Notes
-
[1]
Cf. sur cette question C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », Dossier du CRISP, n° 51,2000, p. 20.
-
[2]
Moniteur belge, 3 août 2001.
-
[3]
F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », Journal des tribunaux, 2003, p. 530.
-
[4]
Moniteur belge, 14 juin 2004. Cf. J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « La régionalisation des lois communale et provinciale et de la législation connexe », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1757-1758,2002, pp. 55-58, et F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », op. cit., pp. 529-536.
-
[5]
On notera que cette dernière a transféré sa propre compétence, en 2005, à la Communauté germanophone pour son ressort mais cette dernière n’est pas devenue partie à l’accord de coopération et cela bien qu’elle ait rapidement utilisé sa compétence. Cf. décret du 30 janvier 2006 modifiant la loi du 9 mars 1870 sur le temporel des cultes, Moniteur belge, 28 mars 2006.
-
[6]
Cf. documentation in L.-L. CHRISTIANS et P. DE POOTER, Code belge, droit et religions 2005, Bruylant, 2006.
-
[7]
Cf. A. COENEN, « La régionalisation du temporel des cultes reconnus », Mouvement communal, 2002-2004, p. 1
-
[8]
Après la chute de l’Empire, en 1814, l’administration civile des cultes connaîtra de nombreux changements d’affectation dans nos provinces jusqu’à son transfert, le 4 juin 1840, au Ministère de la Justice où l’on crée, à cette occasion, une section pour l’administration des cultes et des établissements de bienfaisance. CH 1918
-
[9]
Cf. J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1703-1704,2000.
-
[10]
Le terme « laïque » désigne les assistants de la pensée non confessionnelle ; le terme « laïc » désigne lui les personnes qui pratiquent un culte, lequel est alors animé par des clercs au sens large du terme.
-
[11]
Cf. par exemple les conditions de sélection, recrutement, stage et nomination que doit réunir le citoyen pour obtenir la qualité d’agent de l’État (c’est-à-dire de l’Autorité fédérale): principalement les art. 16,17,28bis, 29 et 45 de l’arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l’État.
-
[12]
Sur ce point cf. les décisions de la Cour de cassation du 23 novembre 1957, Jurisprudence de Belgique, 1957, p. 307 et du Conseil d’État du 28 novembre 1966, arrêt n° 13072, Recueil des arrêts du Conseil d’État, n° 12086.
-
[13]
Moniteur belge, 7 décembre 2005.
-
[14]
Ibidem, 1er février 2006. CH 1918
-
[15]
Cf. J. VERCRUYSSE, Introduction à l’ouvrage Les États Belgiques-Unis, Duculot, 1992, p. 14.
-
[16]
Déjà en 1783, l’Empereur Joseph II avait décidé par un édit de supprimer les ordres monastiques purement contemplatifs, jugés inutiles. Cf. GACHARD, Ordonnances des Pays-Bas autrichiens, tome XII, pp. 255,282.
-
[17]
A. TIHON, « Le financement des cultes en Belgique (1780-2004) », in J.-F. HUSSON (sous la dir. de), Le financement des cultes et de la laïcité : comparaison internationale et perspectives, Les Éditions namuroises, 2006, p. 191.
-
[18]
Cf. A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », in H. HASQUIN (sous la direction de), L’héritage de la révolution française 179-1814, Service culturel de la CGER, 1989, p. 183. On notera avec intérêt que par ordre impérial du 22 mai 1786, Joseph II avait décidé de dénombrer les biens fonciers de l’Église : il n’a jamais été possible de démontrer s’il songeait ou non à une quelconque sécularisation, G. GACHARD, Ordonnances des Pays-Bas autrichiens, op. cit.
-
[19]
Cf. V. CRABBE et F. SONCK, Les traitements des ministres des cultes en Belgique, Res Publica, 1963, p. 86.
-
[20]
Lors de la célèbre Nuit du 4 août 1789, l’Assemblée, en supprimant le régime seigneurial et toutes les redevances qui y étaient liées, avait également supprimé la dîme, ce qui privait le clergé séculier de la principale source de ses revenus. Cette dernière était d’abord une fraction des récoltes de la paroisse (puis du revenu généré par celles-ci), généralement équivalente à un dixième, versée à la seule Église catholique.
-
[21]
Déçue de l’échec de l’Église gallicane créée par la Constitution civile du clergé dans le décret du 12 juillet 1790 qui sera condamné par le Pape Pie VI au grand dam de Louis XVI qui l’avait d’abord accepté.
-
[22]
P. PIERRARD, L’Église et la Révolution – 1789-1899, Paris, Nouvelle Cité, 1989, pp. 107-109.
-
[23]
L’article 69 de cette loi charge les évêques de la rédaction d’un projet de règlement relatif aux oblations que les ministres du culte catholique sont autorisés à recevoir pour l’administration des sacrements (aujourd’hui, on parle de « casuel »). Il est important de noter que cet article stipulait que les sommes ainsi perçues ne devaient pas être déduites du montant des traitements accordés par l’État.
-
[24]
A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 193.
-
[25]
Déjà la Loi fondamentale du 24 août 1815 (Pas. 1815, p. 341) garantissait aux ministres des cultes les traitements dont ils bénéficiaient jusque-là.
-
[26]
En 1824, lors de la négociation de ce nouveau Concordat, le représentant du pape avait émis le souhait que l’État abandonne le salariat du clergé (et en corollaire son contrôle) en échange d’une dotation en biens fonds qui aurait été considéré comme l’indemnisation de la nationalisation de 1795-1796 mais le gouvernement refusa de s’engager dans cette voie.
-
[27]
Cf. X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique, CRISP, 1986, p. 119.
-
[28]
A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., pp. 193-194.
-
[29]
E. WITTE, E. GUBIN, J.-P. NANDRIN et G. DENECKERE, Nouvelle Histoire de Belgique, vol. I – 1830-1905, 2005, pp. 152-154.
-
[30]
Cet attachement de l’institution ecclésiale à la liberté – au moins dans notre pays – fut possible (à cette époque) par l’action des catholiques libéraux qui se développa d’abord en France sous la conduite de l’abbé Lamennais qui va y promouvoir le manifeste d’« une Église libre dans l’État libre » et ensuite reprise par les évêques belges. Cf. à ce sujet P. PIERRARD, L’Église et la Révolution – 1789-1899, op. cit., p. 130 et la bibliographie citée par cet ouvrage.
-
[31]
Cf. le texte in extenso in X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique, op. cit., pp. 119-122.
-
[32]
Par simplicité, la numérotation utilisée est celle du texte de la Constitution coordonnée de 1994.
-
[33]
Cf. J. VERCRUYSSE, Introduction à l’ouvrage Les États Belgiques-Unis, op. cit., pp. 16-19.
-
[34]
Notons que ce sont les articles du Code pénal belge de 1867 qui accordent cette protection à tous les cultes. Le Code pénal français de 1810 applicable auparavant ne protégeait que les cultes autorisés.
-
[35]
L.-L. CHRISTIANS, « L’article 16 alinéa 1er de la Constitution », Administration publique, 1990, p. 205.
-
[36]
Conseil d’État, 29 avril 1975, « Van Grembergen », Annuaire des arrêts du Conseil d’État, 1975, p. 380 ; Conseil d’État, 20 décembre 1985, « Van Peteghem », Administration publique, 1986, p. 6.
-
[37]
Ils relayaient en cela les termes de la lettre précitée du Cardinal de Méan.
-
[38]
Cf. notamment sur ce point L.-L. CHRISTIANS, « Une mise en perspective du concept de culte reconnu en droit belge », in L’Islam en Belgique (ouvrage collectif), Luc Pire, 1998, pp. 23-29.
-
[39]
Cf. V. CRABBE et F. SONCK, « Les traitements des ministres des cultes en Belgique », op. cit., p. 79 : « (…) De toutes les obligations contractées par l’Église envers l’État en vertu du Concordat de Messidor et de la loi de Germinal, la Constitution n’en retint aucune. »
-
[40]
A. COENEN, « La régionalisation du temporel des cultes reconnus », op. cit., p. 2.
-
[41]
Selon l’expression heureuse reprise à V. VANDERMOERE et J. DUJARDIN, Fabriques d’église, La Charte, 1991, p. 1.
-
[42]
Et d’ailleurs sanctionnée par l’article 267 du Code pénal.
-
[43]
A. COENEN, « La régionalisation du temporel des cultes reconnus », op. cit.
-
[44]
Cf. pour les détails de la discussion au sein du Congrès, V. CRABBE et F. SONCK, « Les traitements des ministres des cultes en Belgique », op. cit., pp. 79-81.
-
[45]
Cf. C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », op. cit., p. 6 et les références citées.
-
[46]
F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », op. cit.
-
[47]
J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques », op. cit., p. 8.
-
[48]
Cf. question parlementaire n° 631 – 4 juillet 1997 – de F. Borginon (VU) et réponse du ministre de la Justice, in Recueil de législation relatif aux cultes de Belgique, n° 2.1 publié par le SPF Justice, décembre 2005.
-
[49]
Moniteur belge, 25 novembre 1998. Cf. H. DE CORDES, « L’État belge face aux dérives sectaires », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1908,2006.
-
[50]
La Cour d’arbitrage, dans son arrêt n°148/2005 du 28 septembre 2005, a reconnu la constitutionnalité de ce critère en énonçant : « (…) Le législateur peut raisonnablement exiger des cultes reconnus qu’ils présentent une structure minimum en vue de la désignation d’une instance susceptible de constituer l’interlocuteur des autorités publiques dans les relations privilégiées que les cultes reconnus entretiennent avec celles-ci. » Également : Conseil d’État, arrêt du 12 janvier 1994 et note d’observations de L.-L. CHRISTIANS, « Diversité de dogmes et de structures religieuses dans la législation belge relative au temporel des cultes », Revue régionale de droit de Namur, 1995, pp. 114-126.
-
[51]
Ce terme recouvre à la fois des Églises d’obédience luthérienne, calviniste ou évangélique. Dans la famille protestante, l’État a constamment refusé d’accorder une reconnaissance séparée au Synode fédéral des Églises protestantes et évangéliques.
-
[52]
Moniteur belge, 19 septembre 1974.
-
[53]
Cf. V. VANDERMOERE et J. DUJARDIN, Fabriques d’église, op. cit.
-
[54]
Pour l’historique de ces lois, cf. C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », op. cit., pp. 8 et 9 et A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 196.
-
[55]
Une première demande a échoué en 1994 en raison de la problématique de l’unicité de l’organe-chef de culte : cf. arrêt du Conseil d’État cité sous note 50.
-
[56]
Réponse fournie par P. Vanvelthoven, ministre de l’Emploi (SP.A), au nom de la ministre de la Justice, à une question orale de C. Nyssens (CDH), Sénat, Ann. parl., 9 février 2006.
-
[57]
Telle n’a pas été la décision de l’Église « Vieille catholique » lorsque lui fut notifiée, en 1998, la décision de refus de reconnaissance.
-
[58]
Sur l’ensemble de la problématique, cf. C. SÄGESSER et J.-P. HUSSON, « La reconnaissance et le financement de la laïcité », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1756-1760,2002.
-
[59]
Loi du 23 janvier 1981, Moniteur belge, 8 avril 1981.
-
[60]
Loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues, Moniteur belge, 22 octobre 2002.
-
[61]
Cf. question n° 2469 – 22 octobre 2002 – de M. De Schamphelaere (CVP) et réponse du ministre de la Justice, in Recueil de législation relative à la laïcité en Belgique, n° 4, publié par le SPF Justice, octobre 2004. Dans une question parlementaire précédente (n° 1715 du 29 novembre 2001), la députée avait relevé que « les ministres des cultes reconnus bénéficient de traitements sur base du nombre de fidèles (population ou nombre de membres) » et avait demandé sur quelle base le département avait procédé et le ministre lui avait répondu que « pour fixer le montant des interventions, l’on part des besoins des associations non confessionnelles et non de chiffres concrets ». Elle s’en inquiétait dans sa nouvelle question évoquée ci-dessus.
-
[62]
Une communauté non confessionnelle peut être reconnue par province et deux (une francophone et une néerlandophone) dans la Région de Bruxelles-Capitale qui, sur son territoire, a succédé à l’ancienne province de Brabant.
-
[63]
A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 196.
-
[64]
Cf. Question n° 130 de S. Bex et réponse de la ministre de la Justice, Chambre, QRVA 51 020, 8 janvier 2004.
-
[65]
Cf. Arrêt de la Cour d’arbitrage n° 152/2005 du 5 octobre 2005 : « La liberté de religion comprend, entre autres, la liberté d’exprimer sa religion, soit seul, soit avec d’autres. Les communautés religieuses existent traditionnellement sous la forme de structures organisées. La participation à la vie d’une communauté religieuse est une expression de la conviction religieuse qui bénéficie de la protection de la liberté de religion. Dans la perspective également de la liberté d’association, la liberté de religion implique que la communauté religieuse puisse fonctionner paisiblement, sans ingérence arbitraire de l’autorité. (…) (Cour européenne des droits de l’homme, 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, § 62). La liberté de culte garantie à l’article 21, alinéa 1er, de la Constitution reconnaît cette même autonomie d’organisation des communautés religieuses. Chaque religion est libre d’avoir sa propre organisation. La liberté de religion et la liberté de culte ne s’opposent pas à ce que l’autorité prenne des mesures positives permettant l’exercice effectif de ces libertés. La volonté du législateur décrétal de créer des institutions de droit public chargées des aspects matériels des cultes reconnus et de la gestion du temporel est susceptible de contribuer à la jouissance effective de la liberté de culte. » Néanmoins, à partir du moment où un groupe religieux quelconque demande à être reconnu pour bénéficier de l’application de l’article 181 de la Constitution, il lui faut se conformer aux différentes exigences imposées par l’autorité même si elles n’ont qu’un caractère de fait. C’est pour cette raison que le législateur s’est estimé autorisé à s’immiscer dans l’organisation du culte islamique pour régler le mode d’organisation d’un organe-chef de culte spécifique. Cette volonté n’a pas rencontré d’objection de la Cour d’arbitrage dans son arrêt n°148/2005 relatif à la loi du 20 juillet 2004 portant création d’une commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman (Moniteur belge, 30 juillet 2004). Cette loi n’a fait que s’inspirer de la situation coutumière selon laquelle lorsqu’un culte est reconnu par le législateur comme bénéficiaire du financement public, il lui faut une autorité chargée de nommer ses ministres et de transmettre leurs coordonnées à l’État pour que ce dernier puisse prendre leurs émoluments en charge. Cependant le Conseil d’État a toujours considéré que la compétence de l’État de reconnaître une autorité cultuelle représentative constitue l’accessoire de la compétence générale de reconnaître les cultes et celle des communautés en matière d’enseignement. Dans ce cadre, rien ne peut s’opposer à la reconnaissance de plusieurs organes-chefs de culte pour un même culte, qui seraient les interlocuteurs respectifs de l’État ou d’une communauté. L’organisation, désormais régionale, des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes devrait, en toute cohérence, faire l’objet de la même analyse. Sans contester la validité du raisonnement posé par le Conseil d’État, il est permis de s’inquiéter de ses conséquences lorsque l’on a vu tous les déboires politiques et juridiques que l’État a connus pour la reconnaissance d’un organe-chef de culte pour le culte musulman.
-
[66]
Note aimablement communiquée par Alphonse Borras.
-
[67]
F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », op. cit.
-
[68]
Note communiquée par Alphonse Borras.
-
[69]
F. DELPÉRÉE, L.-L. CHRISTIANS F. VANISTEDAE e W. MOESEN « Les aspects constitutionnels, budgétaires et fiscaux du financement public des cultes », Annales de droit de Louvain, 2002, pp. 332-475.
-
[70]
L’État prend en charge pour chaque culte reconnu d’autres traitements que ceux des ministres des cultes au sens plein du terme (ceux de certains employés du Consistoire central juif par exemple). La compatibilité de cette prise en charge légale avec la littéralité de l’article 181, § 1er, de la Constitution est problématique.
-
[71]
Une décision assez récente de la Cour de cassation l’a rappelé assez vivement (Cass., 20 octobre 1994, publié notamment in Jurisprudence Liège, Mons, Bruxelles, 1995, pp. 503-510, avec note d’observations de L.-L. Christians, « L’autonomie des systèmes religieux : réaffirmation d’un principe »). L’arrêt de la Cour a mis à néant un arrêt de la Cour d’appel de Mons du 7 janvier 1993 (publié également dans Jurisprudence Liège, Mons, Bruxelles, 1993, pp. 241-251 avec note d’observations de L.-L. Christians : « Conflit ecclésiastique entre la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme ») qui avait décidé d’examiner à la lumière des principes généraux de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la décision de révocation d’un ministre des cultes prononcée par l’évêque de Tournai. À notre connaissance, cette affaire n’a pas été déférée à la Cour européenne des droits de l’homme.
-
[72]
Pour une réflexion approfondie sur ce sujet, cf. d’A. BORRAS (sous la direction de), Des laïcs en responsabilité pastorale, Paris, Le Cerf, 1998 ; L.-L. CHRISTIANS, « Des laïcs comme ministres des cultes en droit belge : les assistants paroissiaux entre symboles et réalités », in L’Année canonique, 1998, pp. 221-235.
-
[73]
Cf. art. 2,6°, de l’arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers, Moniteur belge, 26 juin 1999.
-
[74]
Moniteur belge, 31 décembre 2004. Cet article a déjà été modifié par l’article 59 de la loi-programme du 11 juillet 2005 (Moniteur belge, 12 juillet 2005) en y remplaçant le nombre de 261 par celui de 301 assistants paroissiaux et cela à partir du 1er juillet 2005.
-
[75]
Cf. Sénat, Ann. parl. 3-90,22 décembre 2004 et Sénat, Rapport de L. Willems sur le projet de loi-programme, Doc. parl. 3-1204/6,24 juin 2006.
-
[76]
C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », op. cit., p. 7.
-
[77]
Point de vue confirmé par la cour d’appel de Mons dans son arrêt précité du 7 janvier 1993 (cf. supra note 60) et non démenti par l’arrêt subséquent de la Cour de cassation.
-
[78]
Repris des articles 26 à 29bis de la loi précitée du 2 août 1974, modifiée par les lois des 21 juin 2002, 27 décembre 2004 et 11 juin 2005. Pour une analyse budgétaire fouillée, cf. J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques », op. cit., pp. 16 et ss.
-
[79]
L’harmonisation des rémunérations les plus basses entre les curés et pasteurs des différentes classes (désormais supprimées) a été réalisée lors de la rédaction de la loi du 2 août 1974. Cf. A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 193.
-
[80]
Il faut pourtant noter que, depuis la régionalisation de la législation organique des provinces et communes, c’est aux régions qu’il appartient de régler cet aspect du régime des cultes. C’est à elles qu’il appartient, le cas échéant, de mettre un terme à cette obligation communale, ou d’en modifier les modalités, ce qui aurait ainsi une incidence notable sur la situation personnelle du ministre des cultes selon l’affectation régionale de l’exercice de son ministère.
-
[81]
Ces gratifications doivent être considérées comme des revenus professionnels. Cf. Cour de cassation, 11 septembre 1995, Bulletin des arrêts de la Cour, 1995, p. 787.
-
[82]
Moniteur belge, 30 juin 1992.
-
[83]
Ibidem, 1er août 1991.
-
[84]
Sur la problématique des décisions des autorités cultuelles en matière de révocation des ministres des cultes, cf. L.-L. CHRISTIANS, « L’article 16, alinéa 1er, de la Constitution », Administration publique, 1990, pp. 204-217.
-
[85]
Moniteur belge, 15 juin 1982.
-
[86]
Cf. arrêté royal du 12 mai 1927 sur l’âge de la mise à la retraite des fonctionnaires, employés et gens de service des administrations de l’État.
-
[87]
Il ne s’agit pas de remettre en cause l’engagement de ne pas se marier que certains ministres des cultes catholique et orthodoxe prennent, en toute liberté, au sein de leur confession et qui relève uniquement de la sphère de leur vie privée mais du privilège qu’il en est tiré par le législateur sur le plan du droit social et du droit administratif.
-
[88]
Moniteur belge, 17 juillet 2003. Pour l’analyse approfondie de cette loi, cf. C. SÄGESSER, « La loi anti-discrimination », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1887-1888,2005 ; O. DE SCHUTTER, « La loi belge tendant à lutter contre la discrimination », Journal des tribunaux, 2003, pp. 845-856.
-
[89]
Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, Journal officiel L180,19 juillet 2000, p. 22, et directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, Journal officiel L303,2 décembre 2000, p. 16.
-
[90]
C. SÄGESSER, « La loi anti-discrimination », op. cit., p. 27.
-
[91]
Question n° 86 de D. Bacquelaine et réponse de la ministre de la Justice, Chambre, QRVA 51 078, 14 mars 2005.
-
[92]
Moniteur belge, 7 février 1979.
-
[93]
Ibidem, 1er août 2002.
-
[94]
Ibidem, 6 octobre 2005.
-
[95]
Ibidem, 30 juin 1992.
-
[96]
Ibidem, 27 juillet 1995.
-
[97]
Ibidem, 24 décembre 1974.
-
[98]
La Libre Belgique, 3 mars 2006.
-
[99]
Cf. Journal officiel, L348,28 novembre 1992, et Moniteur belge, 16 juin 2005.
-
[100]
Moniteur belge, 21 avril 1965.
-
[101]
Lire « Région de Bruxelles-Capitale » pour ceux qui résident dans l’arrondissement de Bruxelles.
-
[102]
Moniteur belge, 22 novembre 1979.
-
[103]
Ibidem, 20 juillet 2005.
-
[104]
Ibidem, 13 mai 2003.
-
[105]
Nous en voudrons pour preuve une déclaration très récente du président du Synode de l’Église protestante unie, le pasteur Guy Liagre qui déclare à La Libre Belgique du 29 mars 2006, p. 8 : « La manière dont les autorités publiques voient la séparation de l’Église et de l’État remonte à une époque où les Églises étaient dominantes. Le contexte a évidemment changé aujourd’hui. Et en cette période de large sécularisation, le danger de voir les cultes diriger la vie en commun a fait place au danger d’une certaine mainmise de l’État sur les religions. C’est pourquoi nous souhaitons un vrai dialogue avec les autorités politiques sur ce point. Un dialogue adulte où l’on n’avancerait plus un peu légèrement comme on le fait parfois aujourd’hui, où les religions sont synonymes de fondamentalisme. »
-
[106]
Moniteur belge, 22 octobre 2002.
-
[107]
Chambre, Doc. parl. 1966/1,5 février 1999.
-
[108]
Chambre, Doc. parl. 50 1556/001,10 décembre 2001.
-
[109]
Ce qui a été fait par un arrêté royal du 4 avril 2003, Moniteur belge, 26 mai 2003.
-
[110]
On voit donc que le régime contractuel des délégués laïques ne correspond pas au régime de protection sociale qui lui est attribué. Dans son exposé en commission de la Justice de la Chambre, le ministre de la Justice, Marc Verwilghen (VLD), avait reconnu cette dualité statutaire : « Les délégués ne doivent […] pas être considérés comme des fonctionnaires. Un régime mixte est toutefois prévu, reprenant les éléments d’un emploi contractuel (emploi du secteur privé et emploi statutaire, comme celui que connaissent les fonctionnaires de l’administration). » Chambre, Doc. parl. 50 1556/003, p. 6, 17 avril 2002.
INTRODUCTION
1Le présent Courrier hebdomadaire est consacré aux différents aspects du statut social des ministres des cultes reconnus par la loi et des délégués des organisations reconnues qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle, en abrégé dans le présent texte « délégués laïques ».
2Est donc exclu du champ de l’étude l’examen du régime juridique des membres du personnel des confessions ou de pensées philosophiques non reconnues par la loi belge [1]. Ceux-ci relèvent du régime défini par la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail comme n’importe quel travailleur occupé au sein d’une entreprise privée ou de la loi du 3 juillet 2005 sur les droits des volontaires.
3Alors que le financement global des cultes repose sur presque tous les niveaux de pouvoirs existant en Belgique, le régime juridique des différents desservants des cultes ou assistants de la laïcité reconnus et le financement de leur traitement ressort toujours de la seule compétence de l’autorité fédérale, si l’on excepte les titulaires d’une fonction d’enseignement de cours philosophiques qui relèvent désormais de chacune des communautés, depuis la révision constitutionnelle de 1989 (art. 24, § 1er, alinéa 5, de la Constitution).
4En effet, la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de certaines compétences aux régions et aux communautés [2] qui a transféré aux régions l’organisation des fabriques d’église et les établissements y assimilés ainsi que les funérailles et les sépultures, a expressément exclu de ce transfert les traitements et les pensions des ministres des cultes.
5Le transfert de cette compétence aux régions est passé assez inaperçu. Les débats parlementaires n’y ont consacré que peu de temps, et même le Conseil d’État a passé sous silence cet aspect de la réforme de l’État dans son avis [3].
6Pour éviter qu’un culte puisse être reconnu par l’autorité fédérale sans qu’une entité fédérée ne l’organise sur le plan pratique ou inversement, un accord de coopération a été conclu, le 27 mai 2004 [4] entre l’Autorité fédérale, la Région flamande, la Région wallonne [5] et la Région de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne la reconnaissance des cultes, les traitements et pensions des ministres des cultes, les fabriques d’église et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus.
7Depuis, successivement la Région de Bruxelles-Capitale, la Communauté flamande et la Communauté germanophone ont adopté des décrets (ou des ordonnances) qui ont plus ou moins profondément modifié la législation organique applicable aux cultes reconnus : une réflexion est en cours au sein du Parlement wallon et du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale en vue d’une refonte complète de l’organisation des organes chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, chaque fois, bien sûr, dans leur ressort respectif [6].
8En l’absence d’une législation formellement établie en matière de statut social, notre objectif a été d’essayer de reconstituer pièce par pièce, les diverses législations ou réglementations qui sont susceptibles de s’appliquer à ces travailleurs (certes d’une nature juridique particulière), de comprendre le fondement de chacune de celles-ci, les différences éventuelles, ainsi que les similitudes avec d’autres agents du secteur public ou privé, les législations qui s’appliquent ou ne s’appliquent pas ou celles qui sont omises. Pourquoi ?
9Parce que dans notre pays et bien avant l’indépendance, pour des raisons principalement historiques, les autorités civiles ne se sont jamais désintéressées du fait religieux et, surtout, de ses manifestations extérieures, ce que l’on appelle le culte. Les raisons de cette sollicitude de l’autorité publique varient en fonction des lieux et des époques : depuis la foi fervente et convaincue des dirigeants jusqu’aux calculs politiques les plus subtils [7].
10En 1831, la Constitution, tout en garantissant la liberté de conscience et en ne donnant prééminence à aucune religion en particulier, a néanmoins repris en son article 117 (aujourd’hui article 181), l’obligation pour l’État de prendre en charge les traitements et les pensions des ministres des cultes reconnus, donc en allant au-delà de la protection juridique de l’exercice public et paisible des cultes et mouvements philosophiques.
11Jusqu’à présent, le contexte socio-politique n’a jamais engendré de remise en cause fondamentale de cette disposition constitutionnelle : on notera que son abrogation n’a, à ce jour, jamais été reprise dans une déclaration de révision de la Constitution mais son exécution s’est faite dans des conditions assez prosaïques que nous allons examiner infra.
12La présente étude aborde pour l’essentiel les personnels dont la gestion administrative relève de la compétence de la Direction générale de la Législation et des Libertés et des Droits fondamentaux du Service public fédéral Justice (nouvelle appellation du Ministère de la Justice), qui est traditionnellement en Belgique, depuis 1840, le Ministère des Cultes [8].
13La problématique purement financière (financement direct ou indirect, impôt philosophiquement dédicacé, etc.) qui a déjà fait l’objet de réflexions antérieures très fouillées et qui restent pleinement pertinentes n’est pas abordée [9]. Il semble que cette question restera en l’état encore quelque temps dans la mesure où les autorités politiques sont surtout préoccupées de modaliser au mieux la nouvelle répartition des compétences résultant de la réforme institutionnelle de 2002 et de donner enfin une effectivité à la reconnaissance du culte musulman attendue depuis plus de trente ans.
14Une première partie est consacrée à une mise en perspective historique relative à la question de la reconnaissance, pierre angulaire de tout le régime des cultes. Une deuxième partie examine le statut social des ministres des cultes. Une troisième partie est consacrée à la même question pour les délégués laïques.
15C’est à dessein que, dans le titre de ce Courrier hebdomadaire, nous utilisons les termes « statut social » (ce dernier adjectif doit être compris dans son sens générique) puisque notre propos est d’envisager à la fois les aspects administratifs, pécuniaires et autres avantages sociaux qui sont accordés aux ministres des cultes et aux délégués laïques [10].
16Un régime statutaire au sens administratif du terme implique en principe que celui qui y est soumis doit avoir fait la démarche volontaire pour être reconnu et intégré dans ce statut et en conséquence de passer les différentes étapes de la sélection ou de la probation imposées par le régime [11]. La jouissance du statut implique encore un acte unilatéral de reconnaissance de l’autorité compétente.
17Dans la fonction publique administrative fédérale, le régime statutaire est réservé aux agents nommés à titre définitif, qui, en principe, sont appelés à exercer les fonctions liées aux missions permanentes de l’administration concernée. Le régime contractuel est lui dévolu aux personnes qui apportent leur concours temporaire à la gestion publique pour résorber un surcroît extraordinaire de travail, pallier l’insuffisance d’agents statutaires, exécuter des tâches temporaires ou exceptionnelles, etc.
18Cette segmentation – assez claire sur le plan juridique – ne se retrouve pas nécessairement dans le régime juridique dévolu aux personnes appelées à concourir aux fonctions finalement assez particulières de ministre d’un culte reconnu ou de délégué laïque.
19Même si la relation des ministres des cultes et des délégués laïques avec le secteur public est très grande, les ministres des cultes ne participent ni de l’essence du service public, ni de la permanence de l’administration [12].
20En tout cas, les personnes titulaires de ces fonctions bénéficient ou peuvent être soumises à des dispositions qui relèvent, selon le cas, du droit administratif, du droit civil ou du droit du travail. Dans la mesure du possible, nous essayerons de relever systématiquement les différentes situations ainsi que leur compatibilité avec la jurisprudence développée par les hautes juridictions.
21Une réflexion est en cours au sein d’une commission chargée de l’examen du statut des ministres des cultes reconnus créée par un arrêté royal du 10 novembre 2005 [13] et dont les membres ont été désignés par un arrêté ministériel du 27 janvier 2006 [14]. Cette commission doit remettre son rapport à la ministre de la Justice le 31 août 2006.
1. MISE EN PERSPECTIVE
1.1. L’ANCIEN RÉGIME ET LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE
22Il n’est pas possible d’aborder pareille problématique sans en référer à l’Histoire qui fournit les raisons profondes pour lesquelles dans notre État, certains ministres des cultes ou délégués laïques jouissent de la protection constitutionnelle de leurs traitements et pensions et en corollaire d’un financement public de ces derniers.
23Dans les États où la séparation entre État et Églises (et des confessions qu’elles prétendent incarner) est totale, une présente étude n’aurait aucun sens puisque les rapports régissant ces « institutions » et leurs « employés » relèveraient dans ce cas strictement du droit du travail et/ou du droit civil selon les situations envisagées.
24Pour ce recul historique, notre regard doit se tourner vers notre voisin méridional, la France et plus précisément vers sa Révolution de 1789 et des années suivantes. Dans ce pays, comme dans nos provinces dites Pays-Bas méridionaux, les luttes religieuses ont été incessantes depuis le XVIe siècle. Elles n’ont toutefois pas mis fin à la situation de monopole de fait dévolue à l’institution ecclésiale catholique romaine depuis déjà le début du Haut Moyen Âge. Dans les organes et dans tous les corps intermédiaires qui charpentent alors l’organisation politico-administrative de nos différentes provinces, les membres du clergé catholique incarnent le premier ordre de l’État et le seul culte reconnu par lui.
25Depuis la fin du XVIIe siècle, il règne certes dans les Pays-Bas comme en France, un certain anticléricalisme [15], particulièrement à l’égard des ordres monastiques [16] et de leurs nombreuses propriétés immobilières – provenant de dons, de legs ou de fondations [17] – frappées le plus souvent de mainmorte et dont les revenus étaient généralement importants surtout pour le haut clergé. Mais cette contestation plus ou moins larvée n’a jamais abouti à la remise en cause de la prééminence de l’institution : la naissance, le mariage et la mort étaient régis par l’Église catholique [18] qui tirait un grand bénéfice de la dîme qu’elle percevait sur les paysans [19].
26Face à la crise financière récurrente en France, Talleyrand, élu aux États généraux devenus entre-temps « Assemblée nationale constituante », propose le 10 octobre 1789 à cette dernière pour augmenter les recettes de l’État, de nationaliser tous les biens immobiliers des établissements du clergé sans indemnité. En contrepartie, l’Assemblée déterminerait le nombre total d’ecclésiastiques qui obtiendraient une rétribution à charge de l’État [20] qui en fixerait le montant et les accessoires.
27Cette proposition est adoptée par le décret du 2 novembre 1789. Ce dernier précise d’une part que les biens de l’Église seront mis à la disposition de l’État et d’autre part que tout curé recevra au moins 1 200 livres de salaire, non compris le logement et le jardin y attenant.
28Par la suite, un décret de la Convention nationale [21] du 29 septembre 1795 qui organise le régime de séparation entre l’Église et l’État, réglemente rigoureusement l’exercice des cultes et en supprime toute manifestation et tout signe extérieur : elle décide également de ne plus salarier les ministres d’aucun culte !
29Ces décrets furent rendus applicables à nos provinces lorsqu’elles furent annexées par la même Assemblée, le 1er octobre 1795.
30D’autres décisions atteignent plus profondément l’Église, le culte et sa survie. Ainsi la loi du 1er septembre 1796 ordonne la fermeture de tous les couvents et institutions de charité et la nationalisation de tous leurs biens.
31Le Concordat du 15 juillet 1801 conclu entre Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul de la République et le Pape Pie VII nous fut aussi étendu : il rendait l’exercice du culte à nouveau public mais sous la surveillance étroite des autorités. Les églises et les presbytères sont mis gratuitement à la disposition de l’Église.
32Ce texte rétablit également le statut officiel du catholicisme mais les ordres religieux restent interdits.
33Bonaparte désirait la paix religieuse, non par conviction intime mais par volonté politique : il voulait tirer parti à son profit de l’influence de l’Église. Il négocia donc le Concordat qui s’est conclu par un compromis. Le catholicisme n’est plus comme avant 1789 religion d’État, mais le Premier Consul le reconnaît comme « la religion de la majorité des Français ».
34Par un acte jamais vu dans l’Histoire de l’Église catholique, il entérine la spoliation des biens de l’institution et dépose, de sa propre autorité, tous les évêques assermentés et réfractaires [22]. Il institue un nouvel épiscopat sur la proposition du gouvernement qui rémunère évêques et curés [23]. Les uns et les autres deviennent donc des agents de l’État car gestionnaires d’un service public particulier : ils doivent à l’État un serment de fidélité et sont soumis à l’autorité disciplinaire du Conseil d’État.
35Un an après la signature du Concordat, Bonaparte le promulgue par la loi du 8 avril 1802, en même temps que des articles organiques (inspirés par Talleyrand) et destinés à en « préciser » les termes qui débouchent en fait sur une sévère limitation du pouvoir du Saint-Siège sur le clergé national français.
36Mais ces articles consacrent aussi la reconnaissance officielle des deux cultes protestants, le luthérien et le réformé, et ils seront étendus par la suite au culte israélite par un décret impérial du 17 mars 1808 ; ce dernier ordonne l’exécution d’un règlement élaboré par une assemblée générale des Juifs tenue à Paris, le 10 décembre 1806 : il contient des dispositions analogues à la loi et aux articles organiques.
37D’importantes dispositions financières sont contenues dans le décret impérial du 30 décembre 1809 qui organise les fabriques d’église. La mise à disposition des lieux de culte est confirmée : leur entretien et le financement des célébrations est confié aux fabriques qui récupèrent les biens non aliénés. Le décret oblige également les administrations départementales à combler les déficits des fabriques cathédrales, des évêchés et des séminaires, et les administrations communales à faire de même pour les fabriques d’église.
38Pour des motifs d’économie, seuls les évêques et les curés sont payés par l’État. Les desservants auraient dû être choisis parmi d’anciens religieux touchant une pension de l’État. Devant l’impossibilité de trouver assez de candidats, le gouvernement reconnaît, dès 1804, la nécessité de payer un salaire à une partie des desservants, dont le nombre est augmenté en 1807 : le traitement annuel de ceux-ci, 500 francs, n’est que le tiers de celui d’un curé de première classe [24].
39Pour notre problématique, nous verrons infra que ces détails ne sont pas sans importance.
1.2. LE RÉGIME HOLLANDAIS
40Un temps abandonnés après le départ des Français et la réunion de nos provinces à la Hollande pour former les Pays-Bas, le Concordat et les articles organiques sont remis en vigueur par Guillaume Ier, le 16 mai 1816 [25]. Un nouveau Concordat, qui ne change guère la situation, est ratifié le 18 juin 1827 [26].
1.3. SITUATION RETENUE EN 1831 ET ÉVOLUTION ULTÉRIEURE
41Lors de la rédaction de la Constitution, sanctionnée le 7 février 1831, les membres du Congrès national furent fort préoccupés de garantir la liberté de conscience et en même temps la liberté des cultes (en ce compris la liberté de n’adhérer à aucun culte).
42La rapidité des événements de la Révolution d’indépendance et de la convocation du Congrès national ont eu une influence déterminante sur la rédaction ultérieure du Titre II (relatif aux droits et libertés des Belges) de la Constitution.
43Les membres du Congrès national conduisirent leurs travaux à partir d’un projet élaboré par une commission désignée et installée par le gouvernement provisoire dont la principale préoccupation était de satisfaire le désir de liberté de ses deux composantes, catholique et libérale. La reconnaissance des libertés s’opéra sous la forme d’un accord entre les deux tendances de manière à ce que chacune y trouve satisfaction. Le gouvernement provisoire avait pris les devants et levé, par un arrêté du 12 octobre 1830, les entraves à la liberté d’enseignement et par deux arrêtés du 16 octobre suivant, proclamé la liberté d’association et la liberté de la presse, de la parole et de l’enseignement [27]. La proclamation de la liberté d’association et l’abandon du Concordat auront des avantages non négligeables pour l’Église catholique puisqu’elle permettait à nouveau l’existence des ordres religieux et des congrégations, notamment charitables et de bienfaisance [28].
44La concession fondamentale sur la liberté d’opinion devait permettre ultérieurement l’existence d’une société civile pluraliste [29] même si cela pouvait sembler assez difficilement concevable en 1830-1831.
45Lors des discussions finales du projet constitutionnel, les membres du Congrès national s’inscrivirent pleinement dans cette optique et ils y furent largement encouragés par une lettre que leur adressa le Cardinal de Méan, archevêque de Malines, en date du 18 décembre 1830 : il y précisa la position de l’Église en matière de régime constitutionnel des libertés [30] ; le document est essentiel pour l’intelligence du type de relations établi entre l’Église et l’État. Il allait servir de base à la politique gouvernementale unioniste pendant une quinzaine d’années [31].
46Les discussions aboutirent à la rédaction de quatre articles [32] constitutionnels dont il faut assurer le rapprochement (et le cas échéant le balancement) pour saisir tous les termes du compromis national conclu entre les catholiques et les libéraux de l’époque dont les ancêtres auraient été incapables de se coaliser sur ces points lors de la Révolution de 1789-1790 [33].
47En voici le texte in extenso :
« Art. 19 (à l’origine art. 14) - La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés. »
49Cet article ne garantit pas explicitement la « liberté religieuse » ou la « liberté des religions » dans le sens large de ces expressions mais plutôt la liberté de l’exercice public d’un culte ou la « liberté des cultes ». Cette approche est toujours celle développée en 1830 par le Congrès national, d’avantage intéressé par la protection des manifestations extérieures de la vie religieuse plutôt que par le contenu de certaines doctrines religieuses ou systèmes de croyances et leur source d’inspiration. Comme le législateur belge ne s’est jamais exprimé jusqu’à présent sur la notion de culte, il n’existe pas de définition clairement établie. Les constitutionnalistes sont actuellement d’accord toutefois pour donner une interprétation large au mot culte qui est censé embrasser toutes les croyances religieuses et philosophiques, ce qui rend encore plus cruciale pour certains la définition de critères légaux de reconnaissance compte tenu de l’importance des avantages accordés aux « cultes reconnus ».
« Art. 20 (à l’origine art. 15) - Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière
quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer les jours de repos. »
51Des sanctions pénales pour les atteintes à ces principes se trouvent consignées dans les articles 142 à 146 du Code pénal [34].
52Rappelons que la liberté religieuse individuelle garantie par cet article est aussi celle de changer de religion ainsi que celle de se soustraire à toute organisation religieuse.
« Art. 21 (à l’origine art. 16) - L’État n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination des
ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs
supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire
en matière de presse et de publication.
Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à
établir par la loi, s’il y a lieu. »
54Cette abstention dans laquelle doit se tenir l’État en matière religieuse a pour corollaire une véritable autonomie normative des cultes [35]. L’ampleur de cette souveraineté a été rappelée dans deux arrêts du Conseil d’État [36].
55Pour le surplus, l’article 268 du Code pénal précise que dans l’exercice de leurs attributions, les ministres des cultes ne peuvent pas prendre d’attitude ostentatoire contre le gouvernement ou les autorités publiques.
« Art. 181 (à l’origine art. 117) - Les traitements et pensions des ministres des cultes
sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement
portées au budget. »
57Plusieurs intervenants au Congrès national d’abord [37] et de nombreux auteurs par la suite, ont tenu à souligner que, pour ce qui concernait le culte catholique, l’article 181 visait à assurer une nécessaire compensation à la confiscation des biens de l’Église qui lui appartenaient sous l’Ancien Régime.
58Pour les ministres des autres cultes (et en ordre secondaire pour le culte catholique), la justification avancée pour fonder la reconnaissance légale est celle du service social effectué par ces ministres dans la société, ces cultes n’ayant subi aucune confiscation de leurs biens [38].
59Ainsi, sans beaucoup de discussions, le Congrès national a donc décidé de continuer à assurer au clergé des cultes reconnus, l’assurance du paiement des traitements et des pensions tel qu’il avait été introduit en 1802.
60Mais désormais l’Église catholique n’est plus soumise aux dispositions contraignantes du Concordat, qui n’est d’ailleurs pas repris par les nouvelles autorités belges : l’institution ecclésiale n’est plus au service de l’État et n’est plus soumise à sa juridiction. Il faut souligner que les ministres et les desservants des cultes ne sont plus des agents publics : ils ressortissent désormais exclusivement à l’institution qui les a nommés [39].
61Le constituant ayant ainsi posé le principe de la liberté du culte n’a pas voulu donner une étanchéité absolue entre l’autorité publique et les autorités religieuses [40].
62Il s’agit plutôt d’une séparation mitigée [41] caractérisée par une obligation constitutionnelle de non-ingérence réciproque entre l’État et les Églises. L’article 21 doit s’interpréter comme une interdiction faite aux pouvoirs publics de s’immiscer dans la sphère propre du culte, celle qui, par opposition au temporel, relève du domaine spirituel, au sens premier du terme (comme le faisaient lourdement les Articles organiques promulgués par Bonaparte en 1802), à la seule exception de l’obligation introduite à l’alinéa 2 de cet article de toujours faire précéder une union religieuse quelconque du mariage civil [42]. En corollaire, et partant du principe que l’État ne peut complètement se désintéresser du rôle social du fait religieux, l’article 181 précise que l’État prendra en charge les traitements et pensions des ministres des cultes [43].
63Cet intérêt socio-politique pour le fait religieux peut poser (et pose d’ailleurs) des problèmes pratiques non négligeables : notamment lorsque l’État doit assurer la neutralité de l’occupation de l’espace public et en particulier pouvoir assurer une cohabitation harmonieuse et urbanistiquement acceptable entre l’église, le temple, la synagogue et, plus récemment, la mosquée et la maison de la laïcité…
64On notera avec intérêt que le texte constitutionnel ne spécifie pas qu’un culte doit être reconnu pour être subventionné. Néanmoins, c’est de cette manière que le Congrès national l’a envisagé et que le législateur l’a interprété depuis 1831 [44].
65Si donc l’abrogation du Concordat de 1801 (et surtout des articles organiques qui l’accompagnaient) résulte pleinement de la volonté du constituant, le législateur a estimé comme suffisants les textes juridiques (à savoir la loi déjà citée du 8 avril 1802 relative à l’organisation des cultes ainsi que le décret du 5 mai 1806 relatif au culte protestant, celui du 30 décembre 1809 concernant les fabriques des églises ainsi que celui du 17 mars 1808 relatif au culte israélite) pour ne pas entamer une nouvelle reconnaissance des cultes catholique, protestant et israélite. Cette interprétation résulte d’une lecture a contrario de l’article 188 de la Constitution qui stipule qu’ « à compter du jour où la Constitution sera exécutoire, tous les lois, décrets, arrêtés et règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés [45] ».
66N’évoquant en rien la notion de reconnaissance des cultes, la Constitution ne s’attarde pas davantage sur la forme que doit prendre cette reconnaissance, ni sur les critères de celle-ci.
67C’est en conséquence à la loi qu’il appartient de déterminer quels cultes pourront bénéficier de l’aide financière de l’État. Le législateur agit en la matière en toute opportunité [46] : en effet, aucune loi organique n’est intervenue à ce jour pour préciser les critères s’imposant au législateur pour décider de reconnaître ou de ne pas reconnaître tel ou tel culte.
68Même lors de la prise de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes qui a instauré un mécanisme complexe d’approbation des budgets et des comptes des fabriques d’églises [47], il n’a pas été prévu de disposition en ce sens. Cette loi a consolidé le régime antérieur et l’a limité aux cultes déjà reconnus.
69L’application de la disposition constitutionnelle transparaît donc chaque année dans le vote des crédits en faveur du département de la Justice (pour les traitements) et en faveur du SFP Finances (pour les pensions).
70Il existe néanmoins des critères développés au fil du temps par le Ministère de la Justice qui apparaissent dans des documents parlementaires mais qui n’ont jamais été consacrés formellement par le législateur même s’ils sous-tendent les modifications successives apportées à la loi précitée du 4 mars 1870 [48].
71Néanmoins, un document parlementaire leur donne une pleine effectivité et cela avec l’assentiment du ministre de la Justice : il s’agit du rapport de 1997 de la commission parlementaire d’enquête visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu’elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d’âge, qui a servi de base à la loi du 2 juin 1998 portant création d’un Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles et d’une Cellule administrative de coordination de la lutte contre les organisation sectaires nuisibles [49].
72Ces critères sont les suivants. Le culte doit :
- regrouper un grand nombre de fidèles (plusieurs dizaines de milliers) ;
- être structuré de façon à avoir un organe représentatif pouvant représenter le culte concerné dans ses rapports avec l’autorité civile [50] ;
- être établi dans le pays depuis une période importante (plusieurs décennies) ;
- avoir une utilité sociale ;
- ne développer aucune activité qui va à l’encontre de l’ordre social.
73Sur le plan historique, le dernier critère est venu nettement plus tard que les autres : son apparition ne doit pas être étrangère à la reconnaissance concomitante du culte musulman.
74Même connus, ces critères restent fort généraux : nulle part on ne trouve de définitions des termes « suffisant », « depuis longtemps » ou « utilité sociale ».
75Actuellement, sont reconnus, en Belgique, les cultes catholique romain, protestant [51], anglican, israélite, islamique et orthodoxe. Les quatre premiers cultes sont organisés sur une base territoriale communale, les deux derniers sur une base territoriale provinciale.
76Ce dernier choix répond au souci du législateur de mieux répartir le poids financier de la reconnaissance compte tenu du fait que la plupart des communautés de ces deux cultes sont concentrées sur quelques communes du Royaume.
77Lors de la suppression de la province de Brabant, en 1994, la Région de Bruxelles-Capitale s’est substituée à cette dernière sur son territoire. Cette succession porte également sur la prise en charge d’une indemnité de logement pour le principal desservant s’il n’est pas fourni en nature comme c’est déjà le cas pour les autres cultes depuis les décrets impériaux précités.
78La reconnaissance d’un culte a pour effet :
- de faire supporter par l’État fédéral les traitements et pensions des ministres des cultes et cela en application de l’article 181, § 1er de la Constitution : cette prise en charge est actuellement réglée dans la loi du 2 août 1974 [52] relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques, des ministres des cultes et des délégués du Conseil central laïque et dans la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques ;
- d’accorder la personnalité de droit public aux administrations chargées de l’administration du temporel du culte concerné (fabriques d’église pour les cultes catholique et orthodoxe et conseils d’administration pour les autres cultes reconnus), c’est-à-dire, principalement, de la gestion des biens immobiliers et mobiliers nécessaires à l’exercice du culte [53] ;
- de mettre en place une tutelle organisée sur la comptabilité et les opérations civiles des administrations précitées.
79Dès 1834, mais de manière discontinue dans les années suivantes, des traitements de quelques ministres du culte anglican sont également pris en charge dans le budget.
80Le culte anglican fut formellement reconnu par les articles 18 et 19 de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes qui consacrait également les reconnaissances antérieures.
81Cette loi a été étendue par la suite au culte islamique par une loi du 19 juillet 1974 et au culte orthodoxe par une loi du 17 avril 1985 [54].
82Le 26 août 2005, l’Église Erzdiözese, c’est-à-dire l’Église syriaque-orthodoxe, a introduit une demande de reconnaissance qui est à l’étude au sein du SPF Justice [55]. Par ailleurs, l’Union bouddhique belge a demandé a être reçue, le 10 février 2006, par la ministre de la Justice mais n’a pas, jusqu’à présent, introduit de dossier de demande de reconnaissance [56].
83Un groupe dont la requête est refusée par le département de la Justice peut bien sûr introduire un recours en annulation de cette décision devant le Conseil d’État [57].
84Cette mise en perspective historique serait bien sûr incomplète si elle ne faisait pas aussi état de la reconnaissance constitutionnelle de la laïcité organisée (bien qu’au sein de celle-ci, le débat n’est pas tout à fait clos quant à l’intérêt à long terme de cette reconnaissance [58] ).
85De nombreuses sociétés et associations de libre pensée sont actives en Belgique depuis le XIXe siècle. Dans les années 1960, constatant que les partis politiques non confessionnels s’attachaient moins qu’auparavant à la défense des objectifs laïques depuis la conclusion du Pacte scolaire (1958), le mouvement laïque s’est alors structuré tant du côté flamand que francophone avec la création de l’Unie Vrijzinnige Verenigingen (UVV) en 1965 et du Centre d’action laïque (CAL) en 1969. Les deux organisations sont aujourd’hui des asbl aux objectifs – défendre et promouvoir la laïcité – et aux activités – services laïques, assistance morale dans divers secteurs, questions d’enseignement – assez semblables. Elles sont structurées de façon territoriale et sectorielle.
86Dès 1973, les deux associations ont donné naissance à une instance commune destinée à représenter les laïques dans leurs initiatives pour la reconnaissance par les pouvoirs publics : l’asbl Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles en Belgique, ou Conseil central laïque (CCL), qui comprend les deux organisations flamande et francophone.
87L’accès de la laïcité au financement public s’est déroulé en trois étapes. La première, en application de la loi du 23 janvier 1981, a consisté dans l’octroi d’un subside au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, qui devait lui permettre « de structurer l’activité laïque [59] » en attendant que cette subvention soit transformée en une prise en charge directe des traitements et des pensions des délégués offrant une assistance morale non confessionnelle. Ipso facto, le Conseil central était reconnu par la loi de 1981 comme organe représentatif des communautés non confessionnelles. Depuis cette date, l’État a octroyé à la laïcité organisée un subside annuel, indexé sur une base annuelle forfaitaire de 10 % en vertu des accords des premiers gouvernements Martens.
88En 1993, un paragraphe second a été inséré dans l’article 181 de la Constitution (annoncé dans la déclaration de révision constitutionnelle du 19 novembre 1978) qui impose à l’État de prendre en charge les traitements et pensions des délégués qui offrent une assistance morale non confessionnelle, mettant en quelque sorte la laïcité organisée sur le même plan que les six cultes reconnus.
89Le texte stipule :
« Art. 181 § 2 - Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues
par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non
confessionnelle sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont
annuellement portées au budget. »
91Il est à remarquer que, dans la rédaction de ce paragraphe, le constituant s’est montré bien plus circonspect qu’en 1831, puisqu’il limite expressément l’octroi de traitements publics aux délégués des seules organisations reconnues (mais les travaux préparatoires démontrent sans ambiguïté une volonté d’instaurer un strict parallélisme entre le régime des communautés cultuelles et celui de la communauté laïque).
92Lors d’une troisième étape, une loi devait assurer l’application de ce principe : elle n’est intervenue que le 21 juin 2002 [60].
93Pas plus que dans les lois successives de reconnaissance des cultes, cette loi ne comporte de critère à respecter en vue de la reconnaissance de base de la laïcité : la loi laisse cela à la discrétion du Conseil central laïque qui est le regroupement du CAL et de l’UVV qui sont consacrés comme organes représentatifs de la laïcité organisée en Belgique.
94Dans la réponse que le ministre de la Justice a donnée à une question parlementaire [61] relative à la pertinence des critères de représentativité de la laïcité organisée, il s’est appuyé sur le principe de la liberté constitutionnelle de refus d’exercer une tutelle quelconque sur les besoins des communautés non confessionnelles et il a ajouté : « (…) Il n’est pas possible d’utiliser le critère du nombre de membres en ce qui concerne les communautés philosophiques non confessionnelles mais plutôt le nombre de personnes qui souscrivent aux valeurs de la philosophie non confessionnelle et qui sont de ce fait parmi celles qui pourraient faire appel à l’assistance morale non confessionnelle, sans pour autant être affiliées à une structure organisée [62]. »
95Si l’article 181 de la Constitution permet certainement l’utilisation de critères différenciés en ce qui concerne la reconnaissance des cultes ou de la laïcité, le législateur aurait pu les justifier au regard des articles 10 et 11 de la Constitution. Ni la loi sur le temporel des cultes, ni la loi sur la laïcité organisée n’ont été, à ce jour et en tous cas pour ces points, soumises au contrôle de la Cour d’arbitrage.
1.4. DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS
96Les autorités publiques ont pris conscience, ces temps derniers, que le système souffrait de fortes lacunes juridiques. De surcroît, la multiplication des groupes religieux de toute nature a relancé pour certains, la question même du financement des cultes. Pour beaucoup cependant, cette prolifération pose plus simplement la question des critères à retenir pour leur reconnaissance [63].
97L’accord de coopération déjà cité entre l’autorité fédérale et les entités fédérées sur l’exécution de la loi spéciale du 13 juillet 2001 stipule en son 1° ce qui suit :
« (…)
1° reconnaissance d’un culte : la décision de l’autorité fédérale qui reconnaît un culte.
Cette reconnaissance comporte l’établissement d’une législation fédérale spécifique sur
les critères de reconnaissance, la détermination des moyens financiers nécessaires, la
détermination par l’autorité fédérale de l’organe représentatif et la subsidiation
éventuelle du fonctionnement de cet organe. »
99Par ce texte ratifié par l’ensemble des parties, l’autorité fédérale accepte de s’engager dans un processus qui va bien au-delà de la « simple » prise en charge des traitements et pensions des ministres des cultes.
100Plus récemment, la ministre de la Justice, Laurette Onkelinx (PS), également dans une réponse à une question parlementaire [64], s’est inscrite dans cette évolution. Interrogée à son tour sur la pertinence des critères de représentativité, elle a répondu : « Dans le cadre des dialogues que je souhaite mener avec les autorités cultuelles reconnues, j’ai l’intention de faire le point sur ces critères et de mener une réflexion sur l’opportunité de consacrer légalement ceux-ci. »
101À ce stade, une première conclusion s’impose donc : c’est le caractère empirique de la législation applicable en matière de reconnaissance et de financement des cultes. Alors que la disposition constitutionnelle de l’article 181, § 1er ne stipule pas que les cultes doivent faire l’objet d’une reconnaissance légale, le législateur en a décidé autrement mais n’a jamais cru devoir aller au bout de sa logique en spécifiant au moins les critères de base qui s(er)ont exigés pour qu’un culte ou une confession puisse faire l’objet d’une reconnaissance légale. Toute demande est donc laissée à la discrétion de l’autorité politique dans la mesure où cette dernière pourrait parfaitement ne pas s’inscrire dans un ou plusieurs critères établis au fil du temps par le SPF Justice et implicitement pris en compte par le Parlement.
102Cette législation organique ne pourrait bien sûr que s’appuyer sur la nécessité d’organiser de manière rationnelle et transparente l’exécution de l’article 181 précité, c’est-à-dire la prise en charge par l’État des traitements et pensions des ministres des cultes qui souhaitent être reconnus : tous sont loin d’être dans cette situation et dans cette volonté [65].
2. LES MINISTRES DES CULTES RECONNUS
2.1. LA QUALITÉ DE MINISTRE DES CULTES
103 Sous l’appellation de ministre des cultes, « on entend les personnes qui exercent une mission confessionnelle au caractère approprié à chaque culte, posant les actes rituels qu’il définit, assurant la direction morale de ses fidèles mais sous l’autorité des dirigeants des cultes. Le droit étatique autant que la doctrine juridique et la jurisprudence des cours et tribunaux s’interdisent toute définition ultérieure des actes culturels ou religieux par lesquels des êtres humains honorent une divinité [66]. » Ce concept est donc indépendant des définitions qui pourraient en exister dans les règles internes des cultes [67]. Dans son acception juridique, « la notion de ministres des cultes n’entend pas non plus définir théologiquement le ministère dont ils sont investis [68] ».
104Bien que l’autorité religieuse puisse être considérée comme « l’employeur » exclusif du ministre du culte pour l’autorité étatique, le lien juridique qui lie le ministre du culte au chef de culte n’est pas celui du contrat d’emploi, au sens de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, ne crée pas entre eux, de relation de préposé à commettant. Ce lien résulte d’une investiture que l’État ne définit pas.
105Une réflexion plus approfondie sur le lien qui existe entre le ministre du culte et l’autorité religieuse devrait s’interroger sur le caractère tout à fait spécifique de ce lien. Par ailleurs, dans le culte catholique, mais ceci peut se dire aussi, mutatis mutandis, des autres cultes, « les titulaires des fonctions ecclésiales exercent en général une tâche d’encadrement à un niveau ou l’autre de l’Église diocésaine. Il est un fait qu’ils en constituent le ‘‘personnel d’encadrement’’. Ils n’exercent pas des tâches subalternes d’organisation, d’exécution ou de maintenance [69]. » Ensuite, lorsque le culte a fait l’objet d’une reconnaissance légale, l’autorité religieuse peut être dispensée de prendre en charge le traitement (et la pension) de la personne investie de la qualité, mais l’article 181 de la Constitution n’impose pas à l’État une obligation illimitée : un cadre organique fixant le nombre maximal d’emplois pris en charge sur le plan légal est prévu pour chaque culte reconnu [70].
106Les ministres des cultes portent des appellations ou titres qui diffèrent selon le culte auquel ils appartiennent et la place qu’ils occupent dans la gradation des fonctions organisées (ou non) par l’institution.
107C’est à l’autorité religieuse seule qu’il revient de choisir les ministres des cultes et ce en vertu du principe de l’indépendance des Églises vis-à-vis de l’État, consacrée à l’article 21 de la Constitution (cf. supra).
108La qualité de ministre du culte ne tient qu’à un acte de nature purement interne au culte. C’est cette autorité qui les investit à des fonctions dont les critères de désignation relèvent des seules normes religieuses. L’idée est que le ministre du culte a un lien exclusif de droit religieux avec ses autorités ecclésiastiques. Il est nommé mais aussi révoqué selon les règles religieuses et il n’appartient pas à l’autorité publique (qu’elle soit civile ou judiciaire) de s’y ingérer [71].
109Le ministre du culte ne doit pas nécessairement être de sexe masculin ni être un clerc ou une personne ordonnée.
110Même dans l’Église catholique romaine, des ministres des cultes peuvent être, pour certaines fonctions, des femmes appelées assistantes paroissiales qui se trouvent généralement être dans ce cas « placées » à côté ou subordonnées à des personnes ordonnées (masculines).
111La quasi-totalité des assistants paroissiaux désignés par l’autorité (à ne pas confondre avec les animateurs pastoraux dont la fonction bénévole est purement interne à l’Église catholique) sont des femmes, de manière à ne pas remettre en cause le caractère symbolique exclusivement masculin du ministère ordonné voulu par les Églises catholique et orthodoxe et aussi pour la qualité d’imam (pour le culte musulman) que le ministre au demeurant soit clerc au plein sens du terme ou diacre [72]. Ceci sans compter que les institutions ecclésiales peuvent recourir (au moins occasionnellement) aux services de ministres des cultes étrangers (ou assimilés : ainsi le recours fréquent dans certaines paroisses catholiques à des prêtres polonais ou africains pour pallier la pénurie de plus en plus grande de prêtres belges). Ces personnes bénéficient d’un privilège particulier dans la mesure où ils ne doivent pas obtenir de permis de travail pour exercer leur ministère [73]. Encore une fois la prise en charge éventuelle du traitement par l’État ne peut s’accompagner d’aucune autre condition (comme pour les ministres des cultes belges) notamment sur l’idonéité de la personne, sa qualité réelle, sa formation éventuelle, etc.
112Cette évolution a posé un problème juridique au sein de l’Église catholique car l’autorité religieuse n’a pas souhaité – ou voulu – changer la nomenclature des titres des ministres des cultes pour lesquels elle demandait la prise en charge du traitement par l’État. Cette attitude prudente a eu pour effet d’aboutir à l’inscription d’un article 26bis (inséré dans la loi déjà citée du 2 août 1974 sur les traitements des ministres des cultes) par l’article 294 de la loi-programme du 27 décembre 2004 [74] qui stipule :
« Art. 26bis - Les 261 places d’assistants paroissiaux qui ont été accordées sur des places
de vicaire vacantes, bénéficient d’un traitement de 13 409,11 euros. »
114Cet article doit être rapproché de l’article 35, inséré dans la même loi par l’article 295 de la loi-programme précitée qui stipule dans son alinéa premier :
« Art. 35 - L’article 26bis produit ses effets le 1er janvier 1991 et cessera de produire ses
effets le jour où plus aucun traitement et plus aucune pension des 261 assistants
paroissiaux visés à cet article ne seront à charge de l’État. »
116Cette rédaction lapidaire, peu heureuse sur le plan juridique, démontre l’insuffisance normative qui encadre le contenu et le mode de désignation des ministres des cultes, même dans le contexte constitutionnel de la liberté des cultes. La loi parle d’assistants paroissiaux, c’est-à-dire de personnes liées directement à la fonction du culte mais compte tenu de la raréfaction des vocations, ces personnes sont souvent appelées à exercer également – au moins à temps partiel – une fonction d’animateur pastoral plus ou moins thématique.
117De ce texte législatif, on peut donc conclure que l’autorité ecclésiale catholique peut désigner des laïcs sur des emplois de ministres ordonnés mais de rang secondaire, à savoir vicaire. Ces personnes bénéficieront d’un traitement et d’une pension. Logiquement, elles devraient donc bénéficier de la pension accordée à un vicaire avec le bénéfice de la même rétroactivité que celle accordée aux traitements puisque le législateur a accepté de couvrir une longue période de situation de fait.
118En fait, cette brusque validation législative – avec effet rétroactif au 1er janvier 1991 – résulte d’observations émises par la Cour des comptes, comme l’a confirmé la ministre de la Justice, L. Onkelinx, au Parlement [75].
119Ainsi, sur la base d’accords informels passés avec les précédents ministres de la Justice, la hiérarchie catholique a obtenu la possibilité d’engager des assistants paroissiaux sur des places de vicaires devenues vacantes. Lorsque la première personne engagée dans ce système a demandé sa mise à la retraite, la Cour des comptes a émis une réserve sur la liquidation de la pension en raison du fait que la nomenclature des ministres des cultes telle qu’elle était énumérée dans la loi de 1974 ne prévoit pas la fonction d’assistant paroissial.
120Le pouvoir politique, probablement d’abord soucieux de ne pas laisser s’installer de situation sociale précaire et voulant respecter les engagements officieux pris par les précédents ministres de la Justice, a donc décidé de valider ces engagements comme s’ils étaient occupés par des vicaires ordonnés. Il ne s’est guère interrogé sur le fait que, par sa remarque, (peut-être justifiée sur le plan strictement budgétaire) la Cour des comptes s’était autorisée à s’immiscer dans l’organisation interne d’un culte et partant instaurait un critère supplémentaire – même implicite – de reconnaissance du culte quant à la prise en charge du traitement par le financement public. Une autre voie aurait été d’interroger le Parlement sur le fait de savoir s’il acceptait cette évolution sociétale et si à l’avenir, il n’y aurait pas lieu d’inviter l’organe-chef de culte à revoir l’énumération des ministres des cultes auquel le financement public pourrait continuer à s’appliquer.
121Du reste, cette option a peut-être été partiellement prise en compte puisque la loi-programme a permis de régulariser la situation à la date d’entrée en service de la première personne concernée, en ne permettant pas de les remplacer en cas de décès ou de démission avant que la réflexion d’ensemble sur le régime social des ministres des cultes et des délégués laïques n’ait été achevée.
122Cette question ne doit pas ignorer un autre aspect de la problématique : l’État peut-il prendre en charge d’autres traitements que ceux « des ministres des cultes au sens étroit » (comme par exemple les employés du Consistoire, etc.) ? Ces personnes qui exécutent des tâches bien nécessaires de logistique ou d’exécution, peuvent certes être appelées ministres des cultes (en vertu de l’autonomie à chaque culte) mais cela n’est guère heureux puisqu’en fait, elles exécutent des tâches qui relèveraient normalement de tâches salariées et pour lesquelles elles devraient être dotées d’un contrat de travail.
123Tout en ne violant pas la liberté des cultes, le système y gagnerait certainement en transparence et en modernité.
124Donc, même si elle ne concerne que le temporel, c’est-à-dire leurs dimensions matérielles et financières, l’organisation des cultes reconnus met inévitablement deux principes en tension : d’une part l’autonomie des cultes, d’autre part les possibilités de contrôle du temporel dont l’État doit se doter dans la mesure où il finance ces cultes [76]. C’est pourquoi, il est important de noter qu’une nomination ecclésiastique ou confessionnelle est créatrice d’un droit civil dont les tribunaux de l’ordre judiciaire peuvent être saisis. Comme on l’a vu plus haut, les ministres des cultes ne sont pas reconnus comme des « travailleurs ordinaires » au sens de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail : ils ne sont donc pas redevables des tribunaux (et cours) du travail. En cela, ils sont dans une situation juridique similaire à celle des agents de l’État.
125Mais vu l’indépendance des cultes vis-à-vis de l’État, il s’ensuit cependant que leurs ministres ne peuvent avoir la qualité d’agents publics, même s’ils perçoivent des traitements, pensions et autres avantages sociaux à charge de l’État.
126Revoir cette indépendance reviendrait à rétablir une forme de régime concordataire contraire au régime d’indépendance consacré par la Constitution : le pouvoir de nomination et de révocation d’un ministre du culte appartient de manière pleine et entière à l’autorité religieuse concernée.
127Cependant, comme ces actes peuvent donner droit à des traitements et des avantages sociaux à charge de l’État, il ne peut être refusé à l’État (c’est-à-dire en pratique au SPF Justice) d’opérer un contrôle externe (sous l’angle exclusif du droit administratif) afin de vérifier si les procédures de désignation ou de retrait sont bien conformes aux exigences d’un État de droit (respect du cadre, respect de délais spécifiques de communication administrative, etc.). Bien entendu, cette vérification ne pourra rester que secondaire puisque l’État n’a pas le droit de vérifier si l’autorité religieuse a respecté ses propres règles internes.
128Néanmoins, à la différence des actes de nomination des agents publics, ces désignations ne peuvent faire l’objet d’un recours au Conseil d’État car il n’y a pas véritablement acte d’une autorité administrative même assimilée au sens de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’État.
129En cas de litige, comme il s’agit d’un droit de nature purement civile, ce sera donc bien les tribunaux de l’Ordre judiciaire qui seront compétents pour juger de l’affaire [77].
2.2. MODE DE PRISE EN CHARGE
130Les autorités religieuses ne peuvent créer un nombre indéfini de fonctions de ministres des cultes à charge du budget de l’État : cela n’aurait pas manqué de créer des abus et par la suite des reflux. Si le nombre d’ordinations ou de consécrations religieuses est bien sûr de la seule prérogative de l’autorité religieuse, pour la prise en charge budgétaire, il y a donc lieu de se référer aux dispositions sur la création des postes liés à la reconnaissance des paroisses, communautés ou établissements selon le cas, c’est-à-dire le cadre d’emplois acceptés par le SPF Justice et par lequel la prise en charge du traitement sera validée.
131Les critères de reconnaissance d’une paroisse ou d’une communauté sont disparates. Avant la réforme institutionnelle de 2001 (déjà évoquée plus haut), il s’agissait de la population pour les ministres du culte catholique, du nombre de fidèles pour les autres cultes reconnus et d’une base purement territoriale pour la laïcité :
- 600 habitants pour reconnaître une paroisse catholique ;
- 250 fidèles pour les cultes protestant, anglican et musulman ;
- 200 fidèles pour les cultes israélite et orthodoxe ;
- une approche territoriale (par arrondissement ou de type provincial) pour la laïcité organisée.
132L’accord de coopération précité du 27 mai 2004 stipule qu’un poste de ministre du culte ne pourra être financé par l’autorité fédérale que pour autant qu’il relève d’un culte reconnu et organisé sur le plan matériel et juridique selon les normes fixées par l’entité fédérée compétente. Dans les limites de ces normes, le SPF Justice continuera à fixer le nombre maximal de postes des ministres à prendre en charge sur le plan du financement public au bénéfice de chaque culte reconnu.
133Par contre, la laïcité organisée continue à relever intégralement de la compétence fédérale.
134Lors de la rédaction d’une future loi organique, la définition des critères de répartition sera un des enjeux majeurs de la réforme. Il sera nécessaire de s’interroger sur la pertinence du caractère disparate actuel et en particulier de la compatibilité de cette inégalité de traitement entre les cultes par rapport aux articles 10 et 11 de la Constitution. Aucun acte réglementaire particulier de nature explicite ne vient sanctionner la reconnaissance de la qualité de ministre des cultes par le SPF Justice : on ne peut que le déplorer.
135Tous les acteurs du système gagneraient à un système plus transparent d’abord, plus sécurisé ensuite.
2.3. TRAITEMENT
136À partir du moment où la désignation d’un ministre d’un culte reconnu est ratifiée par le SPF Justice, sa rémunération est prise en charge par le Trésor public.
137Pour ce faire, c’est le législateur qui détermine les montants des traitements alloués aux ministres des cultes sur proposition du gouvernement qui, au préalable, se concerte avec les organes représentatifs des différents cultes reconnus.
138Une nouvelle fois, les critères retenus par le SPF Justice s’avèrent empiriques. Il semblerait que ces montants tiennent compte à la fois du contexte historique, des nécessités liées à l’exercice du culte et à la représentativité – présumée – de ces cultes sur le territoire de la Belgique.
139Comme le montre le tableau 1 ci-après [78], le traitement de base du ministre d’un culte reconnu au bas de la hiérarchie, est le même dans chaque confession. D’où vient ce dernier montant ? Il s’agit en fait de la rétribution minimale garantie du secteur public fédéral, donc la rémunération la plus basse qui peut être accordée à un agent de l’État [79].
140On peut s’interroger sur ce choix alors que les titulaires des fonctions de ministres des cultes sont souvent astreints à des études supérieures – généralement de type universitaire – assez longues, sinon ardues alors que pour l’accès au niveau D de la fonction publique fédérale, aucun titre scolaire particulier n’est requis… sinon savoir lire et écrire.
141Outre cela, le traitement ne comporte aucun échelon d’ancienneté et n’évolue donc qu’avec l’indice des prix à la consommation sauf interventions ponctuelles du législateur : ce système est typiquement encore inspiré de celui qui était applicable aux fonctionnaires jusqu’à la Première Guerre mondiale, c’est-à-dire des traitements fixes, non revus pendant des décennies mais assortis ponctuellement de primes de « vie chère » !
142Ici aussi, la pertinence du mode de fonctionnement est sujet à caution. Nous verrons dans le chapitre consacré aux délégués laïques que le législateur en a tiré les conclusions qui s’imposaient mais qu’il n’a pas cru nécessaire d’en faire bénéficier les titulaires des fonctions de ministres des cultes reconnus.
143La seule garantie prévue par la loi elle-même pour les ministres des cultes est son article 29quater qui stipule que « les traitements annuels fixés par la présente loi ne peuvent être inférieurs au montant minimum garanti déterminé pour le personnel des ministères » (depuis la réforme Copernic, ce dernier terme doit être désormais lu en « services publics fédéraux »).
144Trois bémols doivent néanmoins être apportés à cette présentation :
- les ministres des cultes titulaires (curés, pasteurs, etc.) doivent, en vertu de la Nouvelle loi communale non encore modifiée sur ce point par les entités fédérées, obtenir la mise à disposition d’un logement par l’autorité communale ou à défaut une indemnité compensatoire. Dans plusieurs paroisses ou communautés, cette indemnité est reversée par son bénéficiaire à la fabrique ou à la communauté [80] pour permettre à cette dernière de faire face aux charges des bâtiments des cultes, surtout les énergies ;
- devant la raréfaction des vocations, des ministres des cultes sont désignés à la tête de plusieurs paroisses ou communautés de manière concomitante. Ils peuvent alors bénéficier d’un cumul de rémunérations qui ne peut pas dépasser un cinquième de leur traitement de base ;
- la plupart des ministres sont rémunérés pour les manifestations particulières qui leur sont demandées par les fidèles : c’est ce que l’on appelle le casuel. Une grande discrétion règne quant aux modes de rémunération réellement pratiqués. Au sein du culte catholique, les tarifs pratiqués sont arrêtés et communiqués dans chaque diocèse et une ventilation est prévue entre le ministre, le chef de culte et la fabrique. Néanmoins, rien ne peut empêcher le ministre du culte de renoncer à tout ou partie de la somme à réclamer.
145Les organes-chefs de culte insistent auprès de leurs ministres respectifs pour qu’il mentionnent ces sommes dans leurs déclarations fiscales respectives [81].
146Sur le recouvrement réel des impositions, il ne nous a pas été possible d’obtenir des informations claires : il semble que cela soit laissé à la discrétion de chaque receveur des contributions directes en particulier.
Traitements des ministres des cultes reconnus
Traitements des ministres des cultes reconnus
147Par contre, des modalités spéciales de rétribution – souvent très considérables comme le montre le tableau – sont prévues pour les hauts dignitaires ou hautes hiérarchies.
148D’après le SPF Justice, elles sont actées pour confirmer la situation sociale de leurs bénéficiaires, soit pour les indemniser – de manière forfaitaire – des charges de représentation inhérentes à l’exercice de leur fonction qu’elles soient réelles ou présumées ; cela en fonction de l’ordre protocolaire qu’il leur est reconnu dans les dignités de l’État.
2.4. PROTECTION SOCIALE
149La loi du 27 juin 1969 visant à réviser l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs définit le champ d’application de la sécurité sociale. L’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de cette loi désigne les branches de la sécurité sociale auxquelles sont assujetties les différentes catégories de travailleurs du secteur public et du secteur privé.
150Les ministres des cultes sont repris dans la section consacrée aux « dispositions relatives aux personnes occupées au travail dans le secteur public ». En vertu de l’article 13 de cet arrêté royal, les ministres des cultes, comme les agents des services publics, qu’ils soient statutaires ou contractuels, ne cotisent qu’au secteur soins de santé de l’assurance maladie-invalidité. Pour le surplus, à l’instar des agents de l’État, les ministres des cultes ne doivent cotiser à aucune autre branche de la sécurité sociale. Il convient d’examiner la situation dans chaque branche de la sécurité sociale.
2.4.1. Assurance maladie-invalidité
151Cette branche de la sécurité sociale comprend trois assurances : l’assurance soins de santé, l’assurance indemnité et l’assurance maternité.
152Les agents de l’État cotisent pour les soins de santé, à raison de 3,55 % du traitement brut, mais ne sont pas redevables d’une cotisation pour l’invalidité et la maternité. En cas d’inaptitude physique définitivement constatée, ils sont mis à la retraite à n’importe quel âge pour autant qu’ils comptent au moins un an d’ancienneté de service. Ces dispositions sont également applicables aux ministres des cultes.
153S’ils sont bénéficiaires du même système de remboursement des frais médicaux que les travailleurs des secteurs public et privé, nous n’avons en revanche pas pu établir l’existence d’un régime quelconque en matière d’absence pour maladie pour les ministres des cultes. Cela n’est guère acceptable pour ceux dont le traitement est pris en charge par le financement public. Sans vouloir instaurer un lien de sujétion avec l’État, il serait normal que la direction concernée du SPF Justice soit régulièrement informée – selon des modalités pratiques à fixer avec l’organe-chef de culte – des absences pour maladie (ou accident de vie privée), ne fut-ce que pour pouvoir donner une effictivité officielle et indubitable de la capacité à l’exercice de la fonction.
154En l’absence de possibilité pour le SPF Justice de pouvoir réclamer la collaboration du service d’expertise médicale de l’État (ou de tout autre organisme contrôleur du même type), nous nous interrogeons sur les possibilités réelles (et pratiques) que celui-ci puisse demander au service public chargé des pensions de mettre un ministre des cultes à la retraite pour inaptitude physique définitivement constatée. Cette initiative ne peut revenir que de l’initiative discrétionnaire – et forcément donc au cas par cas –, ne peut que revenir à l’autorité culturelle sans que, le cas échéant, les droits médicaux du patient concerné ne puissent être réellement préservés.
155Lors d’une future initiative législative, il serait indiqué de rendre réellement applicable aux ministres des cultes, la loi du 12 février 1849 (sur l’inaptitude physique définitivement constatée) qui a d’ailleurs expréssement modifié, sur ce point, la loi générale de 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques.
156Néanmoins la loi du 26 juin 1992 portant des dispositions sociales et diverses [82] a également rendu applicable aux ministres des cultes reconnus le bénéfice du chapitre II de la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses [83] qui permet d’étendre aux personnes (y citées du secteur public et assimilées) de bénéficier d’une protection sociale minimale en matière de chômage (cf. infra), d’incapacité de travail (assurance indemnités) et de maternité (assurance maternité) lorsque leur relation de travail est rompue unilatéralement par l’autorité ou parce que l’acte de nomination est annulé, retiré, abrogé ou non renouvelé.
157On notera avec intérêt la situation paradoxale du ministre féminin des cultes qui, dans ce cas particulier (et exceptionnel), bénéficie de la protection légale en matière d’assurance maternité dont elle ne jouit pas pendant l’exercice normal de sa fonction.
2.4.2. Chômage
158Les agents de l’État ne cotisent pas pour le chômage : il en est de même pour les ministres des cultes.
159La loi précitée du 26 juin 1992 leur a également rendu applicable la protection sociale minimale spécifique. Elle est applicable à tout membre du personnel dont la relation de travail dans un service public quelconque prend fin parce qu’elle est rompue unilatéralement par l’autorité (sans aucune contrepartie) et qui du fait de cette relation de travail n’est pas assujetti aux dispositions de la loi précitée du 27 juin 1969.
160Si le membre du personnel concerné (et en l’espèce le ministre du culte démis de sa fonction) peut demander l’application de la loi de 1991, il doit dans les trente jours de la décision de rupture, au moins être inscrit comme demandeur d’emploi au bureau régional du chômage compétent ou fournir la preuve, dans la même période, qu’il est en incapacité de travail au sens de l’INAMI ou en repos de maternité.
161En contrepartie, l’ex-employeur doit verser à l’ONSS (ou à l’ONSS – APL) sur la base du dernier traitement versé à l’ex-agent, les cotisations de l’employeur et du travailleur correspondant :
- au nombre de journées de travail que la personne licenciée doit prouver normalement vu la catégorie d’âge à laquelle elle appartient, pour être admise au bénéfice des allocations de chômage ;
- à une période de six mois, pour l’admission de l’intéressé au bénéfice de l’INAMI, Secteur des soins de santé et assurance-maternité.
162Ici encore une fois le rapprochement avec les agents de la fonction publique est pertinent dans la mesure où comme nous l’avons vu plus haut, les ministres des cultes font bien l’objet d’un acte de désignation unilatérale de leur autorité respective [84].
2.4.3. Pensions de retraite et de survie
163Les agents de l’État ne cotisent pas pour la constitution de leur pension de retraite. Cette dernière est gratuite car elle est considérée comme un salaire différé. L’article 181 de la Constitution prévoit depuis l’origine, la prise en charge des traitements mais également des pensions des ministres des cultes. Le régime de pension des ministres des cultes s’inspire de celui des agents des services publics mais il avait été rédigé en ayant à l’esprit l’exercice de la fonction par des hommes (appartenant majoritairement au culte catholique).
Pensions de retraite
164Cette matière est toujours réglée par la loi générale sur les pensions civiles et ecclésiastiques du 21 juillet 1844. Les deux adjectifs annoncent néanmoins que des régimes différents cohabitent dans la même législation ce qui, dans le droit actuel, peut être une source de confusion.
165Soulignons aussi que le champ d’application de la loi du 20 mars 1958 relative au cumul des pensions et au régime des pensions de retraite afférentes à des fonctions multiples vise explicitement les ministres des cultes. A contrario, aucun texte ne leur a étendu l’application de l’arrêté royal n° 46 du 10 juin 1982 [85] relatif aux cumuls d’activités professionnelles dans certains services publics.
166Le fait d’avoir l’âge légal de la retraite n’oblige pas les ministres des cultes, au contraire des agents du secteur public [86], à prendre leur pension à cette date : c’est une faculté qui leur est accordée. Il est courant que les ministres des cultes restent en fonction bien au-delà, généralement jusqu’à 75 ans pour les évêques du culte catholique romain, par exemple.
167Par ailleurs, la loi n’accorde pas le même régime à tous les ministres des cultes : elle réserve une situation plus favorable aux ministres du culte catholique romain qu’à ceux desservant les autres cultes.
Ministres du culte catholique romain
168En vertu de l’article 20 de la loi précitée, ils ont droit à une pension de retraite à charge de l’État lorsqu’ils réunissent trois conditions cumulatives :
- avoir atteint l’âge de 65 ans ;
- à cette date, compter au moins 30 ans de service ;
- que l’autorité ecclésiastique ait accepté leur démission.
169L’article 21 de la même loi prévoit que le montant de la pension est alors égal au taux moyen de rémunération dont le démissionnaire a joui pendant les cinq dernières années de prestations prises en charge par le Trésor public.
170En cas de démission pour inaptitude physique, le ministre du culte a droit à la pension quels que soient l’âge et la durée des services qu’il a atteints. L’article 25 de la loi stipule dans ce cas que la pension est au moins égale à la moitié de la pension entière si le ministre du culte considéré comme inapte compte au moins cinq années de services ecclésiastiques.
171Des modalités particulières sont prévues à l’article 24 pour ceux qui ne comptent pas lors de l’acceptation de leur démission 30 ans de services ecclésiastiques. Elles sont stipulées de la manière suivante :
- un 1/20e de la pension entière pour chaque année de service jusqu’à 10 ans ;
- un 1/60e de la pension entière pour les 10 années suivantes ;
- un 1/30è de la pension entière pour chaque année au-delà de 20 ans.
Ministres des autres cultes reconnus
172 Pour ceux-ci, une nouvelle section a été insérée dans la loi générale par une loi du 25 mars 1965. L’article 27 stipule que ces personnes jouissent, au même titre que les ministres du culte catholique romain d’une pension à charge de l’État, ce qui n’est qu’une redite de la disposition constitutionnelle. Le texte n’établit aucune distinction entre ministre du culte masculin ou féminin.
173Néanmoins, les conditions d’ouverture du droit sont plus sévères que pour les derniers cités puisque outre une démission acceptée, ces ministres des cultes n’ont droit à la pension complète que s’ils atteignent l’âge de 70 ans et compter 35 ans de services.
174Le mode de calcul de la pension est toutefois le même que celui des ministres du culte catholique romain.
175Le caractère discriminatoire du régime est encore accentué par le fait que la base de calcul des carrières incomplètes est également en défaveur de ces ministres des cultes.
Pensions de survie
176Les articles 59 à 61 de la loi du 15 mai 1984 portant mesures d’harmonisation dans les régimes de pensions prévoient que les personnes appelées directement ou indirectement à bénéficier d’une pension de retraite à charge du Trésor public sont redevables d’une cotisation personnelle obligatoire de 7,5 % sur le traitement brut en vue du financement des pensions de survie du secteur public. Cette disposition s’applique donc normalement aussi aux ministres des cultes reconnus.
177L’article 1er, alinéa 2 de la loi précitée de 1984 prévoit néanmoins une dérogation en faveur des ministres des cultes auxquels le mariage est interdit et qui jouissent d’un traitement à charge du Trésor public. En corollaire, ces derniers n’ouvrent aucun droit à une pension de survie comme nous le verrons plus bas ( à la différence des ministres des autres cultes).
178Cette dérogation appelle aujourd’hui plusieurs observations majeures sur le plan juridique. Tout d’abord, elle est basée principalement sur des dispositions contenues dans le droit canon de l’Église catholique romaine. Il n’est pas sûr du tout que ce droit puisse servir de source à notre droit administratif ou à notre droit social.
179Ensuite, il n’est pas certain qu’il ressorte de l’économie générale de l’article 181 de la Constitution que le législateur puisse accorder pareille dérogation. À notre sens, elle va à l’encontre de l’indépendance mutuelle de l’État et des confessions prévues par les articles 21 et 22 déjà analysés assez longuement plus haut [87].
180Le droit interne de l’Église n’intéresse l’État que dans la mesure où ce dernier ne lui attribue pas des effets juridiques civils ou sociaux contraignants.
181En ce sens, nous pouvons ajouter que cette disposition n’est probablement pas conforme non plus au respect de la vie privée et familiale (garantie par l’article 22 de la Constitution). Le caractère solidaire du régime des pensions – au moins celles de survie dans le secteur public – induit que l’État n’a pas le droit de s’immiscer dans la vie privée des agents publics : il ne le fait d’ailleurs pas puisque le titulaire de la fonction publique bénéficiaire du régime – qu’il (elle) se marie ou non, qu’il (elle) engendre ou non – est redevable, dans tous les cas, de la cotisation au Fonds de pensions de survie.
182Enfin cette disposition pose un autre problème sur le plan juridique depuis l’introduction d’un alinéa 3 à l’article 10 de la Constitution qui consacre l’égalité complète de traitement entre les hommes et les femmes, et ceci par la loi constitutionnelle du 21 février 2002 qui s’impose à tous les citoyens et ressortissants de notre pays sans restriction. Cette disposition était déjà annoncée par la loi du 7 mai 1999 sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l’accès à l’emploi et aux possibilités de promotion, l’accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale : c’est particulièrement sur ce dernier point que peut se situer un conflit de normes.
183Le débat est apparu lors de la discussion du projet qui allait devenir la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme [88].
184Cette loi a notamment transposé deux directives européennes [89], l’une relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, et l’autre portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
« La question de l’opportunité d’exempter les organisations cultuelles de l’application
de la loi fit l’objet de longs débats, ainsi que l’ampleur à donner à cette exemption.
Rétrospectivement, il apparaît que cette exemption pouvait se concevoir sur trois plans
différents. Tout d’abord, celui, plus général de la liberté religieuse. Ensuite, celui de
l’interdiction faite à l’État par la Constitution de s’immiscer dans la nomination des
ministres des cultes : elle l’empêche d’interdire aux cultes d’établir certaines distinctions
(de sexe, d’état civil…) qui s’appliqueraient au recrutement de ces ministres. Enfin, dès
lors que la conviction religieuse avait été introduite parmi les motifs de discrimination
visés dans la loi, se posait la question de la possibilité pour des organisations cultuelles
ou même seulement d’inspiration religieuse de déroger à la loi, afin notamment de
maintenir un filtre à la sélection de leurs employés ou de leurs affiliés sur la base du
motif religieux.
À l’origine, une exemption figurait dans la proposition de loi : “La présente loi ne
s’applique pas à l’organisation interne des communautés religieuses et des organisations
philosophiques, reconnues par le Roi.” Les auteurs avaient précisé que cette disposition
visait à éviter de mettre en cause des relations, y compris des relations de travail, qui
étaient directement liées à la conviction religieuse ou philosophique des personnes [90]. »
186Le Conseil d’État lui-même avait suggéré des aménagements du texte de manière à ce que la liberté d’association et la liberté des cultes ne puissent pas être mises en cause dans l’organisation de congrégations ou d’associations philosophiques composées uniquement d’hommes ou de femmes ou dans l’exclusion des femmes de la prêtrise. Un article de la directive 2000/73/CE proposait aux États membres d’instaurer une exception à la règle de non-discrimination dans des termes très proches.
187Finalement, après de longs débats tournant autour de la notion de liberté religieuse, un amendement fut adopté garantissant l’exercice des libertés et des droits fondamentaux dans l’application de la loi de non-discrimination. Il fut considéré par la majorité des membres de la commission parlementaire que la liberté des cultes et de leur organisation était suffisamment assurée par cette disposition. Il n’en reste pas moins vrai qu’en fonction de la disposition constitutionnelle à laquelle l’on se réfère (égalité ou liberté des cultes), une conclusion différente peut être apportée quant à la norme qui doit l’emporter.
188La problématique a été soulevée assez récemment lors d’une question parlementaire [91] posée à la ministre de la Justice où un député s’inquiétant du sort de la veuve (et des orphelins éventuels) d’un ministre du culte catholique romain qui, s’étant marié, a dû quitter son état mais qui n’ayant pas cotisé au Fonds de pension de survie, n’ouvre à son décès aucun droit à une telle pension.
189La réponse de la ministre de la Justice témoigne à nouveau de son souci de légalisme mais aussi de prise en compte des réalités sociales :
« (…)
2. L’interdiction de mariage des ministres du culte catholique trouve effectivement son
origine dans des dispositions du droit canon ce qui jusqu’à une époque relativement
récente ne posait aucun problème.
Cela étant, compte tenu de l’évolution de notre société, je n’ai aucune objection à
reconnaître éventuellement un droit à une pension de survie en faveur des conjoints
survivants et le cas échéant en faveur des orphelins de ceux d’entre eux qui se sont
mariés et décéderaient à partir de la date d’entrée en vigueur d’une modification
législative.
Si une telle modification intervenait, elle aurait bien entendu pour conséquence que les
traitements de tous les ministres des cultes seraient soumis à la retenue de 7,5 % de la
même manière que les traitements des fonctionnaires visés par la loi du 15 mai 1984
portant mesures d’harmonisation dans les régimes de pensions.
Le prélèvement de cette cotisation ne pourrait s’envisager que pour l’avenir et l’on peut
difficilement concevoir que tous les services rendus en qualité de ministre du culte
soient d’office pris en compte pour l’établissement de la pension de survie, en ce
compris les services antérieurs à l’introduction de la retenue.
Il paraît de toute façon évident qu’une égalité de traitement entre tous les ministres des
cultes, actifs et pensionnés, au regard de cette cotisation personnelle et du droit du
conjoint survivant à une pension de survie nécessiterait une intervention des autorités
religieuses concernées avec lesquelles je me propose de prendre incessamment
contact. »
2.4.4. Prestations familiales
191 Les agents de l’État sont bénéficiaires des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées par un arrêté royal du 19 décembre 1939 : il en va de même pour tous les ministres des cultes puisque le bénéfice de la loi leur est étendu sans restriction et en pleine égalité. Cela rend encore plus absurde l’absence de protection légale de la maternité pour les ministres des cultes féminins.
192Les allocations sont à charge du Trésor public qu’elles soient ou non liquidées par l’ONAFTS.
2.4.5. Vacances annuelles
193En matière de conditions fixées pour le personnel des administrations fédérales de l’État, et pour résumer la situation, on peut dire que la combinaison de deux règlements différents (l’arrêté royal du 30 janvier 1979 [92] et l’arrêté royal du 10 juillet 2002 accordant une prime Copernic à certains agents des administrations de l’État [93] ) ont amené une situation qui fait que depuis mars 2005, les deux primes se confondent dans un montant égal à 92 % du traitement barémique du mois de mars de l’année de sa liquidation.
194Le pécule et la prime sont octroyés chaque année aux agents qui ont accompli des prestations complètes pendant toute l’année de référence. Celle-ci est l’année civile qui précède celle au cours de laquelle les vacances doivent être accordées.
195En cas de traitement partiel perçu pendant cette année de référence, le pécule et la prime sont réduits au prorata de ce traitement.
196Une cotisation de 13,07 % est perçue sur le pécule de vacances. Elle a été plusieurs fois contestée devant le Conseil d’État et ensuite devant la Cour d’arbitrage (en raison du fait qu’elle n’était pas versée à l’ONVA dont ne relèvent pas les agents du secteur public puisque pour eux, cet avantage ne relève pas de la sécurité sociale). Une loi du 1er septembre 2005 [94] en a fait une cotisation d’égalisation pour les pensions du secteur public pour éviter tout nouveau recours. Elle continue à s’appliquer aux ministres des cultes.
2.4.6. Accidents du travail et maladies professionnelles
197Dans ce domaine, le législateur a pris une initiative. Il est intéressant de noter que lors de la procédure d’élaboration de la loi, le gouvernement a négocié le texte avec les organisations syndicales représentatives du secteur public au sein des comités constitués à cette fin et personne n’a trouvé à y redire.
198En vertu de l’article 166 de la loi du 26 juin 1992 portant des dispositions sociales et diverses [95], il a été inséré un article 1er bis dans la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public en vue d’en étendre le bénéfice aux ministres des cultes.
199La référence au régime des travailleurs du secteur public était assez logique dans la mesure où les rentes qui peuvent être attribuées à la victime atteinte d’une invalidité permanente reconnue, sont à charge du service qui liquide les pensions du secteur public (cf. art. 21 de la loi).
200L’extension du régime n’a toutefois été réalisée effectivement que par un arrêté royal du 26 avril 1995 [96] : son application a été confiée à la Direction des cultes du SPF Justice. Pour cette extension de compétence, qui prévoit un contrôle assez strict par le service considéré, le Conseil d’État, dans son avis précédant le projet de loi, n’a pas fait d’objection particulière à cette disposition (qui implique pourtant un contrôle de l’État sur l’exercice de la fonction du ministre des cultes).
201Les avantages accordés aux victimes reconnues d’un accident du travail dans le secteur public, sont plus larges que ceux accordés aux personnes qui relèvent de la loi du 10 août 1971 sur les accidents du travail applicable dans le secteur privé. Il en va de même en matière de maladie professionnelle.
202Pendant toute la durée de son absence (ainsi que pour celles qui pourraient suivre pour le même motif), l’agent a droit à la totalité de son dernier traitement d’activité quel que soit le régime de travail dans lequel il a été recruté ou engagé. De surcroît, il a droit :
- à un remboursement de tous les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitaliers, de prothèse ou d’orthopédie ;
- à une rente en cas d’invalidité permanente reconnue ;
- à une indemnisation des frais de déplacement entre le lieu de résidence et le dispensaire de soins lors des visites nécessaires à ce dernier.
2.5. DROITS SYNDICAUX
203 La vie sociale dans notre pays, quel que soit le secteur d’activités concerné, ne se conçoit plus sans l’existence d’organisations professionnelles qu’elles soient interprofessionnelles ou sectorielles. Elles ont généré les éléments fondamentaux du droit du travail qui régit la situation professionnelle des travailleurs tant du secteur public que du secteur privé.
204Dans le secteur public (tous services, administrations ou organisations confondus), la gestion des relations sociales est codifiée par la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats relevant de ces autorités [97] et ses arrêtés d’application.
205La loi a organisé une pyramide de comités où la plupart des aspects de la gestion administrative et pécuniaire des agents publics statutaires et contractuels – quel que soit au demeurant le mode de leur recrutement ou de leur engagement – doit toujours faire l’objet d’une négociation préalable (qui, devant le Conseil d’État, est une formalité prescrite à peine de nullité) avec les organisations syndicales représentatives avant que l’autorité compétente n’arrête définitivement sa position sur la mesure à prendre : ces négociations n’aboutissent pas formellement à des conventions collectives au sens strict du terme mais à des accords ou des protocoles qui, aux yeux des parties, ont la même valeur.
206Lorsque l’on prend connaissance de l’article 1er de la loi (c’est-à-dire son champ d’application), on ne retrouve les ministres des cultes ni dans le paragraphe 1er qui définit les divers personnels auxquels le Roi peut rendre la loi applicable ni dans le paragraphe 2 qui détermine les catégories de personnels qui sont formellement exclus de son éventuelle application, ce qui est assez logique dans la mesure où ils n’ont pas la qualité d’agents publics.
207Par ailleurs, nous n’avons pas non plus trouvé de commission paritaire créée dans le cadre de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, qui serait compétente à leur égard (ce qui, à nos yeux, conforte leur relation prépondérante avec le secteur public déjà relevée plus haut). À notre connaissance, il n’existe pas de « syndicat de curés » ni de quelconque associations des ministres de cultes…
208Il n’en reste pas moins qu’ils disposent comme n’importe citoyen belge du droit d’association (garanti par l’article 27 de la Constitution) et rien ne peut leur interdire de s’affilier à une organisation syndicale, ni en corollaire à un parti ou une association politique.
209Reste ainsi posée pour les ministres des cultes, la question de l’application de l’article 13 de la Constitution et en particulier de son 1° qui stipule :
« (...) Ces droits comprennent notamment :
1° (...) ainsi que le droit d’information, de consultation et de négociation collective ; »
211 Si dans le passé (parfois récent), des régimes spécifiques ont permis la formalisation de relations collectives pour les membres des forces armées ou de la police fédérale, un effort de même type devrait être tenté également en leur faveur, plusieurs pistes juridiques étant possibles dans ce domaine.
2.6. DURÉE DU TRAVAIL
212 Nos recherches n’ont pas permis de déterminer si les ministres des cultes bénéficient d’un régime quelconque concernant la durée du travail.
213Il semble qu’en cette matière, des situations très diverses peuvent cohabiter selon le culte envisagé et le lieu particulier de son exercice : les ministres des cultes vivent ainsi sous le régime de la complète liberté du travail. Pour les horaires de prestations, cela se justifie assez aisément compte tenu de la nature très particulière du « service » qu’ils rendent.
214Nous avons relevé que la presse récente [98] a mis en avant le fait que le Cardinal Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, avait insisté auprès des prêtres de son diocèse – dans une lettre collective qui leur avait adressée – pour qu’il prenne tous un jour de repos hebdomadaire.
215Il semble que chaque autorité cultuelle accorde grosso modo un mois de congé à ses pasteurs au titre de vacances annuelles.
216Ici aussi une disposition législative prévoyant un droit minimal en la matière s’impose pour des raisons sociales.
217Par ailleurs, l’absence complète d’application de la législation ou de contrôle de la réglementation en matière de durée de travail a pour conséquence que les nombreux aménagements apportés en la matière tant dans le secteur public (interruption de la carrière professionnelle, semaine volontaire de quatre jours, travail à temps partiel, etc.) que dans le secteur privé (pause-carrière, crédit-temps, etc.) ne peuvent trouver à s’appliquer faute d’habilitation quelconque et cela parfois au détriment du culte lui-même : ainsi si un(e) assistant(e) paroissal(e) est engagé(e) à mi-temps sur un emploi de vicaire, celui-ci est alors occupé par un(e) titulaire et l’autre mi-temps est perdu pour l’institution religieuse.
2.7. RÉGIME DE PROTECTION DE LA MATERNITÉ
218N’étant pas comprises dans le champ d’application de l’article 1er de la loi sur le travail du 16 mars 1971, les ministres féminins des cultes ne bénéficient pas des dispositions concernant la protection de la maternité.
219Il est vraisemblable que cette omission est au moins en infraction avec la directive européenne 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail qui a été transposée en Belgique par une loi du 2 mai 2005 et un arrêté royal du 28 mai 2005 [99] pour l’ensemble des travailleuses résidant en Belgique sans exception.
220Il existerait des « lois » internes propre à chaque culte qui règleraient cette question et parfois au cas par cas. Lors d’une prochaine loi-programme, le législateur ne devrait-il pas rendre applicable aux ministres féminins des cultes au moins les dispositions précitées sur la protection de la maternité tant dans un souci d’équité que de transparence ?
221La protection sociale minimale prévue en cas de cessation de la relation de travail par la loi du 20 juillet 1991 portant des dispositions sociales et diverses a été étendue aux ministres des cultes en matière d’assurance maternité.
2.8. ACCESSOIRES DU TRAITEMENT
222Nous avons vu supra que les ministres des cultes les agents de l’État bénéficient d’un régime de sécurité sociale proche de celui des agents de l’État. Le gouvernement et le législateur leur ont également étendu certains avantages qui, pour les travailleurs du secteur privé, sont , pour certains d’entre eux du moins, liés aux cotisations versées. Pour les agents de l’État, ce sont des avantages qui leur sont accordés en vertu de leur qualité et sont donc liés exclusivement à leur statut pécuniaire, partie intégrante de leur régime juridique spécifique. Ces avantages leur sont octroyés et pourraient, le cas échéant, leur être retirés de la même manière compte tenu du caractère unilatéral de leur nomination ou de leur désignation. (Bien entendu, cette hypothèse juridique est devenue tout à fait théorique sur le plan social et politique.)
223Les agents de l’État jouissent, en vertu de leur statut pécuniaire (consigné dans un arrêté royal du 29 juin 1973), à la fois d’un traitement barémique – contrepartie du service rendu – et d’une panoplie d’indemnités, allocations, primes ou autres avantages non autrement qualifiés : ceux-ci ne peuvent toutefois pas être accordés de manière discrétionnaire par l’autorité ministérielle. Un arrêté royal du 26 mars 1965 détermine les modalités générales d’octroi des allocations et indemnités de toute nature qui peuvent être accordées aux agents des services publics fédéraux [100] .
224Pour les ministres des cultes, il en va de même puisque l’article 30 de la loi du 2 août 1974 déjà citée (sur les traitements) stipule :
« Une allocation de foyer ou de résidence, des allocations familiales et de naissance, une
allocation de fin d’année et un pécule de vacances sont accordés aux ministres des cultes
reconnus, aux imans et aux délégués du Conseil central laïque dans les conditions fixées
pour le personnel des administration de l’État. (Bien qu’il n’y ait pas eu modification
législative, il faut désormais lire ces derniers mots comme “agents des services publics
fédéraux’’). »
2.8.1. Allocation de foyer ou de résidence
226 Pour le personnel de l’État, elle n’est en fait applicable qu’aux agents dont le traitement barémique ne dépasse pas un plafond fixé par le statut pécuniaire. Elle varie en fonction de leur situation matrimoniale. Elle est payée en même temps et de la même manière que le traitement mensuel.
227Elle bénéficie de manière générale aux ministres des cultes qu’ils jouissent ou non d’une indemnité de logement à charge de la commune ou de la province [101] de résidence (et cette dernière n’entre pas en ligne de compte pour le calcul du plafond précité).
2.8.2. Allocation de fin d’année
228Les conditions fixées pour le personnel des administrations de l’État sont déterminées par un arrêté royal du 23 octobre 1979 [102]. Cet arrêté a été plusieurs fois modifié. Il s’applique également au ministre des cultes.
229L’allocation est accordée en totalité aux agents titulaires d’une fonction comportant des prestations complètes et qui ont bénéficié de la totalité de leur rémunération pendant toute la durée de la période de référence fixée du 1er janvier au 30 septembre de l’année de sa liquidation.
230Dans les autres cas, le montant est réduit au prorata de la rémunération qui a été effectivement perçue.
231L’allocation comprend une partie forfaitaire indexée (306,143 euros en 2005) et une partie variable qui correspond à 2,5 % de la rémunération annuelle brute qui a servi de base au calcul de la rétribution due au bénéficiaire pour le mois d’octobre de l’année considérée (due réellement ou fictivement).
2.8.3. Indemnité pour frais funéraires
232L’article 31bis de la loi du 2 août 1974 stipule :
« Les dispositions réglant l’octroi d’une indemnité pour frais funéraires en cas de décès d’un membre du personnel des ministères sont applicables aux ministres des cultes reconnus. »
233La matière est régie par un arrêté royal du 8 juillet 2005 [103] qui fait référence pour les ministres des cultes auxquels s’applique la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. Si un membre du personnel d’un service public fédéral, qui n’est pas en non-activité, décède, il est octroyé une indemnité pour frais funéraires à la personne qui justifie avoir assuré lesdits frais.
234L’indemnité pour frais funéraires correspond à un mois de la dernière rétribution brute d’activité de l’agent décédé. Toutefois, celle-ci ne peut excéder un douzième du montant de rémunération qui sert de base au calcul des indemnités et des rentes en matière de réparation d’accident de travail (montant fixé à 21 257,87 euros par un arrêté royal du 6 mai 2003 [104].
2.8.4. Indemnités pour les ministres des cultes desservant les frontières franco-belge et belgo-luxembourgeoise
235Un arrêté royal du 16 mars 1931 relatif aux rétributions et indemnités des ministres des cultes dispose en son article unique que les sommes à accorder à titre de rétributions ou d’indemnités à des desservants de service du culte à la frontière franco-belge, seront fixées par le ministre de la Justice. Ce montant de ces indemnités a été doublé en 1989 et depuis lors, il est fixé à :
- 594,94 euros au desservant pour les habitants de la commune de Goegnies-Chaussées (Belgique), pendant toute l’année ;
- 118,99 euros au desservant pour les habitants d’une partie de la commune des Honnelles (ex Roisin) (Belgique), paroisse de Gussignies, pendant toute l’année ;
- 178,48 euros au desservant pour les habitants des hameaux de Désivier, dépendant des communes de Bailièvre et de Salles, et de La Fagne, dépendant de la ville de Chimay, pendant toute l’année ;
- 118,99 euros au desservant pour les habitants de Neuf-Perlé et de La Folie (Martelange), pendant toute l’année.
2.8.5. Indemnités pour les desservants des églises annexes
236 À côté des cures, des succursales et des chapelles, il existe des églises annexes. Le décret impérial du 30 septembre 1807 prévoit en son article 11 : « Il pourra également être érigé une annexe sur la demande des principaux contribuables d’une commune… » La conception légale d’une annexe est donc celle d’une église située dans la circonscription d’une cure ou d’une succursale (donc sans circonscription propre) et érigée pour la commodité d’un certain nombre d’habitants qui, sans elle, ne pourraient assister au culte que dans un lieu fort distant de leur résidence.
237L’indemnité annuelle allouée aux desservants d’annexes a été prise en charge par l’État dès 1871, comme complément de traitement pris en charge par l’État.
238L’arrêté royal précité du 16 mars 1931 dispose en son article unique que les sommes à accorder seront fixées par le ministre de la Justice. Les desservants de ces églises annexes – au nombre de 127 depuis 2004 – ont vu, en 1989, leur indemnité annuelle de 6 000 francs porté à 18 000 francs ou 1.500 francs par mois, soit 446,21 euros ou 37,18 EUR par mois. Seul le culte catholique est concerné par cet arrêté.
2.8.6. Remboursement des frais de vacances de places
239Un arrêté royal du 6 mars 1936 prévoit le remboursement des frais de vacances de places. Il stipule en son article unique :
« Seront fixées par notre ministre de la Justice les sommes à allouer aux conseils
d’administration des églises protestantes, anglicanes ou israélites, à titre de
remboursement des frais effectués pour assurer le service du culte pendant la vacance
de places attachées auxdites églises. »
241Seul le culte protestant utilise cette possibilité pour indemniser des frais effectués pour assurer le service du culte durant une vacance de place.
2.9. CONCLUSION
242L’analyse faite ci-dessus permet d’aboutir à la conclusion que le régime pécuniaire et de sécurité sociale des ministres des cultes est fort semblable à celui des agents de l’État. Par endroits, le régime est très précis mais par ailleurs, il est discriminatoire, soit par des restrictions en matière barémique, soit par certains privilèges en matière de pensions, ou lacunaire.
243Des mesures de la réglementation du travail qui sont communes à la plupart des ressortissants belges, parfois depuis des décennies, ne sont toujours pas garanties aux ministres des cultes ce qui, au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de la Charte sociale européenne n’est guère acceptable. Cela appelle donc incontestablement la fixation d’un statut social commun de base qui pourrait subir des inflexions en fonction des spécificités de chaque culte.
244Si sur le plan des rémunérations, il doit surtout s’agir de l’instauration d’une véritable carrière pécuniaire pour les ministres des cultes de base (curés, pasteurs, etc.), en matière de pensions, il s’agira surtout de mettre fin aux discriminations qui sont la survivance de situations historiques qui n’ont plus de pertinence au XXIe siècle.
245Lors d’une future réforme législative, la loi du 21 juillet 1844 devrait être scindée dans deux législations organiques distinctes : une pour les agents publics, l’autre pour les ministres des cultes, même si c’est le même service public qui les gère et les liquide.
246Les références assez nombreuses au régime applicable aux travailleurs du secteur public que nous avons rencontrées, situent certainement ce futur régime dans un sens administratif mais négocié par l’État, les organes-chefs de culte et les représentants des ministres des cultes (du moins ceux qui ne sont pas investis d’une fonction dirigeante).
247Il ne faut pas surestimer le fait que cette négociation sera peut-être difficile dans la mesure où les autorités cultuelles pourraient avoir, à tort ou à raison, le sentiment que l’autorité publique serait tentée de s’immiscer dans le recrutement des titulaires de fonction des ministres des cultes [105] et pour l’autorité fédérale, l’impact budgétaire, même étalé dans le temps, ne sera pas sans conséquence non plus.
3. LES DÉLÉGUÉS LAÏQUES
248Dans la mesure où le constituant a opté pour l’ajout d’un second paragraphe à l’article 181 de la Constitution (cf. supra) plutôt que d’étendre simplement le texte de 1831 aux délégués laïques, il peut être déduit qu’une législation différenciée se justifie. Il aurait de toute façon été assez singulier d’étendre purement et simplement la loi sur le temporel du culte à la laïcité organisée.
249La loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues [106] étant très complète dans tous ces aspects (la position des délégués sur le plan du droit social a été élaborée de manière exhaustive), le travail d’analyse se limitera à la législation elle-même sans devoir se livrer au recoupement de multiples réglementations comme nous avons dû le faire pour les ministres des cultes.
250Déjà sur ce point, il y a une différence certaine avec les ministres des cultes : les délégués laïques jouissent réellement d’un « statut social ».
251Nous allons nous attacher à relever les ressemblances et les différences avec les éléments que nous avons détaillés dans le titre précédent.
3.1. LA QUALITÉ DE DÉLÉGUÉ LAÏQUE
252Même si le principe d’indépendance (et donc du libre choix) n’est pas explicité dans la Constitution pour la laïcité organisée, le législateur a estimé qu’il ne pouvait en aller autrement que pour les cultes reconnus. Ainsi l’article 53 de la loi du 21 juin 2002 stipule :
« Les délégués sont engagés par le Conseil central laïque. Les traitements et les charges
sociales patronales sont à charge du Trésor public. Le Conseil central laïque transmet à
ces fins au ministre de la Justice toutes les informations nécessaires relatives à la
situation de son personnel. »
254L’engagement par le Conseil central laïque (CCL) implique aussi que ce dernier détermine de manière autonome le contenu des missions des délégués et la manière dont elles devront être exécutées. Pas plus que pour les ministres des cultes, l’État ne peut intervenir pour exiger la certification d’une formation quelconque ou d’un test de compétence des candidats proposés : cela relève de la pleine autonomie du CCL.
255Le Conseil d’État avait critiqué la disposition d’un projet de loi antérieur qui spécifiait que « les délégués sont engagés sous le régime applicable aux agents contractuels de l’État [107] ». La reformulation du texte dans l’avant projet de loi soumis au Conseil d’État en 2001 spécifiait cette fois que « les dispositions de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail sont d’application ». Le Conseil d’État avait repris intégralement la remarque qu’il avait faite concernant la formulation précédente, à savoir :
« Pas davantage que les ministres des cultes, les délégués ne pourraient être qualifiés de
fonctionnaire public.
La circonstance que les traitements et pensions de ces délégués sont, en vertu de l’article
181, § 2, de la Constitution à charge de l’État, n’autorise pas ce dernier à s’immiscer
dans l’organisation interne du mouvement philosophique non confessionnel.
Il doit ainsi revenir au Conseil central laïque le pouvoir de déterminer la nature
juridique de la relation qu’il aura avec ses délégués, dans le cadre de l’assistance morale
et, dès lors, de fixer le type de rémunération et de pension dont ils bénéficieront, l’État
ayant pour seul devoir la prise en charge de celles-ci.
En effet, l’article 181 de la Constitution ne peut être interprété comme faisant de l’État,
l’employeur des ministres des cultes reconnus et des délégués du Conseil central laïque.
En conséquence, l’article 61 bride l’organisation reconnue par la loi en projet et s’ingère
indûment dans cette liberté que la loi a voulue analogue à celle réservée aux cultes.
L’article 62 du projet doit être écarté pour les raisons qui viennent d’être exposées car il
n’appartient pas à l’État d’intervenir dans l’organisation interne du Conseil central
laïque.
L’État doit donc limiter son intervention à la fixation des seuils de rémunération en
tenant compte des responsabilités respectives assumées par les délégués, celles-ci ayant
été, au préalable, définies par le Conseil central laïque [108]. »
257Le texte adopté par le législateur dans la loi du 21 juillet 2002 se borne à disposer que « les délégués sont engagés par le Conseil central laïque » sans spécifier la nature du lien juridique qui lie les délégués à leur employeur. Cependant, il ressort que la loi a prévu qu’une commission paritaire spécifique serait mise en place pour le Conseil central laïque mais avec la particularité que les conventions collectives de travail qui y seront négociées, ne pourront être mises en application que si elles n’ont pas d’incidence budgétaire et que si elles sont compatibles avec les dispositions spécifiques et impératives reprises dans la loi : on peut dire qu’avec ces restrictions, le droit constitutionnel stipulé à l’article 23,1° de la Constitution (cf. supra) est sensiblement vidé de sa substance. On peut tirer comme conclusion qu’il n’y guère d’ambiguïté quant au type de rapport qui prévaut entre le délégué et l’organisation qui l’engage : il y a relation contractuelle entre un pouvoir organisateur employeur et une personne privée et donc pas à proprement parler de désignation comme dans un régime statutaire de type administratif. Le contrat d’emploi qui lie le délégué à son employeur (en l’occurrence le Conseil central laïque) l’assujettit en réalité à la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats d’emploi. Cet engagement doit être agréé par le SPF Justice : l’article 58 de la loi du 21 juin 2002 stipule en effet qu’il appartient au Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, de fixer le cadre organique du Conseil central laïque [109]. Cela ne change rien au fait qu’il appartient au Conseil central de décider s’il souhaite faire reprendre le traitement du délégué laïque engagé dans le quota fixé par le gouvernement : c’est l’étape préalable mais décisive pour la prise en charge du traitement par le financement public.
258On se rapproche donc de la situation du personnel contractuel engagé dans la Fonction publique administrative fédérale ou de celle des enseignants engagés dans le réseau libre subentionné. Il y aura d’autres aspects que nous verrons infra.
259C’est à l’organisation qui a engagé le délégué, c’est-à-dire le Conseil central laïque, que revient le pouvoir de le licencier si elle l’estime nécessaire et cela bien sûr dans le respect des règles relatives à la cessation des contrats de travail.
3.2. TRAITEMENT
260Les articles 61 à 63 de la loi du 21 juin 2002 ont inséré les délégués laïques dans le champ d’application de la loi du 2 août 1974 relative aux traitements de certaines fonctions publiques et des ministres des cultes.
Traitement des délégués laïques (en euros)
Traitement des délégués laïques (en euros)
261Ces montants sont également liés à l’évolution de l’indice des prix (dit indice-santé) qui sert de référence à l’évolution des traitements dans la Fonction publique (138,01).
262À l’analyse, on peut noter que, de même que pour les ministres des cultes, le traitement de la fonction la moins élevée a été fixé au montant de la rétribution minimale garantie de la Fonction publique fédérale. Mais une différence considérable a été introduite dans la loi en faveur des délégués laïques : chaque fonction dispose d’un régime barémique avec des échelons intercalaires, dont sont privés les ministres des cultes.
263Dans l’exposé des motifs de la loi, le gouvernement a justifié cette différence de régime par le fait que les traitements doivent répondre aux besoins de la vie et aux nécessités inhérentes à la position sociale des personnes concernées. Le gouvernement aurait certainement argué avec plus de pertinence sur deux autres points :
- d’abord, il eut été inconcevable de revenir sur les situations déjà acquises pour les délégués laïques qui étaient déjà en fonction au CAL ;
- à la différence des ministres des cultes, les délégués laïques sont exclus du bénéfice d’un casuel (par définition) et de l’attribution d’un logement de fonction (ou de l’indemnité compensatoire).
3.3. ACCESSOIRES DU TRAITEMENT
264 Dans les mêmes termes que pour les ministres des cultes reconnus, l’article 30 de la loi précitée du 2 août 1974 leur a également été rendu applicable, de sorte qu’ils bénéficient des allocations de foyer ou de résidence, ainsi que l’indemnité pour frais funéraires.
3.4. PROTECTION SOCIALE
265Les délégués laïques ne sont assujettis qu’au paiement de la cotisation au régime des soins de santé de l’INAMI, soit 3,5 % sur le traitement brut. L’État prend en charge la partie « employeur » de cette cotisation. C’est donc la même situation que celle qui prévaut pour les agents de l’État et pour les ministres des cultes. Il est donc dispensé de supporter la charge des autres cotisations sociales imposées aux employeurs et aux travailleurs dans le secteur privé (article 65 de la loi du 21 juin 2002) [110].
266La loi rend applicable aux délégués laïques qui ont perçu un traitement à charge du Trésor public, le même régime de pensions que celui des agents de la fonction publique fédérale nommés à titre définitif et cela, explicite la loi, aux mêmes conditions que celles appliquées à ces derniers. Ils ne cotisent pas pour leur propre pension mais sont redevables de la cotisation de 7,5 % sur le traitement brut en faveur du Fonds des pensions de survie.
267Cette dernière disposition est assez curieuse dans la mesure où la première condition imposée aux agents des services publics fédéraux pour obtenir le régime complet de pensions des agents de l’État est « d’avoir accompli réellement vingt ans de services comme agent nommé à titre définitif », ce qui est impossible pour les délégués laïques puisque, par définition, ils ne font pas l’objet d’une nomination de ce type.
268Ce régime tout à fait spécifique – qui n’est même pas applicable aux membres du personnel contractuel du secteur public – aurait, à tout le moins, dû faire l’objet d’un régime particulier (comme le relève assez vivement le Conseil d’État dans son avis précité).
269Il faut relever que l’article 67 de la loi du 21 juin 2002 a étendu aux délégués laïques la protection sociale minimale vue plus haut pour les ministres des cultes en cas de rupture unilatérale de la relation de travail. Rappelons que cette protection minimale concerne le chômage, l’assurance maladie-invalidité, le secteur indemnité et l’assurance maternité.
3.5. AVANTAGES PARTICULIERS
270Nous avons relevé dans la partie consacrée aux ministres des cultes reconnus, un certain nombre d’omissions en matière de sécurité sociale, de protection sociale ou de régimes de travail qui contreviennent sur divers points à l’article 23 de la Constitution. Le législateur en a tenu compte pour le « statut social » des délégués laïques. Dans le but de leur apporter une sécurité juridique, en la matière, la loi du 21 juin 2002 leur rend applicables un certain nombre de dispositions prévues pour le personnel statutaire de l’autorité fédérale et relatives à divers congés et indemnités particulières. Il est chaque fois fait référence à la réglementation de base de telle sorte que lorsqu’une modification y est apportée, elle soit automatiquement d’application pour les délégués sans qu’il faille la consigner dans une convention collective comme dans le secteur privé.
271Sont ainsi couvertes pratiquement toutes les situations d’absence qui peuvent se présenter soit pour maladie, motifs sociaux, familiaux ou de convenance personnelle en ce compris la possibilité d’obtenir un congé pour présenter sa candidature à toutes les élections, au changement de résidence, pour accomplir un stage ou une période d’essai dans un autre emploi ainsi que le congé pour suivre une formation de promotion sociale.
272On notera que, par cet assujettissement, les délégués laïques ont été soumis également au contrôle du Service d’expertise médicale de l’État, pour les aptitudes physiques sans que cela n’ait suscité le moindre débat.
273Les délégués reçoivent aussi le bénéfice du régime légal de la semaine volontaire de quatre jours, ainsi que la possibilité de réduction du temps de travail à mi-temps mais la loi ne fait pas allusion aux différentes formes de régimes d’interruption de carrière.
274Encore une fois, le Conseil d’État a contesté l’application par référence au régime des agents de l’État et s’est interrogé sur la compatibilité de telles dispositions avec la Constitution dans la mesure où les délégués laïques ne peuvent être assimilés à des « fonctionnaires publics ».
275L’article 1er bis de la loi précitée du 3 juillet 1967 (accidents du travail) a été également modifié – comme cela avait été le cas pour les ministres des cultes – pour qu’ils en soient également bénéficiaires. Curieusement, à ce jour, l’arrêté royal particulier de 1995 n’a toujours pas été modifié sur ce point et donc la disposition légale est restée sans effet faute de règlement d’exécution.
276La loi du 21 juin 2001 prévoit enfin dans son article 49 que les frais de fonctionnement du secrétariat du Conseil central laïque comprennent le remboursement des frais de transport, des frais de parcours et des frais de séjour des délégués laïques aux mêmes conditions que celles prévues pour le personnel statutaire de l’État.
3.6. PARTICULARITÉ
277Pas plus qu’aux ministres des cultes, la loi ne rend applicable l’arrêté royal n° 42 précité de 1982 (sur les cumuls) aux délégués laïques. Par contre, elle prévoit expressément qu’ils sont soumis au secret professionnel dans les conditions fixées à l’article 458 du Code pénal (cf. art. 57 de la loi du 21 juin 2002).
3.7. CONCLUSION
278Sans conteste, les délégués laïques ont été dotés d’un régime complet de rémunération et de protection sociale. Mais le législateur, tiraillé entre la volonté d’assurer l’indépendance du CCL dans le choix de ses collaborateurs (à l’instar de ce qui est prévu pour les cultes reconnus) et le souci d’assurer un régime matériel correct à ces personnes, a finalement abouti à un système qui pêche par certaines incohérences.
279Le travail législatif effectué par référence automatique à certains régimes spécifiques aux agents de l’État a occulté une prémisse fondamentale : les délégués laïques ne sont pas et ne peuvent pas devenir des agents publics sans contrevenir à la Constitution.
280Mais dans l’avenir, lorsque le gouvernement modifiera le régime des congés des agents de l’État, il pourrait leur imposer des sujétions qui, dans le cas de l’application automatique par référence aux délégués laïques, pourrait menacer l’indépendance du CCL.
281Enfin, l’application complète du régime de pensions des agents de l’État n’était certainement pas dans la volonté du législateur constitutionnel lors de la rédaction du § 2 de l’article 181. Elle crée également l’impression que les délégués laïques relèvent désormais du secteur public. Et en corollaire, il y a création implicite d’une discrimination puisque les contractuels du secteur public ne bénéficient pas eux du régime privilégié des pensions des agents de l’État.
CONCLUSION
282L’analyse du statut social des ministres des cultes a mis en lumière l’insuffisance normative qui règne tant sur le plan des principes que sur le plan social.
283L’autorité politique, par ses engagements ou ses déclarations, se trouve amenée à devoir prendre des initiatives dans plusieurs domaines.
284Concernant les critères de reconnaissance des cultes, il s’agira de donner, dans une loi organique, un énoncé formel aux critères qui sont communément admis suite à la jurisprudence développée par le SPF Justice, parfois depuis des décennies. Ainsi le premier critère (à savoir « justifier de plusieurs milliers de fidèles ») pose question compte tenu de la baisse progressive de la pratique religieuse, en particulier pour le culte catholique.
285Plus précisément, le fait d’avoir répondu aux critères à une époque – parfois lointaine – doit-il être considéré comme suffisant ou cela doit-il faire l’objet de révisions ? Si oui, à quelles conditions légales ? En clair, la reconnaissance visée par l’article 181 de la Constitution est-elle définitivement pertinente ou est-il possible d’envisager des reconnaissances temporaires ou révisables ?
286Comme le texte constitutionnel est muet sur ce point, diverses interprétations peuvent être envisagées.
287Compte tenu des ressources budgétaires de l’autorité fédérale (et cela pour de nombreuses années encore compte tenu de la politique de l’enveloppe fermée), moins il y a de cultes reconnus, plus le financement public disponible reste conséquent et inversément.
288Ceci conduit à une deuxième probématique. Il faut également définir des critères clairs pour la détermination du nombre de fonctions dont le traitement est pris en charge par l’État. Là aussi, l’empirisme qui a présidé parfois depuis des décennies devrait faire place à un régime cohérent et transparent, même si l’exercice risque de se révéler laborieux.
289Les deux problématiques qui viennent d’être évoquées se retrouvent posées également pour la laïcité, même si l’article 181, § 2 de la Constitution permet l’énoncé de critères différents et qu’il apparaît difficilement concevable que l’État se mette à reconnaître différents régimes particuliers dans ce domaine.
290Il serait bon aussi que le législateur spécial s’interroge sur le caractère différencié que connaissent, depuis 2001, les cultes, qui sont désormais soumis à un régime institutionnel partagé entre l’autorité fédérale et les entités fédérées, et la laïcité qui continue à relever intégralement de l’autorité fédérale.
291Le strict parallélisme voulu par le constituant dans la rédaction des deux paragraphes de l’article 181 de la Constitution, devrait être traduit dans l’article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
292Ceci conduit à penser que les ministres des cultes devraient obtenir une législation organique spécifique en la matière à la fois pour les traitements (avec le développement d’une carrière pécuniaire comme pour les délégués laïques), et pour les droits sociaux reconnus ordinairement aux travailleurs relevant du secteur public, avec suppression de toutes les anomalies et privilèges relevés et avec mise en place d’un véritable régime de relations collectives (bien sûr adapté à leur spécificité).
293Sur le plan des principes, il y aura certainement discussion. L’approche de la problématique peut être différente d’un culte à l’autre, mais aussi au sein de l’Église catholique, marquée par le poids de l’histoire, par l’existence du droit canon et par la place prépondérante qui a été la sienne dans un système qui est plus ou moins contesté par tous les autres partenaires.
294L’enjeu est aussi clairement budgétaire. Il sera vraisemblablement couplé au débat sur le nombre maximal de traitements qui continueront à bénéficier du financement public.
295Concernant le statut social des délégués laïques, nous avons vu que ces derniers bénéficient d’un régime relativement complet mais probablement « bancal » sur le plan juridique. À l’occasion de la confection de l’éventuelle loi organique relative au statut social des ministres des cultes, il serait utile de faire un exercice similaire – autonome mais spécifique – pour les délégués laïques pour mettre fin aux incohérences juridiques, principalement en matière de pensions.
296Nous terminerons en évoquant une initiative de réforme qui devrait être porteuse d’une avancée afin de doter les employés salariés des cultes et de la laïcité d’une législation organique à part entière non seulement sur le plan pécuniaire et social mais surtout sur le plan juridique. Il s’agirait de créér une fonction différenciée de celle du ministre des cultes, qui ne correspond pas aux tâches qu’ils accomplissent sur le plan logistique en ordre principal. Cette fonction serait dotée d’un statut autonome pour donner une reconnaissance sociale à toutes ces personnes.
297Si la base constitutionnelle de l’article 181 de la Constitution ne devait pas suffire, il est toujours possible de se baser sur l’article 107, alinéa 3 même si, dans ce cas, les personnes rangées dans une telle catégorie, auraient un lien plus étroit avec l’autorité publique mais une négociation franche avec les représentants des cultes et de la laïcité devrait permettre d’arriver à un résultat positif pour toutes les parties.
298Le programme est certes copieux mais les obstacles ne sont guère insurmontables.
Notes
-
[1]
Cf. sur cette question C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », Dossier du CRISP, n° 51,2000, p. 20.
-
[2]
Moniteur belge, 3 août 2001.
-
[3]
F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », Journal des tribunaux, 2003, p. 530.
-
[4]
Moniteur belge, 14 juin 2004. Cf. J. BRASSINNE DE LA BUISSIÈRE, « La régionalisation des lois communale et provinciale et de la législation connexe », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1757-1758,2002, pp. 55-58, et F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », op. cit., pp. 529-536.
-
[5]
On notera que cette dernière a transféré sa propre compétence, en 2005, à la Communauté germanophone pour son ressort mais cette dernière n’est pas devenue partie à l’accord de coopération et cela bien qu’elle ait rapidement utilisé sa compétence. Cf. décret du 30 janvier 2006 modifiant la loi du 9 mars 1870 sur le temporel des cultes, Moniteur belge, 28 mars 2006.
-
[6]
Cf. documentation in L.-L. CHRISTIANS et P. DE POOTER, Code belge, droit et religions 2005, Bruylant, 2006.
-
[7]
Cf. A. COENEN, « La régionalisation du temporel des cultes reconnus », Mouvement communal, 2002-2004, p. 1
-
[8]
Après la chute de l’Empire, en 1814, l’administration civile des cultes connaîtra de nombreux changements d’affectation dans nos provinces jusqu’à son transfert, le 4 juin 1840, au Ministère de la Justice où l’on crée, à cette occasion, une section pour l’administration des cultes et des établissements de bienfaisance. CH 1918
-
[9]
Cf. J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1703-1704,2000.
-
[10]
Le terme « laïque » désigne les assistants de la pensée non confessionnelle ; le terme « laïc » désigne lui les personnes qui pratiquent un culte, lequel est alors animé par des clercs au sens large du terme.
-
[11]
Cf. par exemple les conditions de sélection, recrutement, stage et nomination que doit réunir le citoyen pour obtenir la qualité d’agent de l’État (c’est-à-dire de l’Autorité fédérale): principalement les art. 16,17,28bis, 29 et 45 de l’arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut des agents de l’État.
-
[12]
Sur ce point cf. les décisions de la Cour de cassation du 23 novembre 1957, Jurisprudence de Belgique, 1957, p. 307 et du Conseil d’État du 28 novembre 1966, arrêt n° 13072, Recueil des arrêts du Conseil d’État, n° 12086.
-
[13]
Moniteur belge, 7 décembre 2005.
-
[14]
Ibidem, 1er février 2006. CH 1918
-
[15]
Cf. J. VERCRUYSSE, Introduction à l’ouvrage Les États Belgiques-Unis, Duculot, 1992, p. 14.
-
[16]
Déjà en 1783, l’Empereur Joseph II avait décidé par un édit de supprimer les ordres monastiques purement contemplatifs, jugés inutiles. Cf. GACHARD, Ordonnances des Pays-Bas autrichiens, tome XII, pp. 255,282.
-
[17]
A. TIHON, « Le financement des cultes en Belgique (1780-2004) », in J.-F. HUSSON (sous la dir. de), Le financement des cultes et de la laïcité : comparaison internationale et perspectives, Les Éditions namuroises, 2006, p. 191.
-
[18]
Cf. A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », in H. HASQUIN (sous la direction de), L’héritage de la révolution française 179-1814, Service culturel de la CGER, 1989, p. 183. On notera avec intérêt que par ordre impérial du 22 mai 1786, Joseph II avait décidé de dénombrer les biens fonciers de l’Église : il n’a jamais été possible de démontrer s’il songeait ou non à une quelconque sécularisation, G. GACHARD, Ordonnances des Pays-Bas autrichiens, op. cit.
-
[19]
Cf. V. CRABBE et F. SONCK, Les traitements des ministres des cultes en Belgique, Res Publica, 1963, p. 86.
-
[20]
Lors de la célèbre Nuit du 4 août 1789, l’Assemblée, en supprimant le régime seigneurial et toutes les redevances qui y étaient liées, avait également supprimé la dîme, ce qui privait le clergé séculier de la principale source de ses revenus. Cette dernière était d’abord une fraction des récoltes de la paroisse (puis du revenu généré par celles-ci), généralement équivalente à un dixième, versée à la seule Église catholique.
-
[21]
Déçue de l’échec de l’Église gallicane créée par la Constitution civile du clergé dans le décret du 12 juillet 1790 qui sera condamné par le Pape Pie VI au grand dam de Louis XVI qui l’avait d’abord accepté.
-
[22]
P. PIERRARD, L’Église et la Révolution – 1789-1899, Paris, Nouvelle Cité, 1989, pp. 107-109.
-
[23]
L’article 69 de cette loi charge les évêques de la rédaction d’un projet de règlement relatif aux oblations que les ministres du culte catholique sont autorisés à recevoir pour l’administration des sacrements (aujourd’hui, on parle de « casuel »). Il est important de noter que cet article stipulait que les sommes ainsi perçues ne devaient pas être déduites du montant des traitements accordés par l’État.
-
[24]
A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 193.
-
[25]
Déjà la Loi fondamentale du 24 août 1815 (Pas. 1815, p. 341) garantissait aux ministres des cultes les traitements dont ils bénéficiaient jusque-là.
-
[26]
En 1824, lors de la négociation de ce nouveau Concordat, le représentant du pape avait émis le souhait que l’État abandonne le salariat du clergé (et en corollaire son contrôle) en échange d’une dotation en biens fonds qui aurait été considéré comme l’indemnisation de la nationalisation de 1795-1796 mais le gouvernement refusa de s’engager dans cette voie.
-
[27]
Cf. X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique, CRISP, 1986, p. 119.
-
[28]
A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., pp. 193-194.
-
[29]
E. WITTE, E. GUBIN, J.-P. NANDRIN et G. DENECKERE, Nouvelle Histoire de Belgique, vol. I – 1830-1905, 2005, pp. 152-154.
-
[30]
Cet attachement de l’institution ecclésiale à la liberté – au moins dans notre pays – fut possible (à cette époque) par l’action des catholiques libéraux qui se développa d’abord en France sous la conduite de l’abbé Lamennais qui va y promouvoir le manifeste d’« une Église libre dans l’État libre » et ensuite reprise par les évêques belges. Cf. à ce sujet P. PIERRARD, L’Église et la Révolution – 1789-1899, op. cit., p. 130 et la bibliographie citée par cet ouvrage.
-
[31]
Cf. le texte in extenso in X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique, op. cit., pp. 119-122.
-
[32]
Par simplicité, la numérotation utilisée est celle du texte de la Constitution coordonnée de 1994.
-
[33]
Cf. J. VERCRUYSSE, Introduction à l’ouvrage Les États Belgiques-Unis, op. cit., pp. 16-19.
-
[34]
Notons que ce sont les articles du Code pénal belge de 1867 qui accordent cette protection à tous les cultes. Le Code pénal français de 1810 applicable auparavant ne protégeait que les cultes autorisés.
-
[35]
L.-L. CHRISTIANS, « L’article 16 alinéa 1er de la Constitution », Administration publique, 1990, p. 205.
-
[36]
Conseil d’État, 29 avril 1975, « Van Grembergen », Annuaire des arrêts du Conseil d’État, 1975, p. 380 ; Conseil d’État, 20 décembre 1985, « Van Peteghem », Administration publique, 1986, p. 6.
-
[37]
Ils relayaient en cela les termes de la lettre précitée du Cardinal de Méan.
-
[38]
Cf. notamment sur ce point L.-L. CHRISTIANS, « Une mise en perspective du concept de culte reconnu en droit belge », in L’Islam en Belgique (ouvrage collectif), Luc Pire, 1998, pp. 23-29.
-
[39]
Cf. V. CRABBE et F. SONCK, « Les traitements des ministres des cultes en Belgique », op. cit., p. 79 : « (…) De toutes les obligations contractées par l’Église envers l’État en vertu du Concordat de Messidor et de la loi de Germinal, la Constitution n’en retint aucune. »
-
[40]
A. COENEN, « La régionalisation du temporel des cultes reconnus », op. cit., p. 2.
-
[41]
Selon l’expression heureuse reprise à V. VANDERMOERE et J. DUJARDIN, Fabriques d’église, La Charte, 1991, p. 1.
-
[42]
Et d’ailleurs sanctionnée par l’article 267 du Code pénal.
-
[43]
A. COENEN, « La régionalisation du temporel des cultes reconnus », op. cit.
-
[44]
Cf. pour les détails de la discussion au sein du Congrès, V. CRABBE et F. SONCK, « Les traitements des ministres des cultes en Belgique », op. cit., pp. 79-81.
-
[45]
Cf. C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », op. cit., p. 6 et les références citées.
-
[46]
F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », op. cit.
-
[47]
J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques », op. cit., p. 8.
-
[48]
Cf. question parlementaire n° 631 – 4 juillet 1997 – de F. Borginon (VU) et réponse du ministre de la Justice, in Recueil de législation relatif aux cultes de Belgique, n° 2.1 publié par le SPF Justice, décembre 2005.
-
[49]
Moniteur belge, 25 novembre 1998. Cf. H. DE CORDES, « L’État belge face aux dérives sectaires », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1908,2006.
-
[50]
La Cour d’arbitrage, dans son arrêt n°148/2005 du 28 septembre 2005, a reconnu la constitutionnalité de ce critère en énonçant : « (…) Le législateur peut raisonnablement exiger des cultes reconnus qu’ils présentent une structure minimum en vue de la désignation d’une instance susceptible de constituer l’interlocuteur des autorités publiques dans les relations privilégiées que les cultes reconnus entretiennent avec celles-ci. » Également : Conseil d’État, arrêt du 12 janvier 1994 et note d’observations de L.-L. CHRISTIANS, « Diversité de dogmes et de structures religieuses dans la législation belge relative au temporel des cultes », Revue régionale de droit de Namur, 1995, pp. 114-126.
-
[51]
Ce terme recouvre à la fois des Églises d’obédience luthérienne, calviniste ou évangélique. Dans la famille protestante, l’État a constamment refusé d’accorder une reconnaissance séparée au Synode fédéral des Églises protestantes et évangéliques.
-
[52]
Moniteur belge, 19 septembre 1974.
-
[53]
Cf. V. VANDERMOERE et J. DUJARDIN, Fabriques d’église, op. cit.
-
[54]
Pour l’historique de ces lois, cf. C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », op. cit., pp. 8 et 9 et A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 196.
-
[55]
Une première demande a échoué en 1994 en raison de la problématique de l’unicité de l’organe-chef de culte : cf. arrêt du Conseil d’État cité sous note 50.
-
[56]
Réponse fournie par P. Vanvelthoven, ministre de l’Emploi (SP.A), au nom de la ministre de la Justice, à une question orale de C. Nyssens (CDH), Sénat, Ann. parl., 9 février 2006.
-
[57]
Telle n’a pas été la décision de l’Église « Vieille catholique » lorsque lui fut notifiée, en 1998, la décision de refus de reconnaissance.
-
[58]
Sur l’ensemble de la problématique, cf. C. SÄGESSER et J.-P. HUSSON, « La reconnaissance et le financement de la laïcité », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1756-1760,2002.
-
[59]
Loi du 23 janvier 1981, Moniteur belge, 8 avril 1981.
-
[60]
Loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues, Moniteur belge, 22 octobre 2002.
-
[61]
Cf. question n° 2469 – 22 octobre 2002 – de M. De Schamphelaere (CVP) et réponse du ministre de la Justice, in Recueil de législation relative à la laïcité en Belgique, n° 4, publié par le SPF Justice, octobre 2004. Dans une question parlementaire précédente (n° 1715 du 29 novembre 2001), la députée avait relevé que « les ministres des cultes reconnus bénéficient de traitements sur base du nombre de fidèles (population ou nombre de membres) » et avait demandé sur quelle base le département avait procédé et le ministre lui avait répondu que « pour fixer le montant des interventions, l’on part des besoins des associations non confessionnelles et non de chiffres concrets ». Elle s’en inquiétait dans sa nouvelle question évoquée ci-dessus.
-
[62]
Une communauté non confessionnelle peut être reconnue par province et deux (une francophone et une néerlandophone) dans la Région de Bruxelles-Capitale qui, sur son territoire, a succédé à l’ancienne province de Brabant.
-
[63]
A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 196.
-
[64]
Cf. Question n° 130 de S. Bex et réponse de la ministre de la Justice, Chambre, QRVA 51 020, 8 janvier 2004.
-
[65]
Cf. Arrêt de la Cour d’arbitrage n° 152/2005 du 5 octobre 2005 : « La liberté de religion comprend, entre autres, la liberté d’exprimer sa religion, soit seul, soit avec d’autres. Les communautés religieuses existent traditionnellement sous la forme de structures organisées. La participation à la vie d’une communauté religieuse est une expression de la conviction religieuse qui bénéficie de la protection de la liberté de religion. Dans la perspective également de la liberté d’association, la liberté de religion implique que la communauté religieuse puisse fonctionner paisiblement, sans ingérence arbitraire de l’autorité. (…) (Cour européenne des droits de l’homme, 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, § 62). La liberté de culte garantie à l’article 21, alinéa 1er, de la Constitution reconnaît cette même autonomie d’organisation des communautés religieuses. Chaque religion est libre d’avoir sa propre organisation. La liberté de religion et la liberté de culte ne s’opposent pas à ce que l’autorité prenne des mesures positives permettant l’exercice effectif de ces libertés. La volonté du législateur décrétal de créer des institutions de droit public chargées des aspects matériels des cultes reconnus et de la gestion du temporel est susceptible de contribuer à la jouissance effective de la liberté de culte. » Néanmoins, à partir du moment où un groupe religieux quelconque demande à être reconnu pour bénéficier de l’application de l’article 181 de la Constitution, il lui faut se conformer aux différentes exigences imposées par l’autorité même si elles n’ont qu’un caractère de fait. C’est pour cette raison que le législateur s’est estimé autorisé à s’immiscer dans l’organisation du culte islamique pour régler le mode d’organisation d’un organe-chef de culte spécifique. Cette volonté n’a pas rencontré d’objection de la Cour d’arbitrage dans son arrêt n°148/2005 relatif à la loi du 20 juillet 2004 portant création d’une commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman (Moniteur belge, 30 juillet 2004). Cette loi n’a fait que s’inspirer de la situation coutumière selon laquelle lorsqu’un culte est reconnu par le législateur comme bénéficiaire du financement public, il lui faut une autorité chargée de nommer ses ministres et de transmettre leurs coordonnées à l’État pour que ce dernier puisse prendre leurs émoluments en charge. Cependant le Conseil d’État a toujours considéré que la compétence de l’État de reconnaître une autorité cultuelle représentative constitue l’accessoire de la compétence générale de reconnaître les cultes et celle des communautés en matière d’enseignement. Dans ce cadre, rien ne peut s’opposer à la reconnaissance de plusieurs organes-chefs de culte pour un même culte, qui seraient les interlocuteurs respectifs de l’État ou d’une communauté. L’organisation, désormais régionale, des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes devrait, en toute cohérence, faire l’objet de la même analyse. Sans contester la validité du raisonnement posé par le Conseil d’État, il est permis de s’inquiéter de ses conséquences lorsque l’on a vu tous les déboires politiques et juridiques que l’État a connus pour la reconnaissance d’un organe-chef de culte pour le culte musulman.
-
[66]
Note aimablement communiquée par Alphonse Borras.
-
[67]
F. AMEZ, « Un aspect oublié de la réforme de l’État : le régime des cultes », op. cit.
-
[68]
Note communiquée par Alphonse Borras.
-
[69]
F. DELPÉRÉE, L.-L. CHRISTIANS F. VANISTEDAE e W. MOESEN « Les aspects constitutionnels, budgétaires et fiscaux du financement public des cultes », Annales de droit de Louvain, 2002, pp. 332-475.
-
[70]
L’État prend en charge pour chaque culte reconnu d’autres traitements que ceux des ministres des cultes au sens plein du terme (ceux de certains employés du Consistoire central juif par exemple). La compatibilité de cette prise en charge légale avec la littéralité de l’article 181, § 1er, de la Constitution est problématique.
-
[71]
Une décision assez récente de la Cour de cassation l’a rappelé assez vivement (Cass., 20 octobre 1994, publié notamment in Jurisprudence Liège, Mons, Bruxelles, 1995, pp. 503-510, avec note d’observations de L.-L. Christians, « L’autonomie des systèmes religieux : réaffirmation d’un principe »). L’arrêt de la Cour a mis à néant un arrêt de la Cour d’appel de Mons du 7 janvier 1993 (publié également dans Jurisprudence Liège, Mons, Bruxelles, 1993, pp. 241-251 avec note d’observations de L.-L. Christians : « Conflit ecclésiastique entre la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme ») qui avait décidé d’examiner à la lumière des principes généraux de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la décision de révocation d’un ministre des cultes prononcée par l’évêque de Tournai. À notre connaissance, cette affaire n’a pas été déférée à la Cour européenne des droits de l’homme.
-
[72]
Pour une réflexion approfondie sur ce sujet, cf. d’A. BORRAS (sous la direction de), Des laïcs en responsabilité pastorale, Paris, Le Cerf, 1998 ; L.-L. CHRISTIANS, « Des laïcs comme ministres des cultes en droit belge : les assistants paroissiaux entre symboles et réalités », in L’Année canonique, 1998, pp. 221-235.
-
[73]
Cf. art. 2,6°, de l’arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers, Moniteur belge, 26 juin 1999.
-
[74]
Moniteur belge, 31 décembre 2004. Cet article a déjà été modifié par l’article 59 de la loi-programme du 11 juillet 2005 (Moniteur belge, 12 juillet 2005) en y remplaçant le nombre de 261 par celui de 301 assistants paroissiaux et cela à partir du 1er juillet 2005.
-
[75]
Cf. Sénat, Ann. parl. 3-90,22 décembre 2004 et Sénat, Rapport de L. Willems sur le projet de loi-programme, Doc. parl. 3-1204/6,24 juin 2006.
-
[76]
C. SÄGESSER et V. DE COOREBYTER, « Cultes et laïcité en Belgique », op. cit., p. 7.
-
[77]
Point de vue confirmé par la cour d’appel de Mons dans son arrêt précité du 7 janvier 1993 (cf. supra note 60) et non démenti par l’arrêt subséquent de la Cour de cassation.
-
[78]
Repris des articles 26 à 29bis de la loi précitée du 2 août 1974, modifiée par les lois des 21 juin 2002, 27 décembre 2004 et 11 juin 2005. Pour une analyse budgétaire fouillée, cf. J.-F. HUSSON, « Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques », op. cit., pp. 16 et ss.
-
[79]
L’harmonisation des rémunérations les plus basses entre les curés et pasteurs des différentes classes (désormais supprimées) a été réalisée lors de la rédaction de la loi du 2 août 1974. Cf. A. TIHON « Les relations entre l’Église et l’État », op. cit., p. 193.
-
[80]
Il faut pourtant noter que, depuis la régionalisation de la législation organique des provinces et communes, c’est aux régions qu’il appartient de régler cet aspect du régime des cultes. C’est à elles qu’il appartient, le cas échéant, de mettre un terme à cette obligation communale, ou d’en modifier les modalités, ce qui aurait ainsi une incidence notable sur la situation personnelle du ministre des cultes selon l’affectation régionale de l’exercice de son ministère.
-
[81]
Ces gratifications doivent être considérées comme des revenus professionnels. Cf. Cour de cassation, 11 septembre 1995, Bulletin des arrêts de la Cour, 1995, p. 787.
-
[82]
Moniteur belge, 30 juin 1992.
-
[83]
Ibidem, 1er août 1991.
-
[84]
Sur la problématique des décisions des autorités cultuelles en matière de révocation des ministres des cultes, cf. L.-L. CHRISTIANS, « L’article 16, alinéa 1er, de la Constitution », Administration publique, 1990, pp. 204-217.
-
[85]
Moniteur belge, 15 juin 1982.
-
[86]
Cf. arrêté royal du 12 mai 1927 sur l’âge de la mise à la retraite des fonctionnaires, employés et gens de service des administrations de l’État.
-
[87]
Il ne s’agit pas de remettre en cause l’engagement de ne pas se marier que certains ministres des cultes catholique et orthodoxe prennent, en toute liberté, au sein de leur confession et qui relève uniquement de la sphère de leur vie privée mais du privilège qu’il en est tiré par le législateur sur le plan du droit social et du droit administratif.
-
[88]
Moniteur belge, 17 juillet 2003. Pour l’analyse approfondie de cette loi, cf. C. SÄGESSER, « La loi anti-discrimination », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1887-1888,2005 ; O. DE SCHUTTER, « La loi belge tendant à lutter contre la discrimination », Journal des tribunaux, 2003, pp. 845-856.
-
[89]
Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000, Journal officiel L180,19 juillet 2000, p. 22, et directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, Journal officiel L303,2 décembre 2000, p. 16.
-
[90]
C. SÄGESSER, « La loi anti-discrimination », op. cit., p. 27.
-
[91]
Question n° 86 de D. Bacquelaine et réponse de la ministre de la Justice, Chambre, QRVA 51 078, 14 mars 2005.
-
[92]
Moniteur belge, 7 février 1979.
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[93]
Ibidem, 1er août 2002.
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[94]
Ibidem, 6 octobre 2005.
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[95]
Ibidem, 30 juin 1992.
-
[96]
Ibidem, 27 juillet 1995.
-
[97]
Ibidem, 24 décembre 1974.
-
[98]
La Libre Belgique, 3 mars 2006.
-
[99]
Cf. Journal officiel, L348,28 novembre 1992, et Moniteur belge, 16 juin 2005.
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[100]
Moniteur belge, 21 avril 1965.
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[101]
Lire « Région de Bruxelles-Capitale » pour ceux qui résident dans l’arrondissement de Bruxelles.
-
[102]
Moniteur belge, 22 novembre 1979.
-
[103]
Ibidem, 20 juillet 2005.
-
[104]
Ibidem, 13 mai 2003.
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[105]
Nous en voudrons pour preuve une déclaration très récente du président du Synode de l’Église protestante unie, le pasteur Guy Liagre qui déclare à La Libre Belgique du 29 mars 2006, p. 8 : « La manière dont les autorités publiques voient la séparation de l’Église et de l’État remonte à une époque où les Églises étaient dominantes. Le contexte a évidemment changé aujourd’hui. Et en cette période de large sécularisation, le danger de voir les cultes diriger la vie en commun a fait place au danger d’une certaine mainmise de l’État sur les religions. C’est pourquoi nous souhaitons un vrai dialogue avec les autorités politiques sur ce point. Un dialogue adulte où l’on n’avancerait plus un peu légèrement comme on le fait parfois aujourd’hui, où les religions sont synonymes de fondamentalisme. »
-
[106]
Moniteur belge, 22 octobre 2002.
-
[107]
Chambre, Doc. parl. 1966/1,5 février 1999.
-
[108]
Chambre, Doc. parl. 50 1556/001,10 décembre 2001.
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[109]
Ce qui a été fait par un arrêté royal du 4 avril 2003, Moniteur belge, 26 mai 2003.
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[110]
On voit donc que le régime contractuel des délégués laïques ne correspond pas au régime de protection sociale qui lui est attribué. Dans son exposé en commission de la Justice de la Chambre, le ministre de la Justice, Marc Verwilghen (VLD), avait reconnu cette dualité statutaire : « Les délégués ne doivent […] pas être considérés comme des fonctionnaires. Un régime mixte est toutefois prévu, reprenant les éléments d’un emploi contractuel (emploi du secteur privé et emploi statutaire, comme celui que connaissent les fonctionnaires de l’administration). » Chambre, Doc. parl. 50 1556/003, p. 6, 17 avril 2002.