, les étudiants et le personnel de la catégorie “traduction-interprétation” de l’Institut libre Marie Haps, qui constitueront une (nouvelle) faculté de notre université, avec toutes les prérogatives de chacune de nos facultés. L’avant-projet de décret prévoit aussi la création d’un “institut de traducteurs et interprètes de Bruxelles”, qui sera géré, de façon paritaire, par l’ULB et les FUSL. Voici déjà, en point de mire, un ambitieux et enthousiasmant projet de collaborations potentiellement fécondes, facilitées par la proximité géographique, par-delà les traditionnels clivages philosophiques. » [136]
171 Le 9 octobre 2012, en commission parlementaire, F. Bertieaux questionne le ministre Marcourt : « J’ai constaté que les universités ont des visions très différentes, voire opposées, de l’intégration des filières de traduction et d’interprétariat de l’Institut Cooremans, de l’Institut libre Marie Haps et de l’Institut supérieur de traducteurs et interprètes [ISTI] (…). Chacun affirme ses choix apparemment sur la base d’un avant-projet de décret que vous avez rédigé, ce qui signifie que vous avez pris position. Pouvez-vous dès lors nous le communiquer ? » [137]
172 Le ministre donne une réponse très argumentée à cette question : « Il faut reconnaître que, cette année, les universités ont fait fort. Je pense qu’il est grand temps d’évoluer et de créer un dialogue entre l’ensemble des institutions concernées afin de sortir du problème par le haut, car tant les FUSL de Bruxelles que l’ULB ressentent la déclaration [de l’UCL] comme une agression à leur égard (…). Mon prédécesseur avait [introduit] le concept d’“habilitation conditionnelle”, permettant certaines co-organisations et co-diplomations entre universités et établissements d’enseignement supérieur (…) pour les études d’architecture et de traduction-interprétation (…). Tous nos instituts supérieurs d’architecture ont (…) été intégrés aux universités (…) selon les habilitations conditionnelles pré-existantes, respectant ainsi scrupuleusement l’esprit de cette disposition [138]. Pour les traducteurs-interprètes, un site a directement fait l’objet d’une mesure particulière : le décret du 13 décembre 2007 intégrait d’emblée l’École d’interprètes internationaux de Mons à l’UMons. Tant à l’époque que pendant la tenue de la table ronde de l’enseignement supérieur, l’ensemble des acteurs ont vivement critiqué une mesure d’intégration non homogène qui crée une disparité de statut préjudiciable aux étudiants et aux enseignants. Raison pour laquelle j’ai (…) préparé un avant-projet de décret intégrant les trois catégories de traduction-interprétation encore organisées en haute école (…) en suivant les habilitations conditionnelles existantes. Malheureusement (…), autant ce principe a été accepté pour les écoles d’architecture, autant ici et uniquement pour Marie Haps, cela n’a pas fait l’objet d’un consensus, [l’UCL] considérant qu’il fallait revenir sur la proposition faite par Mme Simonet d’attribuer l’habilitation conditionnelle à Saint-Louis plutôt qu’à l’UCL (…). À Bruxelles, les trois hautes écoles [de traduction-interprétariat] collaborent déjà pour se répartir les enseignements des langues dites rares. Le projet que j’avais déposé officialisait ainsi cette collaboration en créant une vitrine commune pour ces études, baptisée École des langues de Bruxelles. Cette association concerne en priorité l’organisation des études avec les deux universités habilitées dans le domaine des langues et lettres en région bruxelloise, à savoir l’ULB et les FUSL. Pour rappel, l’UCL n’est juridiquement habilitée pour ces matières que sur son site de Louvain-la-Neuve (…). Il est indispensable que les différents acteurs se réunissent (…) pour dégager une piste originale qui permettrait de sortir par le haut de cette difficulté. » [139]
173 Le dossier de l’intégration de l’ILMH à l’université ne devient difficile et délicat que parce que la fusion des quatre institutions qui devaient se fondre dans l’UCLouvain a échoué. Il s’agit là d’un des dossiers qui poseront des problèmes jusqu’aux derniers moments de la préparation du décret Paysage.
4.3. Vers le point culminant de l’opposition au projet de décret Paysage
174 Au cours de l’automne 2012 et des premiers mois de l’année 2013, l’opposition de certains acteurs au projet de décret Paysage culmine. Cette opposition est à l’origine d’affrontements à l’intérieur même du champ de l’enseignement supérieur et de tensions au sein du gouvernement de la Communauté française.
4.3.1. Les tensions politiques au sein de la majorité
175 Le 25 octobre 2012, Le Soir relaie des informations précises sur l’avant-projet de décret Paysage. André Coudyzer, secrétaire général de la FEDESUC et président du CGHE, est invité à y réagir : « “Je retiens deux choses (…). Ce projet incarne la vision régionaliste du ministre en favorisant Liège et Bruxelles, et il pénalise l’enseignement libre confessionnel (catholique), en particulier, et les hautes écoles, en général. Dans le projet tel qu’on nous le présente, ce sont les universités, seules, qui seront habilitées à organiser les masters. La porte n’est pas complètement fermée pour les hautes écoles mais, si elles conservent la possibilité de les organiser, ce sera sous la coupole ou le pilotage des universités (…)”. Concernant les hautes écoles de Bruxelles, A. Coudyzer s’inquiète de l’avenir des synergies qui ont été mises en place. “Des partenariats ont été conclus entre l’UCL et des hautes écoles qui seraient désormais intégrées au pôle bruxellois sous la houlette de l’ULB…” Il y a plusieurs mois déjà, l’école de traduction-interprétation bruxelloise Marie Haps (Haute École Léonard de Vinci) avait tiré l’alarme et demandé au ministre de “respecter sa volonté de collaboration étroite avec l’UCL”. Elle n’a pas été entendue. L’UCL et le CDH non plus, qui réclamaient l’insécabilité de la zone Bruxelles-Brabant wallon. Pour le CDH, non seulement l’UCL a sa faculté de médecine à Woluwe-Saint-Lambert, mais elle doit pouvoir poursuivre ses collaborations avec une série de hautes écoles basées à Bruxelles, comme l’ICHEC (masters en ingéniorat commercial, en gestion de l’entreprise et en sciences commerciales) ou l’IHECS (journalisme et communication). En coulisse, si le projet reste en l’état, on parle d’une “déclaration de guerre” contre l’enseignement catholique dès lors qu’il isole l’UCL géographiquement et l’empêche désormais de nouer et de renforcer des partenariats en dehors de sa zone avec d’autres institutions. L’objectif idéologique, explique-t-on, se doublerait d’une ambition de contrôle politique du supérieur par la Communauté française, via la nomination d’un administrateur général de l’ARES, puisqu’elle se ferait sur proposition… du ministre de l’Enseignement supérieur. » [140]
176 Le 14 novembre 2012, un débat thématique sur les « perspectives de la réforme du paysage de l’enseignement supérieur » a lieu au Parlement de la Communauté française.
177 La première intervenante, Joëlle Kapompolé (PS), souligne d’abord le « courage » et l’« écoute » du ministre. Elle explicite ensuite le rôle que son groupe impute à l’enseignement supérieur : « Il faut insister sur l’indispensable dimension internationale d’une université, mais elle doit aussi s’ouvrir aux besoins de la région dans laquelle elle est implantée. C’est le cas de l’UMons, mais aussi de toutes les universités de notre Fédération Wallonie-Bruxelles. Au-delà des préoccupations universitaires, les pôles tels qu’ils sont pré-visualisés ont l’avantage de provoquer, d’inculquer et de renforcer les collaborations entre tous les types d’établissement. » [141]
178 E. Disabato prend le relais, en s’appuyant sur ce que Le Soir a publié le 25 octobre. Il synthétise d’abord les informations disponibles, pour poser une longue liste de questions, dont la dernière porte sur le calendrier de la réforme : « Comme vous l’avez déjà annoncé, des structures territoriales seraient créées autour de l’ULB, de l’UCL, de l’ULg, de l’UMons et des FUNDP afin de développer des collaborations entre universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts géographiquement proches. Chaque établissement serait membre du pôle où se trouve son siège social ainsi que du ou des pôles où il compte une implantation formelle, son appartenance au pôle étant dans ce dernier cas limitée. Toujours selon la même source, la gestion des habilitations se ferait au niveau du pôle, une institution non membre pouvant être habilitée à organiser une nouvelle formation à condition de se placer dans le cadre d’une co-diplomation avec une institution membre. Comment comptez-vous vous y prendre pour faire aboutir ce dossier d’ici à la fin proche de cette législature ? » [142]
179 C’est ensuite le tour de F. Bertieaux : « M. Disabato a bien résumé ce que nous avons tous appris. Cela me dispense de l’exercice de refaire l’historique. Je passerai dès lors directement à nos questions et constats (…). D’annonce en annonce, de note en note, de difficulté non résolue en difficulté non résolue, les crispations et les inquiétudes sont devenues de plus en plus fortes (…). Après la sécession de l’UMons par rapport à l’ULB et l’échec de la [fusion au sein de l’]Académie Louvain, tout le monde est globalement d’accord pour dire qu’il faut revoir l’organisation du paysage de notre enseignement supérieur. Toutefois, mon groupe ne veut pas que cette réorganisation préfigure une pré-régionalisation de l’enseignement supérieur, même si les universités bruxelloises semblent plutôt heureuses de ce qui se prépare. En cas de régionalisation, ces mêmes universités viendront pleurer chez nous en déplorant la misère dans laquelle vous les avez plongées. Si la réforme que vous nous concoctez ne débouche pas sur un processus équilibré, vers un déploiement des trois universités complètes actuelles, elle ne pourra jamais produire durablement ses effets. Si vous arriviez à imposer par la force au sein du gouvernement ce qui semble aujourd’hui bloqué, la réforme sera remise à plat par votre successeur. Pendant toute cette période d’incertitude, on restera dans l’immobilisme (…). J’ai lu attentivement l’article du journal Le Soir du 25 octobre. Je le cite (…) : votre “objectif idéologique se doublerait même d’une ambition de contrôle politique de l’enseignement supérieur par l’administration et plus précisément par ce fameux administrateur général dont le nom circule déjà”. Cela permettra de couronner la carrière d’un de vos collaborateurs assez proche. La suspicion qui règne dans le secteur est malsaine ! L’article mentionne également une nouveauté relative à l’organisation des masters. Les hautes écoles de type long désapprouvent totalement l’idée que désormais seules les universités seraient habilitées à organiser des masters (…). La plupart des hautes écoles souhaitent s’associer librement et collaborer sur un pied d’égalité avec des universités de leur choix, comme cela s’est produit avec le décret pour la fusion entre la haute école Hautes études commerciales de Liège (HEC-Liège) et l’ULg en 2004. Aucune n’accepte d’être associée de force à un pôle universitaire qu’elle n’a pas choisi et encore moins à un système qu’elles voient comme une régression de leur statut, un manque de respect pour les enseignements qu’elles prodiguent à des dizaines de milliers d’étudiants ! (…) Comment comptez-vous procéder pour atteindre vos objectifs dans les délais fixés avec l’ensemble des acteurs concernés derrière vous, pour avancer ? Sans une réforme équilibrée, vous n’obtiendrez pas de consensus. » [143]
180 M. Elsen rappelle ensuite les « critères qui paraissent essentiels [au CDH] pour la bonne réussite d’une réforme de ce type » : « Tout d’abord, la liberté d’association et l’autonomie de gestion des établissements sont les piliers d’une réforme de qualité (…). Si elle doit tenir compte d’une certaine logique géographique, celle-ci doit surtout être définie en fonction du périmètre d’action potentiel des acteurs. Par ailleurs, il est indispensable de prendre en considération l’histoire des établissements d’enseignement supérieur concernés, leurs pratiques, le contenu de leur projet pédagogique, académique, social et culturel. En faire abstraction risque de handicaper la réforme, étant donné les réalités des établissements et leur coopération efficace. Il faut également maintenir un lien fort entre Bruxelles et le Brabant wallon en tenant compte des réalités géographiques, de l’offre d’enseignement de proximité ainsi que des étudiants qui choisissent un établissement en fonction de son projet pédagogique et de leur projet d’études. » [144]
181 Après une intervention de Stéphane Hazée (Écolo), le ministre Marcourt prend la parole : « Le texte diffusé par la presse est un document de travail interne de mon cabinet. Je ne l’ai pas approuvé et il n’a donc, a fortiori, pas été validé par le gouvernement (…). Ce document était une ébauche qui servait de base à une consultation (…). Ce document est obsolète car la note qui lui a servi de base a depuis évolué (…). À certains moments, l’une ou l’autre université se sent menacée. Mme Bertieaux a fait allusion aux discours de rentrée dans certaines universités ; ces propos m’ont fort marqué, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité accélérer le mouvement, laissant à chacun le temps de revenir au dialogue (…). Mme Bertieaux a relevé une volonté de politisation. Oui, il y aura une administration, tout comme il y a aujourd’hui quelques personnes qui travaillent au CIUF, au Conseil général des hautes écoles ou au Conseil supérieur de l’enseignement supérieur artistique. Il ne s’agit évidemment pas d’aller au-delà mais il me semble important de rassembler les équipes de ces trois conseils (…). Certains ont parlé du rapprochement entre le Brabant wallon et Bruxelles. Je me demande pourquoi le Hainaut, Namur et Liège ne pourraient pas être proches de Bruxelles mais soit, passons sur ces questions. » [145]
4.3.2. La campagne de communication de l’UCL de novembre et décembre 2012 et les réactions suscitées
182 Tout au long de la période de forte tension avec le cabinet Marcourt, c’est-à-dire dès le mois de mars, les autorités de l’UCL se sont efforcées de maîtriser les communications des membres de leur personnel à propos du projet Marcourt. À partir de la fin du mois de novembre, elles développent une critique tous azimuts du projet : séances d’information auprès du personnel, diffusion de messages auprès des alumni et publication d’une critique documentée du projet dans un numéro spécial du journal de l’université, la Quinzaine (décembre 2012) : « Un nouveau paysage pour les universités. Quels impacts ? » [146].
183Le 29 novembre 2012, le recteur de l’UCL s’associe une nouvelle fois aux responsables de la HE Vinci, de l’ICHEC, de la HELHA, de l’EPHEC et de la HE Galilée pour adresser un courrier aux ministres du gouvernement de la Communauté française, « dans lequel ils s’étonn[ent] de n’avoir pas eu de réponse du ministre Marcourt à leur précédent courrier (mai 2011) » [147]. Ils adressent ensuite une critique de la manière dont ont été définis les pôles géographiques : « Le critère géographique n’est visiblement pas le seul utilisé puisqu’on sépare Bruxelles et le Brabant wallon alors qu’on regroupe, au sein d’un même pôle, Liège et Arlon, Charleroi, Mons et Tournai, bien plus éloignés que ne le sont Bruxelles et Louvain-la-Neuve. Le pôle Bruxelles-Brabant wallon est insécable car il correspond à un seul bassin de vie. Séparer Bruxelles du Brabant Wallon a en outre le défaut de séparer le secteur des sciences de la santé de l’UCL de sa maison mère alors même qu’en termes d’étudiants et d’enseignants-chercheurs, ce seul secteur est de taille supérieure à l’UMons et aux FUNDP [l’UNamur] sans prise en compte des cliniques universitaires Saint-Luc. » [148]
184 Plusieurs composantes de l’UCL rendent publique leur critique du ministre Marcourt. Nous avons déjà évoqué la carte blanche publiée dans Le Soir du 12 décembre 2012, dans laquelle deux professeurs expriment leur crainte de voir dans le projet du ministre l’amorce d’une régionalisation de l’enseignement supérieur [149]. Avant cela, dès le 5 décembre 2012, dans La Libre Belgique, le professeur Vincent Vandenberghe livre une analyse mettant en avant que la distance culturelle empêche plus sûrement certaines catégories de jeunes de rejoindre l’enseignement supérieur que la distance géographique: « L’avant-projet du ministre J.-C. Marcourt de réforme du paysage de l’enseignement supérieur, notamment la volonté de regrouper les hautes écoles et les universités par pôles géographiques, est généralement présenté comme le moyen d’assurer un meilleur accès des étudiants à l’enseignement supérieur, où qu’ils soient situés. Le postulat est que la distance géographique jouerait un rôle de dissuasion dans certains milieux socio-culturels quant à la décision d’entreprendre des études supérieures. Cette représentation est intéressante, mais elle reste théorique (…). Car, sur le terrain, on s’aperçoit que le taux d’accès dans les établissements reste faible dans des zones où de nombreux programmes sont proposés et les coûts de transport faibles (exemple : Bruxelles-Ville). Le taux d’accès à l’université est aujourd’hui plus élevé dans la province de Luxembourg que dans le Hainaut. Or la province hainuyère compte plus d’universités que la province ardennaise. La littérature scientifique qui a étudié cette question dans d’autres pays, généralement bien plus vastes que la Fédération Wallonie-Bruxelles, conclut tantôt à l’absence d’effet de la distance, tantôt à l’existence d’un effet faible (…). Si une action doit être menée, c’est pour rapprocher “culturellement” l’enseignement des étudiants et non pas “géographiquement”. » [150]
185 Quelques jours plus tard, dans une carte blanche publiée le 11 décembre 2012 dans Le Soir, le professeur Éric Haubruge, vice-recteur de Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT, faculté des sciences agronomique de l’ULg), commente l’opportunité de livrer à ce moment pareille analyse : « Ceux qui se font passer pour des victimes de l’arbitraire politique souhaitent-ils vraiment le débat ? À la lecture de La Libre du 5 décembre (…), on peut en douter. » [151]
186 Le 7 décembre 2012, trois professeurs de l’UCL (Vincent Vandenberghe, économiste, Paul Nihoul, juriste, et Vincent Dujardin, historien) s’associent pour livrer leur analyse au Soir : « Jamais en Belgique, depuis 1830, nous n’avons été confrontés à un projet susceptible de modifier à ce point la gouvernance de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment en étendant significativement le champ d’intervention de la puissance publique, et en mettant sur pied un modèle de gouvernance centralisateur, à contresens des évolutions observées ailleurs dans le monde, coûteux et porteur d’un grand risque de politisation (…). L’État “financeur/régulateur” que nous connaissions jusqu’ici se prépare donc à assurer un rôle de “producteur” à grande échelle. Est-ce une nécessité ? Certainement pas. Est-ce pour un mieux ? Rien n’est moins sûr (…). Les arguments plus “contemporains”, favorables au modèle historique de l’université autonome, s’organisent autour de l’idée suivante : “Mieux vaut que l’État se décharge des activités de production/gestion vers des opérateurs locaux, plus au fait de réalité de terrain. L’État doit se concentrer sur la formulation d’objectifs généraux et sur l’exercice du contrôle du bon usage des deniers publics, au nom de l’intérêt général.” (…) En filigrane du projet Marcourt, il y a aussi l’idée que l’État doit unifier sous sa bannière les “réseaux” pointés comme “héritage du passé”. C’est faire fi de la nature des universités à l’aune de l’Histoire, ainsi que celle de l’enseignement supérieur dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les hautes écoles ou universités à caractère public y sont minoritaires. Il y a d’ailleurs plusieurs réseaux “libres”, pas seulement le “catholique”. L’Université de Bruxelles relève aussi du “libre”. Aujourd’hui, le fait de relever d’un réseau “libre” renvoie à une forme de gouvernance originale, laquelle doit être considérée comme une alternative intéressante au modèle centralisateur qui sous-tend l’avant-projet Marcourt. Cette forme de gouvernance est fort développée dans le secteur de l’enseignement supérieur ailleurs dans le monde (…). Comme le montre une étude menée à l’ULB, à niveau de financement donné, [les performances] sont meilleures lorsque les universités disposent d’une grande autonomie en matière de budgets, de recrutement de personnel, de définition du contenu des cours et de confection de programmes… En matière de gouvernance, la recommandation, dans le monde entier, est unanime : “Ne transformez pas les établissements supérieurs en administrations.” (…) La centralisation administrative conduit à un plus grand contrôle du pouvoir public. Or, il n’existe pas en Belgique d’entité proche de la puissance publique, où les décisions ne sont pas fondées, de manière substantielle, sur des critères politiques (…). La Fédération Wallonie-Bruxelles aurait tout à perdre en laissant se “politiser” son enseignement supérieur. » [152]
187 Une réponse à cette carte blanche est publiée le 20 décembre 2012 sur le site de l’hebdomadaire Le Vif/L’Express par Jean-Olivier Defraigne, professeur de médecine à l’ULg et chef du service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique au CHU de Liège : « Dans la carte blanche du Soir du 7 décembre, et dans une condescendance insupportable, trois professeurs de l’UCL rappellent que l’enseignement supérieur en Communauté française est essentiellement libre (…). On omet de citer la France, où l’État laïque a entrepris des réformes majeures dans le domaine des universités qui s’en sont félicitées (…). Inévitablement, les regroupements français ont eu une base régionale. Dire qu’en Communauté française la majorité de l’enseignement est libre participe soit d’une manifestation supplémentaire de mauvaise foi (…) soit, moins gravement, d’une ignorance si l’on considère que les universités libres sont financées par le public. » [153]
188 Le 13 décembre 2012, un collectif de médecins des cliniques universitaires Saint-Luc (Xavier Banse, Frédéric Lecouvet, Bernard Tombal, Jean-Louis Vanoverschelde) et de Mont-Godinne (Olivier Vandenplas et Yves Vandermeeren) publie une carte blanche dans le journal Le Soir pour dénoncer les effets pervers qu’ils associent au projet en cours : « Par sa réforme, le ministre Marcourt veut imposer un carcan géographique (…). Sa réforme ne fera que (…) diviser, établir des frontières. Une logique administrative, étatique – et probablement politisée – va prendre le dessus sur les valeurs de service et d’ouverture sur la société que nous vivons au sein de nos cliniques. Ce qui suit n’est pas de la fiction : si les intentions du ministre Marcourt se concrétisent, à moyen ou long terme, la faculté de médecine et les cliniques de l’UCL (Saint-Luc et Mont-Godinne) se verront séparées de leur université mère. À Bruxelles, le pôle mis en place serait présidé par le recteur de l’université qui y détient son campus principal (l’ULB). Les médecins formés à l’UCL verraient leur diplôme signé par ce même président de pôle (…). Dans le projet de décret, le pôle a autorité pour rationaliser les habilitations et donc autoriser – ou non – la formation dans certaines spécialités. Il n’y aura plus qu’un pas à franchir pour imaginer le détricotage de la médecine à l’UCL. Les médecins des cliniques universitaires Saint-Luc et de Mont-Godinne rappellent leur attachement organique à l’UCL. C’est là que nous nous interrogeons… Pourquoi détruire ce qui fonctionne ? » [154]
189 Le 13 décembre 2012 également, « les étudiants de l’UCL et des hautes écoles présentes sur le site néo-louvaniste suspend[ent] les cours, entre 12h30 et 13h30, et organis[ent], dans le quart d’heure qui a suivi, des séances d’information » [155].
190 Réunie le 15 décembre 2012, l’assemblée générale des professeurs de l’UCL, tout en saluant certains objectifs de la réforme proposée, souligne que celle-ci n’inclut aucune proposition de modification du mécanisme de financement de l’enseignement supérieur, alors que celui-ci est la véritable source de la concurrence que se font les universités. L’assemblée générale identifie un autre problème dans les dispositions contenues dans le projet du ministre : « Une collaboration contrainte sur base géographique est contraire à la Constitution, qui protège à la fois la liberté d’association et la liberté d’enseignement. Elle ignore que la dimension tant de la recherche que de l’enseignement est (re)devenue véritablement “universelle”, et non pas sous-régionaliste. Elle n’incite pas les universités à engager des équipes et des moyens matériels hors des frontières de leur pôle de référence, ou à coopérer pour des projets communs, tels que, par exemple, il conviendrait d’en développer davantage à Charleroi. Toutes les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles servent un environnement bien plus large que leur sous-région : elles doivent continuer à participer au développement intellectuel, social et économique, de toute notre société, et à tout le moins de toute la Fédération Wallonie-Bruxelles. » [156]
191 Dans une interview accordée le 14 décembre 2012 à La Libre Belgique, le ministre critique vivement la stratégie d’opposition menée par l’UCL : « L’immense majorité des acteurs soutient mon projet. Mais ce projet, on ne peut pas le prendre par morceaux. Il a sa cohérence globale. Il passera dans sa cohérence, ou il ne passera pas (…). On change un paradigme. On sort du XIXe siècle pour rentrer dans le XXIe. Certains restent braqués sur le XIXe. [(Question) : Ceux qui défendent l’organisation de l’enseignement supérieur sur base confessionnelle ?] Ils ne défendent même pas ça. Ils ont peur et rendent dès lors les choses difficiles. Rien dans mon texte ne prive demain une université ou une haute école d’un droit qu’elle a aujourd’hui. Rien. Il y a par contre une véritable articulation. Demain, ce ne sera plus l’empirisme. Ce ne sera plus “J’ai envie”. Il faudra démontrer des cohérences pour développer des projets. C’est cela la vraie révolution. Et en cela, on rompt avec l’idée “Chacun dans son camp : les laïques, les chrétiens”. Arrêtons ! Les étudiants, les professeurs, le monde académique est sorti de cela. Mais il y a encore quelques résistances : trois ou quatre hautes écoles à Bruxelles et l’UCL ont peur. Aucune collaboration demain ne sera interdite par ce projet. Aujourd’hui est-ce que l’UCL peut aller développer le droit à Bruxelles ? Non. Et demain ? Pas plus, pas moins. Et si l’on se penche sur l’ICHEC, l’IHEPS et Marie Haps [ILMH], soit les tous grands problèmes dont on parle (le reste c’est de la fumisterie), s’ils veulent demain collaborer avec l’UCL, ils le feront ; s’ils veulent fusionner avec l’UCL, par contre, ils ne le pourront pas. Mais le problème est le même aujourd’hui. Ce qu’on souhaiterait, c’est par exemple, qu’il y ait à Bruxelles une articulation IHECS–ULB–UCL–Saint-Louis, avec des programmes autonomes mais une concurrence arrêtée. » [157]
192 Dans la suite de l’interview, le ministre déclare également : « Il n’y a pas de rationalité à l’opposition à mon point de vue. Personne, à aucun moment, ne dit : “Voilà pourquoi j’ai peur”. C’est juste : “Je ne veux pas de quelque chose qui casse un modèle ancien”. Mais ce modèle est dépassé, archaïque. Le modèle des piliers, c’est une stupidité sans nom. Plus personne aujourd’hui ne reconstruirait un modèle sur cette base. Et pourtant, la peur ne repose que sur cela : “Nous avons été proches depuis un siècle et demi, donc on doit le rester.” Mais qui les en empêche ? » [158]
193 Le lendemain, 15 décembre 2012, dans le même journal, F. Bertieaux livre son commentaire sur les propos du ministre : « Il traite de “stupide” tout qui ne partage pas son avis. Il y a vraiment dans son chef cette volonté de conserver l’idéologie de son projet coûte que coûte, quelles que soient les objections qui lui sont faites. C’est quand même une approche relativement arrogante (…). Ce que [le ministre] appelle du “pilotage”, moi je qualifie cela de “dirigisme” du gouvernement sur le secteur de l’enseignement supérieur (…). La nomination d’un administrateur général par le gouvernement témoigne d’une mainmise du politique sur les lignes directrices du secteur, ce qui n’a jamais existé jusqu’à présent. L’autonomie de l’enseignement supérieur est un élément crucial. En aucun cas, il ne peut y avoir de dirigisme gouvernemental ni d’ingérence du politique sur ce secteur. » [159]
194 Le 18 décembre 2012, en réponse à l’interview du ministre Marcourt publiée le 14 décembre, un courrier lui est adressé par les divers représentants des corps et de l’Assemblée générale des étudiants de Louvain (AGL) [160] : « Les propos dénigrants, à la limite de l’insulte, que vous tenez dans La Libre Belgique du 14 décembre à l’égard de notre institution démontrent que, loin d’accepter un débat nourri par des visions différentes, vous y répondez de façon extrêmement émotionnelle, voire idéologique (…). Notre institution (…) ne peut accepter que soient fragilisées, menacées et abrogées les nombreuses et fructueuses collaborations bâties ces dernières années avec d’autres universités et hautes écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les contraintes engendrées par l’arbitraire des limitations géographiques vont restreindre très fortement l’autonomie, la diversité et le choix offert aux étudiants (…). C’est toute la communauté de l’UCL (étudiants, professeurs, scientifiques et administratifs) qui n’adhère pas à votre projet de décret (…). En instaurant une académie centralisée et dirigiste pour l’enseignement et la recherche, en enfermant le développement des universités dans des zones géographiques étroites, en ignorant les réalités de la vie et du parcours de l’étudiant, votre projet est en totale opposition avec ce qui contribue au succès d’un enseignement supérieur responsable : liberté d’association, ouverture internationale, collaboration sans restriction, liberté et diversité de choix pour l’étudiant, cohérence pédagogique au bénéfice de l’étudiant. Il est un frein pour l’avenir de la Fédération Wallonie-Bruxelles. »
195 Le 17 décembre 2012, l’UCL appelle « ses anciens à envoyer un courrier-type aux ministres du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour protester contre le projet du ministre J.-C. Marcourt de réforme du paysage de l’enseignement supérieur. Dans un message électronique où elle liste les adresses électroniques des ministres, l’université propose de recopier dans un courrier ou un courriel une lettre-type à envoyer aux membres du gouvernement avant jeudi [20 décembre]. Les exécutifs wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles tiennent leur conseil des ministres hebdomadaire vendredi, pour une réunion appelée à avancer sur plusieurs grands dossiers » [161].
196 Quelques jours plus tard, le 20 décembre 2012, l’UCL et six hautes écoles bruxelloises et wallonnes, « parmi les plus réfractaires au projet de réforme de l’enseignement supérieur », appellent « à la mise en place d’états généraux afin d’élaborer un nouveau projet de réforme. “Le texte a évolué ces derniers jours mais continue à ignorer les principes pour lesquels nous nous battons”, indiquent l’UCL, l’EPHEC, la Haute École Galilée, la Haute École Vinci, la Haute École libre mosane (HELMO), celle de Namur-Liège-Luxembourg (HENALLUX) et la Haute École Lucia de Brouckère (HELDB), dans un communiqué commun » [162]. Cette mobilisation d’une bonne partie de l’enseignement libre subventionné amène le recteur C. Conti, président du Pôle hainuyer, à réagir pour soutenir le projet Marcourt : « Le décret ne met nullement l’enseignement supérieur en danger (…). Nous regrettons l’évolution actuelle du débat, où des institutions d’enseignement se livrent, par presse interposée, à un matraquage organisé, à coups d’affirmations non partagées par les autres institutions. Le projet crée des structures susceptibles d’accentuer la collaboration entre institutions et met en place un mécanisme destiné à éliminer à l’avenir la concurrence locale. » [163]
4.3.3. Les autres universités se démarquent de la critique de l’UCL
197 Le 6 décembre 2012, le gouvernement reçoit les recteurs des six universités francophones. Le projet présenté par le ministre Marcourt a alors été rejeté deux fois, parce que ses partenaires de gouvernement, Écolo et le CDH, le trouvaient inacceptable. La consultation des recteurs s’inscrit donc dans une logique globale d’instruction du dossier. Sans surprise, cinq recteurs soutiennent le projet, tandis que celui de l’UCL s’y oppose, parce qu’il « estime que le projet plombe la liberté d’association des institutions et les liens qu’elle a tissés avec des hautes écoles à Bruxelles » [164].
198 Le même jour, les recteurs D. Viviers (ULB), B. Rentier (ULg), Y. Poullet (UNamur), J.-P. Lambert (USaint-Louis) et C. Conti (UMons) publient une carte blanche commune qui met en pleine lumière les différends qui les opposent désormais à leur collègue de l’UCL : « Dans plusieurs déclarations récentes, le recteur de l’UCL s’oppose à la proposition de décret visant à restructurer le paysage des universités et des hautes écoles en pôles géographiques. Simultanément, l’administrateur général de l’IHECS qualifie les initiatives du cabinet Marcourt de “réforme à la nord-coréenne” [165] ! (…) La surenchère verbale est à l’honneur et l’outrance pourrait presque prêter à sourire (…). Face à cette stratégie de blocage, nous préférons en appeler, de la part des responsables de l’enseignement supérieur, à une attitude constructive et respectueuse du débat démocratique (…). Nous soutenons le projet de M. Marcourt en ce qu’il représente une base de discussion crédible pour enfin aller au-delà d’un éternel statu quo (…). Il met également en place les balises qui devraient permettre à l’avenir de limiter les concurrences coûteuses et contreproductives entre institutions. Nous soutenons l’esprit du projet de décret parce qu’il nous paraît garant du renforcement d’une dynamique de coopération à l’œuvre depuis longtemps entre les divers acteurs du monde pédagogique et scientifique de la Fédération Wallonie-Bruxelles par-delà les clivages du passé. Des aménagements et des amendements au projet actuellement discuté sont certes encore nécessaires pour finaliser la proposition de décret, mais si nous le soutenons, c’est parce qu’il se présente comme une base alternative et constructive à l’immobilisme et autres frilosités, qui ne mènent qu’à des crispations sur l’histoire passée quand il est urgent de se préoccuper du présent et surtout de l’avenir. » [166] Le soutien que les cinq recteurs signataires de cette carte blanche apportent au projet Marcourt n’est donc pas inconditionnel : ils considèrent ce projet comme une bonne base de discussion, qui doit encore être amendée.
199 L’accueil est favorable à l’ULg, qui se voit confortée par le projet puisque celui-ci ne change pratiquement rien à sa situation. Pour le recteur, B. Rentier, « les cinq pôles géographiques (PAES) et la coupole unique dédiée à la recherche (ARES) répondent adéquatement aux deux enjeux fondamentaux auxquels est confronté aujourd’hui notre enseignement supérieur : d’une part un enjeu régional et l’importance d’une offre d’enseignement de qualité, d’autre part un enjeu international et “la complémentarité entre les universités qui doit primer en matière de recherche” » [167].
200 Bien logiquement, le recteur de l’UNamur, Y. Poullet, marque son accord de principe pour un projet qui ouvre de nouveaux espaces de développement à son université : il « se dit satisfait des potentielles futures synergies entre universités, hautes écoles et écoles supérieures des arts, ainsi que des collaborations inter-universitaires en matière de recherche. “Cela ne peut que contribuer à rehausser la qualité de notre enseignement supérieur.” Le recteur de l’UNamur estime que “nous sommes aujourd’hui prisonniers des trois académies et qu’il est temps de sortir de cette situation de no man’s land. La réforme doit aboutir rapidement” » [168].
201 L’USaint-Louis marque aussi son intérêt pour l’avant-projet, tout en acceptant mal l’hypothèse selon laquelle elle pourrait être dotée d’un statut différent de celui de l’ULB. Le recteur, J.-P. Lambert, « dit réclamer le titre d’université de référence pour son institution, “sans quoi il s’opposera fermement au projet du ministre” (…). Le texte de l’actuel avant-projet de décret prévoit, en effet, “qu’à l’intérieur de chaque zone géographique, l’unique université de la zone, ou celle qui est la plus importante, joue le rôle de référent”. Avec ses 25 000 étudiants contre 2 800 pour les FUSL, c’est bien l’ULB qui est donc considérée comme “référent” à Bruxelles » [169].
202 La position de l’ULB est plus complexe encore. Le recteur, D. Viviers, a bien sûr cosigné la carte blanche avec ses collègues, cela ne signifie pas que tous les membres de l’ULB ne voient que des qualités au projet Marcourt. Dans l’édition du Soir du 12 décembre 2012, Jean-Louis Vanherweghem, ex-recteur et président honoraire du conseil d’administration de l’ULB exprime un certain nombre de craintes par rapport à ce projet : « Dans le projet, l’institution principale, soit celle qui a son siège social dans la zone géographique, pilote le pôle et contrôle les accords pour les habilitations. Sur Bruxelles, et c’est ce qui inquiète l’UCL et certaines hautes écoles, ce serait l’ULB. Mais Saint-Louis y a aussi son siège social. Elle pourrait donc siéger aussi à titre principal et avoir son mot à dire sur les habilitations. Sur le pôle bruxellois, il y aurait donc deux universités qui se partageraient le pouvoir, si j’ose dire. Mais ce n’est pas tout. Suite aux contestations de l’UCL et des hautes écoles avec qui elle collabore à Bruxelles, et vu la composition de l’exécutif de la Communauté (PS/Écolo/CDH), j’ai l’impression qu’il y aura une dérogation pour l’UCL qui a un gros campus sur Bruxelles. Trois institutions devront donc se coordonner pour accorder de nouvelles habilitations sur le pôle bruxellois, dont deux catholiques. C’est le seul pôle où ce cas de figure se présente. [Question : Pourquoi n’entend-on pas l’ULB ? (…)] J’imagine que, comme il y a une bonne entente entre l’ULB et Saint-Louis, il n’y a pas de crainte. Le décret ne prévoit pas que l’UCL ait de voix délibérative sur Bruxelles. Côté ULB, on est “rassuré” de maintenir l’UCL en dehors de Bruxelles. [Question : En janvier [170], vous parliez de carcan autour de Bruxelles…] Cela reste valable. Il y a quelque chose de plus important encore : le décret ferme définitivement le Hainaut aux extensions de l’ULB alors qu’il y avait de gros projets de développement à Charleroi. C’est grave pour l’université. L’évolution du paysage politique annonce un renforcement des régions. Être enfermé dans un carcan n’est pas bon pour l’ULB. La région bruxelloise sera toujours une région avec peu de marge de manœuvre, financière ou politique. L’ouverture vers la Wallonie, c’était important. » [171]
4.3.4. Les échos politiques de ces tensions
203Le 7 décembre, F. Bertieaux livre son analyse du projet au journal Le Soir : « D’abord concernant l’ARES. C’est une véritable mise sous tutelle de l’enseignement supérieur. Toutes les grandes orientations stratégiques seront prises par le gouvernement (…). L’ARES sera sous contrôle du gouvernement : avec un administrateur général désigné par lui et dont le nom circule déjà dans les couloirs [172] et un président lui aussi nommé par le gouvernement. [Les pôles] reposent sur un mensonge. [Le ministre] Marcourt dit qu’il veut une plus grande proximité et que c’est l’objectif des pôles. Or il s’agit d’une fusion forcée d’écoles et d’universités qui existent déjà (…). Ces pôles équivalent à un mariage forcé. Cela pose problème autour de Bruxelles et du Brabant wallon et pour les hautes écoles catholiques (…). L’ARES met la main sur un secteur qui est encore autonome. Est-ce que ce n’est pas une étape vers la régionalisation ? » [173]
204Le 7 décembre également, alors que les tensions sont exacerbées, le journal Le Soir publie un éditorial au ton solennel : « Nous avons une seule certitude sur l’organisation de l’enseignement supérieur en Belgique francophone : il est temps de trancher (…). L’enseignement supérieur est l’un des vecteurs principaux de la prospérité de l’espace Wallonie-Bruxelles, de sa capacité d’innovation et de son rayonnement international. Il faut qu’il cesse d’être entre deux réformes comme aujourd’hui, entre craintes et incertitudes. Cela fait deux ans que l’on attend la suite de l’échec du précédent plan, basé sur le regroupement des différentes institutions en académies sur base confessionnelle. Une remarque d’abord. L’UCL dit son refus de la précédente réforme mais l’UCL et [l’U]Namur n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes. Ce sont leurs instances qui n’ont pas obtenu le feu vert à un projet qu’elles regrettent aujourd’hui. Des questions ensuite. 1° Le regroupement en pôles géographiques présente des avantages apparents (…). Mais des soupçons pèsent sur cette rationalité “faciale”. Ce projet vise-t-il l’ultra développement de Liège (…) qui pourrait faire, à terme, main basse sur Namur ? (…) Comment assurer que ce projet ne va pas brider l’UCL, en restreignant son champ d’action, aujourd’hui bruxellois, au seul Brabant wallon ? (…) 2° Le décret prévoit également (…) l’organisation du diplôme non plus en années académiques, mais en crédits. La FEF évoque la problématique d’une sélection cachée, via la taille des infrastructures. Qu’en est-il ? » [174]
205 Le 11 décembre 2012, J.-C. Marcourt est interpellé par E. Disabato sur l’« état des contacts avec le milieu académique dans la perspective de la réforme du paysage ». Le ministre répond en présentant l’état d’avancement du dossier : « Je parle de ce projet avec les recteurs, les hautes écoles, l’enseignement supérieur artistique et, de manière informelle, avec les organisations syndicales, depuis la fin de la table ronde. Nous avons organisé un nombre incalculable de réunions (…). Cinq des six recteurs invités ont exprimé leur soutien aux principes développés dans l’avant-projet, en émettant toutefois des réserves, certains points étant perfectibles (…). C’est dans ce sens que s’est tenue une réunion formelle avec le Conseil inter-réseaux [de concertation (CIC)], qui a débouché sur des remaniements concrets mettant le texte en phase avec la complexité du dispositif. Par ailleurs, plus de trois quarts des hautes écoles soutiennent désormais l’avant-projet dans ses principes. J’ajoute que le recteur de l’ULB a salué la cohérence de ce texte, en appelant de ses vœux de nouvelles ouvertures pour l’améliorer davantage encore (…). On a parlé de politisation, d’étatisation. Or, sur les 31 personnes qui siégeront à l’ARES, une seule sera désignée par le gouvernement (…). L’objectif est d’éviter l’écueil consistant à confier la présidence de l’ensemble aux universités, aux hautes écoles ou à l’enseignement supérieur artistique (…). Le fait que l’ARES s’occupera du recrutement de l’administrateur général – qui pourrait aussi s’appeler secrétaire général, si cela vous convient mieux – montre bien que le gouvernement restera en dehors de la procédure, un peu comme pour le FNRS (…). Il n’est pas normal qu’il y ait si peu de jeunes dans l’enseignement supérieur en Hainaut (…). Pourquoi tant de jeunes ayant les capacités intellectuelles et le courage de faire des études ne s’y engagent-ils pas ? C’est la question qu’il faut se poser et l’objectif du pôle est d’y répondre. » [175]
206 Le 12 décembre 2012, la presse tente une fois de plus de faire le point sur le dossier en donnant la parole à des acteurs importants de l’enseignement supérieur. Le président du conseil d’administration de l’HELMO, Étienne Florquin, explique en quoi le projet, tel qu’il se présente alors – il a beaucoup évolué au fil des versions qui se sont succédé – inquiète les responsables de l’enseignement supérieur : « Les pôles seront de super pouvoirs organisateurs (…). C’est le pôle qui recevra les nouvelles habilitations et qui les redistribuera aux institutions de sa sphère. Selon quelles modalités de décision ? Un acteur, une voix, c’est sympathique démocratiquement. Mais quelle assurance a-t-on qu’on sera vraiment à la table pour partager les choses ? Que le pôle facilite les coopérations, oui ; qu’il développe les projets à faire en commun, oui. Mais il ne doit pas être le gestionnaire de l’organisation de l’enseignement. Et pourquoi confier d’office la direction des pôles aux universités ? » [176]
207 Le 13 décembre 2012, le projet de réforme du paysage de l’enseignement supérieur est examiné une fois de plus par le gouvernement, mais aucun accord n’est trouvé entre les partenaires de la majorité PS/Écolo/CDH. Le même jour, le ministre du Budget, des Finances et du Sport, André Antoine (CDH), dit son scepticisme par rapport à la manière dont J.-C. Marcourt envisage les pôles géographiques : « Faut-il organiser une rupture entre Bruxelles et le Brabant wallon, et faut-il que, dans un pôle, il n’y ait qu’un seul référent ? Manifestement cela fait problème aujourd’hui. » [177] Par ailleurs, l’UCL ne relâche pas sa pression.
208 Jusque-là, le SEGEC n’a pas pris de position officielle par rapport au projet Marcourt. Certains de ses membres se sont certes exprimés, mais sans engager toute la structure. Le 14 décembre 2012, au terme d’un conseil d’administration, le SEGEC communique sa position officielle, dont rend compte Le Soir : « [Le SEGEC] avertit [J.-C.] Marcourt : “Le poids relatif de la population étudiante des institutions [du réseau libre] contrariées par ce projet de décret est de l’ordre de 40 %.” Le SEGEC prévient : “Il soutient et soutiendra, avec les moyens qui sont les siens, les écoles qui sont décidées à préserver leur liberté d’organisation au service d’un enseignement de qualité.” Sur le fond, le SEGEC observe que le projet de décret accorde trop de pouvoirs aux structures faîtières (l’ARES, l’organe de concertation qui dominera l’édifice, et les pôles), singulièrement dans le domaine des habilitations (autorisations accordées à une institution de dispenser une formation). Le projet “va à rebours des évolutions à l’étranger où l’autonomie des établissements supérieurs et leur responsabilisation sont généralement considérés comme un facteur d’amélioration de la qualité de l’enseignement”. (…) Pour le SEGEC aussi, [J.-C.] Marcourt viole la liberté d’enseignement “vu les missions d’organisation de l’enseignement confiées à l’ARES et aux pôles, privant les pouvoirs organisateurs de la possibilité d’organiser, de manière autonome, un enseignement selon un projet propre”. Pour le libre, la “volonté de scinder les liens historiques et académiques entre Bruxelles et le Brabant wallon est un non-sens. On peut redouter que cette réforme préfigure une pré-régionalisation de l’enseignement supérieur”. (…) Le SEGEC demande à la majorité de changer son texte en respectant trois principes. Le premier : respecter les initiatives des associations libres. “Ceci suppose, à tout le moins, le maintien des habilitations.” Le deuxième : insécabilité du lien entre la Wallonie et Bruxelles. Trois : si le SEGEC ne nie pas l’intérêt d’un lieu de dialogue commun à l’ensemble du supérieur, il faut que cela se fasse “dans le respect de l’autonomie et des responsabilités des différentes parties prenantes”. » [178]
209 Le 17 décembre 2012, c’est au tour de La Libre Belgique de publier un éditorial au ton solennel sur le projet de décret de J.-C. Marcourt : « Face à l’adversité, le ministre Marcourt va-t-il ranger sa réforme du paysage de l’enseignement supérieur au fond d’un tiroir ? (…) Ce serait bien dommage. Car il a le courage de s’atteler à une réorganisation profonde du système, qui en a grand besoin. Certes, notre enseignement supérieur est de grande qualité. Mais ceux qui refusent toute évolution ont-ils seulement jeté un coup œil sur le taux d’échec en bac ? Ont-ils vu la concurrence féroce à laquelle se livrent les établissements ? Pensent-ils vraiment que l’excellence passe par des collaborations entre cathos d’un côté, laïques de l’autre ? Non, il y a bien matière à réformer. Souhaitons donc à J.-C. Marcourt courage et persévérance. Mais aussi diplomatie, car dénigrer ses opposants catholiques n’aide en rien. Et souplesse, car le blocage ne provient pas que de peurs virtuelles, comme il le prétend. Il repose sur des héritages du passé et des éléments du projet à corriger (…). Pourquoi ne pas donner à chaque institution les garanties qu’elle ne sera pas bridée dans ses projets, pour autant qu’ils servent l’intérêt commun ? Pourquoi ne pas lever les soupçons de régionalisation larvée en bétonnant des interactions entre Wallonie et Bruxelles ? Que J.-C. Marcourt mette de l’eau dans son vin, ou les accusations de “bouffeur de calottes” et de “régionaliste à tous crins” qu’on lui porte se verront justifiées. Quant aux réfractaires, qu’ils prennent davantage en compte l’intérêt général, et pas seulement celui de leur institution. » [179]
210 L’année 2012 se termine sans qu’un accord ait pu être trouvé sur le projet du ministre Marcourt. Le sujet est à l’ordre du jour de la réunion des ministres des gouvernements wallon et de la Communauté française du vendredi 21 décembre 2012. « Au moment d’aborder la réforme de l’enseignement supérieur, les discussions cal[ent] (…). À croire plusieurs sources, le CDH, par la voix du ministre A. Antoine, a émis de sérieuses objections sur le projet et les discussions n’ont guère pu progresser. » [180] L’ultime rencontre de l’année, le 27 décembre, ne permet pas de débloquer le dossier [181].
4.3.5. L’isolement de l’UCL par rapport aux autres universités
211Au cours du mois de décembre 2012, l’UCL apparaît bien isolée dans son opposition au projet du ministre Marcourt. Dans leur carte blanche du 6 décembre 2012, les recteurs des cinq autres universités ont clairement exprimé leur désaccord avec cette opposition. Ils la redisent le 4 janvier 2013 dans une « lettre ouverte au recteur de l’UCL » [182]. Ils y avancent que la direction de l’UCL est de mauvaise foi dans son opposition au projet. Ils reprochent à leur collègue néo-louvaniste d’avoir eu une stratégie d’obstruction tout au long du processus d’élaboration du projet de décret. Leur argumentation est développée dans une note de quinze pages dans laquelle ils entendent démontrer que les objections au projet ont été rencontrées par les multiples amendements introduits au cours du temps. Ils insistent sur la nécessité de rationaliser le secteur de l’enseignement supérieur : « Nous souhaitons à l’avenir dépenser les moyens disponibles à des collaborations fructueuses plutôt qu’à des redondances inutilement compétitives. Ainsi par exemple, la situation universitaire à Mons est assez paradoxale, des formations identiques et concurrentes sont organisées en sciences de gestion et en sciences humaines tant à l’UMons qu’au sein de l’UCL-Mons. On peut attendre du futur décret qu’il empêche à l’avenir des situations analogues de se développer dans d’autres domaines. Le dialogue au sein des pôles et de l’ARES contribuera à rationaliser l’offre et permettra d’éviter la concurrence entre institutions subventionnées par la même source financière, une précaution de sage gestion des deniers publics, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit (…). Aucun d’entre nous n’a considéré la version initiale de l’avant-projet de décret comme un document parfait mais nous en avons apprécié l’ossature et les principes de base, et nous avons accepté le dialogue très ouvert qui nous était proposé depuis plus de deux ans pour améliorer le texte. Pour être plus explicite, nos cinq universités ont marqué leur accord avec ce qui constitue l’esprit du projet Marcourt et qu’on peut décliner dans les trois principes suivants : 1° Améliorer la synergie entre les trois types d’enseignement supérieur : les hautes écoles, l’enseignement supérieur artistique et les universités (…). Sans nier les spécificités de chaque type d’enseignement, cette synergie ne peut que profiter à l’étudiant et favoriser les collaborations tant sur le plan de l’enseignement que sur celui de la recherche. 2° Organiser cette synergie à deux niveaux liés et complémentaires : d’une part, le niveau global, par la création d’une académie unique où pourront se discuter et s’élaborer les principes de cette collaboration de tous les réseaux. D’autre part, le niveau local des pôles où s’inscriront, dans le concret, des projets de collaboration et où l’utilisation mutualisée d’infrastructures et d’équipements (…) seront coordonnés. 3° Permettre une émulation saine et loyale entre les établissements par la discussion au sein des pôles et au sein de l’ARES, sans obérer l’autonomie des établissements. » [183]
212 Au-delà de son caractère polémique, cette réaction est très politique. Elle est aussi très inédite puisqu’elle oppose à une institution – l’UCL – un front commun constitué des autres universités (et du ministre de l’Enseignement supérieur), là où on avait vu, en 2003, dans d’autres circonstances, une opposition entre la ministre F. Dupuis et l’ensemble des universités. Le caractère public de cette critique est un choix calculé, dans la mesure où il fait clairement entendre que les cinq universités favorables au projet ne modifieront pas leur point de vue. La lettre ouverte reformule également, dans le détail, des motivations et justifications proches de celles du ministre, auxquelles les recteurs confèrent une précieuse caution. Enfin, elle justifie, a posteriori, la procédure suivie en rappelant les concertations qui ont accompagné l’élaboration puis les corrections de l’avant-projet en critiquant l’attitude de l’UCL dans ce processus.
213 Le Soir du 5 janvier 2013 commente cet épisode en soulignant l’appui des recteurs de l’ULB, de l’ULg, de l’UNamur, de l’USaint-Louis et de l’UMons au projet Marcourt : « “Le cabinet du ministre Marcourt n’aurait pas pu mieux le dire”, confie un proche du dossier, qui se demande si les recteurs n’ont pas agi “en service commandé”. Il faut dire que le dossier constitue un fameux caillou dans la chaussure du ministre socialiste. Le vendredi [21 décembre 2012], [la réunion du] gouvernement de la Communauté française s’est d’ailleurs brutalement terminé[e] quand le point du projet relatif aux pôles a été abordé. Pour rappel, l’avant-projet prévoit de redessiner le paysage du supérieur sur base de pôles géographiques et, grossièrement dit, l’UCL, basée en Brabant wallon, craint de perdre les liens tissés avec plusieurs hautes écoles basées à Bruxelles. Inacceptable pour le CDH. Renoncer à défendre la position de l’UCL et de ses hautes écoles associées constituerait un second “décret inscription” pour l’ex-PSC, déjà fâché avec “ses” écoles et “son” électorat avec la réorganisation des inscriptions en première secondaire, un décret en grande partie écrit de la main socialiste mais signé M.-D. Simonet (CDH) [184]. Le bras de fer reprendra le 10 janvier avec un “kern” [comité ministériel restreint] consacré à un projet que le ministre Marcourt tente de faire aboutir depuis des mois déjà. Au gré des dix inter-cabinets (PS/Écolo/CDH), dont six d’une journée pleine, le texte a pourtant connu des modifications. Et les cinq recteurs reprochent à B. Delvaux de ne pas les voir. » [185]
214 Dans un long argumentaire qu’il développe sur son blog Internet, le recteur de l’ULB, D. Viviers, présente les qualités qu’il voit au projet de décret : « Il offre tout d’abord une plus grande unité (…) à l’enseignement supérieur, qui se présenterait désormais sous un même “chapeau” et connaîtrait une organisation unique, une seule académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) (…). L’ARES, en coordonnant les activités de recherche fondamentale collective, multiplie les opportunités de collaboration dans ce domaine entre les universités (…). Le maillage de cette structure unitaire serait fondé sur la proximité géographique, en définissant des “pôles” ayant une base propre et qui permettraient de réduire la concurrence entre les établissements d’enseignement supérieur (…). Le nouveau paysage de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles tend aussi à exprimer une cohérence renforcée. » [186]
215 Deux jours plus tard, Le Soir s’intéresse à la rupture que la publication de la lettre ouverte au recteur de l’UCL a consacrée entre celui-ci et son homologue de l’UNamur, Y. Poullet. Jusque-là, les relations entre les deux institutions étaient en effet excellentes malgré l’échec de la fusion. « Depuis, les échanges et les programmes d’études communs s’étaient même intensifiés. » [187] Au-delà de la tension entre les hommes, le recteur de l’UNamur affirme son souhait de voir les institutions continuer de collaborer. Le Soir rappelle que cinq recteurs d’université, dont celui de l’UNamur, « se sont ligués via une lettre ouverte contre leur homologue de l’UCL. Ils (…) parlent carrément de “malhonnêteté intellectuelle” dans le chef de B. Delvaux. “Et je crains fort que cela ne soit volontaire de sa part”, confie Y. Poullet (…). “De grâce, ne confondons jamais le message de l’institution avec celui du recteur”, précise Y. Poullet. Car il tient absolument à conserver les échanges cordiaux entre les deux universités. “Tout ce qui fonctionne bien avec l’UCL doit être maintenu, voire amplifié (…).” Ces réflexions mènent à une question sensible : faudra-t-il, à l’avenir, se passer de B. Delvaux si [l’U]Namur veut poursuivre une collaboration sereine avec l’UCL ? “Je n’ai pas de conseil à donner à Louvain, répond Y. Poullet. Durant les deux premières années, j’ai eu d’excellentes relations avec B. Delvaux. Ici, je regrette simplement son endoctrinement idéologique.” (…) Cette dernière polémique fait inévitablement passer B. Delvaux pour le “vilain petit canard” des recteurs. Avant de penser à d’autres projets communs, il faudra donc surtout beaucoup de temps pour oublier ce conflit. » [188]
216 Le 8 janvier 2013, faisant écho à la lettre ouverte au recteur de l’UCL et à ses traitements médiatiques, J. Kapompolé adresse une question au ministre Marcourt en commission parlementaire. Elle y commente les actions de communication de l’UCL, sans pour autant nommer cette institution, avant de présenter quelques balises qui devraient guider l’enseignement supérieur à ses yeux. Dans cette seconde partie, son intervention prend davantage la forme d’un rappel de principes de doctrine politique que d’une question : « Il apparaît aujourd’hui que, si votre projet ne peut réjouir la totalité des acteurs, certaines institutions d’enseignement supérieur sont entrées dans une dynamique de guérilla. En effet, au lieu d’œuvrer à une bonne information à l’adresse de leur communauté – ce que nous aurions pu attendre d’institutions séculaires – elles ont pratiqué la désinformation. J’en suis véritablement indignée car ces méthodes de désinformation semblent peu adéquates à la tenue de tout débat, puisque peu de place est laissée à la réelle discussion et à la négociation (…). La divergence des points de vue est une chose, désinformer et refuser le dialogue en est une autre. À mes yeux, les priorités d’une éventuelle réforme du paysage de l’enseignement supérieur doivent être au bénéfice de l’étudiant, qui doit disposer d’une offre d’enseignement supérieur cohérente ; la réforme ne doit pas être le lieu où des institutions se livrent bataille dans une logique de concurrence. Je suis favorable à l’émulation positive, non à la concurrence stérile. Je refuse d’adhérer à une vision marchande de l’enseignement (…). L’étudiant doit se voir proposer une offre d’enseignement géographiquement accessible et pouvoir s’inscrire dans une université, une haute école ou une école supérieure des arts qui apporte aussi des retombées économiques, sociales, culturelles et environnementales à sa région. L’ARES est une structure faîtière qui contribuera à une plus grande visibilité internationale. Mais le modèle concurrentiel visant seulement à obtenir une bonne place dans des classements internationaux – en participant à la fuite des meilleurs chercheurs – ne donnera aucune perspective démocratique à notre enseignement supérieur, notamment par rapport aux enjeux de renouveau de nos territoires. Il s’agit bien moins d’un quelconque repli que de se donner les moyens de ses ambitions pour permettre au plus grand nombre de disposer des outils nécessaires à l’éclosion de ce que certains appellent la troisième révolution industrielle. » [189]
217 Le ministre réagit à ce qui n’est pas une question en livrant quelques commentaires sur l’évolution du dossier. En conclusion de son intervention, il apporte une légère correction aux principes de doctrine politique énoncés par J. Kapompolé, en relevant que son projet de décret poursuit deux buts simultanés et complémentaires : le soutien à l’excellence par l’ARES et la mise à la disposition de chaque étudiant d’une offre d’enseignement proche et cohérente. « La lettre ouverte des cinq recteurs, publiée à la fin de la semaine dernière, m’a étonné. Le ton et la forme étaient inhabituels mais le fond m’a aussi surpris. À ma connaissance, aucune réforme n’a jamais connu de réactions aussi polarisées. J’ai aussi été étonné du soutien massif des hautes écoles et des recteurs tant sur le contenu du projet que sur le processus. Dès le départ, j’ai indiqué que ce texte était évolutif et il a effectivement évolué. Cela n’a pas empêché certains de me comparer à Kim Il-sung [ancien dirigeant de la Corée du Nord] ! (…) Ceux qui s’intéressent aux médias devraient être attentifs au tintamarre et à la manière dont la presse a relayé certains arguments plutôt que d’autres (…). Ne vous voilons pas la face : il subsiste encore l’une ou l’autre difficulté. J’ai toutefois transmis officiellement le texte dans sa version de vendredi dernier à l’institution universitaire qui était la destinataire de la lettre ouverte. De cette manière, chacun pourra examiner le texte en l’état, sans tenir compte des versions dépassées (…). Il faut permettre à l’excellence de l’enseignement et de la recherche d’être soutenue par l’ARES. Il faut également être attentif au parcours de l’étudiant dans les pôles, spécialement dans le premier cycle. Ces deux éléments sont importants. » [190]
218 Ce même 8 janvier 2013, le recteur de l’UCL, B. Delvaux, répond par une lettre ouverte adressée à ses collègues. Il commence par rappeler avoir régulièrement informé les autres universités des positions de l’UCL sur ce dossier. Il précise ensuite que « le document de l’UCL qui a mobilisé votre attention [le numéro spécial de La Quinzaine] avait été rédigé et imprimé pour être distribué le 13 décembre 2012. Ce document analyse le texte de l’avant-projet de décret transmis le 25 novembre par le cabinet du ministre Marcourt. Or, vous comparez l’analyse UCL à un autre texte d’avant-projet de décret du 21 décembre 2012. Votre démarche s’est donc attachée à comparer les positions de l’UCL communiquées le 13 décembre à un texte développé après la publication de ladite Quinzaine. Dans vos communications respectives, vous prenez grand soin d’indiquer que votre critique vise le recteur de l’UCL et non pas cette institution, avec laquelle plusieurs d’entre vous veulent continuer à travailler. C’est oublier que mes prises de position ont été adoptées en concertation et accord complet avec les instances élues au sein de l’université, et avec la communauté universitaire dans son ensemble ». Le recteur rappelle aussi que l’UCL n’est pas la seule à manifester son désaccord sur plusieurs éléments de l’avant-projet du ministre Marcourt et que celui-ci est loin de rencontrer l’unanimité.
219 À ce moment, le recteur de l’UCL apparaît très isolé face à ses collègues recteurs dans son opposition à l’avant-projet du ministre Marcourt. Il le restera jusqu’au vote du décret Paysage, le 6 novembre 2013. La structure « six contre un », dans laquelle l’UMons était opposée à toutes les autres universités en mai 2011, s’est muée en structure « cinq contre un », dans laquelle l’UCL est opposée à toutes les autres. Cette structure « cinq contre un » se révèle très stable à travers les mois qui suivent. On peut ajouter que les appuis dont le recteur de l’UCL dispose alors dans l’enseignement supérieur ne sont pas inconditionnels. L’administrateur général de l’Institut des hautes études des communications sociales (IHECS), Jean-François Raskin, cosigne certes des lettres contre le projet Marcourt avec le recteur de l’UCL, mais il est surtout agacé de constater que les discussions se passent entre universités : « On refuse d’être les jouets de luttes entre recteurs ! Cela ne va pas. Cela ne nous convient pas. » [191] Cette réaction est à mettre en perspective avec celle, déjà citée dans ces pages, d’É. Florquin, président du conseil d’administration de l’HELMO, membre du SEGEC et à ce titre, alliée à l’UCL. Évoquant les relations entre universités et hautes écoles dans les pôles, il déclare : « On n’est pas loin des suzerains et leurs vassaux. » [192] Ces éléments suggèrent que les alliances construites autour de l’UCL ne vont alors pas de pair avec une profonde convergence de vues sur la manière dont il convient de réformer l’enseignement supérieur.
5. À la recherche de compromis
220En ce début janvier 2013, les tensions entre partis de la majorité apparaissent aussi vives que celles entre les recteurs. Un article paru le 10 janvier dans Le Soir est sous-titré « Le CDH prêt à aller au clash pour défendre les intérêts de l’UCL » [193]. La situation paraît alors inextricable. Onze réunions inter-cabinets n’ont pas abouti à dégager les bases d’un accord, le CDH étant resté « intraitable dans sa défense des intérêts de l’UCL, comme sans doute le PS dans ceux de Mons [UMons] et de Liège [ULg] » [194]. Le seul accord engrangé concerne la création de l’ARES. Le blocage reste complet pour ce qui concerne les pôles [195].
221 Le journal écrit : « Basée en Brabant wallon, l’institution catholique craint de voir sa faculté de médecine, située à Bruxelles, et les hautes écoles bruxelloises avec lesquelles elle a noué des collaborations, passer sous la tutelle du pôle bruxellois ; une structure qui, prévoit le décret, sera présidée en alternance par le recteur de l’ULB et celui de Saint-Louis. Ce qui est inacceptable pour l’UCL, c’est que le dispositif donne à cette structure, reposant sur une assise locale, des compétences en matière académique (…). Pour faire (très) court : l’UCL n’entend pas devoir soumettre ses projets de collaborations futures avec des hautes écoles notamment, sur Bruxelles, à une structure présidée par l’ULB. L’UCL, comme certaines hautes écoles, et le CDH, plaident donc pour l’insécabilité de la zone Bruxelles-Brabant wallon… Quand le PS reste fidèle à l’épure Marcourt, soit cinq pôles (…), Écolo, lui, suggère, sept pôles, soit les mêmes que le PS, sauf que le pôle hainuyer serait éclaté en trois pôles : Charleroi, Mons, Tournai (…). Les partenaires ont modifié un point du projet de décret, concernant la présidence des pôles. Il pourrait s’agir d’une double présidence : un recteur d’université et un président de haute école. Un point plus important qu’il n’y paraît pour les hautes écoles, qui absorbent autant d’étudiants que les universités, mais qui ont, jusqu’ici, le sentiment d’être mises de côté par le ministre dans la confection de son projet. » [196]
222 Dans ce climat tendu, le 10 janvier 2013, des anciens recteurs, des présidents de conseils d’administration d’universités ou de hautes écoles et des responsables économiques publient dans Le Soir une carte blanche invitant à un débat plus serein : « L’avant-projet de décret a fait l’objet de prises de positions médiatisées par les universités, les hautes écoles, les associations d’étudiants, les syndicats et l’Union wallonne des entreprises. Ces positions vont du soutien affirmé sous l’éventuelle réserve de quelques amendements à la vive opposition. Il paraît évident que l’avant-projet ne fait plus aujourd’hui l’objet de négociations sereines. Toutes les parties conviennent pourtant que l’enseignement supérieur constitue un enjeu majeur tant sur les plans politique et économique que sur celui du rayonnement international, qu’il est aussi un vecteur de cohésion sociale et d’innovation, et que, par la recherche, il conditionne le succès du redéploiement socio-économique de nos régions (…). Face à de tels enjeux, il semble peu judicieux de finaliser dans la précipitation le texte en discussion. Le projet, par sa nature même, ne peut réussir que dans un esprit ouvert de respect mutuel et de franche collaboration. Pour notre part, ce sont les sentiments qui continuent à nous animer. Il nous paraît opportun que le ministre-président du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et le ministre en charge de l’Enseignement supérieur, tout en rétablissant un climat serein, se donnent le temps nécessaire pour rallier l’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur autour d’un projet fédérateur dans l’intérêt de tous les acteurs et institutions. Il leur serait utile aussi de s’entourer des conseils de représentants du monde économique et d’experts francophones extérieurs à notre système. » [197]
223 Leur message est-il entendu ? Il serait hardi de l’affirmer, mais dans tous les cas, un accord est trouvé quelques jours plus tard. Pour en comprendre les enjeux, il faut se rappeler que l’objectif essentiel de l’UCL et des hautes écoles de Bruxelles avec lesquelles elle collabore est de garder le contrôle académique de leurs coopérations, indépendamment des pôles dans lesquels elles seraient dorénavant inscrites. Satisfaire cette revendication impliquait d’associer, pour certaines matières, les deux pôles, Bruxelles et Brabant wallon, à travers un mécanisme inédit. Le CDH a relayé cette demande et a incité à rechercher une formule susceptible de garantir « l’insécabilité » des deux pôles pour ces matières. La formule qui est mise au point est celle des « zones académiques interpôles ».
5.1. Le compromis du 17 janvier 2013
224C’est le 17 janvier 2013, après des négociations difficiles, que, grâce à l’invention de ces « zones académiques interpôles », la coalition PS/Écolo/CDH au pouvoir peut présenter un premier accord sur le projet de réforme du paysage de l’enseignement supérieur. Il est désormais prévu de créer trois « zones académiques interpôles », dont l’objectif est de transcender les limites des pôles : Bruxelles-Brabant wallon, Liège-Namur-Luxembourg et Hainaut. Le projet consacre par ailleurs des accords engrangés de longue date : l’ARES est confortée dans sa mission de « coupole » du système destinée à coordonner l’offre d’enseignement en Communauté française et de renforcer les coopérations. Il est convenu que toutes les catégories de l’enseignement supérieur y seront représentées. Sa mission est de remettre des avis au gouvernement. Les cinq « pôles académiques d’enseignement supérieur » (PAES) – Bruxelles, Brabant wallon, Liège-Luxembourg, Hainaut, Namur – sont confirmés et leurs missions définies.
225 Les « zones académiques interpôles » sont un compromis politique, qui a largement été imposé par le CDH. Selon Le Soir, « leur création répond à la volonté de l’UCL de ne pas subir le joug de l’ULB à Bruxelles, où l’université catholique possède sa faculté de médecine et où elle a des liens avec plusieurs hautes écoles. Remarquons d’ailleurs que si les décisions se prennent, ici, à la majorité des deux tiers, le poids d’un établissement est proportionnel au nombre total des étudiants inscrits dans celui-ci. Le poids décisionnel, dans cette zone, en théorie, n’affaiblit donc pas l’UCL qui compte plus d’étudiants que l’ULB » [198]. Pour Le Soir, l’accord finalement obtenu est minimaliste : « Mais la partie du décret consacrée au morcellement du paysage du supérieur en pôles continuait, elle, de faire l’objet d’un clivage entre le PS d’un côté, Écolo et le CDH de l’autre ; le CDH, surtout, prônait l’insécabilité de la zone Bruxelles-Brabant wallon pour éviter, notamment, d’isoler l’UCL de ses hautes écoles partenaires situées à Bruxelles. Ils ont obtenu gain de cause puisque, si les trois partis du gouvernement se sont mis d’accord sur le maintien des cinq pôles géographiques (…), les missions de ces pôles, qui sont au cœur du projet du ministre, seront finalement limitées : offre de services collectifs aux personnels et aux étudiants, information et orientation des étudiants et lien avec l’enseignement secondaire. On est loin des missions initialement souhaitées par [J.-C.] Marcourt : répartition et coordination de l’offre d’enseignement au sein des différents sites ; coordination de la perception des droits d’inscriptions aux études comme les recettes qui y sont associées ; représentation au sein des différentes instances régionales, communautaires, nationales et internationales… On a même ajouté trois zones “interpôles”, qui vident encore un peu plus les pôles de leurs compétences annoncées. À l’arrivée, la montagne accouche d’une souris, estime-t-on en coulisses. La preuve ? Tout le monde est content. Ou plutôt, personne n’est mécontent : le PS qui a sa “réforme” ; Écolo qui se satisfait de pôles “light” et qui a obtenu de sérieux amendements sur la partie du texte consacrée au statut de l’étudiant ; et, in fine, le CDH qui a sauvé la mise à l’UCL et aux hautes écoles qui lui sont associées. Le président du CDH, B. Lutgen, s’est ainsi réjoui de l’accord qui “concilie les libertés constitutionnelles d’enseignement et d’association avec l’objectif d’améliorer davantage l’offre d’enseignement supérieur pour les étudiants”. Quant au recteur de l’UCL, B. Delvaux, il s’est dit rassuré du fait que les cinq pôles sont réservés à des compétences de proximité (infrastructures, services, etc.), pour des coopérations “que l’on réalise déjà aujourd’hui”. » [199]
226 Interrogé par Le Soir, un juriste livre son analyse des universités qui tireraient un avantage et qui seraient pénalisées si cet avant-projet devait être adopté en l’état. « Selon lui, les vrais “gagnants” seraient l’ULg et l’UMons : “Mons a son pôle et ne fait pas partie d’un interpôle. Elle acquiert un statut qui lui donne une vocation à être une université complète. Liège, elle, dispose d’une grande zone (Liège et Luxembourg), qu’elle avait certes déjà, mais, avec l’interpôle Liège-Namur-Luxembourg, l’ULg peut continuer à développer des relations privilégiées avec les hautes écoles de Namur”. Selon notre juriste, [l’U]Namur “perd” par rapport au texte précédent, qui n’évoquait pas les interpôles, puisqu’elle doit partager avec Liège dans ledit interpôle, mais elle est néanmoins consacrée comme université à part entière, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ce serait finalement pour l’ULB qu’on serait loin du scénario rêvé : “Elle a toujours dit ne pas vouloir être limitée à la région bruxelloise ni souffrir la concurrence de l’UCL sur son territoire. Or ici, elle n’est plus libre de pouvoir développer ses liens avec ses implantations dans le Hainaut, elle doit supporter la concurrence de l’UCL à travers l’interpôle Bruxelles-Brabant wallon et partager la présidence du pôle avec Saint-Louis”. » [200]
5.2. Un compromis diversement apprécié
227L’avant-projet de décret, approuvé en première lecture par le gouvernement le 17 janvier 2013, est ensuite soumis à la concertation. Le ministre Marcourt est interrogé à ce sujet en commission parlementaire le 26 février 2013 par S. Hazée : « La législation vous impose de soumettre ce projet à la négociation syndicale, aux différents comités de négociation et aux organisations représentatives des étudiants. Vous avez également sollicité l’avis des pouvoirs organisateurs bien que ce ne soit pas une contrainte légale. Enfin, les instances consultatives comme le Conseil universitaire de la Communauté française, le Conseil général des hautes écoles, le Conseil supérieur de l’enseignement supérieur artistique et le Conseil supérieur de l’enseignement [supérieur] de promotion sociale, peuvent également donner leur avis. Ces instances consulteront leurs membres. Une rencontre avec les étudiants aurait déjà eu lieu le 18 février dernier et une réunion de négociation syndicale se serait tenue à votre cabinet. Y a-t-il d’autres rencontres ou d’autres avis vous ont-ils été remis ? Pouvez-vous détailler la suite de l’agenda de ces rencontres ? » [201]
228 S. Hazée interroge ensuite le ministre sur la réforme du financement. Il est relayé sur cette question par C. Persoons, qui demande elle aussi au ministre de faire le point sur les concertations en cours. Sur ce point, la réponse du ministre est brève : « Selon les instructions du gouvernement, [l’avant-projet] a été transmis à l’ensemble des intervenants (…). Selon le calendrier fixé, nous attendions leurs réponses pour la fin février, mais une série d’organes consultés ont souhaité prolonger leurs réunions. C’est pourquoi nous devrions recevoir leurs avis pour la fin de la première semaine de mars ou pour le début de la suivante. » [202]
229 Le 11 mars 2013, le ministre Marcourt est interpellé en commission parlementaire par F. Bertieaux sur les résultats des consultations. Il répond que les consultations officielles sont terminées, mais qu’il n’a pas encore reçu la totalité des avis. Il est forcé d’attendre que tous soient rentrés pour pouvoir en tirer des leçons globales [203].
230 Si les instances consultées mettent du temps à réagir, c’est notamment parce que l’avant-projet qui leur a été soumis suscite des réactions en sens divers.
231 Les syndicats ne réussissent pas à dégager une position commune. Huit centrales répondent à l’invitation du cabinet du ministre le 8 mars 2013 pour une quatrième rencontre formelle : les secteurs Enseignement et Administration & Ministères/Ministeries & Overheidsdiensten de la Centrale générale des services publics (CGSP-E et CGSP-AMIO), les centrales Enseignement et Services publics de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC-E et CSC-Services publics), le groupe Enseignement du Syndicat libre de la fonction publique (SLFP-E), le Syndicat de l’enseignement libre-Syndicat des employés, techniciens et cadres (SEL-SETCA), la Centrale nationale des employés (CNE) et l’Association professionnelle du personnel de l’enseignement libre (APPEL). « La moitié d’entre elles s’est exprimée en faveur d’une suppression pure et simple des trois zones académiques ou “interpôles”, les quatre autres préférant ne pas se prononcer sur ce point. Estimant que “cette troisième couche n’apporte rien d’utile aux deux premières – ARES et pôles donc – mais ne fait qu’alourdir encore un peu plus la machine administrative”, CGSP-E, CSC-E, SLFP-E et CGSP-AMIO ont ainsi manifesté leur volonté de revenir à un modèle à deux niveaux, tel que proposé initialement dans la première mouture. “Ces interpôles, c’est un accord purement politique pour contenter l’UCL et quelques hautes écoles du libre”, nous lâche une source. Du côté de la CGSP-E, on estime que les deux compétences principales des “interpôles” – aide à la réussite et avis sur les nouvelles habilitations dans l’enseignement supérieur de type court – doivent revenir dans le giron de l’ARES. Même son de cloche dans les rangs de la CSC-E “qui ne voit pas pourquoi les habilitations de type court relèveraient de la compétence d’une autre instance que celles de type long”. » [204]
232 Le secteur des hautes écoles et des écoles supérieures des arts remet un avis très critique. L’avant-projet de décret « a été analysé par le Conseil général des hautes écoles (CGHE) (…). Il rejette les zones académiques interpôles (par 16 non, 6 oui) notamment au motif que celles-ci devront se mêler d’aide à la réussite que le CGHE juge plus adéquat de laisser à l’ARES (pour les orientations générales) et aux pôles. Les représentants du libre confessionnel, eux, valident les zones académiques interpôles ; ils y voient un “pas supplémentaire vers le décloisonnement des réseaux”. Aussi, le libre salue la distinction opérée entre les compétences géographiques, attribuées aux pôles (gestion des infrastructures, des logements, etc.), et les compétences, de nature académique, attribuées aux zones académiques interpôles » [205].
233 Pour sa part, le CIUF remet, le 13 mars 2013, un avis qui indique bien les divergences à l’intérieur du secteur des universités [206]. L’ensemble des composantes du CIUF approuve sans réserve le principe d’autonomie des établissements. À l’exception de l’UCL, il y a un consensus en faveur de la création des pôles sur la base des périmètres définis par l’avant-projet de décret (8 composantes sur 10). La création des zones interpôles est par contre refusée par une majorité des membres du CIUF (7 composantes sur 10 ; seule l’UCL les approuve alors que la CSC s’abstient) [207]. L’accord du 17 janvier a organisé une nouvelle répartition des compétences dévolues aux pôles et aux interpôles : les compétences académiques des pôles sont transférées aux zones interpôles et leurs compétences sont désormais limitées aux infrastructures et aux services de proximité. Cette nouvelle division du travail est critiquée par la majorité des institutions, qui jugent inutiles cette instance intermédiaire entre les pôles et l’ARES. Certains suggèrent d’ailleurs que les compétences proprement académiques des pôles soient transférées à l’ARES, qui les traiterait sur une base plus large. L’ARES elle-même est acceptée avec des nuances critiques ; le principe même de l’agence est unanimement approuvé, mais son statut juridique, les compétences qui lui sont confiées et son mode de fonctionnement sont jugés imprécis. En réalité, les universités renâclent depuis le début à l’idée d’une agence pilotée par le monde politique, ce qui transparaissait assez clairement dans les versions originales du projet de décret [208].
234 L’UCL et l’enseignement de tradition catholique ne baissent pas les bras et continuent à tenter d’infléchir le projet de décret. Le 20 mars, « le SEGEC – qui compte 12 hautes écoles, six écoles supérieures des arts et 18 établissements de promotion sociale – ainsi que l’UCL [envoient] un courrier à destination des ministres et ministre-président du gouvernement de la Communauté française (…). Les signataires, représentant pas moins de 70 000 étudiants de plein exercice sur les 160 000 que compte la Communauté française (soit 43 %), y font état “de la nécessité de voir le texte amendé de manière substantielle en référence aux impératifs exprimés (…)” tout récemment “et ce, en vue d’assurer la pérennité de la qualité de l’enseignement supérieur” » [209].
5.3. Un compromis menacé
235Le 21 mars, après ces consultations qui ont attesté l’opposition d’une majorité des acteurs à la création des zones interpôles, le ministre Marcourt déclare vouloir supprimer ceux-ci ; cela entraîne une réaction vive du CDH, pour qui ce recul sur l’accord obtenu entraînerait une remise en cause de l’ensemble du projet de décret [210]. L’accord obtenu le 17 janvier 2013 est un compromis qui a permis de débloquer un accord politique gelé par l’opposition de l’UCL et des hautes écoles catholiques opposées au projet ; revenir sur ce compromis hypothéquerait à nouveau le projet. Selon La Libre Belgique, « pas moins de 400 pages d’avis ont été remises au cabinet Marcourt, sur base desquelles ce dernier affirme avoir pris sa décision. “Hormis le réseau libre (l’UCL et l’enseignement supérieur catholique non universitaire représentent ensemble près de 43 % des étudiants de plein exercice en Communauté française), tous les acteurs de terrain souhaitent voir disparaître cette couche supplémentaire dans le projet de réforme”, soutient-on dans les rangs du ministre socialiste. Dans cette optique, les deux principales compétences attribuées, selon l’accord politique, aux interpôles tomberaient en partie dans le giron de l’ARES (avis sur les nouvelles habilitations dans l’enseignement supérieur de type court), et en partie dans celui des pôles “académiques” (aide à la réussite). Un retour à une structure bicéphale donc (ARES et pôles) totalement “inacceptable” aux yeux du CDH. “Cela va totalement à l’encontre de l’accord politique conclu en janvier dernier”, nous lâche-t-on dans les rangs du parti. “À partir du moment où l’existence même des interpôles est remise en cause – le CDH souhaite que les questions académiques reviennent aux interpôles –, autant dire que cela coupe court à un éventuel débat sur le reste du texte décrétal.” Voilà qui laisse présager encore de longues heures de discussions entre les partenaires de la majorité. Si discussions il y a encore... » [211]
5.4. Un compromis qui permet de finaliser le projet de décret
236 Les mois d’avril et mai 2013 sont mis à profit par les partis associés au gouvernement de la Communauté française pour trouver une solution. Le 30 mai, le gouvernement approuve en seconde lecture l’avant-projet de décret. Il reprend les trois instances sur lesquelles l’accord s’est finalement construit : l’ARES, cinq pôles géographiques (centrés sur l’UCL, l’ULg, l’ULB et l’UNamur, l’USaint-Louis et l’UMons) et trois zone interpôles (Bruxelles-Brabant wallon, Liège-Namur-Luxembourg, Hainaut).
237Cet accord ne résout pas la totalité des questions abordées par le décret ; il concerne pour l’essentiel l’architecture institutionnelle de l’enseignement supérieur et définit les nouveaux organes créés et leurs attributions. Il reste encore des questions importantes propres au pôle bruxellois. Le point le plus délicat est qu’il faut rendre compatibles le dispositif et les attributions des pôles géographiques limitant les compétences en matière de programme d’études des universités et des hautes écoles à l’espace circonscrit par les pôles, et la revendication de l’UCL et de certaines hautes écoles bruxelloises de faire respecter le principe de la liberté d’association. La Libre Belgique note : « La question des habilitations conditionnelles (le fait d’autoriser une université à organiser une formation à condition que celle-ci ne soit pas nouvelle et qu’elle se fasse impérativement conjointement avec les établissements supérieurs habilités du pôle) octroyées ou pas à l’ULB, l’UCL et Saint-Louis sur le territoire bruxellois n’a toujours pas été réglée (…). Les partenaires de l’olivier francophone ont en effet donné leur accord à l’ouverture de négociations parallèles avec les acteurs de terrain concernés (les trois universités précitées et essentiellement les hautes écoles Marie Haps [ILMH], IHECS et ICHEC) de façon à ne pas bloquer l’ensemble du processus, et de permettre ainsi l’envoi du texte au Conseil d’État. Se voulant “réaliste”, le ministre Marcourt dit miser à présent sur la fin de vacances d’été pour espérer un vote au Parlement à la rentrée parlementaire. » [212]
238 Le 26 juin 2013, le Conseil d’État remet un avis comportant une série d’observations, ou demandant des clarifications. Il estime en outre que le projet de décret devra être adopté par une majorité spéciale des deux tiers, puisqu’il prévoit de transférer certaines missions de la Communauté française à l’ARES et aux pôles. L’article 24 de la Constitution prévoit, en effet, que « les dispositions qui règlent la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle du ou des organes autonomes doivent faire l’objet d’un décret spécial ». L’ARES et les pôles sont sans conteste des entités autonomes qui n’appartiennent pas à la Communauté française elle-même. Finalement, le ministre Marcourt choisit de regrouper les éléments exigeant une majorité spéciale dans un titre du décret de manière à en faciliter l’adoption tout en répondant aux injonctions du Conseil d’État. Par ailleurs, la majorité des deux tiers (63 députés) ne doit théoriquement pas faire problème, le gouvernement comptant sur l’appui des 68 membres de sa majorité (35 PS, 17 Écolo et 16 CDH) sur les 94 députés du Parlement de la Communauté française.
239 Le 18 juillet 2013, après de multiples péripéties et négociations politiques, le gouvernement de la Communauté française finit par adopter, en troisième lecture, l’avant-projet du décret Paysage. La négociation la plus sensible a associé deux universités bruxelloises, l’ULB et l’USaint-Louis, l’UCL, trois hautes écoles du réseau libre confessionnel – l’ILMH, l’IHECS et l’ICHEC – et le cabinet du ministre Marcourt. Le compromis sorti de cette négociation est une construction complexe qui reflète la volonté des divers acteurs d’obtenir, chacun, un bénéfice de la transaction. L’ILMH, l’IHECS et l’ICHEC souhaitaient travailler avec l’UCL qui n’avait pas d’habilitation territoriale à Bruxelles. L’USaint-Louis attendait un bénéfice de l’opération, mais n’avait pas d’habilitation pour les masters. L’ULB, institution bruxelloise de référence (comme l’USaint-Louis, mais avec toutes les habilitations), avait souhaité écarter l’UCL de Bruxelles et ne pouvait rester en dehors de cette négociation. Au terme de l’accord, les baccalauréats en traduction et interprétariat de l’ILMH seront intégrés à l’USaint-Louis alors que les masters seront intégrés à l’UCL. À l’inverse de l’ILMH, l’IHECS et l’ICHEC ne souhaitaient pas leur intégration à l’UCL, mais une coopération académique de nature à valoriser les formations qu’ils organisaient. Le master en journalisme de l’IHECS sera dorénavant organisé conjointement avec l’UCL et fera l’objet d’une co-diplomation alors que son master en relations publiques fera l’objet des mêmes dispositions avec l’ULB. Le master en gestion de l’ICHEC pourra faire l’objet d’une co-diplomation ICHEC–UCL–ULB et des cours seront suivis dans les trois institutions [213].
240 Cette construction se présente comme un compromis complexe qui permet de trouver une solution à la coopération entre l’UCL et des hautes écoles bruxelloises tout en impliquant les deux universités du pôle bruxellois, l’ULB et l’USaint-Louis. Elle se caractérise avant tout par son « réalisme politique », même si elle ne satisfait pleinement aucune des parties, comme l’explique La Libre Belgique : « Marie Haps (…) n’a jamais caché sa volonté, depuis 2011, de se voir intégrée à l’UCL pour sa formation en traduction/interprétation et ce, tout en restant exclusivement sur le territoire bruxellois (…). Marie Haps intégrera Saint-Louis pour ce qui concerne son bac en traduction/interprétation. Toutefois, les cours continueront à se tenir dans les locaux de la haute école. Pour ce qui est de son master, Marie Haps intégrera l’UCL (…). Les traducteurs se verront délocalisés à Louvain-la-Neuve tandis que les interprètes, formation dont à la fois l’UCL et l’ULB partagent une habilitation conditionnelle avec Marie Haps, resteront “très probablement” à Bruxelles (…), même si le lieu précis reste encore à déterminer. Une “solution en deux blocs”, déplore D. Huvelle [directeur de l’ILMH], qui est loin de l’enchanter : “C’est une solution de compromis que nous avons acceptée, mais qui ne nous satisfait pas à 100 %. Nous aurions voulu intégrer une seule université sur un seul territoire, nous voilà scindés en deux. Notre défi à présent est de travailler au dialogue et au maintien de la cohérence de cette formation et ce, d’ici septembre 2015”. Cela leur laisse donc deux ans pour y parvenir. » [214]
241 Deux semaines plus tard, lors d’une conférence de presse, le ministre Marcourt dit sa satisfaction devant le produit de cette négociation, qui a selon lui « cassé les piliers idéologiques à Bruxelles » [215].
5.5. Un compromis qui suscite l’amertume des hautes écoles de tradition catholique
242 Les hautes écoles de tradition catholique sont moins enthousiastes que le ministre. Le secrétaire général de la FEDESUC, par ailleurs président du CGHE, A. Coudyzer, dit dans La Libre Belgique du 9 octobre 2013 les sentiments très mitigés que lui inspire le projet de décret Paysage. Il commence par expliquer que les hautes écoles de tradition catholique ont préféré la voie de la négociation à celle de l’affrontement : « Dès le départ, nous avons constaté que ce décret ne nous conviendrait pas parfaitement. C’est le moins que l’on puisse dire. Mais notre stratégie n’a jamais été de tout rejeter en bloc. Il y avait beaucoup de choses à faire évoluer, nous avons mené des négociations volontairement discrètes pendant plusieurs mois pour y parvenir, et je pense que nous y sommes parvenus. Maintenant, il est clair que le texte est encore loin d’être parfait. Je pense notamment à la problématique des co-diplomations forcées. Ce que le décret prévoit, c’est que toute nouvelle habilitation devra se faire soit en co-organisation, soit en co-diplomation. Et sur ce point, je pense sincèrement que ceux qui ont écrit le texte ne se rendent pas compte des complications et des difficultés que cela va engendrer demain. Autrement dit, je considère que cette obligation systématique de co-organisation et de co-diplomation (…) est excessive et que, d’une façon ou d’une autre, il faudra faire marche arrière (…). Cette question des habilitations reste un carcan trop rigide : on ne nous laisse même plus la liberté d’organiser l’enseignement tel qu’on le souhaite. Allez, pourquoi une institution, sans faire de la concurrence à d’autres, ne pourrait-elle pas être porteuse d’une habilitation qui lui est propre ? Sincèrement, pour toute une série de formations, je pense que l’on peut offrir des choses à la fois différentes et complémentaires sans pour autant être concurrents. » [216]
243 Il critique ensuite la représentation des hautes écoles au sein de l’ARES. Les institutions sont représentées dans les pôles au prorata de leurs diplômés alors que dans l’ARES cette référence disparaît totalement. « Rappelons quand même que l’enseignement supérieur catholique représente pratiquement 48 % de la population étudiante [des] hautes écoles et écoles supérieures des arts. Mais force est de constater que ce décret présente deux axes contradictoires. Dans les cinq pôles géographiques, on prévoit que chacune des institutions y portera une voix à hauteur de son nombre de diplômés. Au niveau de l’ARES par contre, il n’y a aucune référence au poids que représentent les institutions, qu’elles soient classées par réseaux ou par types d’enseignement. Il n’y a aucune référence au poids des étudiants représentés. À l’ARES, vous trouvez quoi pour le moment ? Six universités, six recteurs, tous sont présents alors que trois universités sont finalement plus petites que plusieurs hautes écoles prises isolément. Ce n’est clairement pas normal ! (…) Nous souhaitons une représentation correcte de nos institutions à l’ARES, que ce soit par des directeurs ou par des porte-parole de fédérations et de réseaux. Mais il me faut cette garantie absolue. » [217]
244 Enfin, il estime que les hautes écoles n’ont pas été traitées comme les universités par le cabinet Marcourt : « C’est sûr qu’à la différence des universités, nous n’avons pas utilisé la corde médiatique pour nous faire entendre. Nous préférions transmettre directement nos exigences et avis aux politiques. Maintenant, je pense qu’il y a clairement un procès qui devrait être fait au niveau du cabinet Marcourt. Parce que le premier porte-parole que ce dernier a systématiquement envisagé pour avoir un contact, ce sont les universités. Sur toute la période de négociation et de mise en place de ce décret, le nombre de contacts entre le cabinet Marcourt et les recteurs est trois fois voire quatre fois supérieur au nombre de contacts que le cabinet a bien voulu établir avec les autres types d’enseignement. Les hautes écoles et écoles supérieures des arts se sont retrouvées dans l’ombre des universités ! Je le déplore. » [218]
6. Le vote du décret
245 Au terme du processus de négociation politique et de correction du projet de décret, le travail proprement parlementaire reprend, en commission comme en séance plénière. Le ministre J.-C. Marcourt a l’occasion d’expliquer à nouveau les tenants et aboutissants du projet. Les critiques ou les doutes issus de l’opposition ne compromettent pas le résultat du vote, mais ils indiquent que l’accord autour du nouveau régime proposé n’est pas unanime.
6.1. Le travail en commission de l’Enseignement supérieur
246 Le 16 octobre 2013, le projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur est voté par la commission de l’Enseignement supérieur du Parlement de la Communauté française par 10 voix et 3 abstentions après 17 heures de débat.
247 Le rapport de la commission précise que celle-ci a examiné ce projet « au cours de ses réunions des 14 et 15 octobre 2013 » [219]. Ce rapport commence par un exposé de J.-C. Marcourt, qui présente le projet à la commission au nom du gouvernement de la Communauté française. Préférant ne pas revenir « sur les échanges, souvent par médias interposés, où les protagonistes se sont exprimés, parfois à la limite de l’indélicatesse », le ministre affirme d’emblée que « si le projet de décret est adopté, il signifiera un progrès extraordinaire dans l’organisation structurelle de l’enseignement supérieur et dans le déroulement des études que suivent les étudiants » [220]. Le ministre rappelle ensuite quelques jalons historiques importants : « 1° la mise en place du système généralisé des grades académiques (dès 1994 pour les universités), la constitution des hautes écoles (en 1995) et des écoles supérieures des arts (en 1999), ainsi que, en parallèle, la réforme de l’enseignement de promotion sociale (en 1991) ; 2° la réforme de Bologne, processus lancé en 1999, mais concrétisé en Fédération Wallonie-Bruxelles en 2004. » [221]
248 Le ministre précise en quoi la réforme de Bologne a affecté l’enseignement : « La réforme de Bologne a effectivement modifié profondément les intitulés des grades académiques et la découpe des cursus en trois cycles, ce qui a eu pour effet d’induire une réflexion, puis une évolution profonde des contenus et de l’organisation pratique des études. » [222] Il poursuit en précisant que la réforme de Bologne a visé essentiellement les universités. Il en a résulté que l’organisation des études et des titres, les modes de financement sont restés différents dans les universités, les hautes écoles, les écoles supérieures des arts et l’enseignement supérieur de promotion sociale. Cette disparité, selon le ministre, « restait de nature à compliquer les échanges et collaborations entre établissements soumis à des réglementations différentes au sein même de la Fédération Wallonie-Bruxelles » [223]. La réforme lui est donc apparue imparfaite et inachevée. Au fil des années, des rapprochements entre établissements ont eu lieu, mais sans un cadre global garantissant le maintien d’une offre de qualité sur tout le territoire. La déclaration de politique communautaire a donc annoncé la volonté du gouvernement de fixer un cadre qui balise les processus de fusion sans renforcer les concurrences entre établissements, en installant des passerelles entre les différentes filières de l’enseignement supérieur et en veillant à ce que l’enseignement de premier cycle reste accessible « sur une base de proximité géographique ».
249 Le ministre revient ensuite sur la table ronde menée de la fin de l’année 2009 au milieu de l’année 2010. Il souligne que, « pour la première fois, tous les types d’établissements et tous les acteurs de l’enseignement supérieur se trouvaient réunis » [224]. Il énonce les leçons qu’il a tirées de la table ronde : « En synthèse, à l’issue des travaux de la table ronde de l’enseignement supérieur, tous se sont accordés à mettre en évidence, avec des priorités certes différentes, le besoin d’une réforme, la nécessaire unicité de l’enseignement supérieur, l’importance du lien entre l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, la place centrale de l’étudiant, la suppression des situations de concurrence, l’ancrage local pour les études de premier cycle, l’ouverture à toutes les formes de collaborations possibles, l’autonomie des établissements, mais également le besoin de fédération et de cohérence du système. » [225] Il en a déduit qu’il fallait réformer l’enseignement supérieur pour qu’il devienne « un système unifié ». Celui-ci devra continuer à permettre d’« allier l’organisation d’un enseignement supérieur de qualité, assurant tout à la fois une offre de proximité et un fort taux de diplomation à tous les cycles, avec des activités de recherche de pointe ou des formations hautement spécialisées reconnues internationalement » [226].
250 Si le ministre considère que, en matière de recherche scientifique, de nombreuses collaborations se sont mises en place entre les établissements, il estime que, « en matière d’enseignement supérieur, la mise en œuvre progressive du processus de Bologne (…) en Fédération Wallonie-Bruxelles a posé les fondements des collaborations entre établissements en Fédération Wallonie-Bruxelles ou extérieurs à celle-ci, mais n’a pas encore réalisé les réformes nécessaires pour rendre manifeste la cohérence du système et garantir la perméabilité nécessaire pour offrir des parcours d’études personnalisés, en interne ou de manière plus large (…). Ce texte vise à transcender une logique de concurrence pour une gouvernance cohérente articulée autour des concepts d’excellence, de synergie, de collaboration et de solidarité entre les institutions et leurs équipes » [227].
251 Le ministre considère que le décret qu’il présente n’est pas porteur de nouvelles contraintes, comme il en a parfois été accusé. Il rappelle avec insistance « qu’il propose en fait de remplacer de nombreuses structures disparates et de réglementations existantes par un système simplifié et une organisation garantissant l’autonomie des établissements, la liberté académique des enseignants et chercheurs et simplifiant les collaborations et les partages de compétences et de ressources » [228].
252 Il présente enfin les quatre parties du projet de décret. Seul le titre II, « Le paysage », porte sur la réorganisation de la structure de l’enseignement supérieur, objet de ce Courrier hebdomadaire. Les objectifs sont décrits en termes précis : « Ces structures n’ont ni pour objectif ni pour effet de limiter inutilement la liberté des établissements (…). Ce projet de décret vise effectivement à créer un ensemble de dispositifs de nature à encourager les collaborations entre établissements dans l’exercice de leurs missions et à simplifier la mise en œuvre de telles synergies (…). Sachant que, à l’heure actuelle, le financement des établissements se fait principalement à enveloppe fermée, l’intérêt des établissements est de limiter les situations de concurrences injustifiées conduisant structurellement à une dispersion des ressources (…). En mettant en place, via les pôles académiques et les zones académiques interpôles, des mécanismes de partage et d’échanges locaux, il accroît les opportunités de collaborations efficientes en minimisant les contraintes liées à l’éloignement de partenaires potentiels. Cette démarche générale vise à maintenir et à développer tant une offre d’études initiales de proximité que le maintien de spécialisations pointues, organisées majoritairement de manière collective entre les établissements compétents. » [229]
253 Suit une présentation de l’ARES et des cinq pôles académiques. Dans la présentation du ministre, l’ARES et les pôles font l’objet d’un long traitement dans des sous-sections qui leur sont consacrées, alors que les trois zones interpôles sont décrites en quelques lignes dans une section consacrée à la présentation générale du modèle et des structures qui le composent : « le projet définit également trois zones interpôles, réunion conjointe des conseils d’un ou deux pôles voisins, pour traiter de manière cohérente certains sujets transcendant les limites géographiques des pôles » [230].
254 De la présentation détaillée de l’ARES et des pôles académiques, on peut retenir ceci. D’une part, « l’ARES sera un organisme d’intérêt public (OIP) de catégorie B, ce qui en garantira l’autonomie (…). L’ARES se substitue complètement aux trois conseils existants – le CIUF (Conseil interuniversitaire de la Communauté française), le CGHE (Conseil général des hautes écoles) et le CSESA (Conseil supérieur des écoles supérieures des arts) – et reprend toutes les missions dévolues au Conseil de la politique scientifique de la Communauté française (CPSCF) et à l’Observatoire de l’enseignement supérieur » [231]. D’autre part, « les pôles académiques sont également des structures autonomes et publiques, jouissant de la personnalité juridique (…). La forme choisie est celle d’association sans but lucratif qualifiée “de droit public” (…). L’objectif est de concilier une forme légale souple et adaptable aux situations spécifiques des différents pôles (nombre d’établissements, étendue géographique, taille des établissements...) avec une contrainte forte sur la liste des établissements membres conforme à l’objectif légalement décrit (l’appartenance à un pôle en fonction exclusive de la situation géographique de ses sites ou campus). Ce dernier critère pourrait apparaître comme en contradiction avec le principe général de la liberté d’association. Mais le projet répond effectivement à cette critique (…) : 1° d’une part, il ne réduit en rien les capacités des établissements (…) de mettre en place ou de participer à tout réseau, association ou collaboration de quelque forme que ce soit (…), les établissements (…) conservent en cette matière leurs prérogatives propres ; 2° d’autre part, les missions dévolues aux pôles sont parfaitement définies par le dispositif et ne visent qu’à promouvoir les collaborations entre les établissements sur base de leur proximité géographique, ce qui justifie largement la répartition figée proposée, et n’empiète en rien sur leurs autres activités (…) ; 3° à titre complémentaire, les avis ou projets d’enseignement qui seraient portés par un pôle doivent être in fine examinés par l’ARES. En cela, tous les acteurs, quels que soient le ou les pôles auxquels ils appartiennent, auront été consultés et auront pu, directement ou indirectement, participer à l’avis rendu » [232].
255 Plusieurs dispositions reprises dans le titre III, « L’organisation des études », doivent également être mentionnées ici, parce qu’elles auront un impact sur le fonctionnement des établissements. Dans cette section, l’ambition affichée est d’ailleurs de « propose[r] une organisation générale commune pour tous les établissements d’enseignement supérieur » [233]. « Le chapitre 7 innove sur les modalités d’évolution de l’offre d’enseignement. Le ministre Marcourt entend sortir d’une logique qui s’apparente parfois à du marchandage entre établissements pour proposer une méthode de réflexion sur les besoins des étudiants et des citoyens en général, puis sur une réponse collective au besoin identifié. Ainsi, le projet pose comme modèle, pour les nouvelles filières, la construction collaborative : soit un programme conjoint, soit, si c’est sensé, une co-diplomation. L’idée est non seulement la mise en commun des compétences pointues spécifiques, mais aussi le partage de la charge budgétaire et humaine de mise en place de nouvelles études. Ceci correspond bien à l’objectif général de recherche de l’excellence et de l’émulation mutuelle, plutôt que de la conception de stratégie d’accroissement de parts du marché dans un contexte de concurrence entre établissements. Il est clair que ce modèle va bousculer les habitudes et les traditions. Mais (…) il a déjà porté ses fruits (…) ; le ministre Marcourt pense notamment aux cohabilitations conditionnelles proposées pour l’IHECS (Institut des hautes études des communications sociales, de la Haute École Galilée) ou l’ICHEC (Brussels Management School), conjointement avec deux universités : l’UCL et l’ULB. Pour ceux qui connaissent l’histoire de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, ces conventions tripartites sont de nature à illustrer clairement l’esprit et l’impact potentiel de cette réforme. » [234]
256 Une discussion générale suit cette présentation. Beaucoup des interventions portent, à titre principal ou à titre secondaire, sur la question du financement de l’enseignement supérieur – F. Bertieaux, E. Disabato, M. de Lamotte, C. Persoons, Jean-Paul Wahl (MR), Jacques Brotchi (MR). La majorité déploie des arguments, qui sont entendus par une partie de l’opposition [235], pour expliquer qu’il n’aurait pas été possible de mener le chantier du financement en plus de celui de la réforme du paysage. L’opposition regrette que le mode de financement de l’enseignement supérieur, qui alimente les concurrences entre établissements, n’ait pas été revu de façon prioritaire et que le décret ne se soit attaché qu’à réduire ces concurrences, sans s’attaquer à corriger ce qui les suscite.
257 La question du financement, qui avait déjà été mise en avant par les participants à la table ronde, constituera aussi un thème très présent des interventions en séance plénière du Parlement de la Communauté française, le 6 novembre 2013 (cf. infra).
258 F. Bertieaux ouvre la discussion [236] et rappelle qu’une partie du décret Bologne du 31 mars 2004 « a été mis à mal par des événements factuels comme le refus des FUNDP (depuis lors UNamur) de rejoindre l’UCL, d’une part, et ce qu’elle a appelé à l’époque “la sécession des montois” quand l’UMH (depuis lors UMons) a voulu “sortir du giron” de l’ULB, d’autre part » [237]. Elle ajoute que la méthode du « cas par cas » qui a présidé aux premières fusions ne plaisait pas au groupe MR. Ses premières appréciations sont donc positives : « Des événements réclamaient donc de prendre des dispositions décrétales que M. le ministre Marcourt a veillé à écrire dans un projet de décret qui constitue une véritable codification de la matière et qui permet la fluidité et la lisibilité du texte. Il ne s’agit pas uniquement de renvois aux textes d’origine. » [238]
259 Après ces préliminaires, elle devient plus critique : « Au fil des étapes du processus, M. le ministre Marcourt a proposé un projet de décret basé sur l’organisation par pôles dits géographiques, dont deux zones géographiques proches qui n’ont pas compris pourquoi elles étaient séparées l’une de l’autre, ce qui a débouché sur des échanges virulents par voie de cartes blanches dans la presse. Pour résoudre ce problème, des structures intermédiaires ont dû être créées et d’un paysage lisible en 2004, dégradé entre-temps, le paysage de l’enseignement supérieur commence à ressembler à une “usine à gaz”. Le risque existe que le secteur demande bientôt une simplification de ce système complexe, ce qui ne rend pas celui-ci très stable pour le moment. De plus, M. le ministre Marcourt n’a pas pu résister aux travers classiques des différents ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui se sont succédé ces dix dernières années en prenant des chemins dirigistes et contrôlants dans un secteur qui a pu préserver son excellence parce qu’il pouvait préserver son autonomie. C’est le cas de l’ARES et des pôles qui font perdre énormément d’autonomie aux établissements d’enseignement supérieur en Communauté française. » [239]
260 E. Disabato dit ensuite la satisfaction de son groupe devant le texte présenté. Certains de ses arguments sont redits en séance plénière et sont présentés dans les pages qui suivent. Il se réjouit de constater que « les instances qui piloteront l’enseignement supérieur transcenderont tous les clivages historiques connus (enseignement universitaire/hors universités, confessionnel/non confessionnel, libre/officiel, de plein exercice/de promotion sociale, universités dites complètes et incomplètes). Il s’agit d’un changement de paradigme institutionnel mais non pas une nouveauté comme en témoignent les nombreuses collaborations déjà existantes ». Au terme d’un survol des divers éléments du projet de décret, il commente les zones interpôles : « Les pôles seront regroupés en trois zones académiques (la zone de Bruxelles-Brabant wallon, la zone de Liège-Namur-Luxembourg et la zone du Hainaut) pour certaines matières académiques. La gestion de l’offre de type court (bachelier de qualification) se situera à ce niveau comme les politiques d’aide à la réussite. Plus particulièrement, M. Disabato attire l’attention du ministre Marcourt sur la situation dans la province de Hainaut où le pôle correspond à la zone académique. Il lui demande de préciser la mise en œuvre du dispositif dans le Hainaut afin d’éviter une certaine lourdeur dans l’application de la réforme vu que les deux instances se confondent. » [240]
261 Z. Khattabi intervient, essentiellement à propos du titre III, en regrettant que celui-ci « n’ait pas davantage mobilisé les protagonistes les plus actifs puisque l’ensemble des intervenants sont tous d’accord pour dire que le cœur du dispositif proposé est l’étudiant » [241].
262 M. de Lamotte considère qu’« il s’agit d’une des réformes majeures de cette législature ». Il « ose espérer que le climat sera maintenant à l’apaisement et que chaque représentant aura à cœur, au-delà de son établissement ou de son réseau, de s’investir au sein de l’ARES au nom de l’intérêt général de l’enseignement supérieur et afin de transcender les logiques de concurrence entre les établissements (…). [Il] poursuit sa première intervention en appelant le ministre à rassurer les acteurs concernés sur cette réforme d’ampleur dont la mise en œuvre prendra du temps, sachant que des projets de décret annexes doivent encore être votés avant la fin de cette législature, que des arrêtés d’application doivent être pris et que des circulaires doivent être rédigées » [242]. Dans ses interventions en séance plénière, il répétera cet appel au ministre.
263 Pierre Tachenion (PS) souligne que « le groupe PS a relevé sur le sujet [le projet de décret du ministre Marcourt] une trentaine de questions orales et d’interpellations déposées au Parlement durant cette législature, deux débats thématiques en séance plénière, un nombre impressionnant de cartes blanches, d’articles de presse, de déclarations et de communiqués. Il y voit le signe d’une grande vitalité démocratique (…). Une autre avancée importante que P. Tachenion souligne est la collecte des données statistiques qui représente une mission de service public. Il est nécessaire que de telles données soient destinées au pilotage de l’enseignement supérieur et qu’elles puissent être à la disposition du Parlement (…). Il exprime un regret [à propos des pôles] : ils auraient pu être dotés davantage de compétences académiques. Ainsi, les nouvelles habilitations, qui seront accordées sur la base de projets collaboratifs, auraient eu une signification renforcée si elles avaient été attribuées à un pôle » [243].
264 C. Persoons commence son intervention en soulignant que « c’est une avancée d’aboutir à un texte qui réunit l’ensemble de la législation concernée dans un nouveau projet de décret » [244]. Elle exprime ensuite « les plus grandes craintes quant aux choix des cinq pôles, parce que la Wallonie et Bruxelles n’auront d’excellence et de visibilité internationale que si leur enseignement supérieur reste une compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La base du projet de décret est d’affirmer que la proximité est un facteur essentiel d’accès à l’enseignement supérieur mais elle s’interroge sur cette prémisse, dans la mesure où, d’une part, certaines études insistent sur la dimension européenne de l’enseignement supérieur et, d’autre part, les universités ou hautes écoles en Belgique ne sont jamais très éloignées du domicile de l’étudiant » [245].
265 Dans ses réponses à cette première salve de question, le ministre Marcourt s’engage à proposer au gouvernement « une méthodologie pour entamer la réflexion sur le refinancement de l’enseignement supérieur (…) dès que le projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études aura été adopté par le Parlement » [246].
266 La discussion générale reprend avec une première intervention de Christine Defraigne (MR). Son intervention se focalise « sur l’ARES, fruit de consensus, et donc vraie “usine à gaz”. Le statut juridique d’une organisation d’intérêt public (OIP) de type B implique une grande participation, voire une intrusion du gouvernement dans la gestion de l’instance. Elle demande s’il n’était pas plus pertinent de créer une structure plus souple et plus autonome par rapport au pouvoir politique » [247]. J.-P. Wahl axe son intervention sur une seule question : « Le ministre Marcourt a-t-il des garanties suffisantes que ce texte va améliorer la qualité de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles ? [Il ajoute que] ce projet de décret correspond bien à une “usine à gaz” : multiplication des organes et des fonctions, politisation et manque d’indépendance des acteurs concernés, parcours complexe de l’étudiant. » [248] S. de Coster-Bauchau critique quant à elle les zones académiques. Pour elle, « elles seront une coquille vide ou seront inapplicables sur le terrain. Quelle est l’influence des zones académiques dans la nouvelle structure ? Comment rendre les zones académiques opérationnelles avec un Conseil d’administration composé de parfois 60 administrateurs ? Est-ce gérable d’autant que certaines décisions se prendront à la majorité des deux-tiers ? » [249]. J. Brotchi se dit inquiet, parce qu’il estime que l’ULB est dans une situation « plus difficile » que les autres universités de la Communauté française. « Par le jeu des pôles académiques, l’ULg et l’UCL seront maîtres absolus dans leur pôle respectif tandis que l’ULB aura à partager la présidence de son pôle avec l’USaint-Louis et à tenir compte de la voix de l’UCL. » [250]
267 Dans sa réponse, le ministre Marcourt souligne que, « pour la première fois dans l’histoire de la Communauté française, un régime unique est instauré et permet entre autres la mobilité étudiante, des réorientations dans le parcours de l’étudiant et des accompagnements de l’étudiant sur un modèle unique. Tous les conseils consultatifs précédents sont désormais rassemblés dans trois chambres thématiques » [251].
268 La première réplique revient à F. Bertieaux, qui « s’inquiète du sort réservé aux hautes écoles et se dit plus particulièrement choquée de celui qui est plus spécifiquement réservé à l’enseignement de type court ». À ses yeux, dans cet enseignement, la « perte d’autonomie et la perte de capacité de réagir face aux demandes du marché est particulièrement importante » [252].
269 Vient ensuite la discussion et le vote des articles. La majorité des discussions et des amendements sont très techniques et portent sur des points qui peuvent paraître anodins. L’un ou l’autre méritent tout de même d’être relevés, soit parce qu’ils constituent potentiellement des indicateurs de tendances qu’il convient d’analyser plus avant, soit parce qu’ils confirment des pratiques installées de longue date. Ainsi, par exemple, F. Bertieaux se demande pourquoi, dans les énumérations qui figurent dans le décret, « l’ULg est citée la première ». Le ministre « répond que ce n’est pas un choix personnel, c’est un choix historique. L’ULg est la plus ancienne université de la Fédération Wallonie-Bruxelles et sans discontinuité. Ne pas la citer en premier serait une nouveauté » [253].
270 Sur les questions délicates, le débat se fait plus long. Les articles 20 à 51, relatifs à l’ARES, voient se multiplier les questions. F. Bertieaux se déclare totalement opposée au point 14 de l’article 21 qui délègue à l’ARES « le soin de fixer les montants des droits d’inscription aux études et formations qui ne seraient pas déterminés par la législation car cette mission bride la liberté des établissements » [254]. Elle estime par ailleurs « que la mission de gérer un système de collecte de données statistiques [que le projet de décret entend confier à l’ARES] est le rôle du ministère » [255]. P. Tachenion lui répond en soulignant « que la mission (…) de gérer un système de collecte de données statistiques constitue une mission de service public d’importance (…). La gestion de ces données devient une mission de l’ARES, organisme public. Il croit en effet qu’il est nécessaire que de telles données puissent être dans les mains du secteur public et à destination de ceux qui pilotent l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles » [256]. Le ministre marque son plein accord avec les arguments qui viennent d’être développés par P. Tachenion : « [Il] fait observer (…) qu’il n’y a quasiment pas de pilotage de l’enseignement supérieur. Il rappelle que le ministre en charge de l’enseignement supérieur doit quémander au CREF, qui est une association privée, des informations statistiques concernant les universités que l’administration ne possède pas. Il a donc fait en sorte qu’un organisme public puisse fournir des données statistiques à l’administration, au gouvernement et au Parlement. » [257]
271 Quand la commission arrive aux articles 52 à 65, relatifs aux pôles académiques, F. Bertieaux « fait observer que c’est une matière sensible. C’est le nombre et les limitations géographiques des pôles qui ont été à l’origine d’une polémique qui a duré une année entière et ne s’est éteinte que par les accords noués l’été dernier. Elle rappelle que son groupe reste extrêmement prudent par rapport à cette notion de pôle (…). La division en cinq pôles sur base de critères géographiques ne correspond pas à la demande originelle du secteur. Cela a produit des frictions extrêmement graves » [258]. P. Tachenion revient sur son intervention précédente « en signalant le regret de son groupe [PS] que ces pôles ne soient pas dotés de plus de compétences académiques. Les habilitations nouvelles qui seront accordées sur base de projets collaboratifs auraient eu davantage de sens et de pertinence si elles avaient été attribuées à un pôle qui aurait pu lui-même définir l’utilisation qu’il comptait en faire. C’est un chantier qui reste ouvert à l’avenir » [259]. F. Bertieaux répond à P. Tachenion que le groupe MR regrette « que les pôles aient des compétences académiques (…). En revanche, son groupe reconnaît volontiers que les pôles géographiques ont un sens pour tout ce qui touche aux infrastructures ou à la mobilité » [260]. S. de Coster-Bauchau se demande « quelles sont vraiment les missions de ces zones académiques puisque ce n’est d’abord qu’une instance d’avis, quelles sont leur forme juridique et leurs missions. Cela ressemble à une coquille vide (…). La commissaire s’interroge sur ce qu’il advient du type long et pourquoi l’université va devoir donner un avis sur cette question alors qu’elle n’organise pas de type court » [261].
272 La majorité des articles concernant l’ARES et les pôles sont adoptés par la majorité et l’abstention des membres de l’opposition.
273 La date d’entrée en application du décret suscite d’ultimes échanges. S. de Coster-Bauchau « rappelle que l’ensemble du secteur, et plus particulièrement le CREF, avait demandé un délai de réflexion plus long avant l’entrée en vigueur de la partie relative à l’organisation des études. Selon le ministre, la mise en œuvre du décret s’est voulue prudente et le secteur, par le dispositif même du projet de décret, a déjà obtenu ce qu’il réclamait, malgré les propos enflammés que d’aucuns ont pu tenir » [262]. Enfin, l’ensemble du projet de décret, tel qu’amendé, est adopté par 10 voix et 3 abstentions [263].
6.2. L’examen du projet de décret Paysage en séance plénière
274La discussion publique du projet de décret Paysage a été bien déblayée lors de sa discussion en commission de l’Enseignement supérieur ; à cette occasion, les promoteurs du projet, les partis de la coalition et les représentants de l’opposition ont pu échanger arguments, justifications et critiques et débattre des amendements proposés. Le 6 novembre 2013, le projet de décret est examiné en séance plénière du Parlement de la Communauté française.
275 La discussion du projet de décret commence à 15h50. Le rapporteur, P. Tachenion, en accord avec ses collègues M. de Lamotte et E. Disabato, se réfère au rapport écrit, élaboré lors des travaux de la commission de l’Enseignement supérieur.
276 Les représentants des partis associés au gouvernement (PS, Écolo et CDH), ainsi que le rapporteur, P. Tachenion, disent tous les mérites qu’ils voient dans ce décret qui apporte, selon eux, des réponses utiles et convaincantes à l’organisation de l’enseignement supérieur en Communauté française.
277 Selon L. Walry, chef du groupe PS, le mérite principal de ce projet de décret est d’organiser la cohérence de l’enseignement supérieur et de promouvoir la collaboration entre les diverses institutions : « La cohérence de notre enseignement supérieur sera garantie par l’ARES, une structure faîtière dont la mission sera entre autres de mettre fin à la concurrence entre établissements, dont les méthodes pour gagner davantage d’étudiants ne sont pas toujours dignes de notre enseignement supérieur. Les pôles académiques seront le cœur du processus collaboratif. Organisés sur une base locale, les établissements auront les moyens de dépasser la barrière des anciennes concurrences pour jouer à plein leur rôle de moteur académique dans leur région (…). Pour la première fois dans l’histoire de notre enseignement supérieur, les collaborations entre différentes formes d’enseignement auront pour objectif de faire se rencontrer ni plus ni moins que deux mondes d’enseignement qui jusqu’alors se regardaient davantage comme des adversaires que comme des collaborateurs. » [264] À ses yeux, la justification fondamentale du décret est l’intérêt des étudiants : « Le cœur du décret, son point d’appui, l’attention de chaque seconde de ce texte, c’est l’étudiant ! On ne réforme pas le paysage de l’enseignement supérieur pour réformer, on le réforme pour l’étudiant ! Il est au centre de nos préoccupations, de notre attention et du texte proposé. » [265] Au cours du débat, et devant le scepticisme exprimé par F. Bertieaux, pour qui le projet de décret ne va pas changer grand chose aux collaborations qui existent déjà, L. Walry insiste encore sur la vertu majeure qu’il voit dans le texte proposé : organiser la collaboration et la solidarité entre les institutions et « poser les bases d’un enseignement supérieur ancré dans son territoire et au service de tous » [266].
278 E. Disabato estime aussi que le décret permettra de promouvoir un enseignement supérieur accessible et ancré dans un territoire. Lors de son intervention, il insiste sur la priorité qu’il fallait donner à « l’accompagnement démocratique de l’évolution de l’enseignement supérieur » [267] : « L’accessibilité géographique, la priorité à une offre centrée sur les besoins davantage que sur la notion de taille critique ou le nécessaire cadrage des rapprochements entre les établissements ont toujours été les principales motivations de notre position. » [268] Il rappelle que, lors des travaux de la table ronde, le groupe de travail « Paysage institutionnel » « avait constaté la nécessité de rendre le système d’enseignement supérieur plus lisible, en balisant les rapprochements entre établissements ; de réduire l’émiettement ; d’améliorer l’offre dans les zones géographiques mal couvertes » [269]. Selon lui, la justification des pôles géographiques tient d’abord à l’accès très différencié à l’enseignement supérieur selon les régions : « 40 pour 1 000 habitants dans le Brabant wallon ; (…) 25 pour 1 000 à Bruxelles, Namur et Liège et (…) 17 pour 1 000 dans le Hainaut ! Mon groupe est heureux que la discussion se soit recentrée sur l’essentiel et qu’un compromis ait été trouvé, même s’il reste des dissensions avec certains acteurs (…). Pour Écolo, la création de ces pôles est une opportunité à maints égards. Les possibilités de mutualisation sans contrainte offertes aux acteurs permettront d’améliorer le service aux étudiants et au personnel : les petits établissements profiteront des infrastructures et services d’institutions plus importantes. Ce système permet une utilisation plus rationnelle des moyens publics alimentant l’enseignement supérieur. Il faudra probablement que ces pôles réalisent rapidement un relevé des différentes infrastructures pour déterminer les besoins et répondre aux demandes et attentes des étudiants. » [270] Enfin, il apprécie la création de l’ARES, « qui laissera la main aux acteurs », et énonce les mérites qu’il voit dans cette nouvelle structure : « L’ARES institue un début de pilotage intégré de l’enseignement supérieur (…) cher aux yeux d’Écolo. » Et de conclure en rappelant, comme L. Walry avant lui, que « l’étudiant doit être au cœur de la réforme ».
279 P. Tachenion reprend les mêmes justifications. Le dispositif décrétal favorise la collaboration là où les établissements étaient en concurrence : « Demain, l’étudiant ne devra plus choisir entre l’un ou l’autre établissement, il pourra bénéficier des collaborations entre ceux-ci pour être co-diplômé de plusieurs d’entre eux. Parce que le décret prévoit une organisation sur une base géographique, garante d’une proximité tout aussi géographique de notre enseignement supérieur dans chacun des pôles, parce qu’il met en œuvre un brassage entre les établissements qui empêche de tourner en vase clos, parce qu’il encourage les interlocuteurs au dialogue et aux collaborations au bénéfice de l’étudiant, cette réforme du paysage et de l’organisation des études est clairement centrée sur l’étudiant. » [271] Il insiste sur cette idée de décloisonnement qui lui semble un des objectifs majeurs du projet du ministre Marcourt : « Le brassage de cultures d’enseignement supérieur que constituera la co-organisation et la co-diplomation dans notre enseignement supérieur sera également l’un des points forts de cette réforme au profit de l’étudiant. En cassant le mécanisme des vases clos qui poussait chacune de nos institutions à travailler repliée sur elle-même, en proposant une ouverture à une échelle jamais observée auparavant en matière de collaboration entre établissements, ce décret permettra de décloisonner nos institutions et d’ouvrir les esprits dans bon nombre de domaines. J’ai bon espoir que cette ouverture d’esprit rejaillira tant sur la qualité de notre enseignement que sur le bien-être et l’épanouissement de nos étudiants. » [272]
280 Au nom du CDH, M. de Lamotte dit sa satisfaction de voir aboutir un projet passé par des phases difficiles et « des joutes verbales parfois peu glorieuses » [273]. Il y voit nombre d’éléments positifs ; il se félicite entre autres du travail réalisé par le gouvernement « afin de favoriser les collaborations entre la région bruxelloise et le Brabant wallon » [274]. Seul bémol à cette évaluation positive : la question du financement est un problème majeur qui reste à régler.
281 Pour les partis de la majorité, le projet prévu par la déclaration de politique communautaire a donc été mené à bien, selon les principes mêmes qui avaient été annoncés : le rapprochement des deux grandes branches de l’enseignement supérieur (universités et hautes écoles), le décloisonnement des réseaux et le privilège donné à l’organisation géographique ou territoriale censée faciliter l’accès à l’enseignement. Enfin, ce sont les intérêts de l’étudiant qui fondent l’ensemble du projet.
282 Du côté de l’opposition, le ton est bien logiquement différent. La chef de groupe MR, F. Bertieaux, souligne la qualité du travail législatif réalisé et rappelle les débats approfondis lors de l’examen du projet en commission ainsi que le travail d’amendement qui a été réalisé [275]. Mais elle entend aussi souligner quelques critiques qui peuvent être adressées au projet. Elle commence par s’interroger sur l’écart entre les conclusions de la table ronde et certaines dispositions du projet de décret. Ainsi, « [on] ne trouve (…) nulle part dans les conclusions de cette table ronde une quelconque demande de travailler à un niveau géographique et de rassembler les établissements en cinq pôles. Nous nous sommes écartés du chemin initial, ce qui a provoqué des frictions au cours de l’année écoulée » [276]. Elle souligne l’intérêt du groupe MR pour la formule de la coupole unique de coopération et de coordination mais dit craindre, à la lecture du projet, de la voir soumise à des contraintes bureaucratiques : « L’ARES, bien plus qu’une coupole de coopération et de coordination, dev[ient] une entité administrative à côté de l’administration et (…) son fonctionnement poser[a] dans la pratique un certain nombre de problèmes, notamment de la lourdeur à constituer les instances, à les faire fonctionner et à les réunir. Cette lourdeur va à l’encontre des espérances de simplification administrative de tous les acteurs. » [277] Elle est beaucoup plus critique pour un autre élément du projet, les zone académiques interpôles, qui, pour elle, « ne sont en réalité que des coquilles vides. C’est vraiment une fausse victoire du CDH ! Les zones sont censées jouer un rôle dans la promotion de la réussite et l’offre de type court. Pourtant, quelques articles du décret plus loin, elles ne sont plus mentionnées quand ces questions sont évoquées. L’ensemble est fort peu lisible. L’observateur a vraiment l’impression d’être devant une usine à gaz, improductive qui plus est ! » [278] Elle regrette que, au total, le système a été singulièrement complexifié : « Pour les étudiants, soi-disant au cœur du dispositif, le système sera encore moins lisible. Désormais, un étudiant qui entame un baccalauréat en communication dans une haute école de Bruxelles ne sait absolument pas s’il terminera ses études co-diplômé avec l’ULB ou avec l’UCL. » [279] Enfin, F. Bertieaux, relève que la question du financement de l’enseignement supérieur est la grande absente du projet de décret et que cette absence crée une incertitude majeure pour l’ensemble du secteur : « À votre place, on aurait choisi de travailler sur le paysage puis sur le financement. Comment voulez-vous voir aboutir le décret sur le paysage sans savoir où en est le financement ? Votre méthode pose des questions et crée de l’inquiétude. » [280] Elle termine en rappelant l’abstention de son groupe en commission ; la partie « paysage » du décret ne les convainc pas, mais le MR ne s’y opposera pas.
283 S. de Coster-Bauchau ne partage pas non plus l’enthousiasme des promoteurs du projet. Elle estime que l’ARES et les pôles risquent de « compromettre l’autonomie des établissements ». D’après elle, les zones académiques sont des coquilles vides qui n’ont d’autre objectif « que de jeter de la poudre aux yeux sur le maintien du lien historique entre le Brabant wallon et Bruxelles ». Elle s’inquiète des effets pervers de la conception des logiques territoriales créées par le projet de décret, notamment dans le cas de l’UCL : « Qu’en est-il du lien entre la Wallonie et Bruxelles tant dans ce projet de décret que pour le financement de l’enseignement supérieur ? Il devrait entraîner un meilleur enseignement, une plus grande internationalisation de nos établissements et une meilleure recherche. Ce lien particulier entre le Brabant wallon et Bruxelles doit être maintenu (…). Les zones auraient dû en assurer le maintien. Or leur rôle est réduit au minimum. Nos amis du CDH ont malheureusement accepté cet écran de fumée. De plus, ce décret remet en question les nombreuses collaborations développées par l’UCL depuis des années. Les zones ne pourront rien y changer. Si nous ne voulons pas voir apparaître un sous-régionalisme et faire de nos universités et hautes écoles des établissements de province, ce lien doit être renforcé. Je suis persuadée que le CDH et même les autres partis de la majorité souscrivent à l’idée de faire de nos universités et hautes écoles des établissements forts dotés d’une ouverture internationale. » [281]
284 C. Persoons souligne à son tour les quelques éléments positifs qu’elle voit dans le projet : « Le décret apporte de la cohérence à l’ensemble de l’enseignement supérieur, un cadre légal global, une coupole à même de susciter le dialogue sur ce petit territoire que couvre la Communauté française. » Mais elle est très sceptique devant le choix de l’organisation géographique : « La majorité a choisi de se baser sur une division géographique. Pourquoi ce choix ? On a invoqué la proximité comme un facteur d’accessibilité et de réussite. Il y a sans doute une part de vérité. Prenons l’exemple de Bruxelles : un pôle bruxellois pourra sans doute mieux saisir et répondre aux défis d’accessibilité posés par la présence d’une forte population d’origine étrangère. Je pense néanmoins que ce critère n’est pas la vraie justification de la base géographique. On peut dire que ce choix soutient les plus petites universités, comme Mons ou Namur, et neutralise la domination des plus grandes. Comment justifier le choix de la base géographique ? Je reste perplexe sur la régionalisation de l’enseignement supérieur. En cette fin de législature, je regarde l’issue d’autres négociations et je constate que la région bruxelloise s’enferme de plus en plus dans son carcan (…). Durant cette législature, votre majorité (…) a conclu un nombre très important d’accords de coopération avec la Région wallonne, sans équivalence pour la COCOF ou la Région bruxelloise. » [282] En conclusion sur ce point, C. Persoons estime que c’est le financement qui sera le véritable test de la réforme et qui « donnera toute son ampleur à ce décret ».
285 J. Brotchi s’interroge également sur la relation entre les conclusions de la table ronde et le contenu du décret : « Lors de la table ronde de l’enseignement supérieur qui s’est achevée en mai 2010, les établissements d’enseignement supérieur s’étaient exprimés en faveur de pôles académiques, au nombre de trois, sur la base des académies universitaires, ou de quatre, avec l’UCL, l’ULB, l’ULg et l’UMons. L’idée était de permettre à plusieurs pôles de cohabiter sur le même territoire et de mettre en place un dispositif confédérateur, pour ce qui concerne la recherche, les études de troisième cycle, les relations internationales et la coopération au développement. » [283] Pour le député MR, la qualité de l’enseignement obligatoire est une clé de l’amélioration de l’accès à l’enseignement supérieur plus importante que la proximité géographique. La concurrence entre établissements s’explique par les modalités de financement et l’enveloppe fermée. Le texte proposé ne modifie en rien cette situation. Pour sa part, J.-P. Wahl ne pense pas que ce texte améliorera la qualité de l’enseignement supérieur. De son côté, C. Defraigne dit son scepticisme devant le caractère contraignant des structures prévues par le décret et s’interroge sur le sort de l’administration dans ce nouveau contexte.
286 Dans sa réponse, le ministre Marcourt rappelle les rétroactes du projet et les étapes parcourues. Il confirme que les établissements de Bruxelles et de Wallonie sont concernés de la même manière par le décret et relèveront de la même académie. Il redit sa conviction que « le décret renforcera l’excellence de l’enseignement par d’importantes collaborations » [284].
287 Après la discussion et le vote des propositions d’amendements, le décret est voté par 52 voix (majorité) et 22 abstentions (opposition) [285].
Conclusion générale
288Le décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études a été un acte politique majeur de la législature 2009-2014. L’objectif de cette livraison du Courrier hebdomadaire et des trois qui l’ont précédée était de rendre compte de sa genèse, des circonstances et des débats qui ont entouré son élaboration et son adoption, en un mot de mettre au jour le processus de décision qui a abouti le 6 novembre 2013.
289 Le décret Paysage comprend en réalité deux décrets : le premier porte sur les structures et l’organisation du paysage de l’enseignement supérieur en Communauté française, alors que le second concerne l’organisation des études et des parcours étudiants. L’ensemble est fort ambitieux, puisque le décret vise à définir un nouveau régime de l’enseignement supérieur qui, répondant aux lacunes repérées dans les dispositifs antérieurs, cherche à allier une forte qualité et une ouverture internationale à une plus grande accessibilité de l’enseignement supérieur. Lors de la réforme de Bologne, en 2004, les justifications avancées – et largement partagées par les universités et les autorités politiques – étaient l’inscription de l’enseignement supérieur (dans les faits, les universités) dans l’architecture commune européenne. Dans la réforme promue par le ministre Marcourt, même si la déclaration de politique communautaire affirmait que « dans un contexte de mondialisation, l’enseignement supérieur est sans doute l’un des principaux atouts de notre développement dans une économie de la connaissance », c’est l’accès à l’enseignement supérieur et la coopération entre institutions censée le faciliter qui ont été les justifications majeures de la nouvelle organisation projetée.
290 Dans la présente étude, notre objectif n’a pas été d’analyser le contenu, fort complexe, du décret et des dispositifs qu’il instaure, mais de rendre compte du processus politique qui a abouti au vote du 6 novembre 2013 et aux réorganisations profondes du paysage de l’enseignement supérieur qu’il implique. De la même manière, par choix délibéré plus que par manque de recul, nous n’avons pas voulu procéder à une première évaluation des nouvelles structures mises en place à cette occasion. Dans ces conclusions, nous soumettons à la discussion quelques hypothèses qui proposent des clés de lecture ou d’interprétation du processus d’élaboration du décret et de ses arcanes.
1. À la recherche d’un cadre général
291 Depuis plusieurs années, chaque fois que des projets de réforme de l’enseignement supérieur ont été discutés, deux questions ont été posées par les milieux politiques et, dans une moindre mesure, par les milieux de l’enseignement : la première porte sur les objectifs ou les finalités, la seconde sur le cadre général, c’est-à-dire sur le dispositif de référence commun qui oriente et articule les diverses composantes de l’enseignement supérieur.
292 Disposer d’un cadre général implique que soient définies et justifiées les conditions communes que doivent respecter les institutions d’enseignement dans la réalisation de leurs missions. Le modèle adopté en Belgique et conforté, en ce qui concerne les universités, par les lois de financement des années 1970 consacre le financement public de l’enseignement supérieur, conçu comme la meilleure voie pour en démocratiser l’accès. Ce choix politique a des implications : pour réguler la compétition entre les institutions d’enseignement, il était indispensable que les conditions imposées à ces institutions d’enseignement délimitent le champ de développement de chacune. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le système des habilitations qui contrôle et limite le droit des institutions à organiser des études et à octroyer des grades académiques, et régule donc la concurrence entre elles.
293 De 1994 à 2009, les ministres [286] qui se sont attachés à réformer divers éléments du système d’enseignement supérieur se sont vu régulièrement reprocher à la fois de n’avoir pas été capables de proposer le « cadre général » qui servirait de référence à toutes les composantes de l’enseignement supérieur et de ne pas avoir organisé le débat démocratique qui aurait permis de le définir. Ce reproche, régulièrement énoncé par les parlementaires de l’opposition MR et Écolo, a fréquemment été exprimé aussi par des représentants de partis politiques faisant partie du gouvernement.
294 En 1998, le ministre William Ancion (PSC) a demandé à deux anciens recteurs, Arthur Bodson de l’ULg et Jacques Berleur des FUNDP, un rapport consacré au paysage universitaire. Ce rapport, qui n’a jamais fait l’objet d’un débat général, a été très vivement critiqué alors par les recteurs, qui ont refusé le cadre général proposé comme les modalités concrètes présentées par les auteurs du rapport. En outre, les recteurs ont dit leur réticence devant une politique universitaire conduite par les autorités politiques : « Si la définition d’une politique de l’enseignement revient démocratiquement au Parlement, l’arbitrage d’un ministre ne serait concevable que dans l’hypothèse où le ministre serait réellement celui de toutes les universités. La dimension identitaire de nos institutions universitaires (…), si elle en fait la richesse, a aussi le défaut d’en faire un enjeu politique. [Les recteurs estiment plus] équitable de s’en remettre à la concertation universitaire qui, quand on lui donne le temps et les moyens, a fait ses preuves. » [287] Autrement dit, la difficulté de définir un cadre général ne s’expliquait pas uniquement par des contraintes techniques, elle résultait aussi du refus des autorités des universités de se voir imposer pareil cadre. Dans ces conditions, il s’avérait particulièrement délicat de prendre en compte de manière équilibrée l’ensemble des intérêts des acteurs du système.
295 Promu par Françoise Dupuis (PS), le décret Bologne du 31 mars 2004 comportait également deux grands volets : une nouvelle architecture des études mise en conformité avec les normes européennes et une réorganisation du paysage universitaire. Cette réforme, demandée par les recteurs, préservait l’équilibre entre les grandes institutions et les sensibilités philosophiques ou politiques ; son caractère très général l’immunisait contre le risque de privilégier un intérêt particulier. L’absence de balises strictes laissait le champ libre à l’initiative des institutions. Les fusions encouragées par la structure des académies universitaires étaient porteuses de déséquilibres potentiels ; de multiples appréhensions ont par exemple été exprimées par rapport au processus de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain (AUL) et du poids de l’institution qui en résulterait [288].
296 La mise en œuvre de diverses dispositions du décret Bologne par Marie-Dominique Simonet (CDH) lors de législature 2004-2009 s’est heurtée à cette contrainte d’équilibre ; elle n’a pu procéder au rapprochement d’institutions (universités et instituts supérieurs d’architecture ou hautes écoles) que quand la mesure avait une application locale qui ne remettait pas en cause des équilibres généraux. Sa méthode, essentiellement pragmatique, a été critiquée parce qu’elle privilégiait une approche au coup par coup plutôt que de procéder d’une vision globale (le « cadre général »). Elle a pourtant eu le mérite de faire progresser les réorganisations et les rapprochements entre institutions, là où c’était possible et, chose essentielle, avec le consentement des acteurs concernés.
297 La déclaration de politique communautaire du gouvernement Demotte II (PS/Écolo/CDH) en 2009 a prévu de continuer les réorganisations de l’enseignement supérieur entreprises depuis quinze ans, et a proposé une vision générale de l’enseignement supérieur, de son organisation et de son évolution. Le fil conducteur de l’action du ministre en charge de l’enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt (PS), a été le « besoin » de l’étudiant. L’exposé des motifs du décret Paysage est clair à cet égard : « La réforme de notre système demeure imparfaite, inachevée, principalement au détriment des étudiants, de leurs parcours d’études potentiels, dans une optique de mobilité et de poursuite d’études tout au long de la vie, ainsi que de la lisibilité des titres délivrés. » [289] Par ailleurs, l’objectif a été d’aller plus loin que la réforme de Bologne, et de réarticuler les deux composantes de l’enseignement supérieur [290]. Les projets de réorganisation de l’enseignement supérieur ont également été balisés par la déclaration gouvernementale, qui a indiqué un cap relativement précis. Les contours de ce cadre général ont été discutés au cours des travaux de la table ronde de 2010 et, même si l’option retenue par le ministre est loin d’avoir fait l’unanimité des acteurs du secteur, elle a guidé l’élaboration du décret qui réorganise l’enseignement supérieur.
298 Le principe d’un cadre général n’a pas été contesté, ni du côté de l’enseignement supérieur, ni du côté parlementaire. Des désaccords, parfois violents, sont apparus sur l’application de ce principe – en particulier, l’option géographique a suscité une forte opposition de certains acteurs de l’enseignement supérieur –, mais le vote obtenu au Parlement indique que le cadre général retenu était satisfaisant pour une majorité politique. La dernière discussion du projet de décret, le 6 novembre 2013, a néanmoins attesté que, malgré les mois de discussions et les multiples évolutions qu’a connues le texte, celui-ci ne suscitait pas un même enthousiasme chez tous les parlementaires. Du banc de l’opposition, J. Brotchi a par exemple rappelé que certaines de ses questions restaient sans réponse : « Ce postulat que la distance géographique jouerait un rôle important dans la décision du jeune d’entreprendre des études supérieures n’est pas prouvé (…). Ne pensez-vous pas que la qualité de notre enseignement obligatoire doive également être au centre de nos préoccupations ? Un des autres objectifs du projet de décret est de continuer à réduire les concurrences entre les établissements. Cependant, un des problèmes majeurs est le système des enveloppes fermées que connaissent les universités et les hautes écoles. » [291]
299 Le décret Paysage introduit donc un cadre général, surtout en créant une sorte d’égalité entre les universités et les hautes écoles, longtemps considérées comme mineures dans le système d’enseignement supérieur. Les pôles académiques sont dorénavant les instances qui organisent les coopérations locales entre les diverses catégories d’institutions, et l’ARES a des missions précises de régulation de ce champ renouvelé. Mais le cadre est contraint, dans la mesure où les logiques d’association souhaitées par plusieurs hautes écoles, et notamment le secteur de l’enseignement de tradition catholique, ne peuvent se développer tout à fait librement. Il est difficile de faire des pronostics en la matière, mais il sera intéressant de voir comment se recomposeront les coopérations affinitaires qui existent de longue date sur le territoire bruxellois entre l’ULB et les hautes écoles de la Ville de Bruxelles ou de l’enseignement libre subventionné. Symétriquement, comment les établissements composant les groupes Vinci ou Galilée, qui ont une longue tradition de coopération avec l’UCL, recomposeront-ils leurs relations dans le nouveau cadre légal ? De mêmes questions se posent notamment sur la manière dont l’UMons, l’UCL et l’ULB collaboreront à l’intérieur du pôle hainuyer et sur celle dont les hautes écoles organiseront leurs relations avec ces universités.
2. Un débat général ?
300Le débat général a-t-il eu lieu ? Il aurait pu être amorcé en 2002 par l’audition des recteurs au Parlement de la Communauté française. Mais la plupart d’entre eux ont centré leurs interventions sur la défense du point de vue de leur université et le refus des regroupements forcés. Aucun projet global pour l’enseignement supérieur n’a été esquissé, la réflexion a été menée davantage en termes de structures que de missions ou d’objectifs. Il a été peu question des hautes écoles, alors qu’elles accueillaient la moitié des étudiants de l’enseignement supérieur. Le contenu des interventions lors de cette audition explique largement le chemin qui a conduit à définir les académies universitaires comme des structures souples de coopération : à l’intérieur de ces académies, les universités étaient libres de mettre en place toutes les collaborations qui leur paraissaient souhaitables, voire d’opter pour des intégrations plus ou moins poussées.
301 Si la déclaration de politique générale a balisé la voie du décret en privilégiant l’option géographique, elle n’a pas fait progresser le débat. Qui aurait pu dire son désaccord devant les propositions très générales [292] qu’elle énonce ? La table ronde a organisé les conditions pour qu’un débat ait lieu entre toutes les parties concernées par l’enseignement supérieur. La focalisation de l’attention sur la question du paysage a souvent relégué au second plan les apports significatifs des autres groupes de travail : démocratisation, statuts des personnels, offre d’enseignement supérieur, ouverture à la société, financement. Les travaux de ces groupes ont produit un inventaire utile des problèmes et des positions, qui n’a pas encore connu de suite véritable. De multiples débats se sont amorcés sans qu’ils débouchent sur un débat d’ensemble et qu’ils se poursuivent à un niveau proprement politique. Le débat parlementaire, souvent animé et approfondi, n’a pas véritablement été nourri par les travaux de la table ronde et n’a jamais débouché sur le « grand débat » que d’aucuns souhaitaient. Par contre, les questions soulevées ont souvent été relayées par la presse, surtout lors des premières étapes d’élaboration du projet de décret.
302 Était-il possible de débattre ? Et peut-on débattre de tout ? À côté des points dont on discute, existe-t-il des questions non discutables, implicitement ou explicitement ? Ainsi, pourquoi les partis politiques ou les instances parlementaires n’ont-ils pas débattu des conclusions de la table ronde et, en particulier, des mérites comparés des principes d’organisation des pôles académiques, l’option géographique et l’option du libre choix ? Les conclusions de la table ronde étaient fort ouvertes et balisaient des choix possibles. Certaines conclusions ont nourri le projet de décret, mais elles ont aussi été parfois interprétées de manière très singulière.
303 Le débat a été très largement contrôlé et limité par la coalition au pouvoir, qui s’entendait sur la nécessité d’aboutir à un décret, même si des divergences significatives sur son contenu se sont longtemps manifestées. Les multiples lectures et les incidents à répétition qui ont précédé l’adoption du projet de décret par le gouvernement attestent qu’il n’a pas été simple d’aboutir à un accord. La situation ne s’est débloquée qu’avec le compromis du 17 janvier 2013, qui a prévu la création des zones académiques interpôles, ce qui a commencé à dénaturer le projet initial. Les ultimes transactions de l’été 2013 ont ensuite continué à altérer la portée de plusieurs modalités importantes, comme les attributions des pôles académiques. Pendant toute la longue période de mise au point du décret, l’opposition MR a assumé un accompagnement critique important qui a mis en évidence des points fragiles du dispositif décrétal : les interzones (qualifiées de façon répétée d’« usines à gaz »), le danger de bureaucratisme et de politisation et la lourdeur de l’ARES, l’absence de justification de fond du critère géographique comme principe de constitution des pôles académiques et, surtout, le silence sur le financement de l’enseignement supérieur, dont la discussion est reportée à une date ultérieure.
304 Au terme de ce long parcours, la question que nous posions en 2010 demeure : « Comment être simultanément une université de masse qui assure des formations de base à une population en quête d’accréditation professionnelle (ce que justifie essentiellement le financement public) et une université qui offre des programmes de pointe à un public européen (ce à quoi poussent les enseignants-chercheurs en quête de reconnaissance internationale) ? Comment coopérer en Communauté française et se positionner fortement sur le marché international et donc entrer en concurrence ? » [293] Et comment la reformuler avec les hautes écoles ?
3. Les travaux de la table ronde
305La déclaration de politique communautaire avait prévu de confier à une table ronde réunissant l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur la tâche d’évaluer les réformes antérieures et de débattre des diverses options. Ce projet était certainement une innovation importante, dans la mesure où il permettait à tous les acteurs concernés de se rencontrer et de confronter leurs points de vue sur l’avenir de l’enseignement supérieur.
306 Les travaux de la table ronde se sont déroulés de janvier à mai 2010, au moment où les négociations autour de la fusion des institutions composant l’AUL n’avaient pas encore abouti, ce qui a surpris tous les observateurs. Il était en effet évident que, quelle que serait l’issue des négociations relatives à la constitution d’une UCLouvain, elle pèserait sur la définition du nouveau paysage de l’enseignement supérieur [294]. Les participants du groupe de travail « Paysage institutionnel » se sont rapidement accordés sur l’intérêt de regroupements d’institutions, mais leurs avis sont jusqu’au bout restés divergents sur les bases de ces rapprochements : fallait-il les imposer au nom de la proximité territoriale ou respecter la liberté d’association ? Dans le rapport final de la table ronde, un principe accepté par tous est que la logique de rassemblement « doit impérativement se baser sur le principe de la liberté d’association et de l’adhésion volontaire autour d’un projet commun ». La note élaborée par le cabinet Marcourt sur la base des conclusions de la table ronde et qui a tracé les contours du décret à venir n’a pas respecté ce principe. Elle a directement proposé des rassemblements sur une base géographique, en se référant à la déclaration gouvernementale. Ultérieurement, une configuration en cinq pôles académiques régionaux s’est imposée ; elle a résulté également d’une interprétation particulièrement volontariste des conclusions des groupes de travail de la table ronde, qui avaient proposé la mise en place de trois (autour des académies universitaires) ou quatre (autour des universités ULB, UCL, ULg et UMons) pôles.
307 La configuration en cinq pôles n’avait été évoquée que très brièvement au cours de la table ronde, pour être évacuée très rapidement. En fait, elle n’avait été précédemment soutenue de façon argumentée que dans le rapport Bodson–Berleur, en 1998. C’est avec un ton particulièrement sec que les recteurs avaient rejeté cette option de façon unanime en 1999, ce qui l’avait disqualifiée comme base de réflexion sur la manière dont il convenait de réorganiser l’enseignement supérieur : « Leurs propositions concrètes aboutissent à la création de cinq pôles universitaires sur la base d’une logique exclusivement géographique. Les cinq pôles sont Bruxelles, Liège, Louvain-la-Neuve, Mons, Namur. Le rapport, sans l’affirmer clairement, sous-entend le regroupement de Liège [ULg] et de Gembloux [FUSAGx], suggère plus clairement le regroupement des trois universités montoises et laisse complètement dans le flou le devenir des FUSL à Bruxelles (…). Un ensemble de postulats de base gouverne cette réflexion qui conduit à suggérer de regrouper les universités en cinq (…). Actuellement, rien ne vient étayer ces affirmations (…). Le CREF ne discerne donc pas les arguments qui soutiennent une telle proposition peu objective, voire orientée (…). Si (…), pour des motifs qui seraient étrangers à tout souci de qualité et d’efficacité, une volonté politique devait émerger pour encourager des rapprochements d’institutions universitaires, cela ne pourrait se faire qu’avec le plein consensus des institutions concernées. Toute autre stratégie (comme celle qui a été tentée lors d’un projet récent de décret de financement) déboucherait immanquablement, après une période turbulente de tension interuniversitaire et d’agitation politique, à un échec garanti. » [295]
3.1. La question de l’évaluation
308La déclaration de politique communautaire avait prévu que les travaux de la table ronde s’organiseraient à partir d’une évaluation des réformes antérieures. Le ministre a été interrogé au Parlement par les députés Écolo quand il est apparu qu’il n’envisageait pas d’organiser de façon systématique l’évaluation prévue. Dans le groupe de travail « Paysage institutionnel », la CSC s’est étonnée de voir les travaux se poursuivre sans que l’on ait eu recours à une évaluation préalable. Le cabinet du ministre a répondu que la table ronde, en organisant la confrontation des points de vue, procédait à une évaluation. Toutefois, si la table ronde a effectivement permis des échanges et des confrontations de points de vue, il n’y a jamais été procédé à une évaluation des expériences passées ni à la discussion des mérites ou des faiblesses des formules expérimentées. Par exemple, il n’a pas été établi de bilan des acquis des académies universitaires ou des pôles historiques, qui ont parfois été présentés comme deux formules pratiquement équivalentes d’association ou de regroupement d’institutions, ce qu’elles étaient loin d’être, juridiquement et pratiquement.
309 Du point de vue de l’action publique, on était donc confronté à un paradoxe : il était question de produire des analyses et des recommandations sans les justifier ou les valider par l’évaluation des expériences passées. Tout semblait se passer comme si l’organisation de l’enseignement supérieur issue de la réforme de Bologne n’existait pas et que la table ronde était appelée à devenir la seule référence des projets à venir, sans que les réalisations antérieures ne soient évaluées. Ce paradoxe n’a pas échappé aux parlementaires. Ainsi, en mars 2010, F. Bertieaux a-t-elle interpellé le ministre Marcourt : « La CSC demande de revoir la méthodologie utilisée, mais y a-t-il eu une méthodologie ? (…) Il aurait fallu préalablement une évaluation du processus de Bologne. Tout comme le décret sur les universités introduit le processus de Bologne dans notre paysage universitaire et entend réformer le paysage de l’enseignement supérieur, il aurait fallu non seulement évaluer le processus de Bologne mais aussi son intégration dans l’enseignement supérieur de notre Communauté française. La demande de la CSC ne doit pas rester sans réponse car elle déterminera la suite à donner à l’ensemble des travaux (…). Ne fallait-il pas commencer par un état des lieux de notre enseignement supérieur, de ses forces et de ses faiblesses, et par une évaluation des réformes antérieure ? » [296] La réponse du ministre Marcourt semble indiquer qu’ils ne parlaient pas exactement de la même chose : « Nous aurions pu commencer par demander des études scientifiques sur chaque thème. Cela aurait reporté loin dans le temps l’approche de la réalité objective. Avec l’accord du gouvernement, j’ai préféré lancer des tables rondes. J’ai consulté le Conseil général des hautes écoles, le Conseil des recteurs, les étudiants, les syndicats. Ils ont une vision assez nette des choses. Il m’a semblé plus judicieux de les réunir au lieu de demander l’avis d’un expert. Entre le document virtuellement scientifique que nous aurions reçu et la réalité, j’ai préféré cette dernière. » [297]
310 Dans un article consacré à la méthodologie de la table ronde, M. Souto Lopez a écrit : « Refuser de faire évaluer les effets de toutes les réformes entreprises pendant les deux législatures précédentes afin de baliser les discussions et de proposer des pistes de réflexions sur les points d’achoppement est surprenant. S’il est vrai que la table ronde a été, pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement supérieur belge francophone, l’occasion d’amener tous les acteurs à discuter ensemble, ils n’ont pas été en mesure de procéder à l’évaluation des réformes qui en ont récemment modifié le fonctionnement. Ils n’auraient pas pu le faire parce que les représentants des diverses formes d’enseignement supérieur ne connaissent pas nécessairement la réalité des autres formes et que chaque acteur a une vue partielle, orientée par sa position dans le champ. Une véritable évaluation aurait exigé de dégager des éléments objectifs et de mettre en perspective les points de vue des acteurs impliqués. » [298]
311 Il est possible, sinon probable, que ce défaut de méthode a été à la source d’un déficit de légitimité de certains aspects du projet porté par J.-C. Marcourt, et en particulier de ceux qui consacraient la rupture par rapport aux équilibres antérieurs ou qui ne tenaient aucun compte des innovations qui avaient été rendues possibles par les dispositifs désormais décriés. Tout spécialement, la négation des acquis des académies universitaires n’a pu être ressentie que négativement par les acteurs qui avaient investi temps et énergie pour faire fonctionner ces structures et leur ouvrir des perspectives ambitieuses.
3.2. Logique territoriale ou liberté d’association ?
312On se rappelle que les académies universitaires issues du décret Bologne du 31 mars 2004 étaient largement fondées sur une logique de liberté d’association alors que, en 2009, le gouvernement a annoncé dans la déclaration de politique communautaire qu’il privilégiait une logique territoriale. Les deux options ont été débattues lors de la table ronde ; la liberté d’association avait la préférence d’une majorité d’institutions appartenant au monde chrétien – notamment de l’UCL –, alors que la logique géographique avait le soutien explicite de l’UMons ; d’autres institutions, comme l’ULB, n’ont pas exprimé alors de préférence explicite.
313 L’interprétation très libre qu’a faite sur cette question le cabinet Marcourt des conclusions de la table ronde doit être mise en perspective avec des événements qui se sont produits en 2010. L’option géographique ou territoriale était, au départ, celle du gouvernement. Elle était soutenue par certaines institutions, mais certainement pas par la majorité, qui privilégiait des associations correspondant à une autre division du champ de l’enseignement supérieur. Les conclusions de la table ronde ont été déposées en mai 2010 et ce n’est qu’en avril 2011 que le ministre a publié une note présentant ses propositions, qui ne correspondaient pas toutes aux conclusions de la table ronde et dans lesquelles il a confirmé l’option territoriale comme principe d’organisation des pôles académiques. Entre mai 2010 et avril 2011, un élément important était survenu : l’échec du projet de fusion au sein de l’AUL. Pour M. El Berhoumi, « ce naufrage ouvrira une fenêtre d’opportunité au ministre de l’enseignement supérieur. Celui qui devait être le notaire, devient procureur. Il accable les structures instaurées par le décret Bologne du 31 mars 2004. Les académies universitaires sont un échec. Alors qu’elles devaient encadrer la fusion de chacun de leurs membres, seule l’ULg a atteint cet objectif. J.-C. Marcourt se fait également l’avocat d’une révolution copernicienne pour l’organisation de l’enseignement supérieur. Celle-ci ne tournerait plus autour du caractère – confessionnel ou non – et du réseau – libre, officiel subventionné ou organisé par la Communauté –d’appartenance des établissements » [299].
314 Pour le ministre, l’échec du projet de fusion au sein de l’AUL et l’autonomie acquise par l’UMons au sein de l’Académie universitaire Wallonie-Bruxelles sont des faits qui confirment l’échec des académies universitaires comme formule de regroupement. Dans sa note au gouvernement de juin 2011, il propose donc la création d’une académie unique de recherche et d’enseignement chargée du pilotage du système et des « pôles académiques d’enseignement supérieur », dont les missions seront centrées sur les étudiants. Ces pôles regrouperont « les établissements d’enseignement supérieur établis dans leur zone géographique ». Cette configuration, qui associe dans une organisation originale universités et hautes écoles, entraîne une distribution nouvelle des rapports de force dans le paysage de l’enseignement supérieur.
315 Il est vrai que les regroupements d’institutions au sein des académies universitaires et les rapprochements avec les hautes écoles ont rencontré des succès variables. À côté de l’indubitable réussite des réorganisations autour de l’ULg, il fallait enregistrer l’échec de la fusion au sein de l’AUL, qui n’était que très partiellement compensé par l’intégration des FUCaM à l’UCL, et l’insuccès de l’Académie universitaire Wallonie-Bruxelles autour de l’ULB, même si la fusion de l’UMH et de la FPMs, accompagnée de l’intégration de deux instituts supérieurs d’architecture et d’une haute école, était une incontestable réussite. L’organisation en trois académies universitaires n’était donc plus praticable en raison de l’affirmation récente du nouveau pôle hainuyer et de l’échec de l’UCLouvain. Cela dit, l’organisation en quatre pôles autour de l’ULB, de l’UCL, de l’ULg et de l’UMons avait également des faiblesses. Plusieurs institutions se retrouvaient finalement assez bien dans le schéma territorial défendu par le ministre. L’UMons soutenait explicitement la logique géographique qu’elle avait défendue avec constance lors des travaux de la table ronde. L’ULg soutenait également cette logique. Les FUNDP (devenues UNamur), dégagées des liens qui les unissaient au projet de l’UCLouvain, pouvaient, elles aussi, prétendre à l’animation d’un pôle géographique. Il en allait de même, dans une certaine mesure, pour les FUSL, qui retrouvaient une vocation d’animation de l’espace bruxellois à côté de l’ULB qui y occupait une position dominante. L’ULB, après avoir manifesté des réserves par rapport à ce schéma, a paru s’y résigner, comme semblent l’indiquer les propos de son président honoraire et ancien recteur, J.-L. Vanherweghem ; s’il a regretté la coupure entre Bruxelles et le Hainaut, néfaste pour les projets de l’ULB, il s’est réjouit de voir l’UCL empêchée d’accéder à Bruxelles [300].
316 L’UCL, des hautes écoles associées et une bonne partie du secteur de l’enseignement de tradition catholique ont plaidé pour le maintien des possibilités de coopération sur une base élective. Des coopérations qui existaient de longue date risquaient cependant d’acquérir une dimension inédite, puisque le décret activait des possibilités de co-diplomation, voire d’intégration de segments des hautes écoles aux universités. Cette mesure allait renforcer l’UCL, en raison de ses coopérations avec plusieurs hautes écoles, notamment à Bruxelles et dans le Hainaut, et elle lui permettrait de prendre pied à Bruxelles. Logiquement crainte par l’ULB, cette mesure avait eu les faveurs de l’USaint-Louis lorsqu’elle était encore les FUSL, candidates à devenir l’implantation bruxelloise de l’UCLouvain dans le cadre de la fusion (à laquelle elles étaient favorables). L’échec du projet de fusion avait préservé le statut d’institution autonome sur le territoire bruxellois à l’USaint-Louis ; elle partageait désormais la volonté de l’ULB de maintenir l’UCL en dehors de ce territoire.
317 L’UCL a vu dans le projet d’installer des pôles académiques à base géographique une intention de brider son action. Il est vrai que, dans les premières ébauches des projets du ministre Marcourt, les pôles académiques étaient investis de pouvoirs beaucoup plus importants que dans l’ultime version du décret, et que l’UCL acceptait mal que ses implantations bruxelloises, montoises et tournaisiennes soient soumises à la tutelle d’autres institutions. Elle refusait également les hypothèques pesant sur les relations qu’elle entretenait de longue date avec des hautes écoles bruxelloises. Les corrections successives qui ont été apportées au projet de décret ont atténué ces contraintes, sans désarmer complètement son opposition, dont la dimension symbolique était très importante.
318 Des observateurs ont avancé l’idée selon laquelle un accord implicite s’était construit entre le ministre et la plupart des universités autour de l’idée de ramener, par le moyen des pôles, les ensembles universités – hautes écoles à des dimensions comparables [301]. Le choix du critère de regroupement (territorial ou d’affinité) influait de façon très lourde sur le poids de chaque pôle. Le critère qui a été privilégié place sans conteste les différents pôles wallons dans une même catégorie de tailles.
319 En se basant sur les données de population étudiante de 2011 [302], le poids des trois académies universitaires, exclusivement composées d’universités, s’établissait alors comme suit : 33 009 étudiants dans l’Académie universitaire Louvain (à savoir 23 225 à l’UCL, 5 386 aux FUNDP, 2 498 aux FUSL et 1 900 aux FUCaM), 27 850 étudiants dans l’Académie universitaire Wallonie-Bruxelles (à savoir 22 852 à l’ULB et 4 998 à l’UMons) et 19 212 étudiants dans l’Académie universitaire Wallonie-Europe (à savoir 18 150 à l’ULg à Liège et 1 062 à GxABT). Par contre, une répartition en cinq pôles régionaux composés d’universités et de hautes écoles aurait donné le résultat suivant [303] : 50 599 étudiants dans le « pôle » Bruxelles, à savoir 44 662 à titre principal (56,7 % à l’université et 42,3 % en haute école) et 5 937 à titre complémentaire (8,4 % à l’université et 91,6 % en haute école) ; 42 021 étudiants dans le « pôle » Liège-Luxembourg, à savoir 40 735 à titre principal (45,6 % à l’université et 54,4 % en haute école) et 1 286 à titre complémentaire (100 % en haute école) ; 30 266 étudiants dans le « pôle » Brabant wallon (et Louvain-en-Woluwe), à savoir 28 663 à titre principal (81,0 % à l’université et 19,0 % en haute école) et 1 603 à titre complémentaire (100 % en haute école) ; 25 986 étudiants dans le « pôle » Hainaut, à savoir 24 067 à titre principal (20,8 % à l’université et 79,2 % en haute école) et 1 919 à titre complémentaire (99,9 % à l’université et 0,1 % en haute école) ; 14 158 étudiants dans le « pôle » Namur, à savoir 12 769 à titre principal (42,0 % à l’université et 58,0 % en hautes écoles) et 1 389 à titre complémentaire (76,9 % à l’université et 23,1 % en haute école).
320 Toute modification du mode de distribution des étudiants dans les pôles induit des différences importantes. Par exemple, imputer les populations de Louvain-en-Woluwe à Bruxelles y ajoute 7 928 étudiants, dont 4 778 inscrits à l’université et 3 150 dans des hautes écoles. Ce mode de calcul renforce encore la domination quantitative du pôle Bruxelles. Par ailleurs, une application stricte de la logique géographique suggère de soustraire les étudiants bruxellois de l’UCL du pôle Brabant wallon, ce qui ramène celui-ci à une population globale de 22 735 étudiants, moins que dans le pôle hainuyer. Dans cette hypothèse, le « pôle » Brabant wallon, isolé du campus de Woluwe-Saint-Lambert, ne pèse plus que 15,1 % de l’ensemble des étudiants.
321 Selon que l’on choisisse l’une ou l’autre distribution, le paysage de l’enseignement supérieur s’organiserait en quatre pôles importants (Bruxelles, Liège, Brabant wallon et Hainaut) et un plus petit (Namur), ou trois pôles importants (Bruxelles, Liège et Hainaut), un moyen (Brabant wallon) et un petit (Namur). Les étudiants imputés à l’ancienne AUL sont distribués entre différents pôles, et la domination de celle-ci n’est vraiment plus à craindre.
322 Par ailleurs, les hautes écoles représentent une part du total des étudiants de leur pôle très différente selon les provinces : 79,2 % pour le Hainaut, 58,0 % pour Namur, 54,4 % pour Liège-Luxembourg, 42,3 % pour Bruxelles et 29 % pour le Brabant wallon. Les hautes écoles renforcent donc les pôles du Hainaut et de Namur et confortent le pôle Liège-Luxembourg. Leur apport aux pôles a sensiblement remodelé le visage du paysage de l’enseignement supérieur. Quel que soit le mode de distribution, la logique géographique a renforcé le poids des pôles bruxellois, liégeois et hainuyer.
323 On ne peut pas rejeter l’idée selon laquelle ces calculs ont été faits, dans les milieux de l’enseignement supérieur comme dans les cercles politiques, et qu’ils ont pu orienter les choix. L’option géographique et le rapprochement des hautes écoles et des universités font vivre des pôles qui auraient eu quelque mal à exister dans une autre hypothèse [304]. C’est particulièrement sensible pour le pôle hainuyer.
324 Il n’empêche, l’expérience semblait indiquer que la logique de la liberté d’association non contrôlée profitait d’abord aux plus grandes institutions comme l’avait montré l’exemple de la KUL en Flandre, fédérant autour d’elle la majorité des hautes écoles [305]. Lors de la rentrée académique de 2011, pour servir ses arguments visant à contenir l’UCL hors de Bruxelles, le recteur des FUSL, J.-P. Lambert, a présenté la problématique des « associaties » en Flandre : « Ces “associaties” rassemblent, autour de chacune des universités, des hautes écoles (…). La constitution de ces “associaties” avait, à l’époque, suscité de grandes tensions dans le monde universitaire flamand, en raison de la stratégie (…) du recteur A. Oosterlinck de la KUL, qui avait rassemblé, sous sa houlette, toutes les hautes écoles étiquetées “catholiques”. L’UGent, l’UAntwerpen, la VUB, l’UHasselt se sont donc retrouvées “cernées”, dans leur propre ville ou région, par des hautes écoles dépendant de l’“Associatie KULeuven”. » [306] S’appuyant sur le rapport d’une « commission d’experts néerlandais appointée par le Vlaamse Interuniversitaire Raad (VLIR) pour évaluer le système d’enseignement supérieur mis en place en Flandre », il a conclu : « 1°) la proximité est bien un facteur déterminant de l’efficacité des collaborations ; 2° les stratégies d’“occupation de terrain” d’autres universités, par haute école interposée, apparaissent incompatibles avec l’objectif d’une efficacité maximale du système. » [307] Il faut constater à quel point cet épisode de l’évolution de l’enseignement supérieur flamand a marqué des recteurs francophones [308].
325 Un des effets objectifs de la réforme du paysage de l’enseignement supérieur organisée par le ministre Marcourt a été d’« écrêter » les grandes institutions et de ramener les divers ensembles constitués sur une base territoriale à des dimensions comparables, neutralisant ainsi les potentiels effets de domination liés à la dimension des institutions. Comme on l’a souligné par ailleurs, la différence de poids entre les pôles académiques, même si les compétences de ceux-ci sont finalement plus ténues que ce qui avait été envisagé initialement, a provoqué la réaction de l’UCL, qui a vu dans cette diminutio capitis le dessein de contenir sa politique d’expansion. Il semble peu contestable que plusieurs universités, le cabinet du ministre, d’autres institutions d’enseignement supérieur et d’autres acteurs politiques souhaitaient unanimement éviter que puissent être réunies les conditions rendant possible en Communauté française un scénario comparable à celui qui s’est déroulé en Flandre. Aucun élément ne permet par ailleurs de soupçonner l’UCL d’avoir envisagé à un quelconque moment de se lancer dans une opération aussi hasardeuse.
4. L’éclatement du « front commun » des universités
326Depuis les années 1990, les directions des universités avaient choisi de se concerter étroitement, notamment au sein du CREF, afin de présenter une position commune devant les autorités politiques. Ce choix stratégique avait été particulièrement visible lors de la négociation du décret Bologne en 2004. Le ministre J.-C. Marcourt a lui-même reconnu qu’il était fort difficile de s’opposer à une position unanime des universités. Les péripéties qui ont entouré la mise au point du décret Paysage ont montré que les universités avaient adopté des positions divergentes.
4.1. La perte d’influence du CREF
327Les universités, à la différence de certaines hautes écoles, ont abordé la table ronde sans beaucoup de concertation préalable. Les notes préparatoires ont été préparées par chaque institution et il n’existait pas de position commune au CREF ou au CIUF. Pendant la table ronde, chaque université a exprimé ses préférences. Les conclusions ont mis en évidence les convergences et les différences. Les divergences les plus sensibles concernaient le principe (territorial ou affinitaire) qui fonderait les regroupements, eux-mêmes peu discutés. Après la table ronde, il a fallu attendre le printemps 2011 pour que le CREF réponde au non paper du ministre dans lequel il présentait sa vision de la restructuration du paysage de l’enseignement supérieur. Cet avis du CREF comportait des divergences importantes sur des points sensibles. Pareil avis a rompu avec la longue habitude du CREF, à la base de son influence politique, de produire des notes présentant une position unanime des recteurs.
328 Le CREF a été fondé à la fin des années 1980 sous la forme d’une asbl réunissant les recteurs des universités francophones avec l’appui du FNRS ; le secrétaire général du FNRS en assume le secrétariat. Il a été créé par les recteurs, qui souhaitaient disposer d’une plate-forme de concertation souple et légère. Le seul organe officiel de représentation des universités en Communauté française était jusque-là le CIUF, composé des recteurs et de délégations des étudiants, des diverses catégories du personnel des universités et des milieux extérieurs. Sa composition en fait une instance importante d’échanges et de débats, mais rend son fonctionnement assez pesant. Le CIUF était le pendant, dans le secteur des universités, du CGHE. Au cours du temps, le CREF s’est imposé comme un interlocuteur privilégié des autorités politiques. Il négociait, souvent en direct, les projets législatifs. Sous le ministre Michel Lebrun (PSC), le projet de décret modifiant les lois coordonnées sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires (1992) a été préparé en étroite collaboration avec le CREF [309]. En 1999, le CREF a manifesté une unité sensible dans la critique, dont des extraits ont été cités dans ces pages, du rapport Bodson–Berleur. Il a régulièrement publié des communiqués et mémorandum reflétant la position unanime de ses membres sur divers sujets [310]. À partir des années 1980, le CREF est devenu un véritable pilote du système d’enseignement universitaire, grâce aux compromis entre les recteurs qu’il suscitait et aux ententes qui en résultaient.
329 Malgré l’incident de 2002 qui a opposé le recteur de l’ULB, P. de Maret, à ses collègues quand il a pris l’initiative de créer le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie, les universités ont abordé la réforme de Bologne dans un front commun relativement solide. Le véritable interlocuteur de la ministre F. Dupuis était le CREF. Les recteurs se sont entendus dans la négociation du projet de décret, notamment lorsqu’ils sont intervenus auprès du ministre-président de la Communauté française, Hervé Hasquin (MR), et du président du PS, Elio Di Rupo, en vue d’obtenir une médiation pour faciliter le travail de négociation avec le cabinet Dupuis. Cette médiation a abouti au projet de structuration de l’enseignement universitaire en académies universitaires.
330 Lors de la négociation du décret Paysage, ce front commun a été rompu à plusieurs reprises. La première fois par l’UMons, qui a défendu, seule contre toutes les autres, l’option géographique et a refusé l’hypothèse d’une fusion dans l’ULB. Si ce comportement de l’UMons est indubitable, la lecture du communiqué du CREF suggère que l’unanimité des six autres recteurs n’était pas très assurée. D’entrée de jeu, il est affirmé : « La position détaillée ci-dessous est partagée par six des sept institutions universitaires (…). [Elle] ne rencontre cependant pas l’approbation de l’UMons dont on soulignera ci-dessous les points de désaccord, relativement importants. » [311] Cette introduction suggère que les positions des six institutions sont fermes. Il n’en est cependant rien. Le préambule qui suit l’introduction affirme trois principes, mais chaque affirmation est assortie d’une précaution qui parfois la nuance, souvent la fragilise : « La réforme du paysage de l’enseignement supérieur doit impérativement tenir compte de ce que la recherche est un élément structurant de l’enseignement universitaire. Non pas que la recherche ne puisse être conduite en dehors de l’université (…). Si une coordination de tous les acteurs d’enseignement supérieur est souhaitable en Fédération Wallonie-Bruxelles, celle-ci ne peut, en aucun cas, réduire le caractère spécifique de l’enseignement à l’université (…). La Communauté française [doit exercer] un pouvoir de régulation et de contrôle, mais non d’organisation (…). La mise en œuvre d’un nouveau paysage (…) devrait s’accompagner de la disparition des académies. Sur ce point cependant, l’accord des universités n’est pas unanime. » [312]
331 L’unanimité annoncée des six recteurs ne semble que de façade ; derrière les nuances se devinent des désaccords profonds. Cette impression se renforce à la lecture des commentaires sur les instances dont le non paper évoque le projet de création : « Les critères de définition des pôles ainsi que toutes leurs missions ne font pas encore l’unanimité au sein du CREF (…). Les collaborations entre établissements de pôles différents (…) doivent rester possibles ; elles ne peuvent cependant accroître la concurrence entre institutions situées dans la même zone. Les recteurs reconnaissent la liberté d’association pour autant qu’elle soit articulée avec des critères d’efficacité (…) et concertée, voire régulée. » [313]
332 C’est donc à un CREF qui ne parvenait plus à susciter des compromis entre ses membres que le recteur de l’UMons s’est opposé en introduisant une note de minorité qui serait jointe à l’avis remis au ministre. À ce moment, les recteurs des universités complètes ont encore tenté de préserver l’autorité morale du CREF, mais sans succès. Ajoutons que l’UMons n’avait pas d’autre choix, pour faire aboutir ses projets, que de tenir ces positions, ce que ses représentants ont fait avec une parfaite constance dans toutes les instances où ils siégeaient. En fait, l’UMons s’est rebellée contre deux règles implicites du CREF qui voulaient, pour la première, que les avis des recteurs soient systématiquement unanimes et, pour la seconde, que la voix des universités complètes pèse davantage dans ces avis que celles des autres universités. L’UMons ne pouvait accepter la seconde règle : elle s’opposait à l’UCL en prônant une logique géographique, qui était la seule qui lui donnait une chance de développement ; elle s’opposait à l’ULB en refusant d’envisager une fusion avec l’université bruxelloise. Elle devait dès lors aussi refuser la règle de l’unanimité. Il n’empêche que ces règles fondaient le fonctionnement du CREF. En les niant, le recteur de l’UMons a provoqué un changement de régime : les universités cessent de s’entendre pour peser sur le politique et obtenir des avantages dont elles négocient la répartition entre elles ; désormais, chacune d’elles va s’allier avec des acteurs non universitaires pour tenter d’infléchir les décisions en sa faveur. L’échelle des projets s’en est trouvée modifiée : les recteurs raisonnent moins en termes de projet global pour l’enseignement supérieur (comme ils ont pu le faire par exemple en rejetant le plan Bodson–Berleur, en accompagnant le décret modifiant les lois coordonnées sur la collation des grades académiques ou en se mobilisant pour faire avancer le décret Bologne du 31 mars 2004), qu’en termes de projet institutionnel pour leur université. Cette évolution laisse penser que le rôle de régulation des concurrences entre universités n’a plus pu être assuré par le CREF à partir de 2011.
333 La seconde rupture du front commun des universités a été provoquée par l’UCL. Celle-ci doit se comprendre dans le nouveau régime dont la mise en place est commentée ci-dessus. Au moment où l’UCL a affirmé son refus de l’option locale, le CREF n’avait plus l’autorité morale pour imposer qu’une négociation entre recteurs aboutisse à un compromis. Qui plus est, l’ULB rencontrait des problèmes internes et ne pouvait pas peser pour forcer les universités à se concerter. Cette seconde rupture du front commun trouve par ailleurs une part de son explication dans l’échec de la fusion au sein de l’AUL, qui a suscité des inimitiés profondes entre des recteurs. Dans ce nouveau contexte, l’objectif d’empêcher l’UCL de disposer un jour des moyens qui lui permettraient de déployer la même stratégie que la KUL en Flandre pouvait être largement partagé. Aucune autre université n’avait, en d’autres termes, un grand intérêt à tenter de calmer la situation et toutes, à l’exception notable de l’ULB, ont tiré des avantages au moins symboliques de l’affaiblissement de l’UCL.
334 Un dernier facteur, d’ordre plus général, a pu intervenir. Dans un certain nombre de domaines, les directions des universités sont amenées à préférer des stratégies singulières à l’action commune à travers le CREF. Les tensions entre recteurs sont aussi liées à une évolution de la concurrence sur le marché international du recrutement d’étudiants, qui conduit certaines universités à se profiler de manière singulière. Le rôle même des recteurs se transforme et acquiert une visibilité particulière, comme le manifeste le choix de publier des blogs personnels, très visibles à l’ULB et à l’ULg.
4.2. Des effets collatéraux du processus de Bologne
335En présentant son projet de décret au Parlement de la Communauté française, le ministre Marcourt a indiqué que « la réforme de Bologne a (…) modifié profondément les intitulés des grades académiques et la découpe des cursus en trois cycles, ce qui a eu pour effet d’induire une réflexion, puis une évolution profonde des contenus et de l’organisation pratique des études » [314]. Son observation est incontestable. On peut ajouter que, dans tous les pays où il a été adopté, le processus de Bologne a produit des effets à la fois plus larges (ils ne touchent pas seulement les groupes directement concernés, mais amènent la société tout entière à reconsidérer ce qu’elle attend de l’enseignement supérieur) et plus profonds (ils ne conduisent pas à corriger la conception généralement admise de l’enseignement supérieur, mais à la reconsidérer du tout au tout) que celui de conduire à une modification des intitulés des grades académiques et du découpage des cursus. Fondamentalement, le processus de Bologne a disqualifié tous les critères intuitifs ou traditionnels sur lesquels reposaient les images de qualité des universités, pour leur substituer une variété large de critères réputés objectifs, validés par des agences instituées pour ce faire [315]. La concomitance du lancement du processus de Bologne – qui, dans la foulée de la Magna Charta universitatum [316], a installé la compétition entre établissements comme seul principe de régulation de l’enseignement supérieur en Europe – avec l’apparition des premiers rankings mondiaux des établissements d’enseignement supérieur a débridé pour chaque institution un espace d’ambitions qui était précédemment contrôlé et largement verrouillé par les universités les plus anciennes et les plus renommées.
336 C’est dans cette nouvelle configuration culturelle que peut se comprendre la rébellion de l’UMons contre les règles qui organisaient les relations entre les universités au sein du CREF. Un ordre qui avait longtemps paru immuable était ébranlé ; il devenait dès lors possible de le contester, et l’expérience des premières atteintes à cet ordre a montré qu’elles n’entraînaient pas de sanctions. L’UMons, dans son projet d’être pleinement reconnue, n’a pas fait l’erreur de défier les universités complètes sur leurs domaines d’excellence : sans renoncer à son expertise pointue dans divers domaines scientifiques, elle a construit son programme sur la mise en adéquation de son fonctionnement et de son projet pédagogique avec la population locale, dont ses représentants ont souvent rappelé les caractéristiques. Ce positionnement lui a valu d’être aujourd’hui pleinement reconnue.
337 En diversifiant les critères de qualité des établissements d’enseignement supérieur, le processus de Bologne permet ainsi et encourage la fragmentation des systèmes nationaux d’enseignement supérieur. Il stimule l’expression de projets institutionnels singuliers, certains orientés vers l’inscription dans les compétitions scientifiques internationales, d’autres vers l’amélioration du taux d’accès aux études supérieures ou la satisfaction de besoins locaux. Dans tous les cas, le pilotage par l’échelon national (ou communautaire) paraît s’effacer devant celui qu’exercent les instances internationales et les instances locales.
4.3. Le retour du monde politique
338Les divergences mises au grand jour par des déclarations dans la presse entre le recteur de l’UCL et ses homologues ont ouvert une brèche entre les universités. Ces divergences semblent avoir été progressivement dépassées depuis le vote du décret Paysage en novembre 2013, mais ce conflit entre les recteurs et la relative dispersion des hautes écoles ont modifié le rapport de force entre les universités et l’autorité politique. Deux lectures sont possibles.
339 Dans la première, l’incapacité des recteurs à s’entendre a forcé les responsables politiques à intervenir. Cette première lecture est plausible : le ministre Marcourt n’a en effet pris aucune initiative publique pour contrarier le processus de fusion des quatre partenaires de l’AUL. En octobre 2010, in tempore non suspecto, il a déclaré : « Je préfère que les universités imaginent et adoptent les solutions qui leur conviennent le mieux. Je considère que je n’ai à intervenir qu’en dernier recours » (cf. supra). Même si son opinion sur les universitaires a évolué au fil des difficiles négociations qu’il a menées avec eux [317], rien n’indique qu’il n’aurait pas effectivement préféré que les universités s’accordent sur des positions communes. Quand les universités élaborent des compromis sur lesquels sont construites les décisions politiques, c’est à elles de gérer l’éventuel mécontentement qu’elles peuvent susciter, ce qui protège partiellement les responsables politiques (qui se rappellent que, en 1994, la fronde contre le projet de décret visant à instituer des « grandes écoles » a montré le potentiel de mobilisation et de ténacité du mouvement étudiant) [318].
340 Dans la seconde lecture, l’incapacité des recteurs à s’entendre a aidé l’autorité politique à faire prévaloir ses options d’autant plus facilement qu’elles étaient partagées par certains acteurs du secteur. Les deux lectures sont par ailleurs compatibles : le cabinet Marcourt a pu, dans un premier temps, se résigner à s’accommoder des fusions projetées au sein de l’AUL, puis, après avoir pris acte de leur échec et après avoir constaté la perte de puissance du CREF, décider de pousser plus avant ses ambitions [319].
341 Il reste à voir si, dans le futur, les nouveaux dispositifs créés par le décret contribueront à transférer le pilotage de l’enseignement supérieur des acteurs de l’enseignement supérieur eux-mêmes vers les autorités politiques. Cette hypothèse, réfutée à plusieurs reprises par le ministre Marcourt, ouvre une série de questions dont la réponse se trouvera dans le fonctionnement de l’ARES elle-même. Sur les matières importantes, l’ARES est d’abord une instance de propositions et d’avis destinés au gouvernement. Quel sera son poids réel ? [320] La composition, complexe, des chambres thématiques (la chambre des universités, la chambre des hautes écoles et la chambre des écoles supérieures des arts), et la contrainte d’y organiser, pour ce qui concerne les universités, des délibérations associant recteurs, représentants du personnel et représentants des étudiants, ne reproduiront-elles pas les raisons qui ont poussé les universités à créer le CREF, pour disposer d’une structure souple et très réactive ?
5. La résilience des piliers ?
342L’intention du gouvernement, énoncée dès la déclaration de politique communautaire, était de tenter de dépasser les cloisonnements du champ de l’enseignement supérieur définis par la « logique des réseaux » et d’y substituer une organisation géographique ou territoriale destinée à faciliter la coopération entre les institutions, indépendamment de leurs ancrages philosophiques ou idéologiques. Ce projet a été rappelé par le ministre Marcourt lors de l’ouverture de la table ronde le 14 décembre 2009 [321]. L’objectif du ministre était de renforcer la coopération entre les diverses composantes de l’enseignement supérieur et les institutions, hautes écoles ou universités, qui le constituent. Ces coopérations existaient déjà, sous des formes diverses, avec des degrés et des intensités variables. Compte tenu des caractères particuliers de la société belge, elles étaient le plus souvent construites au départ d’un principe électif : les affinités ou les proximités idéologiques.
343 La segmentation idéologique ou philosophique de l’enseignement supérieur est devenue une question assez largement théorique [322]. Si les hautes écoles appartiennent à des réseaux, il n’en va pas de même pour les universités, qui s’inscrivent toutefois dans des univers historiquement marqués. L’ULg est une université d’État où se rencontrent des membres du personnel et des étudiants appartenant à des mondes philosophiques différents ; l’ULB et l’UCL sont des universités libres, liées par l’histoire à des univers philosophiques différents (tradition chrétienne pour l’UCL et univers de la laïcité pour l’ULB). Ces identités anciennes n’empêchent pas la pluralisation de leur corps professoral et des populations étudiantes. Les FUNDP (devenues UNamur), les FUSL (devenues USaint-Louis) et les FUCaM appartiennent également à l’univers philosophique de tradition chrétienne sans toutefois s’inscrire dans un réseau constitué. La FUSAGx, l’UMH et la FPMs étaient des institutions d’État, même si cette dernière a oscillé, au gré de ses rectorats, entre le pôle public et une option plus strictement laïque. La fusion de l’UMH et de la FPMs a donné l’UMons, qui se situe pleinement dans la philosophie des universités publiques. Même si la réalité des réseaux est plus tangible pour les hautes écoles que pour les universités, leur pluralisation de facto est aussi marquée dans les unes que dans les autres.
344 Cette pluralisation des personnels et des publics est amorcée de très longue date, ce qui rend caduque toute analyse en termes de « piliers » étanches. Les coopérations entre universités se distribuent selon des logiques de complémentarité académique ou de connivence scientifique, même si les relations avec les hautes écoles gardent le plus souvent l’empreinte des anciens clivages. Toutefois, alors que les clivages philosophiques traditionnels sont de moins en moins sensibles et de moins en moins structurants, ils peuvent être réactualisés dans des périodes de crispation. Ce fut par exemple le cas en 2002, quand l’ULB, puis l’UMH ont chacune pris l’initiative de constituer leur pôle d’enseignement supérieur en s’associant avec les établissements locaux, à l’exclusion de ceux qui appartenaient au réseau libre confessionnel.
345 En 2004, la constitution des académies universitaires autour de l’UCL, de l’ULB et de l’ULg a obéi à une double logique : fonctionnelle, d’une part, dans la mesure où il s’agissait de trois universités « complètes » qui pouvaient facilement jouer un rôle de noyau fédérateur à partir de ce caractère ; historique, d’autre part, dans la mesure où elles étaient emblématiques de traditions philosophiques. Ce choix a reçu l’assentiment des autorités politiques et des autorités académiques, même s’il a été critiqué par ceux qui trouvaient dans la logique de la « pente naturelle » un obstacle au renouvellement de l’univers de l’enseignement supérieur. Certains responsables universitaires se sont interrogés sur son opportunité, comme J.-P. Lambert, alors vice-recteur des FUSL [323]. Les mêmes doutes ont été exprimés lors du lancement du projet de fusion au sein de l’AUL par le recteur de l’ULB, P. Vincke. D’autres recteurs ou anciens recteurs, B. Rentier (ULg), M. Crochet (UCL) et P. de Maret (ULB), se sont interrogés à diverses reprises sur l’opportunité de réfléchir à une université de la Communauté française, sans aller beaucoup plus loin que la formulation d’une idée. Il n’empêche que la volonté de respecter les équilibres entre les mondes philosophiques a été constante tout au long de la préparation du décret Bologne du 31 mars 2004, comme d’ailleurs lors de la réalisation des quelques fusions entre instituts supérieurs d’architecture, hautes écoles et universités entre la promulgation de ce décret et 2009. Ce souci de l’équilibre est revenu dans les débats parlementaires, quand le projet de fusion au sein de l’AUL est devenu public, en 2007. L’analyse de ce projet semble cependant montrer qu’il obéissait à des considérations pratiques plus qu’idéologiques et que la fusion envisagée ne visait pas à créer une importante université confessionnelle.
346 En 2011, l’échec de ce projet de fusion a clarifié le paysage de l’enseignement supérieur, mais il y demeurait de larges incertitudes. Un regroupement inter-réseaux à base régionale a été réussi autour de l’ULg et a ensuite englobé les hautes écoles officielles des provinces de Liège et de Luxembourg. L’UMons s’est constituée en regroupant des institutions publiques sur une base régionale. Ces fusions réussies ont laissé en attente deux ensembles aux limites floues : des institutions que l’histoire avait ancrées les unes au monde catholique, les autres à l’univers laïque, mais dont la majorité ne se revendiquait pas d’un pilier, même si l’histoire avait affecté à chacune sa référence philosophique particulière. L’échec de la fusion au sein de l’AUL a démontré que l’appartenance historique au monde chrétien n’était pas une condition suffisante pour permettre aux institutions associées au projet de surmonter leurs différends. Plus encore, aucun signe ne permet de penser que d’autres institutions du monde chrétien sont intervenues en faveur de la fusion au nom des intérêts du pilier.
347 La question des réseaux est réapparue au cours des travaux de la table ronde. Si l’intérêt des coopérations a rapidement été admis par tous, la base des regroupements a fait l’objet d’options différentes : un fondement géographique ou territorial pour les uns, le jeu des affinités ou de la liberté d’association pour les autres. Un nouvel acteur est intervenu dans le jeu : les hautes écoles, qui n’avaient été concernées que très marginalement par la création des académies universitaires en 2004. Plusieurs hautes écoles de tradition catholique, et notamment des institutions proches de l’UCL, ont dit leur préférence pour la liberté d’association. Elles appréhendaient des coopérations contraintes au motif de la proximité régionale et, surtout, elles refusaient de les voir se substituer à des pratiques éprouvées ou à des projets dans lesquels elles avaient investi depuis longtemps. On a vu qu’elles ne rejetaient pas le principe de la coopération entre institutions appartenant à des univers philosophiques historiquement différents et qu’elles n’étaient pas motivées par la défense des intérêts philosophiques d’un pilier. Beaucoup plus pragmatiquement, elles résistaient à l’idée d’abandonner des formules de partenariat éprouvées ou de renoncer à des projets de rapprochement parce que des limitations géographiques les leur auraient désormais interdits. Bien avant que ne se déclenche la fronde des hautes écoles de tradition catholique, les conclusions de la table ronde avaient présenté le principe territorial et la liberté d’association comme de valeur égale ; tous les participants s’étaient accordés pour affirmer que les coopérations ne pouvaient être imposées mais devaient se construire autour d’un projet fort du libre choix des parties concernées.
348 Cette position a été essentiellement défendue par des institutions historiquement proches du pilier chrétien. Certains analystes considèrent qu’il faut lire leur opposition à la logique géographique comme une réaction de la société civile à ce que celle-ci ressent comme une agression [324]. Tous les acteurs n’ont pas fait cette lecture. J.-C. Marcourt a ainsi laissé éclater sa colère dans la presse : « Ici, on est dans les problèmes de riches. Des gens qui veulent garder des privilèges ; oui, des privilèges. » [325] Cette réaction, sans aucun doute exacerbée par des mois de négociations difficiles, laisse penser que le ministre a privilégié une interprétation en termes de défense d’intérêts idéologiques là où il était possible de lire aussi une défense de dynamiques associatives. On se souvient aussi des propos des analystes qui ont décodé le comportement des institutions de tradition catholique comme faisant partie d’une stratégie impérialiste visant à imposer la domination d’une institution de tradition catholique sur tout l’enseignement universitaire de la Communauté française.
349 Dans tous les cas, deux hypothèses explicatives peuvent être avancées. Celle de la défense des intérêts d’un pilier philosophique n’a pour elle que très peu d’appuis empiriques. Tout au plus peut-on relever, et cela a été rappelé à plusieurs reprises dans ces pages, que les opposants à la logique géographique se recrutaient principalement dans le monde catholique. Mais ces opposants à la logique géographique peuvent aussi être vus comme des défenseurs et des promoteurs de la logique affinitaire. Cette corrélation entre la position et l’enracinement philosophique ne fonde aucune causalité : pour des raisons historiques, une bonne partie des initiatives de la société civile est née dans le monde catholique, même si les pilotes des institutions qui sont nées de ces initiatives ne se reconnaissent pas aujourd’hui dans la philosophie catholique. La seconde lecture, celle de la résistance à toute forme de dépendance d’une société civile affranchie de ses allégeances historiques, a pour elle des appuis empiriques robustes. En particulier, on a vu que les déclarations de responsables de l’enseignement supérieur de tradition catholique n’ont jamais porté sur des questions philosophiques, mais toujours sur des questions très pratiques d’organisation et d’intendance.
350 Il semble donc bien qu’il y a confusion entre deux phénomènes, la défense de la liberté d’association, qui est la condition de base de l’existence de la société civile, et la défense des intérêts des composantes d’un pilier. Les dernières étapes de la mise au point du décret Paysage ont été marquées par une série de compromis politiques : la création des « interzones » et une transaction à Bruxelles entre l’UCL, l’ULB, l’USaint-Louis et trois composantes de hautes écoles du réseau libre subventionné catholique : l’ICHEC, l’IHECS et l’ILMH. C’est au terme de cette transaction que le ministre Marcourt a déclaré « avoir cassé les piliers à Bruxelles ». Il s’agit vraisemblablement de l’interprétation optimiste d’un compromis qui n’a d’autre vertu que de résoudre un problème qui aurait trouvé sa solution depuis longtemps si les règles de financement imposées à l’enseignement supérieur n’avaient pas saturé de concurrence les relations entre institutions, à Bruxelles comme partout sur le territoire de la Communauté française. Par exemple, les relations de coopération académique de l’ICHEC avec les universités auraient été fort différentes si la présence d’étudiants de l’ICHEC à l’UCL n’avait pas engendré une perte de recettes pour l’ULB, étant donné que les universités évoluent dans un système d’enveloppe fermée. Autrement dit, seule la révision des règles de financement de l’enseignement libérera vraiment les relations entre institutions.
351 La logique des piliers qui a dominé historiquement l’enseignement supérieur en Belgique francophone s’est partiellement estompée, en particulier depuis une décennie. Le projet du ministre Marcourt a souligné cette évolution sans l’avoir produite. Il paraît cependant encore hasardeux, à ce stade, de proclamer que la division en piliers est définitivement et irrémédiablement révolue, même si ses effets s’atténuent sensiblement.
352 Au-delà des piliers, il n’est pas improbable que les tensions à venir qui traverseront l’ensemble du dispositif élaboré par le ministre Marcourt se structureront autour de la question de l’autonomie des institutions d’enseignement, et particulièrement des universités. Les principes d’autonomie et de responsabilité qui ont fondé leur régime seront-ils garantis par la nouvelle académie commune (l’ARES) et par les instances de coopération régionales, et, plus encore, par le régime de financement qui devra, nécessairement, être redéfini ?
6. Une question centrale non discutée : le financement
353 La majorité des établissements ont fini par accepter, bon gré mal gré, que les zones géographiques organisent désormais l’enseignement supérieur. Un des effets attendus par le législateur communautaire de cette organisation en zones est de réduire la concurrence entre établissements d’enseignement supérieur. De façon surprenante, le thème de la concurrence n’a jamais été abordé explicitement dans les débats, qui y ont substitué des formules litotes autour du thème de la coopération et du non-gaspillage des ressources publiques. La question de la concurrence renvoie au problème non abordé : le mode de financement, qui l’entretient et l’attise et dont rien ne permet de penser qu’il ne continuera pas de le faire dans le nouveau cadre qu’a installé le décret Paysage.
354 Beaucoup d’acteurs ont regretté que cette question du financement n’ait pas été traitée de façon prioritaire. Il faut admettre que la question n’est pas simple et qu’elle implique de procéder à nouveaux frais à une évaluation du système et à un choix de l’équilibre à rechercher entre les diverses formes que peut prendre un enseignement supérieur financé par l’État, qu’il s’agisse d’institutions directement organisées par la puissance publique ou de « services publics fonctionnels » subsidiés pour accomplir des missions identiques.
355 Il n’existe pas d’enseignement supérieur « privé » en Belgique, c’est-à-dire d’enseignement supérieur qui fonctionnerait sur une stricte logique marchande. L’État finance des établissements dont la Communauté est le pouvoir organisateur et des établissements libres bénéficiant d’une autonomie de gestion dans le cadre de relations contractuelles précises. Les normes de responsabilité et d’autonomie de gestion concernent tous les établissements, de la même manière, mais les modalités de financement en font des concurrents objectifs sur le « quasi-marché » de l’enseignement supérieur. En effet, le budget de l’enseignement supérieur est dit en « enveloppe fermée », c’est-à-dire qu’il est établi sans tenir compte ni des besoins des établissements, ni du nombre d’étudiants qui les fréquenteront au cours de l’exercice pour lequel le budget est voté. Ce budget est attribué selon des clés complexes qui donnent une grande importance au nombre d’étudiants (corrigé par l’orientation d’études et d’autres variables). L’accroissement du nombre d’étudiants dans une institution entraîne, à travers des modalités qui en diffèrent l’effet dans le temps, une augmentation du revenu de cette institution. Comme ce mécanisme fonctionne dans une « enveloppe fermée », le gain de cette institution s’accompagne d’une diminution équivalente du revenu des autres. Les institutions sont donc dans des rapports de concurrence objective par rapport aux populations étudiantes. À cet égard, l’UCL, répartie sur plusieurs sites, a été vue comme une redoutable machine à aspirer les financements publics et la disparition de la crainte liée au développement de l’UCLouvain est réapparue sous un autre visage en raison de ses relations avec un certain nombre d’importantes hautes écoles sur tout le territoire de la Communauté française. Le décret Paysage régente désormais cette concurrence, notamment en définissant de manière restrictive le territoire d’expansion de chaque institution.
356 Lors de la table ronde, la quasi-totalité des acteurs de l’enseignement supérieur ont plaidé pour une révision des modalités et du volume de son financement qui rencontre véritablement les besoins du secteur. Cette demande est récurrente depuis les années 1990. La note rédigée en 1999 par les recteurs pour rejeter le rapport Bodson–Berleur mettait déjà le problème en lumière : « Les universités de la Communauté française souhaitent l’apaisement. Celui-ci est possible si le pouvoir politique 1° reconnaît la spécificité des universités et leur rôle primordial pour le développement culturel, économique et social ; 2° leur accorde le financement légitime que méritent leurs efforts ; 3° abroge les effets pervers des lois de financement qui incitent à la concurrence sauvage ; 4° met en place les incitants à la coopération interuniversitaire dans le respect du libre choix de chacune des institutions. » [326]
357 Les régulations introduites par le décret Paysage auront sans doute des effets utiles mais, tôt ou tard, il faudra ouvrir le débat sur le financement de l’enseignement supérieur et sur les investissements que la collectivité est prête à consentir pour soutenir son développement. La question du financement devra nécessairement s’ajuster à la nouvelle organisation de l’enseignement supérieur. Elle la mettra aussi à l’épreuve.
358Sigles des établissements d’enseignement supérieur cités dans ce volume
- ENSAV La Cambre : École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre
- EPHEC : École pratique des hautes études commerciales
- FPMs : Faculté polytechnique de Mons
- FUCaM : Facultés universitaires catholiques de Mons
- FUNDP : Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix
- FUSAGx : Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux
- FUSL : Facultés universitaires Saint-Louis
- GxABT : Gembloux Agro-Bio Tech (faculté des sciences agronomique de l’ULg)
- HEB : Haute École de Bruxelles
- HE Blaise Pascal : Haute École Blaise Pascal
- HECC : Haute École Charleroi-Europe
- HEC-Liège : Hautes études commerciales de Liège
- HEFF : Haute École Francisco Ferrer
- HE Galilée : Haute École Galilée
- HE ICHEC-ISFSC : Haute École Groupe ICHEC - ISC Saint-Louis - ISFSC
- HEL : Haute École de la Ville de Liège
- HELDB : Haute École Lucia de Brouckère
- HELHA : Haute École Louvain en Hainaut
- HELMO : Haute École libre mosane
- HENALLUX : Haute École de Namur-Liège-Luxembourg
- HEPH Condorcet : Haute École provinciale de Hainaut - Condorcet
- HEPL : Haute École de la Province de Liège
- HEPN : Haute École de la Province de Namur
- HE Spaak : Haute École Paul-Henri Spaak
- HE Vinci : Haute École Léonard de Vinci
- IAD : Institut des arts de diffusion
- ICHEC : Institut catholique des hautes études commerciales
- IESLC : Institut d’enseignement supérieur Lucien Cooremans
- IHECS : Institut des hautes études des communications sociales
- ILMH : Institut libre Marie Haps
- INSAS : Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion
- ISC Saint-Louis : Institut supérieur de commerce Saint-Louis
- ISFSC : Institut supérieur de formation sociale et de communication
- ISTI : Institut supérieur de traducteurs et interprètes
- UCL : Université catholique de Louvain
- ULB : Université libre de Bruxelles
- ULg : Université de Liège
- UMH : Université de Mons-Hainaut
- UMons : Université de Mons
- UNamur : Université de Namur
- USaint-Louis : Université Saint-Louis - Bruxelles
Notes
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[1]
Précisons que la Communauté française a décidé, en mai 2011, d’adopter la dénomination de « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans sa communication interne et externe. Ce nouveau nom n’ayant cependant pas la portée juridique que lui donnerait une révision de la Constitution allant dans le même sens, nous maintiendrons, dans le texte de ce Courrier hebdomadaire, l’appellation constitutionnelle de Communauté française.
-
[2]
Décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études, Moniteur belge, 18 décembre 2013.
-
[3]
J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2268, 2015 ; M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2269-2270, 2015 ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2271-2272, 2015 ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Le décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur francophone (“décret Marcourt”) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2273-2274, 2015. Ces quatre livraisons constituent le prolongement de M. Molitor, « Les transformations du paysage universitaire en Communauté française », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2052-2053, 2010.
-
[4]
Afin d’éviter autant que possible les confusions, il est bon de signaler que le terme « pôle » est particulièrement polysémique. Il a été utilisé dans divers projets non aboutis en prenant des significations différentes. Depuis 2002, il a en outre connu deux usages distincts dans l’enseignement supérieur pour désigner des entités qui ont été effectivement constituées.
Primo, il y a eu quatre associations installées par les universités sans aucune base légale. Le 1er février 2002, a été créé le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie, associant l’ULB à cinq hautes écoles bruxelloises du réseau officiel subventionné. Le 25 mars 2002, a été lancé le Réseau hainuyer d’enseignements supérieurs et universitaires (RHESU), regroupant l’UMH, la FPMs et six établissements supérieurs non confessionnels ; le 22 octobre 2009, cette association a pris le nom de Pôle hainuyer. Le 27 juin 2002, 39 institutions, pour très grande majorité de tradition catholique, ont créé l’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française autour de l’UCL, des FUNDP, des FUSL et des FUCaM. Enfin, le 8 juillet 2002, l’ULg a lancé le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire, réunissant des établissements de tous les réseaux. Bien que seules deux puis trois de ces quatre associations portent le nom de « pôle », c’est ce terme qui a été utilisé par de nombreux acteurs, analystes et journalistes pour les désigner (ainsi, la deuxième a souvent été désignée sous l’expression « Pôle Louvain »). Dans cette étude, ils seront appelés « pôles historiques ».
Secundo, la signification actuelle du mot « pôle » a été donnée lors de la table ronde de l’enseignement supérieur qui s’est tenue de décembre 2009 à mai 2010. Cinq « pôles académiques » – définis comme des associations d’établissements d’enseignement supérieur fondées sur la proximité géographique de leurs implantations d’enseignement et de recherche, et chargées principalement de susciter et de fédérer leurs collaborations et activités communes ou transversales – ont ensuite acquis une existence légale par le décret Paysage du 7 novembre 2013 : le Pôle académique de Liège-Luxembourg (sur le territoire des provinces de Liège et de Luxembourg), le Pôle académique Louvain (sur le territoire de la province de Brabant wallon), le Pôle académique de Bruxelles (sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale), le Pôle hainuyer (sur le territoire de la province de Hainaut) et le Pôle académique de Namur (sur le territoire de la province de Namur).
Les frontières des pôles historiques et des pôles académiques établis par le décret Paysage du 7 novembre 2013 ne sont pas identiques, pas davantage que leur nombre et, moins encore, que leurs attributions. -
[5]
Moniteur belge, 18 décembre 2013.
-
[6]
Cf., par exemple, Conseil national de la politique scientifique, L’expansion universitaire, Bruxelles, 1968.
-
[7]
Décret du 5 août 1995 fixant l’organisation générale de l’enseignement supérieur en hautes écoles, Moniteur belge, 1er septembre 1995. À ce sujet, cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit. ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit.
-
[8]
Décret du 31 mars 2004 définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités, Moniteur belge, 8 juin 2004. À ce sujet, cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit.
-
[9]
Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie, « Évolution du Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie. Note de réflexion sur la stratégie de rapprochements », 14 mars 2008.
-
[10]
Ibidem, p. 5.
-
[11]
Pôle hainuyer, « Redéfinition de l’enseignement supérieur en Communauté française : position des membres du Pôle hainuyer », s.d. [décembre 2009].
-
[12]
J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 22.
-
[13]
Sur les différentes acceptions du terme « pôle », cf. supra.
-
[14]
Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit.
-
[15]
Pôle Louvain, « L’enseignement supérieur en Communauté française : vers un système intégré de compétences et de connaissances », 17 mars 2009.
-
[16]
Sur ce thème, cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit.
-
[17]
Au printemps 2009, un membre du Pôle Louvain, la Haute École Léonard de Vinci (HE Vinci), produit également une note très détaillée étudiant divers scénarios d’association entre les hautes écoles et les universités. Dans cette note, la HE Vinci exprime clairement son ambition de s’amarrer à la nouvelle université en discussion entre l’UCL, les FUNDP, les FUSL et les FUCaM (cf. « Propositions du “Groupe stratégique Vinci”. Intégration hautes écoles–universités », communiqué à la table ronde, janvier 2010).
-
[18]
Conseil inter-réseaux de concertation, « L’enseignement supérieur en Communauté française. Vers une harmonisation du paysage… Note politique », 5 mai 2009. Le CIC s’occupe de matières qui concernent l’organisation des études dans les hautes écoles. Il est également divisé en cinq conseils inter-réseaux zonaux : Bruxelles-Brabant wallon, Namur, Liège, Hainaut et Luxembourg.
-
[19]
Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit.
-
[20]
Le Soir, 14 décembre 2009.
-
[21]
Table ronde de l’enseignement supérieur, « Document préparatoire », 14 décembre 2009.
-
[22]
Les titres et qualités des participants indiqués ci-dessous ont été repris tels quels des documents de la table ronde.
-
[23]
Miguel Souto Lopez et Philippe Vienne rapportent l’avis d’un membre du groupe de travail qui a souligné que les procès verbaux avaient accordé un même poids à toutes les opinions, qu’elles aient été exprimées par un seul individu ou par la majorité des participants (M. Souto Lopez, P. Vienne, « Table ronde de l’enseignement supérieur. Tensions et contradictions », La Revue nouvelle, n° 3, 2012, p. 46-56). Ce membre considère qu’il « n’est pas possible, à la lecture des procès-verbaux, de faire cette distinction, pourtant essentielle ». Il est vrai que les procès-verbaux ont la forme d’énumérations des interventions des divers participants. Des essais de synthèse n’ont été opérés que dans le rapport intermédiaire et le rapport définitif.
-
[24]
Cf. Fédération des étudiants francophones, « Table ronde : arrêtons de tourner autour du pot ! », s.d., www.fef.be.
-
[25]
Cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit., p. 24-27.
-
[26]
L’exposé des sections qui suivent repose sur l’examen des procès-verbaux du groupe de travail « Paysage institutionnel » (7 et 21 janvier, 4 et 25 février, 11 et 25 mars 2010) rédigés par le cabinet du ministre Marcourt.
-
[27]
Cf. Fédération des étudiants francophones, « À quoi sert une table ronde si ce n’est à tourner en rond ? », s.d., www.fef.be.
-
[28]
Le Pôle universitaire européen de Bruxelles-Wallonie autour de l’ULB, le Réseau hainuyer d’enseignements supérieurs et universitaires (RHESU) puis Pôle hainuyer autour de l’UMH puis de l’UMons, l’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française (dite Pôle Louvain) autour de l’UCL et le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire autour de l’ULg.
-
[29]
Cf. Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 4, 18 novembre 2009, p. 38-40.
-
[30]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 47-Ens.sup. 7, 12 janvier 2010, p. 10.
-
[31]
Confédération des syndicats chrétiens, « Table ronde de l’enseignement supérieur : la CSC demande des précisions », communiqué, 3 mars 2010. Un temps de questions-réponses avait été prévu pour la séance intermédiaire du 25 février. Sa suppression a justifié que l’interpellation prévue pour cette date ait pris la forme d’une lettre.
-
[32]
Une note de bas de page d’une bonne dizaine de lignes, à la page 2 du rapport final, présente toutes les autres appellations qui ont été discutées par le groupe de travail. Pour distinguer ces pôles académiques des pôles qui s’étaient constitués de façon spontanée en 2002, ceux-ci sont dénommés ici « pôles historiques » (cf. supra).
-
[33]
En posant la liberté d’association comme le principe devant guider les rapprochements, les participants protégeaient le législateur des mouvements d’opposition qui s’étaient exprimés quand il avait été question d’imposer des regroupements dans l’enseignement supérieur (cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 19-26).
-
[34]
La Libre Belgique, 9 avril 2010.
-
[35]
J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 21-26.
-
[36]
« Table ronde de l’enseignement supérieur, décembre 2009-mai 2010. Synthèse finale », www.desy.ucl.ac.be.
-
[37]
M. Souto Lopez, P. Vienne, « Table ronde de l’enseignement supérieur. Tensions et contradictions », op. cit., p. 53.
-
[38]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 12-Ens.sup. 2, 11 octobre 2010, p. 8.
-
[39]
Françoise Dupuis (PS), ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
-
[40]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 17, 8 juin 2011, p. 30.
-
[41]
Le Soir, 14 septembre 2010.
-
[42]
RTBF.be, 16 septembre 2010.
-
[43]
Le Soir, 15 septembre 2010.
-
[44]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[45]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[46]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 1, 23 septembre 2010, p. 15.
-
[47]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 12-Ens.sup. 2, 11 octobre 2010, p. 4-5.
-
[48]
Ibidem, p. 3-4.
-
[49]
Ibidem, p. 6.
-
[50]
Ibidem, p. 7.
-
[51]
Ibidem, p. 8-9.
-
[52]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[53]
Le Soir, 4 octobre 2010.
-
[54]
Le Soir, 4 novembre 2010.
-
[55]
Le Soir, 18 janvier 2011.
-
[56]
Le Soir, 3 novembre 2010.
-
[57]
Le Soir, 12 janvier 2012.
-
[58]
Le Soir, 12 janvier 2012. Quand A. Poutrain deviendra chef de cabinet de Paul Magnette (PS), ministre-président wallon, et secrétaire de gouvernement de la Région wallonne, L’Avenir écrira d’elle : « On raconte aussi qu’elle a minutieusement préparé le “plan B” au cas où le pays exploserait, plan qui serait gravé dans le seul disque dur de son cerveau » (L’Avenir, 31 juillet 2014).
-
[59]
Le Soir, 16 janvier 2012.
-
[60]
Le Soir, 21 janvier 2012.
-
[61]
Le Soir, 22 janvier 2012.
-
[62]
Le Soir, 24 janvier 2012.
-
[63]
La Libre Belgique, 24 janvier 2012.
-
[64]
La Libre Belgique, 24 janvier 2012.
-
[65]
Parlement wallon, Compte rendu intégral, CRI 10, 25 janvier 2012, p. 20.
-
[66]
Ibidem, p. 21.
-
[67]
Le Soir, 3 février 2012.
-
[68]
Le Soir, 12 juin 2012.
-
[69]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[70]
FDF, « Les dangers des régionalisation et sous-régionalisation pour l’enseignement supérieur et la politique des soins de santé », conférence de presse, 21 décembre 2012, www.fdf.be.
-
[71]
M. El Berhoumi, « Enseignement supérieur : voir par-dessus les pôles », Politique, revue de débats, n° 72, 2011, http://politique.eu.org.
-
[72]
Cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit.
-
[73]
S. Grawez, « Après les académies universitaires. Les pôles en position ? », L’Appel, le magazine chrétien de l’événement, n° 338, 2011, p. 10, http://magazine-appel.be.
-
[74]
P. Henry, « Quel avenir pour notre enseignement supérieur ? », Humanisme et solidarité, n° 19, 2010, www.humanismeetsolidarite.be.
-
[75]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 47-Ens.sup. 7, 11 janvier 2011, p. 9.
-
[76]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 79-Ens.sup. 11, 15 mars 2011, p. 11.
-
[77]
Ibidem.
-
[78]
En faisant référence aux provinces de Hainaut et de Luxembourg, le ministre a désigné à la fois la plus peuplée (1 309 880 habitants) et la moins peuplée de Wallonie (274 000 habitants). On a vu que les sollicitations politiques n’émanaient toutefois que d’une seule de ces deux provinces, le Hainaut. Le Luxembourg avait milité en d’autres temps pour obtenir une structure universitaire qu’il avait obtenue en 1972 et qui a été absorbée par l’ULg en 2004 (cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 9-11).
-
[79]
Fédération des étudiants francophones, « Paysage : la FEF n’apprécie pas la politique communicationnelle du ministre », 25 octobre 2012, www.fef.be.
-
[80]
La position de C. Conti n’a pas changé, comme l’atteste son discours à l’inauguration du pôle hainuyer, dans lequel il réclame davantage de compétences pour son pôle et des habilitations (cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 47-48).
-
[81]
Le Soir, 9 mai 2011.
-
[82]
Le Soir, 9 mai 2011.
-
[83]
ULB, « Note sur les propositions de réforme de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles », mai 2011
-
[84]
C. Conti, « Évolution du paysage de l’enseignement supérieur. Position de l’UMons », 14 juin 2011.
-
[85]
Conseil inter-réseaux de concertation, « Le paysage de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles », juin 2011.
-
[86]
Centrale générale des services publics - Enseignement, « Paysage institutionnel de l’enseignement supérieur. Contribution de la CGSP-Enseignement à la réflexion sur l’évolution du paysage institutionnel de l’enseignement supérieur », juin 2011.
-
[87]
B. Delvaux, « Note complémentaire : approche spécifique de l’UCL », 5 juin 2011.
-
[88]
Y. Poullet, « Enseignement supérieur. Oui à l’académie unique et aux pôles, mais dans le respect de l’autonomie des universités », juin 2011.
-
[89]
Confédération des syndicats chrétiens - Services publics (secteur des universités) et Centrale nationale des employés (secteur des universités), « Note à l’attention du ministre Marcourt à propos du non paper du 9 mai 2011 », 27 juin 2011.
-
[90]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 16, 25 mai 2011, p. 65.
-
[91]
Ibidem, p. 67.
-
[92]
La Libre Belgique, 3 juin 2011.
-
[93]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 17, 8 juin 2011, p. 30.
-
[94]
La Libre Belgique, 3 juin 2011.
-
[95]
La Libre Belgique, 4 juin 2011. Le recteur de l’ULB aurait été consulté sur cette hypothèse par le vice-recteur à l’enseignement de l’UCL lors d’un voyage en compagnie du ministre. Il aurait accepté d’en discuter, sans plus. Le climat extrêmement tendu alors à l’intérieur de l’ULB l’aurait poussé à démentir cette ouverture.
-
[96]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 17, 8 juin 2011, p. 30.
-
[97]
Ibidem.
-
[98]
Ibidem, p. 31.
-
[99]
Ibidem, p. 36.
-
[100]
Ibidem.
-
[101]
Ibidem, p. 35.
-
[102]
La note rapporte que « le Conseil inter-réseaux de concertation (CIC) et la CGSP-Enseignement plaident pour un maximum de cinq pôles sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles, là où la table ronde préconisait plutôt trois ou quatre pôles ».
-
[103]
Centrale nationale des employés - Enseignement, Communiqué, 10 novembre 2011.
-
[104]
Le Soir, 14 septembre 2011.
-
[105]
Le Soir, 20 septembre 2011.
-
[106]
Le Soir, 20 septembre 2011.
-
[107]
Le Soir, 20 septembre 2011.
-
[108]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 4-Ens.sup. 1, 4 octobre 2011, p. 3.
-
[109]
Ibidem, p. 4.
-
[110]
Ibidem.
-
[111]
Ibidem.
-
[112]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 14-Ens.sup. 2, 18 octobre 2011, p. 14.
-
[113]
Ibidem.
-
[114]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 67-Ens.sup. 9, 14 février 2012, p. 4.
-
[115]
Ibidem, p. 5.
-
[116]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 85-Ens.sup. 12, 20 mars 2012, p. 3-4.
-
[117]
Le Soir, 2 mars 2012.
-
[118]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 85-Ens.sup. 12, 20 mars 2012, p. 6.
-
[119]
Ibidem, p. 7.
-
[120]
Ibidem, p. 8.
-
[121]
Le Soir, 29 mars 2012.
-
[122]
Le Soir, 19 octobre 2011.
-
[123]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 111-Ens.sup. 16, 29 mai 2012, p. 11-12.
-
[124]
Ibidem, p. 12.
-
[125]
Le Soir, 26 août 2012.
-
[126]
Le Soir, 17 septembre 2012.
-
[127]
Décret du 13 décembre 2007 intégrant l’École d’interprètes internationaux de la Haute École de la Communauté française du Hainaut à l’UMH et modifiant les habilitations universitaires, Moniteur belge, 12 mars 2008. Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 28-35.
-
[128]
La Libre Belgique, 31 août 2013.
-
[129]
La Libre Belgique, 15 juillet 2011.
-
[130]
La Libre Belgique, 15 septembre 2011.
-
[131]
La Libre Belgique, 16 septembre 2011.
-
[132]
B. Delvaux, « Allocution de Bruno Delvaux, recteur. Décider d’espérer », 18 septembre 2012, www.uclouvain.be.
-
[133]
L’Avenir, 21 septembre 2012.
-
[134]
J.-P. Lambert, « Discours de la séance publique de rentrée des Facultés par le recteur Jean-Paul Lambert. L’enseignement supérieur et ses défis », 25 septembre 2012, p. 7-8, www.usaintlouis.be.
-
[135]
Cf. décret du 29 novembre 2008 portant intégration de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux au sein de l’Université de Liège, création de l’Université de Mons par fusion de l’Université de Mons-Hainaut et de la Faculté polytechnique de Mons, restructurant des habilitations universitaires et refinançant des universités, Moniteur belge, 10 février 2009.
-
[136]
J.-P. Lambert, « Discours de la séance publique de rentrée des Facultés par le recteur Jean-Paul Lambert. L’enseignement supérieur et ses défis », op. cit., p. 8.
-
[137]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 10-Ens.sup. 2, 9 octobre 2012, p. 7.
-
[138]
À ce propos, cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 29-35.
-
[139]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 10-Ens.sup. 2, 9 octobre 2012, p. 8.
-
[140]
Le Soir, 25 octobre 2012.
-
[141]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 3, 14 novembre 2012, p. 16.
-
[142]
Ibidem, p. 17.
-
[143]
Ibidem, p. 18.
-
[144]
Ibidem, p. 19.
-
[145]
Ibidem, p. 20-21.
-
[146]
La critique de l’UCL portait sur la version (périmée) du 25 novembre 2012 de l’avant-projet de décret (cf. infra).
-
[147]
Le Soir, 3 décembre 2012.
-
[148]
La Libre Belgique, 29 novembre 2012.
-
[149]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[150]
La Libre Belgique, 5 décembre 2012.
-
[151]
Le Soir, 11 décembre 2012.
-
[152]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[153]
Le Vif/L’Express, 20 décembre 2012.
-
[154]
Le Soir, 13 décembre 2012. Renaud Mazy, administrateur délégué des cliniques universitaires Saint-Luc, reprend les mêmes arguments dans l’interview qu’il accorde au Soir une semaine plus tard (Le Soir, 21 décembre 2012).
-
[155]
Le Soir, 13 décembre 2012.
-
[156]
M. De Wolf, X. Banse, C. Bragard, M. Francaux, T. Pardoen, G. Schamps, N. Schiffino (pour l’assemblée générale des professeurs de l’UCL), « Le projet de décret Marcourt est contraire à la Constitution », Le Soir, 20 décembre 2012.
-
[157]
La Libre Belgique, 14 décembre 2012.
-
[158]
La Libre Belgique, 14 décembre 2012.
-
[159]
La Libre Belgique, 15 décembre 2012.
-
[160]
Xavier Banse, vice-président du personnel académique, Nicolas Tajeddine, président du personnel scientifique, Pascale Steyns, présidente du personnel administratif et technique, et François Braghini et Corentin Lahouste, co-présidents de l’AGL.
-
[161]
La Libre Belgique, 17 décembre 2012.
-
[162]
L’Avenir, 20 décembre 2012.
-
[163]
Le Soir, 22 décembre 2012.
-
[164]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[165]
Déclarations de Jean-François Raskin dans La Libre Belgique, 4 décembre 2012.
-
[166]
Le Soir, 6 décembre 2012.
-
[167]
La Libre Belgique, 6 décembre 2012.
-
[168]
La Libre Belgique, 6 décembre 2012.
-
[169]
La Libre Belgique, 7 décembre 2012.
-
[170]
Cf. Le Soir, 24 janvier 2012.
-
[171]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[172]
On parle alors du chef de cabinet du ministre (cf. supra).
-
[173]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[174]
Le Soir, 7 décembre 2012.
-
[175]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 39-Ens.sup. 6, 11 décembre 2012, p. 3-5.
-
[176]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[177]
La Libre Belgique, 13 décembre 2012.
-
[178]
Le Soir, 14 décembre 2012. Cf. Secrétariat général de l’enseignement catholique, « Enseignement supérieur : projets à revoir », communiqué de presse, 13 décembre 2012, http://enseignement.catholique.be ; Conseil d’administration du Secrétariat général de l’enseignement catholique, « Enseignement supérieur : “paysage” et “formation initiale” », 13 décembre 2012, http://enseignement.catholique.be.
-
[179]
La Libre Belgique, 17 décembre 2012.
-
[180]
La Libre Belgique, 21 décembre 2012.
-
[181]
Le Soir, 27 décembre 2012.
-
[182]
C. Conti, J.-P. Lambert, Y. Poulet, B. Rentier, D. Viviers, « Lettre ouverte au recteur de l’Université catholique de Louvain », s.d. [4 janvier 2013].
-
[183]
Ibidem.
-
[184]
Sur ce sujet, cf. N. Ryelandt, « Les décrets “inscriptions” et “mixité sociale” de la Communauté française », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2188-2189, 2013.
-
[185]
Le Soir, 5 janvier 2013.
-
[186]
D. Viviers, « Pourquoi le paysage de l’enseignement supérieur doit changer et pourquoi il faut éviter de diaboliser le changement », 7 janvier 2013, http://blog-recteur.ulb.ac.be.
-
[187]
Le Soir, 7 janvier 2013.
-
[188]
Le Soir, 7 janvier 2013.
-
[189]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 47-Ens.sup. 7, 8 janvier 2013, p. 6-7.
-
[190]
Ibidem, p. 7.
-
[191]
La Libre Belgique, 22 décembre 2012.
-
[192]
Le Soir, 12 décembre 2012.
-
[193]
Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[194]
Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[195]
Le Soir, 11 janvier 2013.
-
[196]
Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[197]
A. Bodson (recteur honoraire de l’ULg), B. Coulie (recteur honoraire de l’UCL), M. Crochet (recteur honoraire de l’UCL), É. Davignon (président du conseil d’administration de l’ICHEC), P. Delaunois (président honoraire de l’Union wallonne des entreprises, UWE), C. Delporte (recteur honoraire des FUCaM), J. Stéphenne (président honoraire de l’UWE), J.-L. Vanherweghem (recteur honoraire de l’ULB), J.-J. Verdickt (président honoraire de l’UWE), J.-J. Viseur (président honoraire du conseil d’administration de l’UCL), « Réformer le paysage de l’enseignement supérieur dans la sérénité », Le Soir, 10 janvier 2013.
-
[198]
Le Soir, 18 janvier 2013.
-
[199]
Le Soir, 18 janvier 2013.
-
[200]
Le Soir, 23 janvier 2013.
-
[201]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 71-Ens.sup. 10, 26 février 2013, p. 7.
-
[202]
Ibidem.
-
[203]
Parlement de la Communauté française, Commission de l’Enseignement supérieur, Compte rendu intégral, CRIC 77-Ens.sup. 11, 11 mars 2013, p. 4-8.
-
[204]
La Libre Belgique, 8 mars 2013.
-
[205]
Le Soir, 12 mars 2013.
-
[206]
Pour mémoire, le CIUF comporte dix « composantes » ; six représentent les universités, deux les organisations syndicales et deux les organisations étudiantes.
-
[207]
La Libre Belgique du 22 mars 2013 signalera incidemment que les institutions attachées aux « interpôles » représentent 43 % du total des populations étudiantes.
-
[208]
Le MR critiquait également cette « emprise » du monde politique et y voyait l’effet d’un « dirigisme » peu compatible avec les principes de l’autonomie universitaire. Cf. supra l’interview de F. Bertieaux dans La Libre Belgique, 15 décembre 2012.
-
[209]
La Libre Belgique, 20 mars 2013.
-
[210]
La Libre Belgique, 22 mars 2013.
-
[211]
La Libre Belgique, 22 mars 2013.
-
[212]
La Libre Belgique, 31 mai 2013.
-
[213]
La Libre Belgique, qui rapporte cet épisode de la négociation, évoque également la réaction du recteur de l’USaint-Louis critiquant le fait de n’avoir pas été invité aux négociations alors que les décisions prises auront des conséquences évidentes pour son institution (cf. La Libre Belgique, 31 août 2013).
-
[214]
La Libre Belgique, 31 août 2013.
-
[215]
L’Avenir, 14 septembre 2013. Cf. aussi La Libre Belgique, 14 septembre 2013.
-
[216]
La Libre Belgique, 9 octobre 2013.
-
[217]
La Libre Belgique, 9 octobre 2013.
-
[218]
La Libre Belgique, 9 octobre 2013.
-
[219]
Parlement de la Communauté française, Projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études. Rapport de commission présenté au nom de la Commission de l’Enseignement supérieur par P. Tachenion, E. Disabato et M. de Lamotte, DOC 537-3, 15 octobre 2013, p. 5.
-
[220]
Ibidem.
-
[221]
Ibidem, p. 5-6.
-
[222]
Ibidem, p. 6.
-
[223]
Ibidem.
-
[224]
Ibidem, p. 7.
-
[225]
Ibidem.
-
[226]
Ibidem.
-
[227]
Ibidem, p. 8.
-
[228]
Ibidem.
-
[229]
Ibidem, p. 9.
-
[230]
Ibidem.
-
[231]
Ibidem, p. 9-10.
-
[232]
Ibidem, p. 13.
-
[233]
Ibidem, p. 12.
-
[234]
Ibidem, p. 14.
-
[235]
F. Bertieaux déclare qu’elle comprend « la position du ministre. Il n’aurait jamais pu redessiner le paysage en négociant le financement en même temps ».
-
[236]
Pour éviter les répétitions et sauf si la configuration exige de déroger à cette règle, seuls seront repris dans cette section les arguments qui n’ont pas encore été avancés par d’autres intervenants.
-
[237]
Ibidem, p. 18.
-
[238]
Ibidem.
-
[239]
Ibidem.
-
[240]
Ibidem, p. 21.
-
[241]
Ibidem.
-
[242]
Ibidem, p. 22.
-
[243]
Ibidem, p. 24-25.
-
[244]
Ibidem, p. 25.
-
[245]
Ibidem, p. 25-26.
-
[246]
Ibidem, p. 26.
-
[247]
Ibidem.
-
[248]
Ibidem, p. 27.
-
[249]
Ibidem.
-
[250]
Ibidem, p. 28.
-
[251]
Ibidem, p. 29.
-
[252]
Ibidem.
-
[253]
Ibidem, p. 34.
-
[254]
Ibidem, p. 38.
-
[255]
Ibidem, p. 38-39.
-
[256]
Ibidem, p. 39.
-
[257]
Ibidem.
-
[258]
Ibidem, p. 46.
-
[259]
Ibidem.
-
[260]
Ibidem.
-
[261]
Ibidem, p. 49.
-
[262]
Ibidem, p. 64.
-
[263]
Ibidem.
-
[264]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 5, 6 novembre 2013, p. 15.
-
[265]
Ibidem, p. 16.
-
[266]
Ibidem, p. 16.
-
[267]
Ibidem, p. 17.
-
[268]
Ibidem, p. 17.
-
[269]
Ibidem, p. 17.
-
[270]
Ibidem, p. 17-18.
-
[271]
Ibidem, p. 24.
-
[272]
Ibidem, p. 25.
-
[273]
Ibidem, p. 19.
-
[274]
Ibidem, p. 21.
-
[275]
Ne sont repris de l’intervention de F. Bertieaux et des autres parlementaires que les propos concernant la partie du décret consacrée au paysage de l’enseignement supérieur, à l’exclusion de leurs considérations sur la nouvelle organisation des études prévue par le projet.
-
[276]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 5, 6 novembre 2013, p. 13.
-
[277]
Ibidem, p. 13.
-
[278]
Ibidem, p. 13.
-
[279]
Ibidem, p. 14.
-
[280]
Ibidem, p. 14.
-
[281]
Ibidem, p. 23.
-
[282]
Ibidem, p. 27.
-
[283]
Ibidem, p. 27.
-
[284]
Ibidem, p. 32.
-
[285]
Il est à noter que 74 députés de la Communauté française ont pris part au vote (sur 93). Un cinquième des parlementaires étaient donc absents, ce qui peut paraître paradoxal pour le vote d’un décret considéré comme majeur.
-
[286]
M. Lebrun (CDH), W. Ancion (CDH), F. Dupuis (PS), M.-D. Simonet (CDH).
-
[287]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Commentaire du CREF sur le rapport des recteurs honoraires A. Bodson et J. Berleur “Quelles urgences pour une politique universitaire en Communauté française de Belgique” commandité par le ministre W. Ancion », 9 mars 1999, www.cref.be.
-
[288]
Une bonne illustration de cette appréhension est la carte blanche publiée par C. Crespo dans Le Soir, 19 octobre 2011 (cf. supra, p. 53-54).
-
[289]
Parlement de la Communauté française, Projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études. Rapport de commission présenté au nom de la Commission de l’Enseignement supérieur par P. Tachenion, E. Disabato et M. de Lamotte, DOC 537-3, 15 octobre 2013, p. 6.
-
[290]
Cf. notamment supra (p. 39) la réponse du ministre à une interpellation de M. de Lamotte.
-
[291]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 5, 6 novembre 2013, p. 28.
-
[292]
« L’enseignement supérieur (…) a pour objectif d’accompagner les étudiants dans leur rôle de citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, pluraliste et solidaire. »
-
[293]
M. Molitor, « Les transformations du paysage universitaire en Communauté française », op. cit., p. 97.
-
[294]
La lecture des procès-verbaux du groupe « Paysage institutionnel » de la table ronde semble indiquer que la fusion était acquise pour nombre de participants.
-
[295]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Commentaire du CREF sur le rapport des recteurs honoraires A. Bodson et J. Berleur “Quelles urgences pour une politique universitaire en Communauté française de Belgique” commandité par le ministre W. Ancion », op. cit. À ce sujet, cf. M. Molitor, « Les transformations du paysage universitaire en Communauté française », op. cit., p. 27-28.
-
[296]
Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 13, 31 mars 2010, p. 8.
-
[297]
Ibidem, p. 9.
-
[298]
M. Souto Lopez, « Réformer le paysage de l’enseignement supérieur. Quelle méthode ? », La Revue nouvelle, n° 5, 2013, p. 70.
-
[299]
M. El Berhoumi, « Enseignement supérieur : voir par-dessus les pôles », op. cit., p. 9.
-
[300]
Cf. son interview dans Le Soir, 12 décembre 2012 (déjà cité supra, p. 69-70).
-
[301]
Cette idée a été avancée entre autres par C. Persoons lors du débat parlementaire du 6 novembre 2013.
-
[302]
Les chiffres sont extraits de l’annexe à la « Note au gouvernement » du 15 juillet 2011.
-
[303]
Dans l’annexe chiffrée de la « Note au gouvernement », les données concernant les facultés des sciences de la santé de l’UCL établies à Bruxelles (Woluwe-Saint-Lambert) sont agrégées aux données de Louvain-la-Neuve. On a choisi de reprendre ce calcul alors qu’il aurait également été possible d’agréger les données de l’UCL-en-Woluwe aux données de Bruxelles. Par ailleurs, conformément aux données de la note du ministre, on a choisi de distinguer, à l’intérieur de la population totale, les inscriptions à titre principal (c’est-à-dire des étudiants d’établissements dont le siège social est situé dans la zone géographique concernée) et les inscriptions à titre complémentaire (c’est-à-dire des étudiants dépendant d’établissements dont le siège principal est situé hors de la zone géographique considérée comme, par exemple, une section localisée en Brabant wallon d’une haute école bruxelloise).
-
[304]
À titre d’information, la ventilation de l’ensemble des populations étudiantes en fonction des « pôles historiques » de 2002 aurait donné les résultats suivants : 130 051 dans l’Association de l’enseignement supérieur en Communauté française dite Pôle Louvain, à savoir 33 000 à l’université (UCL, FUNDP, FUSL et FUCaM) et 97 051 en haute école (réseau libre subventionné) ; 38 104 étudiants dans le Pôle mosan d’enseignement supérieur et universitaire, à savoir 19 612 à l’université (ULg et FUSAGx) et 18 492 en hautes écoles ; 35 536 dans le Pôle universitaire européen de Wallonie-Bruxelles, à savoir 22 852 à l’université (ULB) et 12 684 en hautes écoles (Communauté, province, ville) ; 16 318 étudiants dans le Pôle hainuyer, à savoir 4 998 à l’université (UMons) et 11 320 en hautes écoles.
Cependant, cette ventilation est totalement hasardeuse parce qu’elle repose sur l’hypothèse de l’affiliation de toutes les hautes écoles du réseau libre au Pôle Louvain, ce qui n’a jamais été démontré. Certaines hautes écoles, notamment à Namur et à Liège, auraient pu rejoindre le Pôle mosan et donc s’inscrire dans une logique plus territoriale. On peut penser cependant que ce genre de projection appartenait aux fantasmes de certains dirigeants universitaires. On se rappelle néanmoins que, en 2002, lors de la constitution des pôles autour de l’ULB et du RHESU (le pôle hainuyer historique), les hautes écoles du réseau libre n’avaient pas été invitées à les rejoindre. Beaucoup plus récemment, en février 2014, un projet d’accord cadre visant à constituer un pôle « laïque » entre l’ULB et plusieurs hautes écoles bruxelloises avait été préparé. J.-C. Marcourt a été interpellé à ce sujet par M. de Lamotte, E. Disabato et F. Bertieaux le 26 février 2014, en séance plénière du Parlement de la Communauté française. Par la voix de sa collègue Fadila Laanan (PS), le ministre a répondu qu’il n’avait pas été informé de ce projet et que celui-ci lui paraissait critiquable dans la mesure où il s’écartait du principe même de constitution des pôles académiques définis par le décret Paysage, à savoir : « Le décloisonnement confessionnel et institutionnel au profit d’une logique de coopération entre tous, privilégiant la logique géographique plutôt que les piliers. Les objectifs poursuivis par les anciens pôles sous la législation antérieure sont intégralement repris dans les missions académiques » (cf. Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral, CRI 13, 26 février 2014, p. 9). -
[305]
Cf. J.-É. Charlier, F. Moens, « La tentation de faire une croix sur le passé », La Revue nouvelle, n° 3, 2012, p. 67-82.
-
[306]
J.-P. Lambert, « Discours de la séance publique de rentrée des Facultés par le recteur Jean-Paul Lambert. L’enseignement supérieur en attente d’un nouveau “paysage” », 29 septembre 2011, p. 5, www.usaintlouis.be.
-
[307]
Ibidem.
-
[308]
Cf. M. Molitor, J.-É. Charlier, « L’échec du projet de fusion au sein de l’Académie universitaire Louvain », op. cit., p. 27 ; J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les projets de fusion dans l’enseignement supérieur en Hainaut et dans le Luxembourg », op. cit., p. 29-30.
-
[309]
Cette implication du CREF n’était en rien cachée. Le ministre Lebrun a indiqué qu’il « examin[ait], avec le Conseil des recteurs, un “toilettage” complet de [la] loi afin de veiller à supprimer (…) la différence entre les grades académiques, légaux et scientifiques » (Conseil de la Communauté française, Proposition de décret modifiant les lois coordonnées sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires. Rapport présenté au nom de la Commission de l’Enseignement, de la Formation et de la Recherche par R. Henneuse, DOC 10-2, 9 juillet 1992, p. 3).
-
[310]
Cf. la section « Communications », du site Internet du CREF : www.cref.be.
-
[311]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Note du CREF relative au non paper de M. le ministre Jean-Claude Marcourt portant sur la réforme de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles », mai 2011, p. 1.
-
[312]
Ibidem.
-
[313]
Ibidem, p. 2-3.
-
[314]
Parlement de la Communauté française, Projet de décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études. Rapport de commission présenté au nom de la Commission de l’Enseignement supérieur par P. Tachenion, E. Disabato et M. de Lamotte, DOC 537-3, 15 octobre 2013, p. 6 (extrait déjà cité supra).
-
[315]
Cf. J.-É. Charlier, « Les disciplines dans “le grand chambardement” : “fourbi de la qualité”, migration des objets et effacement des frontières », in A. Gorga, J.-P. Leresche (dir.), Disciplines académiques en transformation : entre innovation et résistance, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2015, p. 213-226.
-
[316]
Cf. le site Internet www.magna-charta.org.
-
[317]
Le ministre a notamment déclaré : « J’ai compris qu’être universitaire et stupide n’était pas incompatible », ajoutant : « Il y a des moments où les ouvriers ont plus de sens commun que des universitaires. Au moins quand on travaille avec des ouvriers, qui risquent de perdre leur emploi, on sait de quoi on parle » (La Libre Belgique, 14 décembre 2012).
-
[318]
Cf. J.-É. Charlier, M. Molitor, « Les dynamiques de fusion dans l’enseignement supérieur francophone de 1999 à 2009 », op. cit., p. 19-26.
-
[319]
C’est l’idée d’une « fenêtre d’opportunité » développée par M. El Berhoumi, « Enseignement supérieur : voir par-dessus les pôles », op. cit.
-
[320]
Il est trop tôt pour faire le bilan du fonctionnement de l’ARES, mais les avis de beaucoup de participants sont aujourd’hui négatifs. D’aucuns reparlent d’« usine à gaz », d’autres de « discussions très superficielles », d’« ambiance tendue voire malsaine », ou ont le sentiment que l’ARES est « devenu[e] une succursale du cabinet ». Cf. La Libre Belgique, 27 mars 2015.
-
[321]
Cf. supra, p. 13.
-
[322]
M. Molitor, « Vers la fin des piliers dans l’enseignement supérieur ? », Les analyses du CRISP en ligne, 28 octobre 2013, www.crisp.be. Cette partie des conclusions est inspirée de cette analyse.
-
[323]
La Libre Belgique, 21 avril 2004.
-
[324]
Cf. par exemple J. De Munck, « Attention à un face-à-face État/société civile », La Libre Belgique, 20 décembre 2012. Cf. aussi l’interview d’A. Coudyzer, président de la FEDESUC, dans La Libre Belgique, 9 octobre 2013. C’est également l’analyse d’un acteur académique extérieur à la Communauté française, Rik Torfs, recteur de la KULeuven et ancien parlementaire CD&V, qui estime qu’« il faut donner beaucoup d’autonomie aux universités et ne pas les forcer à collaborer sur des bases régionales. Cela n’a pas de sens, il faut les laisser libres dans leurs choix d’enseignement et d’associations. Il faut aussi faire attention à ce que les politiques ne fassent pas la loi dans le monde universitaire » (La Libre Belgique, 12 octobre 2013).
-
[325]
La Libre Belgique, 14 décembre 2012.
-
[326]
Conseil des recteurs des universités francophones de Belgique, « Commentaire du CREF sur le rapport des recteurs honoraires A. Bodson et J. Berleur “Quelles urgences pour une politique universitaire en Communauté française de Belgique” commandité par le ministre W. Ancion », op. cit.