Couverture de CRIS_1852

Article de revue

La décision de la Commission européenne du 12 février 2004 sur les aides d'État accordées à Ryanair

Pages 1 à 37

Notes

  • [1]
    Décision de la Commission du 12 février 2004,2004/393/CE, concernant les avantages consentis par la Région wallonne et Brussels South Charleroi Airport à la compagnie aérienne Ryanair lors de son installation à Charleroi, JO, 30 mars 2004, n° L 137/1. Ci-après dénommée « la décision finale ».
  • [2]
    Ouverture de la procédure formelle d’examen publiée sous le titre suivant : Invitation à présenter des observations, conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE. Aides d'État - Belgique. Aide C 76/2002 (ex. NN 122/2002) – Avantages consentis par la Région wallonne et Brussels South Charleroi Airport à la compagnie aérienne Ryanair lors de son installation à Charleroi, JO, n° C 18/3, 25 janvier 2003. Ci-après dénommée « la décision d’ouverture de procédure ».
  • [3]
    Cf. les points 7 à 68 de la décision d’ouverture de procédure.
  • [4]
    Celle-ci, publiée au Journal officiel, mentionne les griefs de la Commission et invite les parties intéressées à soumettre leurs observations (concurrents de l’entreprise aidée, autres États membres etc.).
  • [5]
    Avant que Ryanair ne s'installe à Charleroi, l'aéroport n'accueillait que 20 000 passagers par année, soit 50 par jour en moyenne. Grâce à la route Charleroi-Dublin ouverte le 1er mai 1997, Ryanair a transporté 178 000 passagers en 2000.
  • [6]
    Les trois quarts des actions appartiennent à la Région wallonne et à la Société wallonne des aéroports (SOWAER). Une participation d’environ 20 % est également souscrite par Sambrinvest, la société d’investissement créée pour la reconversion du Bassin de Charleroi.
  • [7]
    Le contrat signé début novembre semble donc rétroagir au 1er avril de l’année 2001.
  • [8]
    De sa dénomination sociale SA Société de promotion de Brussels South Charleroi Airport.
  • [9]
    Contrairement à ce que Ryanair a prétendu, la fermeture de cette ligne n’a rien à voir avec la décision finale de la Commission. On verra plus loin que seule la liaison avec Dublin est directement visée par celle-ci. Il semble qu’un manque de rentabilité soit la cause de la fermeture, en raison sans doute d’une forte concurrence de l’Eurostar. Aujourd’hui, les 11 destinations restantes sont Shannon, Dublin, Glasgow/Prestwick, Stockholm/Skavsta, Milan/Orio al Sero, Venise/Trevise, Pise, Rome/Ciampino, Carcassonne, Gérone/Barcelone et Valladolid.
  • [10]
    Aux 1er avril 2006 et 2010, ce montant aurait dû s’élever respectivement à 1,13 € et 1,30 €.
  • [11]
    Directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, JO, 25 octobre 1996, n° L 272/36.
  • [12]
    Cf. pts. 269-273 de la décision finale.
  • [13]
    Il s’agit de l’attribution de 4 000 € pour l’achat d’équipements de bureau, de la mise à disposition gratuite de 100 m² de bureaux et 100 m² d’engineering store, d’un droit à l’accès à la training room et d’un coût minimal ou nul pour l’utilisation d’un hangar pour la maintenance d’avions.
  • [14]
    C’est-à-dire un contrat qui contient des obligations réciproques entre les parties.
  • [15]
    Si le retrait a lieu entre 2001 et 2006, BSCA récupère la totalité. Si le retrait a lieu dans la sixième année, le remboursement est de 66%, ce chiffre étant ensuite réduit de 6,6 % par an.
  • [16]
    Cf. le pt. 35 de la décision d’ouverture de procédure. L’accord prévoit un mécanisme si la compagnie réduit à moins de deux le nombre d’avions basés, ou si le montant des redevances perçues subit une chute de plus de 50 %.
  • [17]
    Cf. arrêté du gouvernement wallon du 16 juillet 1998 portant fixation des redevances à percevoir pour l’utilisation des aéroports relevant de la Région wallonne, Moniteur belge, 15 septembre 1998, tel que complété par l’arrêté du gouvernement wallon 24 mars 2000 réglementant l'accès au marché de l'assistance en escale aux aéroports relevant de la Région wallonne, Moniteur belge, 7 avril 2000 ; tel que modifié par l’arrêté du gouvernement wallon du 22 mars 2001, Moniteur belge, 10 avril 2001.
  • [18]
    Aux 1er avril 2006 et 2010, ce montant devrait s’élever respectivement à 1,13 € et 1,30 €.
  • [19]
    Cf. pts. 24 à 27 de la décision finale.
  • [20]
    Cf. art. 7, § 3, de l’arrêté du 16 juillet 1998, précité.
  • [21]
    La redevance passagers s’élève actuellement à 7 € et est régulièrement acquittée par Ryanair. Pour la redevance stationnement, Ryanair n’est pas tenue de s’en acquitter car celle-ci est due uniquement si le stationnement dépasse douze heures consécutives ; or les appareils de Ryanair ne stationnent apparemment jamais plus de douze heures à Charleroi.
  • [22]
    Extrait de la convention du 6 novembre citée dans la décision d’ouverture de procédure, pt. 30.
  • [23]
    La partie intéressée est TBI. TBI est une entreprise possédant plusieurs aéroports dans le monde et opérant différents types de services aéroportuaires. Elle possède et gère les aéroports de Londres/Luton, Cardiff International, Belfast International et de Stockholm/Skavsta. Elle gère quatre autres aéroports appartenant à des régions et pouvoirs locaux. Elle fournit enfin des services aéroportuaires spécialisés dans 28 autres aéroports.
  • [24]
    Décret wallon du 8 juin 2001 modifiant le décret du 23 juin 1994 relatif à la création et à l’exploitation des aéroports et des aérodromes relevant de la Région wallonne, Moniteur belge, 16 juin 2001.
  • [25]
    Cette autorisation exceptionnelle devait respecter un quota de bruit global maximum fixé annuellement. Cf. arrêté du gouvernement wallon du 20 juin 2002 relatif au quota de bruit global à l’aéroport de Charleroi-Bruxelles Sud pendant les plages horaires 22h-23h et 6h-7h, Moniteur belge, 16 juillet 2002.
  • [26]
    Cet article est introduit dans le décret du 23 juin 1994 par le décret du 8 juin 2001 précité.
  • [27]
    Le texte stipule que le « décret produit ses effets le jour de son approbation ». Le texte fut voté, sanctionné et promulgué le 1er avril 2004. La publication au Moniteur belge n’eut lieu que quatre jours plus tard.
  • [28]
    Le nouvel article 1erbis énoncera ainsi : « L’aéroport de Charleroi – Bruxelles Sud est un aéroport dont l’exploitation est autorisée entre 7h et 23h. Toutefois, entre 6h30 et 7h, des mouvements d’avions sont autorisés pour autant qu’ils ne dépassent pas le quota de bruit maximal autorisé par mouvement fixé à sept points. De plus, le quota de bruit global maximal pour les mouvements effectués entre 6h30 minutes et 7h et entre 22h et 23h est fixé annuellement à six mille points. Le gouvernement peut, le cas échéant, diminuer ce quota global. Dans le cadre du quota de bruit global fixé à l’alinéa précédent entre 22h et 23h, sont autorisés les mouvements d’avions qui ne dépassent pas un quota de bruit maximal par mouvement fixé à cinq points. »
  • [29]
    Trib., 27 janvier 1998, Ladbroke, T-67/94, Rec., p. II-1, pt. 52.
  • [30]
    Il s’agit bien sûr de la Cour de justice des Communautés européennes, sise à Luxembourg.
  • [31]
    Trib., 14 janvier 2004, Fleuren Compost, T-109/01, non encore publié au Recueil, pt. 90.
  • [32]
    CJCE, 16 mai 2002, France c. Commission dit Stardust Marin, C-482/99, Rec., p. I-4397, pt. 24.
  • [33]
    Au moment des faits, la Commission estime que la Région wallonne détenait directement ou indirectement 96,28 % des parts sociales de BSCA. Si, autrefois, la SOGEPA (Société pour la gestion des participations de la Région wallonne dans des sociétés commerciales) jouait l’intermédiaire principal de la Région, aujourd’hui ce rôle est assumé par la Société wallonne des aéroports (SOWAER).
  • [34]
    Pt. 110 de la décision d’ouverture de procédure.
  • [35]
    Pt. 239 de la décision finale : « (…) La Commission constate que les avantages en cause, qu’il s’agisse de ceux fournis par BSCA ou de ceux fournis par la Région wallonne, n’ont été octroyés qu’à Ryanair. »
  • [36]
    XXVIe rapport sur la politique de concurrence, 1996, Commission européenne, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1997, n° 167.
  • [37]
    Décision de la Commission du 21 janvier 1998,98/337/CE, concernant les aides accordées par la Région flamande à la compagnie Air Belgium et au tour-opérateur Sunair pour la fréquentation de l’aéroport d’Oostende, JO, 19 mai 1998, n° L 148/36.
  • [38]
    Décision de la Commission du 14 juin 1999 concernant l’aide NN 109/98, Manchester Airport, réf. SG(99) D/4235, non publiée au Journal officiel, disponible au 25 mai 2004, http: //europa.eu.int / comm / secretariat_general / sgb / state_aids / transports_1998.htm , cf. pt. 8 : « On the contrary, discounts do not fall within the meaning of article 87, if because of the way they are designed, they can be considered as being measures of limited duration that do not discriminate between users of the airport infrastructure.” Cf. F. MARTY, « Les aides versées par les aéroports aux compagnies lowcost : une analyse économique des contentieux impliquant Ryanair », Séminaire IREST- Paris 1 Sorbonne, disponible sur <http :// www. idefi. cnrs. fr/ hp/ fm/ travaux/ marty-2004-mars. pdf> (dernière consultation au 29 octobre 2004), Paris, mars 2004,29 p.
  • [39]
    Décision de la Commission du 14 juin 1999 concernant l’aide NN 109/98, « Manchester Airport », réf. SG(99) D/4235, : « All these elements lead to the conclusion that the discount on landing fees MA Plc granted to Continental Airlines to encourage the start-up of a new service to Newark airport can be considered as being a current practice not involving any distortion of competition between airlines and therefore not falling within the meaning of Artilce 87 », décision non publiée au Journal officiel, disponible au 15 septembre 2004 sur le site internet <http ://europa.eu.int/comm/-secretariat_general/sgb/state_aids/transports-1998/nn109-98.pdf>.
  • [40]
    Sauf application de la législation communautaire sur les ententes, abus de positions dominantes et concentrations bien sûr.
  • [41]
    Le principe de l’opérateur privé se décline en principes de l’investisseur privé, du cocontractant privé et du créancier privé selon la qualité attribuée à l’État au vu de la transaction commerciale en cause.
  • [42]
    Pt. 158 de la décision finale.
  • [43]
    C’est pourquoi la Commission prend soin de montrer que la taxe d’atterrissage est fixée réglementairement par le gouvernement wallon, cf. pt. 144 de la décision finale.
  • [44]
    L’État édicte parfois des normes générales et abstraites pour agir comme un opérateur privé : cf. par exemple l’arrêté du gouvernement wallon du 7 juillet 1994 confiant une mission spécifique de prise de participation en vue de l'implantation d'un réseau de centres fixes de recyclage pour déchets inertes de la construction en Région wallonne à la SA Spaque, Moniteur belge, 16 septembre 1994 ; cf. également la loi du 30 novembre 2001 relative à la prise de participation de l'État belge dans une société anonyme ayant pour objet social principal l'exploitation d'une plate-forme de trading électronique sur le marché secondaire des titres de la dette publique belge, Moniteur belge, 28 décembre 2001. Inversement, les contrats passés avec l’administration échappent, au moins partiellement, au droit privé.
  • [45]
    Par ailleurs, on ne peut pas considérer que l’assujettissement à l’impôt soit une transaction commerciale.
  • [46]
    Pt. 154 de la décision finale. Cf. aussi pts. 54 à 61 de la même décision. Par ailleurs, la Commission affirme, toujours dans la décision finale, aux pts. 155 à 157, que certains aéroports privés ne possèdent pas une liberté totale dans la fixation des charges aéroportuaires et que, inversement, un aéroport public peut bénéficier de cette liberté. Selon elle, on ne pourrait donc opposer public et privé en la matière. Loin de convaincre, ces remarques montrent au contraire que la fixation des charges aéroportuaires n’est pas une activité qui participe à la puissance publique. Du reste, l’usage des termes « public » et « privé » constitue seulement un moyen pratique pour désigner les réalités qui se rattachent ou non à l’État ; la Commission ne démontre rien, elle joue sur les mots.
  • [47]
    C’est peut-être parce que le terme « taxe » semble plus accréditer la thèse de la Commission que celle-ci a qualifié la redevance d’atterrissage de taxe. Dans la décision d’ouverture de procédure, on peut ainsi lire qu’il « ne s’agirait donc pas d’un paiement, par les usagers de l’aéroport, en contrepartie d’un service rendu, mais d’un ‘acte de nature régalienne’ défini par les autorités publiques ». La Commission doit pourtant bien reconnaître par la suite (cf. pts. 146-150 décision finale) que dans de nombreuses décisions relatives aux charges aéroportuaires, elle a statué sur cette notion en la qualifiant de redevance. Elle décide donc de s’en tenir à la dénomination générique de « charges aéroportuaires ».
  • [48]
    Il semble que oui car au point 96 de la décision finale, la Belgique prétend que grâce à Ryanair, la récolte des taxes à l’atterrissage est passée de 310 000 € à 5 200 000 €.
  • [49]
    Cf. Proposition modifiée de directive.
  • [50]
    Cf. les pts. 178 et s. de la décision finale sous le titre : « Application du principe dans le temps ».
  • [51]
    Du reste, en février 2004, date où fut rendu le verdict de la Commission, d’autres opérateurs manifestaient déjà de l’intérêt pour le site de Charleroi et, peu après celui-ci, les compagnies Wizz air, Airservice+ et Air Polonia y faisaient leur apparition. Ces compagnies sont cependant plutôt à ranger du côté des low-cost.
  • [52]
    C’est d’ailleurs pour cela que le droit européen refuse la qualification de PME à une entreprise détenue à plus de 25 % par une grande entreprise ; on sait qu’une telle entreprise ne sera pas confrontée aux handicaps classiques d’une PME (difficulté d’accès au crédit, aux nouvelles technologies…).
  • [53]
    CJCE, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris c. Commission européenne, C-82/01 P, Rec., p. I-9297.
  • [54]
    CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans, C-280/00, Rec., p. I-7747. L’arrêt Altmark était très attendu car on savait qu’il fixerait définitivement, après controverse, les conditions auxquelles doivent répondre les sommes versées pour le financement d’un service public (un « service d’intérêt économique général » dans le jargon communautaire) afin de ne pas être considérées comme des aides d’État et, en conséquence, être notifiées à la Commission pour contrôle. À présent, ce sont ces conditions qui sont controversées, surtout la quatrième. Nous les mentionnons par souci de complétude. Premièrement, l'entreprise bénéficiaire du financement doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculé le financement doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, le financement ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations. Quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public, dans un cas concret, n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau du financement nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.
  • [55]
    Pt. 249 de la décision finale. La motivation se limite alors à remarquer que Ryanair « est en concurrence avec les autres compagnies aériennes communautaires sur son réseau européen ».
  • [56]
    Décision de la Commission du 14 juin 1999, Manchester Airport, op. cit.
  • [57]
    Une autre preuve que la décision Manchester effectue un raccourci est que, contrairement à ce qui prévaut en droit des aides d’État, elle effectue, au stade de la notion d’aide d’État, une analyse du marché pertinent (« the market to be taken into consideration is the new route Newark-Manchester »). Est-ce une méprise ou une pratique de la Commission consistant à jouer sur la notion d’aide d’État, afin de restreindre ou d’étendre en conséquence son contrôle, quand celui-ci lui paraît opportun ?
  • [58]
    CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland c. Commission, aff. 730/79, Rec., p. 2671, pt. 11.
  • [59]
    Appréciation portée au pt. 112 de la décision d’ouverture de procédure, non contestée par la Belgique et Ryanair.
  • [60]
    Il n’y a pas de texte obligeant la Commission à examiner d’office chaque cause de dérogation mais celle-ci le fait de son propre chef, même lorsque l’État membre ne les invoque pas toutes. Agir autrement ferait d’ailleurs courir le risque d’une annulation de la décision pour défaut de motivation.
  • [61]
    JO, 10 mars 1998, n° C 74/9.
  • [62]
    Au sens de subdivisions territoriales : il peut s’agir de provinces, de circonscriptions, de communes…
  • [63]
    Cf. point 4.1 des lignes directrices.
  • [64]
    Le point 4.4 des lignes directrices stipule : « On entend par investissement initial un investissement en capital fixe se rapportant à la création d’un nouvel établissement, à l’extension d’un établissement existant, ou au démarrage d’une activité impliquant un changement fondamental dans le produit ou le procédé de production d’un établissement existant (par voie de rationalisation, de diversification ou de modernisation). »
  • [65]
    Cf. point 4.5 des lignes directrices. Il y a bien une mise à disposition de locaux et de hangars mais cet élément n’est pas interdit par la décision finale.
  • [66]
    Par contre, la pérennité de l’investissement est garantie : les contrats courent sur une période de 15 années, un mécanisme dé récupération est prévu en cas de départ de Ryanair ainsi que des pénalités en cas d’inexécution fautive.
  • [67]
    Pt. 255 de la décision finale : « La Commission ne nie pas que les aides au bénéfice de Ryanair puissent avoir un impact socio-économique régional en Wallonie, comme peut en avoir toute aide octroyée par les pouvoirs publics destinée à encourager l’activité économique d’une entreprise. Cependant, ces aides ne répondent pas à la discipline que s’impose depuis de nombreuses années la Commission. »
  • [68]
    Application des articles 92 et 93 du traité CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation, JO, n° C 350 du 10 décembre 1994, p. 5.
  • [69]
    Nous utilisons les termes « encadrement » et « lignes directrices » comme des synonymes.
  • [70]
    Règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, JO, n° L 240 du 24 août 1992, p. 8.
  • [71]
    Encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (JO n° C 45 du 17 février 1996, p. 5), modifié (JO n° C 48 du 13 février 1998, p. 2), et prolongé (JO n° C 111 du 8 mai 2002, p. 3).
  • [72]
    Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO n° C 37 du 3 février 2001, p. 3).
  • [73]
    Lignes directrices communautaires pour les aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (JO n°C 288 du 9 octobre 1999, p. 2) ainsi que les lignes directrices dans le secteur de l'aviation.
  • [74]
    Règlement (CE) no 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO n° L 10 du 13 février 2001, p. 33).
  • [75]
    Communication de la Commission – Aides d'État et capital-investissement (JO n° C 235 du 21 août 2001, p. 3).
  • [76]
    Règlement (CE) n° 2204/2002 de la Commission concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État à l’emploi, JO, 2002, n° L 337/3.
  • [77]
    Règlement (CE) n° 68/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides à la formation, JO, 2001, n° L 10/20.
  • [78]
    Selon lequel peuvent être considérées comme compatibles « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités (…) quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». C’est une des dispositions qui fondent les lignes directrices dans le secteur de l’aviation.
  • [79]
    CJCE, 24 mars 1993, CIRFS, C-313/90, Rec., p. I-1177. Récemment, cf. CJCE, 13 février 2003, Espagne c. Commission, « Véhicules utilitaires », C-409/00, Rec., p. I-, pt. 95 : « La Commission est tenue par les encadrements et les communications qu'elle adopte en matière de contrôle des aides d'État, dans la mesure où ils ne s'écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres ».
  • [80]
    CJCE, 24 mars 1993, CRIFS, précité.
  • [81]
    Ibidem, pt. 45.
  • [82]
    Conclusions du 17 septembre 1992, CIRFS, C-313/90, Rec., p. I-1127, pt. 130.
  • [83]
    Trib., 30 avril 1998, Vlaams Gewest, T-214/95, Rec., p. II-.
  • [84]
    Ibidem, pt. 103.
  • [85]
    Ibidem, pt. 49.
  • [86]
    Cf. la note 108 de la décision finale. Concernant la Communication de la Commission au sujet des régimes d’aides en faveur des installations à câbles (JO, 18 juillet 2002, n° C 172/2), il n’y pas là dérogation à un encadrement existant. Au contraire, la Commission élève sa décision particulière à un rang d’encadrement par sa communication. Concernant les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Solar Tech (C-91/01), elles ne furent pas reprises dans l’arrêt dans l’arrêt du 29 avril 2004. La Cour interprétera le dispositif de la recommandation PME au vu de ses motifs sans y déroger.
  • [87]
    Pt. 278 de la décision finale.
  • [88]
    COM (2001) final, 12 septembre 2001.
  • [89]
    Il semble qu’il faille considérer comme aéroport régional, les aéroports accueillant moins de 5 millions de passagers par an ; ce cap pouvant être franchi dans des circonstances particulières sans pour autant dépasser celui de dix millions par an.
  • [90]
    Cf. le communiqué de presse de la Commission du 3 février 2004, IP/04/157 : « La décision d’aujourd’hui favorise le développement régional et conduira à un développement accru de compagnies à bas coûts dans toute l’Union européenne, au plus grand bénéfice des consommateurs. »
  • [91]
    Pt. 284 de la décision finale.
  • [92]
    Les coûts étant définis comme ceux que l’opérateur aérien n’aurait pas à supporter en rythme de croisière, cf. 323 de la décision finale.
  • [93]
    La Région wallonne peut cependant tenir compte des rabais automatiques prévus aux §§ 1 et 2 de l’article 7 de l’arrêté du gouvernement wallon du 16 juillet 1998, précité.
  • [94]
    Arrêté ministériel portant réduction, à titre promotionnel, des redevances dues pour l’atterrissage des aéronefs sur l’aéroport de Brussels South Charleroi, JO, 16 juillet 2004.
  • [95]
    Pt. 277 de la décision finale : « La récente libéralisation du secteur de l’assistance en escale et la nécessité de permettre sa mise en œuvre efficace font que, lorsque des rabais sur les services d’assistance en escale sont ainsi réputés constituer une aide d’État au bénéfice d’une compagnie aérienne, la Commission estime que ces aides ne sont pas susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché commun. »
  • [96]
    Cf. pts. 269-273 de la décision finale.
  • [97]
    Le précédent de la décision Ostende est normalement encore valable. L’aéroport de Charleroi pourrait ainsi rétribuer Ryanair pour apparaître dans les publicités au sein d’encarts bien individualisés portant spécifiquement sur l’aéroport.
  • [98]
    Cf. supra.
  • [99]
    Comme le furent les aides versées à Ryanair par la Chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg par le Tribunal administratif de Strasbourg. Cf. la confirmation par la Cour administrative d’appel de Nancy, 18 décembre 2003, Compagnie Ryan Air et Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin c. Société Brit Air, requêtes n° 03NC00864 et 03N00859. En conséquence, Ryanair fit détourner les lignes joignant Strasbourg vers Baden-Baden.
  • [100]
    Il s’agit ici du Tribunal de première instance des Communautés européenne, compétent notamment pour les recours en annulation introduits par les particuliers. Les arrêts du Tribunal peuvent faire l’objet d’un appel devant la Cour de justice.

INTRODUCTION

1 La Commission européenne a rendu, en février dernier, sa décision finale concernant les avantages octroyés à Ryanair lors de son installation à Charleroi  [1]. Toutes les faveurs consenties à la compagnie aérienne y sont bien jugées comme étant des aides d’État au sens du traité CE ; cependant, une partie seulement de ces aides devront être récupérées. La publication de la décision d’ouverture de procédure formelle, une année plus tôt, laissait pourtant augurer un refus total  [2]. En effet, aucune des dérogations classiquement admises à l’interdiction des aides ne trouvait à s’appliquer au bénéfice de la société irlandaise. La décision finale innove cependant et pose comme principe que des aides aux compagnies aériennes sont possibles si elles incitent celles-ci à ouvrir de nouvelles liaisons au départ d’aéroports régionaux, les aides devant être limitées à une période de cinq années. La présente étude vise à une analyse critique, sur le fond et sur la forme, ponctuée de commentaires généraux sur le contrôle des aides, de l’argumentaire de la Commission aboutissant à cette conclusion inédite. Nos commentaires se grefferont sur le déroulement logique de celui-ci consistant dans un premier temps à détailler les mesures suspectées d’être des aides (première partie), à vérifier ensuite si elles le sont vraiment (deuxième partie) et enfin, à en apprécier l’éventuelle compatibilité (troisième partie).

1. QUELLES SONT LES MESURES PRISES EN FAVEUR DE RYANAIR ?

2 Les mesures prises en faveur de la compagnie aérienne Ryanair le furent d’une part, par l’aéroport de Charleroi et d’autre part, par la Région wallonne elle-même. Ces avantages sont décrits succinctement dans la décision finale de la Commission mais plus en détails, antérieurement, dans la décision d’ouverture de procédure  [3].

3 En matière de contrôle des aides d’État, la procédure débute par un examen préliminaire, sur initiative de la Commission ou à la suite d’une plainte. Si ce premier examen ne permet pas de lever tout doute quant à l’admissibilité de l’aide, une procédure formelle d’examen est entamée, sur décision de la Commission  [4]. La décision finale n’est prise qu’à l’issue de la procédure formelle, s’étalant sur plusieurs mois.

4 Ces deux décisions forment une littérature d’une centaine de pages, relativement dense et complexe. On devine, au travers de celles-ci, les échanges houleux entre la gardienne des traités, les autorités wallonnes et la compagnie irlandaise dirigée par Michael O’Leary. De l’aveu même de la Commission, on a bien conscience du « caractère précurseur de la présente affaire » et c’est pourquoi la solution qui y fut apportée est originale.

5 Ryanair a débuté sa collaboration avec l’aéroport régional de Gosselies le 1er mai 1997 avec le lancement d’une ligne vers Dublin. Cette liaison fut rapidement un succès  [5]. Les autorités wallonnes ont entrevu alors la possibilité de faire mieux et ont cherché à établir des liaisons supplémentaires entre « Bruxelles Sud » et d’autres villes européennes. Si l’on en croit les commentaires présentés par la Région, de nombreuses compagnies à bas prix furent contactées, telles que Easy Jet, Virgin Express, Debonair… Seule Ryanair était disposée cependant à prendre le risque d’investir dans un aéroport aux infrastructures sommaires, peu connu du public et présentant moins de facilités que celui de Bruxelles-Zaventem.

6 C’est donc avec la compagnie irlandaise que fut mise en place une stratégie d’avenir pour le plateau de Gosselies. En novembre 2001, deux contrats furent signés par Ryanair, l’un avec la Région, l’autre avec l’aéroport, en vue de l’installation à Charleroi d’une base de la compagnie low-cost (on dit aussi une plate-forme ou un hub) pour une durée de quinze ans. C’est dans ce cadre que des faveurs controversées furent accordées à la compagnie aérienne. Certaines de celles-ci ne sont données qu’une fois (il en ainsi des contributions aux frais d’ouverture de la nouvelle plate-forme) d’autres de manière continue (la participation aux opérations publicitaires, la réduction sur l’assistance en escale et le rabais sur la redevance d’atterrissage).

1.1. LES MESURES PRISES PAR L’AÉROPORT DE CHARLEROI

7 De sa dénomination sociale Brussels South Charleroi Airport SA, la BSCA est l’entité gestionnaire de l’aéroport de Charleroi – Bruxelles Sud. Une concession d’une durée de 50 ans lui a été accordée par la Région wallonne. Empruntant dans une large mesure au fonctionnement des sociétés privées, la BSCA a cependant toujours conservé dans son actionnariat une grande majorité de capitaux publics  [6].

8 Le 2 novembre 2001, un contrat a été signé entre les deux parties, stipulant des obligations réciproques pour la période comprise entre le 1er avril 2001  [7] et le 31 mars 2016. La BSCA s’est montrée relativement généreuse avec la compagnie Ryanair et plusieurs engagements furent stipulés en sa faveur.

1.1.1. Le cofinancement des opérations de publicité

9 L’aéroport de Charleroi a tout d’abord pris en charge la moitié des frais relatifs à la publicité et aux promotions, parfois exceptionnelles, sur les liaisons effectuées par Ryanair. Ensemble ils ont fondé pour ce faire la société Promocy  [8], entièrement dédiée à toute initiative permettrant d’attirer de nouveaux passagers. Lorsque dans le cadre d’une opération de marketing, des billets à prix défiant toute compétition sont proposés, la différence pratiquée entre les tarifs promotionnels et les tarifs ordinaires est assumée par Promocy.

10 L’aide se reflète dans le partage des coûts : le capital social de Promocy a été souscrit pour moitié par les deux parties, soit à hauteur de 62 500 € et les deux parties alimentent ultérieurement son budget par une contribution de 4 € par passager embarquant. D’après nos calculs, BSCA a donc versé à Promocy, à l’égal de Ryanair toutefois, approximativement 1 415 000 € en 2001,2 485 000 € en 2002 et 3 425 000 € en 2003, soit 7 325 000 € sur l’espace de trois années.

1.1.2. Une participation aux frais d’ouverture de la plate-forme

11 Ensuite, la BSCA assume une partie des coûts liés à l’ouverture de la nouvelle base Ryanair.

12 Une somme 160 000 € est allouée par nouvelle route ouverte. Cette offre se fait à concurrence de trois routes au maximum par avion basé. Le contrat précisant qu’un maximum de quatre avions pouvaient être basés sur le plateau de Gosselies, ce poste s’élève à 1 920 000 €. De fait, au moment de la décision finale du 12 février dernier, douze destinations étaient proposées, aujourd’hui, la liaison avec Londres/Stansted est supprimée  [9].

13 Par ailleurs, il fut procédé à une subvention de 768 000 € pour financer le recrutement et l’entraînement des pilotes et des équipages affectés aux nouvelles destinations desservies. Enfin, BSCA prend à sa charge 250 000 € de frais d’hôtel du personnel de Ryanair.

1.1.3. Un tarif préférentiel pour l’assistance en escale

14 Alors que ses tarifs généraux oscillent d’ordinaire entre 8 et 13 € par passager pour l’assistance en escale (aussi appelée handling), la BSCA a accordé à Ryanair un tarif de 1 € par passager embarquant  [10].

15 L’assistance en escale recouvre toute une série de services accomplis au sol qui vont du transport des bagages au nettoyage des avions, en passant par le ravitaillement. Bien que les prestations demandées par Ryanair soit limitées et basiques, le tarif de 1 € est exceptionnel et, de l’aveu même de la BSCA, il ne couvre pas les coûts de l’activité. Les pertes qu’elle engendre peuvent cependant être épongées par d’autres secteurs plus rentables, tels que les recettes du parking ou celles des boutiques dans l’aéroport. Le droit européen ne s’y oppose pas, et il n’y a donc pas aide d’État, tant que l’aéroport n’accueille pas plus de 2 millions de passagers annuels. Une fois atteint ce seuil, cette activité doit être, en vertu de la directive européenne 96/67  [11], séparée, libéralisée et rentable par le seul bénéfice des recettes obtenues auprès des clients.

16 L’avantage financier total de ce tarif préférentiel est difficile à évaluer car il correspond à la différence entre la somme payée par Ryanair et les coûts effectivement encourus par la BSCA pour les services prestés. Ce calcul est à faire par le gouvernement wallon. La Commission estime pour sa part que le coût normal devrait se situer entre 6 et 8 €  [12]. Il semble que la ristourne aurait donc été d’environ 6 € par passager embarquant. Sur cette base, elle s’élèverait, pour la période 2001-2003, à 10 987 000 €.

17 Nous pouvons à présent chiffrer les faveurs de BSCA pour la même période. Sans tenir compte d’autres avantages mineurs  [13], celles-ci s’élèvent à 21 250 000 €. Signalons d’emblée que, bien que désignée dans son ensemble comme une aide d’État, une partie seulement de celle-ci sera considérée comme incompatible avec les exigences du marché unique et une plus petite partie encore devra faire l’objet d’une récupération.

18 Ne passons pas sous silence non plus que le contrat passé avec la BSCA, à la différence de celui concernant la Région, est, au moins d’apparence, synallagmatique  [14]. En effet, en contrepartie à tous ces avantages (§§ 1er à 3e), Ryanair s’engage à baser minimum deux avions à Charleroi assurant à chacun six vols minimum par jour. La Région wallonne ne s’engage pas non plus à fonds perdus : si Ryanair se retirait de l’aéroport, la BSCA pourrait réclamer la restitution, en tout ou en partie selon la date du retrait  [15], des avantages consentis. Enfin, si le nombre de passagers transportés par la compagnie low-cost chutait drastiquement, des compensations semblent être dues à la BSCA  [16], sortes de sanctions pour inexécution fautive.

1.2. LES MESURES PRISES PAR LA RÉGION WALLONNE

19 Le 6 novembre 2001, ce fut au tour de la Région wallonne de signer une convention avec la compagnie low-cost, portant sur le montant de la redevance d’atterrissage. Cet accord a été obtenu par voie de contrat privé, et non par l’adoption d’une mesure réglementaire. Il se distingue de celui passé avec la BSCA en ce qu’il ne prévoit qu’un engagement unilatéral de la Région sur la redevance d’atterrissage. La Région garantit aussi une indemnisation pour les pertes que la compagnie viendrait à subir du fait d’une modification éventuelle du niveau de toutes les charges aéroportuaires ou des horaires d’ouverture de l’aéroport.

1.2.1. Un rabais sur les charges aéroportuaires

20 Le principal avantage accordé par la Région wallonne est relatif aux charges aéroportuaires. Selon la législation wallonne, trois redevances sont perçues : une redevance pour l’atterrissage des aéronefs, une autre pour le stationnement de ceux-ci et une dernière pour l’utilisation des installations par les passagers  [17]. La prétendue aide d’État concerne la première, la redevance d’atterrissage, fixée préférentiellement à 1 € par passager embarquant  [18].

21 Selon les textes, cette redevance est en principe chiffrée sur la base du nombre de tonnes des aéronefs utilisés et non par passager mais surtout, elle semble nettement allégée pour la compagnie low-cost. Le système mis en place pour Ryanair reviendrait à concéder un rabais de plus de 50 % sur celle-ci. En effet, les avions exploités à Gosselies sont des Boeing 737-200 ou 737-800. Les premiers ont un poids de l’ordre de 50 tonnes et une capacité maximale de plus ou moins 130 passagers, ces chiffres s’élevant à respectivement 78 tonnes et 189 passagers pour les seconds. Nous renvoyons aux calculs effectués par la Commission comparant les deux systèmes de redevances  [19] et retenons un avantage de 50 % par passager embarquant pour chiffrer celui-ci à 1 830 000 €, ce qui est relativement modeste en regard des sommes engagées par la BSCA.

22 Certains objecteront que si le gouvernement wallon fixe lui-même le niveau des redevances, on ne pourrait lui faire grief de l’avoir adapté pour Ryanair. D’autant plus que la réglementation elle-même prévoit que les redevances « peuvent, à titre promotionnel, être réduites par le ministre ayant les Transports dans ses attributions  [20] ». On verra que c’est la manière plus que le principe qui gêne profondément la Commission : celle-ci n’aurait pas sourcillé si le tarif avait fait l’objet d’une publication officielle, au bénéfice de tous les usagers de l’aéroport. On verra aussi que c’est justement sur le principe qu’il faut réfléchir plus que sur la manière.

23 Par contre, le niveau des redevances « passagers » et « stationnement », également dues par les compagnies pour l’emploi des aéroports wallons, ne semble pas modifié  [21].

1.2.2. L’engagement d’indemnisation en cas de pertes pour Ryanair suite à une modification des taxes aéroportuaires ou des horaires d’ouverture de l’aéroport

24 Un trait intéressant du droit des aides d’État est qu’il s’attaque également aux garanties qui sont données à une entreprise, c’est-à-dire lorsque l’État s’engage à palier les défaillances de celle-ci. Se porter garant d’un prêt accordé à une société aux finances désastreuses équivaut à accorder une subvention tant il est sûr qu’il sera fait appel à la garantie et que l’État ne pourra se faire rembourser. C’est peut-être pour cette raison que la Commission s’est penchée sur l’engagement d’indemnisation en cas de pertes pour Ryanair suite à une modification des taxes aéroportuaires ou des horaires d’ouverture de l’aéroport.

25 Les clauses contenues dans le contrat passé avec Ryanair ne s’assimilent cependant pas à une garantie car la Région s’engage, en quelque sorte, contre sa propre défaillance. Concernant le niveau des charges aéroportuaires et la fixation des heures d’ouverture, le contrat stipule en effet que « la Région wallonne s’engage à indemniser Ryanair contre toute perte de bénéfice résultant directement d’une modification décrétale ou réglementaire, à moins que l’exercice par la Région wallonne de son pouvoir décrétal ou réglementaire n’ait été édicté par un règlement ou une directive ou une exigence d’un règlement ICAO, ou encore par tout traité international ou loi fédérale  [22] ». Cet engagement court sur les années 2001-2016. Ainsi, si la Région wallonne décide, par exemple, de hausser le montant de la taxe passagers, elle sera tenue de dédommager la compagnie irlandaise à hauteur des frais encourus.

26 Il n’est pas sûr qu’il faille analyser ceci comme une aide d’État à part entière. Si l’on considère, comme la Commission, le rabais sur la redevance d’atterrissage comme une aide d’État, alors le dispositif vient pérenniser cette aide et s’incorpore à elle. Dans le cas contraire, il ne s’agit que d’un aspect du contrat synallagmatique. À cet égard, comme le faisait remarquer une partie intéressée, « les aéroports appartenant à l’État doivent pouvoir verser des indemnités en cas d’augmentation des taxes par les autorités régionales puisque les aéroports privés peuvent les fixer pour la période du contrat  [23] ».

27 À propos des heures d’ouverture, il faut souligner que l’aéroport de Charleroi est un aéroport diurne, dont l’exploitation était, à l’époque, autorisée exclusivement entre 7 et 22h  [24]. On sait à quel point les nuisances sonores font l’objet de contestations au sein des populations environnantes si bien qu’il n’était pas négligeable pour Ryanair d’obtenir cette assurance en cas de modification des horaires d’ouverture lui étant préjudiciable. Dans la décision d’ouverture de procédure, la Commission semblait reprocher à la Région cette concession. Ce grief ne nous semble pas justifié : tout avantageuse qu’elle soit, une garantie de ce type n’entraîne pas de transfert de ressources d’État et ne constitue pas une aide d’État au sens du traité CE.

28 Par ailleurs, la législation wallonne prévoyait que des mouvements ayant lieu entre 6 et 7h ou 22 et 23h étaient permis sur autorisation exceptionnelle du gouvernement  [25]. La Commission semblait également s’opposer à ce que ces autorisations exceptionnelles deviennent habituelles pour les vols au départ Charleroi. Là également, ce genre de pratique n’implique pas d’argent public. Par contre, ce dossier a rebondi au niveau belge. Le 30 mars 2003, le tribunal de première instance de Charleroi a interdit tout vol contraire à l’article 1erbis du décret du 23 juin 1994  [26], sous peine d’une astreinte de 10 000 € par infraction. Il n’est pas sûr que le tribunal a bien compris la législation wallonne, puisque l’article 1erbis en cause prévoit lui-même les possibilités de dérogation aux heures d’ouverture. Il en fait à tout le moins une interprétation très stricte et déduit une illégalité du fait que ce qui devait être exceptionnel est devenu structurel. Le tribunal vise ainsi à supprimer les vols dans les tranches horaires susmentionnées. Toujours est-il que les autorités wallonnes se devaient d’apporter rapidement des éclaircissements sur ce sujet. Une proposition de décret fut approuvée au Parlement wallon le 1er avril 2004  [27], qui ne s’écarte pas fort de l’esprit du régime antérieur mais retient une autre formulation  [28].

2. CES MESURES SONT-ELLES DES AIDES D’ÉTAT ?

29 Si les deux contrats conclus avec Ryanair comportent certainement des éléments favorables à la compagnie à bas prix, encore faut-il, pour que la censure européenne trouve à s’appliquer, que les mesures en cause correspondent à la notion d’aide d’État au sens du traité CE. L’article 87, § 1er, CE stipule que « sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». De cette disposition, jurisprudence et doctrine ont dégagé les éléments constitutifs, qui sont autant de conditions cumulatives, de l’aide d’État :

  • l’avantage économique ;
  • le transfert de ressources publiques ;
  • le caractère sélectif de la mesure ;
  • l’effet sur la concurrence et le commerce entre États membres.
La satisfaction de tous ces critères est nécessaire. La décision finale fait ainsi état, au vu de ceux-ci, de la conviction de la Commission que les mesures prises en faveur de Ryanair sont bien des aides. Nous commenterons son exposé pour chacun des critères. Rappelons que la notion d’aide est une notion objective, reposant sur des critères précis, sur lesquelles les juridictions communautaires exercent un contrôle entier  [29]. L’appréciation de la Commission ne peut donc comporter d’appréciations en opportunité, au contraire de ce qui prévaut lors de l’examen de la compatibilité de la mesure d’aide sur lequel la Cour  [30] n’exerce qu’un contrôle marginal  [31].

2.1.1. Le transfert de ressources d’État

30 Selon la jurisprudence de la Cour, il est nécessaire, pour que des avantages puissent être qualifiés d'aides, d'une part, qu’ils soient accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État et, d'autre part, que les mesures prises puissent être imputées à l'État  [32].

31 Les avantages octroyés par la Région wallonne répondent clairement aux deux branches de cette première condition. Le produit de la redevance d’atterrissage appartient au Trésor public wallon (même si celui-ci profite en grande partie à la BSCA, cf. infra) et la décision d’accorder le rabais fut prise par le gouvernement wallon.

32 À l’égard des mesures prises par la BSCA, la Commission doit motiver quelque peu sa décision. Concernant la présence de ressources d’État, il suffit à la Commission de prouver l’influence dominante de la Région wallonne sur l’entité gestionnaire de l’aéroport. Cette influence est indéniable et se reflète dans la composition de l’actionnariat de la société anonyme  [33] et dans son mode d’organisation. Concernant l’imputabilité, la démonstration vise à rassembler certains indices indiquant une implication ou une improbabilité d'une absence d'implication des autorités publiques. En renvoyant au texte de la décision d’ouverture de procédure pour les détails de « l’enquête », on relèvera que la gardienne des traités affirme qu’il est « impossible que l’accord entre BSCA et Ryanair ait été signé sans implication de la Région wallonne, propriétaire de l’infrastructure, vu la nature des activités en cause, l’impact à long terme de cette décision pour la gestion de l’aéroport, les circonstances dans lesquelles ces mesures ont été adoptées, leur ampleur financière, et le contenu de deux contrats qui sont indissociables  [34] ». On pourrait difficilement prétendre le contraire.

2.1.2. Le caractère sélectif de la mesure

33 Le traité CE précise que les mesures qu’il entend interdire sont celles qui favorisent « certaines entreprises ou certaines productions ». Cette condition, appelée condition de la sélectivité ou de la spécificité, est bien sûr satisfaite dans le cas d’espèce : les mesures ne furent destinées qu’à la compagnie à bas prix irlandaise  [35]. Puisque la spécificité découle de toute mesure ne profitant pas à l’ensemble des acteurs économiques d’un pays ou à une très large partie de ceux-ci (les dénommées « mesures générales »), cette conclusion est certainement correcte.

34 Ryanair et les autorités wallonnes ont fait valoir que, à Charleroi, « aucune autre entreprise n’opérait dans des conditions semblables à celles s’appliquant à Ryanair, et qu’il ne pouvait, dès lors, y avoir de discrimination entre Ryanair et une autre compagnie aérienne ». La Région a également affirmé « que les mesures prises à l’égard de Ryanair avaient fait l’objet de mesures de publicité, et qu’elle s’était engagée à offrir des avantages similaires à toute autre compagnie générant un volume de passagers semblable à celui généré par Ryanair ». Cependant, même si plusieurs compagnies avaient reçu des avantages similaires, le critère serait rencontré car la notion de spécificité est interprétée tellement largement par la Commission qu’elle englobe les aides à des secteurs entiers de l’économie.

2.1.3. L’avantage économique

35 Les autorités communautaires appréhendent les aides en fonction de leurs effets. Pour la Commission, « quelle que soit la forme qu’elle prend, une mesure doit être considérée comme une aide d’État au sens du traité si elle procure à l’entreprise en cause un avantage économique ou financier dont elle n’aurait pas bénéficié dans le cours normal de son activité et qui allège les charges qui grèvent normalement son budget  [36] ». Les mesures prises par la Région et la BSCA en faveur de Ryanair semblent contenir cet avantage économique. Néanmoins, toutes trois vont opposer à la Commission une défense énergique axée sur deux points : l’invocation de précédents dans des espèces similaires et la correcte application du principe de l’investisseur privé en économie de marché. Après avoir présenté ces arguments, nous examinerons et critiquerons la réponse du Collège des commissaires.

Les précédents « Ostende » et « Manchester »

36 En janvier 1998, une décision de la Commission avait validé la coopération entre un aéroport et une compagnie portant sur une campagne publicitaire  [37]. L’affaire concernait une série d’avantages accordés par la Région flamande à la compagnie Air Belgium et au tour-opérateur Sunair avec parmi ceux-ci, le financement d’une campagne de promotion de l’aéroport d’Ostende dans les catalogues de Sunair d’un montant maximal de 111 500 € (4,5 millions BEF). Si les autres subventions accordées par la Région furent considérées comme illicites, la campagne promotionnelle fut acceptée. En effet, les publicités financées dans les catalogues du tour-opérateur prenaient la forme d’encarts bien individualisés portant spécifiquement sur l’aéroport. Selon la Commission, il s’agit là d’un « simple vecteur de publicité au profit de l’aéroport d’Ostende » qui n’a « ni pour objet, ni pour effet de favoriser le tour-opérateur Sunair NV, à qui a été remboursé une somme (…) correspondant au coût de cette campagne de promotion ».

37 Une seconde décision, en juin 1999, enseignait qu’il n’était pas interdit pour un aéroport d’octroyer des incitations financières aux compagnies aériennes pour ouvrir de nouvelles lignes dès lors que ces aides ne sont pas discriminatoires et sont strictement délimitées dans le temps  [38]. L’affaire portait sur des aides versées par la société Manchester Airport Plc., la gestionnaire de l’aéroport de Manchester. Utilisant des ressources publiques, cette dernière accordait à la compagnie Continental Airlines des ristournes sur les charges d’atterrissage. La Commission a jugé que la pratique n’était pas porteuse de distorsions de concurrence en l’espèce. Les aides liées à l’ouverture de la nouvelle ligne Manchester-Newark étaient ouvertes à toutes les compagnies et ce pour une durée limitée à la phase de lancement (deux ans). La preuve de l’absence de discrimination entre les opérateurs était apportée par la publication des ristournes dans le catalogue des tarifs de l’aéroport.

38 Selon ces deux décisions, les mesures prises échappent à la qualification d’aide d’État. Pour les incitants à l’ouverture de la ligne Manchester-Newark, il n’y aurait pas d’avantage économique octroyé à une entreprise car ces incitants sont ouverts à tous et limités dans le temps. Pour le financement de la campagne de promotion de l’aéroport d’Ostende, il y a lieu de considérer que l’État effectue une transaction commerciale normale, comme un investisseur privé.

Le principe de l’investisseur privé

39 C’est relever une évidence que de noter que les autorités publiques mènent des activités économiques. Les États, ou les collectivités politiques infra-étatiques, possèdent des entreprises, prennent des participations dans d’autres et régulièrement s’allient avec des partenaires privés. Sous ces activités cependant, peuvent se cacher des aides d’État. Ainsi, le rachat à un prix élevé d’actions d’une société virtuellement en faillite sera considéré comme une aide. Pourquoi ? Parce qu’aucun investisseur privé, espérant retirer, au moins à long terme, des bénéfices de son placement n’aurait agi ainsi. C’est par ce biais que les fonctionnaires de la Commission contrôlent le « capitalisme public » : ils comparent, in concreto, le comportement de l’État à celui d’un opérateur privé en économie de marché.

40 La Commission va faire de même pour l’affaire Ryanair. Pour les relations entre la BSCA et la compagnie, où un contrat apparemment synallagmatique fut signé, elle examinera si un cocontractant privé en économie de marché aurait accepté de telles conditions. Pour les relations nouées avec la Région, la Commission par contre va refuser d’appliquer le principe de l’investisseur privé, nous verrons pourquoi.

La réponse de la Commission

41 Les arguments présentés par la Région wallonne, par BSCA et par Ryanair ne convaincront pas la Commission pour qui les deux contrats contiennent des aides d’État. Nous effectuons à notre tour une critique de la réponse de la Commission.

42 Un traitement préférentiel

43 Selon la Commission, le rabais sur les charges aéroportuaires ne peut bénéficier du précédent Manchester car il accorde un traitement préférentiel à une entreprise spécifique alors que les aides accordées par l’aéroport britannique étaient accessibles à toutes. Les aides accordées par la BSCA ne sont pas automatiquement disponibles pour d’autres intéressés. Ceci n’est pas faux mais, en réalité, cette condition d’accessibilité automatique et transparente aux aides, pour d’éventuelles autres compagnies, répétée à maintes reprises par la Commission ne trouve pas sa place dans l’évaluation de la présence d’une aide. On a vu plus haut que la sélectivité ne disparaissait pas du fait de l’octroi à plusieurs entreprises d’un même secteur. Si les faveurs accordées à la Ryanair l’avaient été également à d’autres, un avantage concurrentiel serait également présent pour ces multiples compagnies. Tout au contraire, il faut considérer que la distorsion de concurrence en serait aggravée. En fait, ce qu’exige la Commission c’est que lorsqu’une aide d’État est attribuée à une compagnie aérienne pour l’ouverture d’une nouvelle route, une sorte de procédure ouverte, à la manière d’un appel d’offre, permette à toute compagnie aérienne de demander le bénéfice de cette aide. Cette exigence peut jouer comme critère de compatibilité de l’aide d’État mais n’entre pas dans l’appréciation de l’aide elle-même.

44 À cet égard, la décision Manchester procède d’une méprise ou, du moins, opère un raccourci. Elle relève que les aides accordées à Continental Airlines, accessibles, au moins au départ, à toutes compagnies aériennes, pour le démarrage de la liaison Manchester-Newark, ne relèvent pas de l’article 87, § 1er, CE  [39]. Il aurait été plus adéquat de dire qu’elles relevaient de l’article 87 CE mais qu’elles étaient compatibles car, entre autres, accessibles au départ à tout le monde.

45 La Région wallonne, investisseur privé ou non ?

46 À l’estime de la Commission, l’application du principe de l’investisseur privé doit être écartée car « une autorité publique ne peut utiliser l’argument selon lequel elle pourrait retirer des bénéfices économiques en tant que propriétaire d’une entreprise aéroportuaire pour justifier une aide adoptée sous forme d’exercice discriminatoire de ses pouvoirs réglementaires ». La Commission semble donc considérer que dès lors qu’il s’agit d’une compétence législative ou réglementaire d’une entité publique, le principe de l’investisseur privé ne peut s’appliquer. Cette position nous semble critiquable.

47 Afin d’analyser la réponse de la Commission, il convient de bien cerner la portée dudit principe. Un opérateur privé concède des avantages lors d’une transaction commerciale à partir de son patrimoine à un autre opérateur privé afin de recevoir, concomitamment ou ultérieurement, un retour suffisant de ces concessions. Cette opération ne porte a priori pas atteinte à la libre concurrence dans l’Union  [40]. Si l’État se conduit comme l’un de ces opérateurs, il est logique de l’assimiler à ceux-ci et de considérer que la transaction qu’il effectue n’affecte pas la concurrence. Ainsi, lors d’une prise de participation publique dans le capital d’une entreprise, il conviendra de comparer l’attitude de l’État à un investisseur privé  [41].

48 Il est clair cependant que ce principe ne peut pas être appliqué à certaines hypothèses. Imaginons ainsi que, par dérogation au régime fiscal général, la Belgique décide de taxer moins les profits des sociétés actives dans la fourniture de services sur internet. L’État ne va pas nécessairement perdre de l’argent car le nombre et le profit de sociétés de ce type ont de bonnes chances de croître. Cette croissance sera induite par l’attrait de nouvelles sociétés et l’augmentation des ventes dues à une très probable baisse des prix. Au final, l’État va normalement percevoir plus de recettes fiscales. Dans ce dernier cas, faut-il penser qu’il n’y a pas d’aide aux sociétés actives dans la fourniture de services sur internet sous prétexte que l’État n’y perd pas d’argent ? Non, bien sûr et nous verrons pourquoi. Par contre, lorsque la Région baisse le niveau des charges aéroportuaires, exceptionnellement pour Ryanair, et qu’il y a fort à parier qu’elle en récoltera une somme considérable par l’énorme augmentation du nombre de passagers, peut-elle bénéficier du principe susmentionné ? Selon nous, elle le peut.

49 Si la Commission répond par la négative c’est parce que, explique-t-elle, dans ces cas-là l’autorité publique « n’agit pas en tant qu’entreprise mais en tant que puissance publique  [42] ». Nous sommes a priori d’accord avec cette réponse mais l’argumentation qui la sous-tend se doit, selon nous, d’être précisée.

50 Selon la gardienne des traités, une autorité agit en tant que puissance publique lorsqu’elle exerce ses pouvoirs réglementaires  [43], or les entreprises ne possèdent pas de tels pouvoirs. Selon nous, l’autorité publique agit en tant que puissance publique lorsqu’elle exerce un pouvoir qu’aucun opérateur privé ne pourrait exercer. Ce n’est pas exactement la même chose. Selon nous, le principe de l’opérateur privé en économie de marché ne trouve pas à s’appliquer toutes les fois où l’avantage concédé par l’État à l’entreprise aidée ne pourrait pas être concédé par une entreprise privée, sans qu’il importe qu’un pouvoir réglementaire soit ou non utilisé  [44]. Seul ce critère permet de départir les fonctions « régaliennes » de l’État des fonctions commerciales, la frontière les séparant se modifiant d’ailleurs avec le temps. Ainsi certaines activités, autrefois réservées à l’État sont aujourd’hui aussi assumées par le privé. Il en est ainsi aujourd’hui de la gestion des aéroports, plusieurs étant passés du côté privé.

51 Si le principe de l’opérateur privé ne peut jouer dans l’exemple sur les sociétés actives dans la fourniture de services sur internet, c’est parce qu’aucun opérateur privé n’a un pouvoir fiscal sur les autres entreprises et ne pourrait déterminer lui-même les conditions d’un tel assujettissement. En jouant avec sa compétence fiscale, l’État ne s’assimile pas à un opérateur privé et ne peut donc prétendre que son comportement participe à la logique de l’économie de marché  [45]. Par contre, aujourd’hui, il existe des aéroports privés qui fixent eux-mêmes leur redevance d’atterrissage. Dans cette optique nous acquiesçons à l’objection de Ryanair affirmant que « si la Commission devait décider que la Région wallonne n’était pas en droit de donner des avantages à Ryanair sans même considérer si un investisseur privé l’aurait fait, elle opérerait une discrimination entre aéroports publics (dont les redevances sont souvent fixées et contrôlées par un gouvernement ou une autorité de régulation) et aéroports privés (qui sont libres de fixer les redevances pour la durée d’un contrat) (…) alors que ‘le traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres’  [46] ».

52 En substance, nous pensons que le fait qu’aujourd’hui des opérateurs privés puissent fixer les charges d’atterrissage devrait mener à considérer que cette activité est une activité commerciale, même si elle est exercée réglementairement par une autorité publique. La position de la Commission mène à une discrimination entre aéroports privés et publics et pousse à la privatisation de ces dernières pour y échapper.

53 Selon nous, en modifiant les taxes d’atterrissage au bénéfice de Ryanair, la Région wallonne aurait agi, a priori, comme un acteur du marché, en tant que propriétaire de l’aéroport, et non comme régulateur ou comme autorité fiscale qui augmente ou baisse le niveau des taxes  [47]. A posteriori, il convient d’examiner, bien sûr, si un aéroport privé aurait consenti des ristournes de cette ampleur  [48]. À cet égard, tant que le prix facturé à Ryanair est fixé dans un rapport raisonnable avec le coût global des services et installations qu’elles ont pour fonction de rémunérer, on ne peut rien reprocher à la Région. Ne sont pas compris dans ces services, ceux afférents à l’assistance en escale, facturés à part. La Belgique fait valoir qu’ « une baisse des taxes à l’atterrissage ne doit pas faire oublier que le montant total des taxes grandira sensiblement grâce à Ryanair ». En outre, la Commission a elle-même estimé, dans une proposition de directive qu’elle ne parvint jamais à faire adopter, qu’en dessous d’un million de passagers, cette adéquation aux coûts ne peut-être imposée  [49]. Or, jusque dans le courant de l’année 2002, ce seuil ne fut pas atteint à Charleroi. Nous en concluons que les 1 830 000 € de rabais octroyés à Ryanair échappent, au moins en partie, à la qualification d’aide d’État.

54 Le plan d’affaires de la BSCA

55 La Commission va par contre accepter d’effectuer le test de l’investisseur privé pour les avantages accordés par la BSCA, malgré les réticences qu’elle éprouve à cet endroit. Pour ce faire, elle va examiner minutieusement le plan d’affaires pluriannuel faisant apparaître les bénéfices et les coûts liés à l’installation de Ryanair.

56 La conclusion qu’elle en tire est que la BSCA n’a pas tenu compte de plusieurs paramètres qui étaient susceptibles de remettre en cause toute perspective de rentabilité à long terme et ce faisant, a pris des risques que n’aurait pas pris un investisseur privé. D’emblée, nous affirmons notre accord avec la position de la Commission sur ce point mais, sur la manière, il y avait moyen d’éviter certaines approximations.

57 Il est reproché à la BSCA d’inclure dans le plan de rentabilité relatif à Ryanair les futures recettes provenant de l’arrivée de nouvelles compagnies à Charleroi. Cet argument ne nous semble pas dirimant : on peut fort bien considérer l’activité générée par Ryanair comme étant principale, le solde positif provenant des autres compagnies se greffant sur l’évaluation financière de celle-ci. Par contre, il est incontestable que le niveau de ces recettes paraît exagéré (évaluées au total à 23 € par passagers), surtout celle provenant de l’activité d’assistance en escale, devant être libéralisée une fois atteint le seuil de 2 millions de passagers. Dans le plan d’affaires, ce seuil est dépassé dès 2007, il fallait donc tenir compte de cette donnée et miser sur un tarif à la baisse bien plus qu’à la hausse.

58 Par ailleurs, les critiques que formule la Commission quant à la hausse attendue de la fréquentation des compagnies régulières (i.e. non low-cost) ne sont pas tout à fait convaincantes. Au moment où la Commission mène et conclut son enquête, Ryanair opère seule à Charleroi, il est vrai. Mais la décision contient elle-même de longs passages expliquant que la Commission doit apprécier le principe de l’investisseur privé au moment où est prise la décision et non sur la connaissance des résultats réels acquise par la suite  [50]. Or les rédacteurs de la décision finale se contentent d’affirmer, à propos de la hausse escomptée de passagers des compagnies régulières, que « cette tendance à la hausse ne s’est cependant pas confirmée jusque-là ». Lors de l’élaboration du plan d’affaires, il n’était pourtant pas irrationnel de considérer que d’autres compagnies seraient sensibles au nouvel attrait de l’aéroport de Charleroi, d’autant plus qu’il était déjà su qu’une nouvelle aérogare serait en chantier dès 2004  [51]. Il était clair, cependant, que Ryanair resterait la compagnie principale et que le double millions de passagers transportés dès 2007 le serait en très grande partie par la compagnie irlandaise. Dès lors, comme le souligne la Commission, il est trompeur de n’envisager la contribution marketing de 4 € par passager partant que pour les 700 000 premiers passagers, attribués à Ryanair.

59 Le plan d’affaires se base également sur deux suppositions critiquées par la Commission. La BSCA part du principe que la Région wallonne assumera à sa place, comme les années antérieures, les coûts du service entretien-incendie, qui sur dix ans s’élèvent à près de 30 millions €. Pour comprendre la seconde présomption, il faut rappeler que le produit des redevances aéroportuaires appartient à la BSCA à hauteur de 65 %. Le plan d’affaire compte sur la promesse qui lui fut faite de plafonner la retenue actuelle de 35 % à la somme relativement modeste de 1,86 million €.

60 La Commission affirme qu’un investisseur privé ne se base pas sur des présomptions et exige des garanties par des actes juridiques. Cet argument fait montre d’un trop grand formalisme. Alors que les agissements de la BSCA favorables à Ryanair sont imputés à la Région wallonne sur base de (légitimes) présomptions (cf. supra la condition « ressources d’État »), il est exigé à présent que les relations qu’entretiennent ces deux entités soit prouvées par des garanties formelles.

61 Il est sûr qu’un investisseur privé ne s’adossera pas à une structure publique comme la Région wallonne, mais il peut très bien entretenir une « relation spécifique », pour reprendre les termes de la Commission, avec le groupe de sociétés auquel il appartient. Un opérateur privé qui dispose de liens privilégiés avec d’autres entreprises en tient compte également  [52]. Interdirait-on au secteur public d’élaborer une stratégie de groupe ?

62 La question à se poser est plutôt de savoir si la subvention de la Région est licite. Peut-elle prendre en charge le service entretien-incendie ? Quelle proportion des redevances peut-elle reverser à la BSCA, au vu de ses missions ? À ces questions, le droit européen n’a pas encore apporté de solution précise. Comme l’admet la Commission, « il n’existe pas actuellement de vision communautaire du financement de certaines de ces charges par l’autorité publique ». Le secteur de la gestion des aéroports est en pleine mutation. Si la Cour l’a bien qualifié d’activité d’entreprise  [53], la matière ne fait pas l’objet de réglementation. Nous ne saurions pas dire si la réponse à ces questions serait d’ailleurs favorable à la BSCA. De toute évidence, le financement de la BSCA par la Région wallonne ne répond pas aux critères dégagés par le récent arrêt Altmark  [54] fixant les conditions pour que le financement d’un service public échappe au qualificatif d’aide d’État. Il n’empêche, la complexité de la matière ne justifie ni la présentation d’arguments douteux ni une motivation insuffisante.

2.1.4. Affectation de la concurrence ; affectation des échanges intracommunautaires

63 Les décisions relatives aux aides d’État ne donnent pas lieu, au contraire de celles afférentes aux articles 81 et 82 CE, à des analyses approfondies du marché en cause afin d’apprécier l’affectation réelle de la concurrence. Dès lors qu’une entreprise reçoit un avantage que ses homologues ne recueillent pas, l’altération de la concurrence est présumée. Nul besoin, pour la Commission, de circonscrire le marché pertinent, par exemple celui de la liaison Charleroi – Carcassonne, et de démontrer que d’autres compagnies désireuses d’assurer cette liaison en sont empêchées.

64 Comme le répète la Commission : « Dans le secteur des aides, l'avantage octroyé sous forme d'une prise en charge par l'État de coûts d'exploitation qui incombent normalement à une compagnie aérienne ne fausse pas seulement la concurrence sur une route ou plusieurs routes et sur un segment de marché déterminé. L'avantage retiré par la compagnie aérienne renforce sa position économique sur l'ensemble de son réseau par rapport aux compagnies concurrentes, qu'il s'agisse de compagnies aériennes dites ‘traditionnelles’, de compagnies dites low-cost, de compagnies ‘charter’ ou de compagnies régionales  [55]. » C’est en vain dès lors que Ryanair et la Belgique tentent de démontrer que leurs accords n’ont pas eu « d’impact concurrentiel ».

65 On verra cependant que les considérations relatives à l’affectation réelle d’une aide d’État peuvent jouer pour accepter la compatibilité de celle-ci. Comme nous l’avons annoncé en introduction de notre étude, des aides limitées dans le temps, pour de nouvelles liaisons aériennes à partir d’aéroports régionaux, seront acceptées car ne portant qu’un faible « impact concurrentiel ». À cet égard, on relève à nouveau que la décision Manchester, évoquée ci-dessus, procède d’une méprise. Elle relève que des aides dégressives dans le temps accordées à Continental Airlines, pour le démarrage de la liaison Manchester-Newark, ne faussent pas la concurrence et ne relèvent pas de l’article 87, § 1er, CE  [56]. Il aurait été plus adéquat de dire qu’elles relevaient de l’article 87 CE mais qu’elles étaient compatibles car, entre autres, limitées dans le temps et dégressives. C’est d’ailleurs cette condition de limitation dans le temps (cinq années) qui sera mise en avant dans la décision finale relative à Ryanair, comme condition de compatibilité  [57].

66 La condition d’affectation des échanges ne requiert pas non plus un grand argumentaire de la Commission. Le principe est que « lorsqu’une aide financière accordée par l’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges communautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide  [58] ». Sans surprise, on lira donc que les mesures en faveur de Ryanair « affectent les échanges entre les États membres dès lors qu’elles concernent une société dont l’activité de transport, qui touche par nature aux échanges, couvre l’ensemble du marché commun  [59] ».

3. À LA RECHERCHE D’UNE DÉROGATION À L’INTERDICTION DES AIDES

67 Une fois les avantages octroyés à Ryanair jugés comme des aides d’État au sens du traité CE, l’alternative suivante s’établit : ou bien une ou plusieurs dérogations au principe d’interdiction des aides trouvent à s’appliquer ou bien les avantages doivent être récupérés, intérêts de retards inclus.

68 Les dérogations possibles constituent une large palette de catégories d’aides, allant des aides à caractère social aux aides à la culture, reposant principalement sur les motifs présentés aux §§ 2 et 3 de l’article 87 CE. Il ne suffit pas cependant d’invoquer ces motifs selon la conception que le sens commun leur donne. La Commission a coulé dans de nombreux textes les seules formes possibles d’aides pouvant s’en réclamer et il convient de s’y tenir rigoureusement. Les fonctionnaires de la Commission ont ainsi une idée très précise de ce que peuvent être des aides régionales admissibles et, comme nous verrons plus bas, les libéralités en faveur de Ryanair n’en sont pas. D’ailleurs, aucun des textes actuels édictés par la Commission n’aurait pu venir au secours de la compagnie irlandaise. Les aides reçues par celle-ci étaient à considérer, en l’état actuel du droit européen des subventions publiques, comme irrémédiablement incompatibles avec le marché commun. Mais le droit se transforme ou se crée, et sur la base de son « pouvoir d’appréciation » à elle conféré par les traités, la Commission a fait œuvre originale. Il est particulièrement intéressant d’en étudier le modus operandi.

3.1. PAS DE DÉROGATION CONNUE…

69 Lorsqu’elle examine un cas, la Commission se doit de vérifier  [60] si l’une des dérogations prévues par le traité est susceptible de s’appliquer. On sait que la Commission a fait connaître sa position sur une foule de sortes d’aides. Une littérature abondante donne ainsi aux États le mode d’emploi pour accorder des aides à l’environnement, des aides aux entreprises en difficultés, des aides à la recherche et au développement, etc. Ces textes prennent la forme d’encadrements, de lignes directrices et parfois, depuis peu, de règlements d’exemption. La Commission les passe en revue afin de vérifier si les aides en cause peuvent, au moins en partie, être acceptées.

70 La première cause d’exemption possible en faveur de Ryanair qui vient à l’esprit est bien sûr celle du développement régional. Mentionné aux points a) et c) du § 3 de l’article 87 CE, l’objectif de développement régional est en effet à la source de nombreuses aides autorisées. Les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale  [61] mettent en place un système aboutissant à ce que soit identifiés dans chaque État membre de l’Union certaines régions  [62] où les entreprises, dans la limite de plafonds définis, pourront être favorisées.

71 Malheureusement, si la province de Hainaut, terre d’accueil de l’aéroport de Charleroi, est bien une des celles-ci, la Commission estime que les aides à la compagnie de O’ Leary ne remplissent pas les autres conditions des lignes directrices susmentionnées. En effet, une aide régionale licite doit avoir pour objet un investissement initial accompagné, éventuellement, d’une création d’emplois  [63]. Au vu du texte, il semble que par investissement initial, il faille comprendre un investissement visant à aider l’entreprise bénéficiaire à acquérir (ou à louer) certains actifs en vue de démarrer une production nouvelle et liée de manière durable au territoire régional  [64].

72 Dans le cas Ryanair, on doit bien constater qu’il ne s’agit pas d’aides à l’acquisition d’actifs tels que terrains, bâtiments ou équipements comme l’exigent les lignes directrices  [65]. Cet investissement ne vise pas non plus à un « changement fondamental dans le produit » offert par Ryanair, celui d’assurer des liaisons aériennes  [66]. L’aide accordée à Ryanair se présente donc sous la forme d’une aide au fonctionnement, c’est-à-dire une aide couvrant les frais normaux d'une entreprise et n'ayant d'autre effet que de permettre à celle-ci de poursuivre ses activités dans des conditions plus avantageuses. Ce genre d’aide est admis dans des cas exceptionnels, lorsque le niveau de vie de la région est anormalement bas ou quand un grave sous-emploi y sévit. Le Hainaut, quoique éligible à la manne européenne découlant du fameux Objectif I, n’est pas, au regard de la moyenne de l’Union, un territoire à ce point sinistré. Il faut donc conclure que les aides accordées par la BSCA et la Région wallonne ne peuvent revêtir l’habit d’aides régionales. Ainsi, contrairement à une idée aujourd’hui répandue, si certaines aides à Ryanair ne seront pas récupérées, ce n’est pas parce que Ryanair contribue au développement régional.

73 Cette réalité montre également que dans sa condamnation d’une aide ne répondant pas aux conditions posées dans les lignes directrices, la Commission ne tient pas compte de l’impact socio-économique bénéfique qu’apporte pourtant cette aide  [67]. Selon la philosophie du contrôle des subventions, à laquelle nous adhérons sur le principe, si une aide illicite apporte un souffle nouveau à toute une région, c’est que par ailleurs d’autres régions en souffrent ; et de même, si Ryanair baisse ses prix grâce à de l’argent public indûment perçu, d’autres compagnies seront peut-être poussées à licencier… On perçoit toute l’étendue et l’importance du pouvoir de la Commission : de sa manière d’appréhender le développement régional dépend l’étendue du pouvoir d’action des autorités publiques en la matière.

74 Le deuxième texte pertinent dans le cas Ryanair fut édicté par la Commission en fin d’année 1994  [68]. À cette date, le travail de libéralisation du secteur aérien était en grande partie achevé et la Commission fut soucieuse de prévenir les subventions étatiques qui ne manqueraient pas d’advenir. Dans ce contexte, le Collège des commissaires a jugé utile de faire connaître sa position dans une sorte d’encadrement au secteur aérien, sans que le terme « encadrement » soit utilisé cependant  [69]. Il en résulte que la Commission limite les possibilités d’aides directes à l’exploitation de liaisons aériennes à deux cas bien précis : d’une part, lorsqu’un État membre recourt aux dispositions de l’article 4 du règlement n°2408/92  [70] relatives aux obligations de service public, ceci n’est nullement le cas en l’espèce ; d’autre part, lorsqu’il s’agit de desservir un des territoires les plus sinistrés de l’Union, au sens mentionné plus haut, à nouveau, il faut pointer que le Hainaut n’en est pas.

75 La Commission constate également que les aides n’ont pas pour objectif la recherche et le développement  [71], la protection de l’environnement  [72], le sauvetage et la restructuration d’entreprises  [73], les petites et moyennes entreprises  [74] ou le capital investissement  [75]. Qu’invoquer encore ? À court d’idées peut-être, la Belgique fait valoir que les emplois générés par l’activité aéroportuaire nouvelle pourraient sans doute bénéficier du récent règlement d’exemption des aides à l’emploi  [76]. Sans entrer dans le détail de ce dernier, un refus logique lui fut opposé. Enfin, on fit une dernière tentative en proposant, sans trop y croire, que la formation des pilotes puisse bénéficier du tout aussi récent règlement sur les aides à la formation  [77] ; la Commission n’y crut pas non plus.

3.2. LE RETOUR À L’ARTICLE 87 § 3 C)

76 Tout semblait ainsi indiquer que les aides versées à Ryanair étaient définitivement condamnées. Cependant, la décision finale innove profondément. La Commission va en effet considérer que sont compatibles les aides limitées dans le temps, permettant l’établissement de nouvelles liaisons desservant des aéroports secondaires.

77 Alors que les aides octroyées à Ryanair relèvent du champ d’application des lignes directrices dans le secteur de l’aviation de 1994 et qu’elles sont interdites tant par celles-ci que par les autres encadrements à finalité horizontale existants, il est tout à fait remarquable que la Commission retourne au « droit commun » des aides d’État et procède à une évaluation directe au regard de l’article 87 § 3 c)  [78]. La Commission considère « au vu de l’évolution des secteurs aérien et aéroportuaire, déclenchée par l’ouverture complète des marchés de services de transport aérien au niveau européen en 1997, que la dérogation de l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité doit également être envisagée étant donné le rôle de ces aides pour le développement des aéroports régionaux ». Les lignes directrices restreignent en effet le rôle de cette disposition à la possibilité, dans des conditions strictes, d’une aide à la restructuration, ce dont il n’est nullement le cas dans notre affaire. Le principe général est pourtant qu’un encadrement a une portée obligatoire. Revenir à une des bases juridiques qui le fondent revient à s’en départir. C’est pourtant de cette manière que la Commission affirme que le développement des aéroports régionaux devient un objectif permettant l’octroi d’aides aux compagnies aériennes. En regard de cet objectif et des modalités prescrites pour l’atteindre, la Commission détermine la partie des aides à rembourser par Ryanair.

3.2.1. La portée obligatoire de l’encadrement

78 La Commission a édicté, en 1994, un encadrement des aides au secteur de l’aviation. Il ressort indéniablement de la jurisprudence que la Commission est tenue de respecter les règles qu’elle s’est elle-même fixées dans ses encadrements, lorsque ceux-ci ont été acceptés par les États membres  [79]. La conséquence principale en est que la Commission ne peut s’en départir dans un cas individuel  [80]. Au cas même où elle le ferait sans susciter de contestations, ce précédant ne peut-être invoqué pour affirmer que l’encadrement a été modifié de manière implicite ; selon la Cour « (…) il convient de constater qu’un acte de portée générale ne peut pas être modifié implicitement par une décision individuelle  [81] ». Seul un acte équivalent pourrait effectuer une modification. Comme le précise l’avocat général Lenz, « à titre d’objet d’un acte juridique revêtu d’effets obligatoires qui ne prend naissance que par le consentement des États membres, la discipline ne peut être modifiée par un acte unilatéral de la Commission  [82] ».

79 L’important arrêt Vlaams Gewest  [83] indique que lorsqu’une aide rentre dans le champ d’application d’un encadrement, la Commission peut se borner à l’appliquer, sans effectuer subsidiairement une analyse générale au regard du paragraphe 3 de l’article 87. Cet arrêt est tout particulièrement pertinent car il concernait l’application de l’encadrement du secteur aérien à une aide accordée par la Région flamande à la VLM (Vlaamse Luchttransportmaatschappij). On peut y lire qu’il ne saurait être reproché à la Commission « de ne pas avoir examiné si, sans l'aide litigieuse, les forces du marché auraient ou non suffi à persuader le futur bénéficiaire de l'aide d'agir de manière à concourir à l'un des objectifs des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (…). En effet, il suffisait à la Commission de constater qu'une seule des conditions fixées dans les lignes directrices [concernant les aides d’État dans le secteur de l’aviation] pour que l'aide puisse être autorisée au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (en l'occurrence, l'absence d'un objectif de restructuration) n'était pas remplie pour conclure de manière suffisamment motivée que l'aide ne pouvait pas être autorisée au titre de cette disposition  [84]. »

80 La Cour précise qu’en agissant de la sorte, la Commission ne renonce pas à son pouvoir d’appréciation  [85]. Selon nous, cela comporte que l’édiction d’un encadrement concernant un secteur particulier épuise son pouvoir d’appréciation à l’égard de ce secteur. Face à une aide rentrant dans le champ d’application de ce règlement, il ne lui est plus loisible de revenir à la base juridique qui fonde son encadrement, l’article 87 § 3 dans la majorité des cas. Lui permettre de le faire reviendrait à la délier de règles qu’elle s’est imposée, quand elle le juge opportun, sur la base de nouvelles considérations non contenues dans sa quasi-réglementation.

3.2.2. Un nouvel objectif : le développement des aéroports régionaux

81 Au regard de la portée obligatoire de l’encadrement, la décision Ryanair constitue une illégalité. La Commission indique qu’elle a déjà eu l’occasion par le passé de définir de nouvelles conditions applicables à l’octroi des aides dans des décisions individuelles. Malheureusement, les exemples qu’elle cite ne sont pas pertinents  [86]. Si certains avantages accordés à Ryanair sont acceptables, la raison en est que des aides limitées dans le temps, permettant de nouvelles liaisons aériennes au départ d’aéroports régionaux contribuent à l’objectif d’intérêt général du développement et de la meilleure utilisation des infrastructures aéroportuaires secondaires. Aussi noble qu’il soit, cet objectif, issu des préoccupations exprimées par la DG Énergie et Transports dans son Livre blanc (cf. infra), ne transparaît cependant nulle part dans l’encadrement susmentionné. L’apparition de cette nouvelle orientation de la politique de concurrence semble devoir beaucoup à l’importance exceptionnelle du cas Ryanair.

82 On pourrait certes s’offusquer d’une pareille manière d’agir. Il reste que, sur le fond, la décision n’est pas dénuée de justification. Sur la forme, il faudra attendre que l’encadrement soit modifié en conséquence pour remédier à l’anomalie juridique soulignée. Ce qui est remarquable c’est qu’en fin de compte, le contrôle des aides d’État se résume toujours à un arbitrage entre libre concurrence de principe et intérêts généraux justifiant une dérogation. Dans cette optique, il est intéressant de s’attarder quelque peu sur l’objectif de développement des aéroports régionaux et les modalités dont l’entoure la Commission.

83 Selon la décision finale, « les aides qui permettent de développer et d’assurer une meilleure exploitation des infrastructures aéroportuaires régionales qui sont actuellement sous-utilisées et représentent un coût pour la collectivité peuvent présenter un intérêt communautaire certain et s’inscrire dans les objectifs de la politique commune des transports  [87] ». En effet, on peut lire dans le Livre blanc de la Commission que « la politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix  [88] » plusieurs passages concernant le besoin d’éviter l’engorgement des grands aéroports et de développer les capacités aéroportuaires, au moyen de financements publics le cas échéant.

84 Il faut donc souligner d’emblée que si certaines aides accordées à Ryanair sont acceptées c’est dans le but de régler un problème d’infrastructure  [89] et non la volonté d’assurer le développement des compagnies low-cost. Des aides à partir de Bruxelles-National pour Virgin Express, à partir de Paris-Charles de Gaulle pour Easy Jet ne sont ainsi pas concevables. Par contre, une compagnie traditionnelle est éligible à ces aides, déterminantes selon la Commission pour « convaincre les entreprises intéressées de prendre le risque d’investir dans de nouvelles routes ». La compagnie SN Brussels Airlines pourrait ainsi recevoir des aides si elle ouvrait une nouvelle liaison à partir de Charleroi.

85 Alors que la presse et la Commission elle-même ont présenté la décision finale comme étant une étape décisive pour l’essor des compagnies à bas prix mais aussi pour le redémarrage des régions défavorisées et le service aux consommateurs  [90], il apparaît que ces objectifs ne sont, selon la lettre même de la décision, que « la conséquence de cette politique cohérente destinée au premier chef à développer de manière durable l’activité aéroportuaire  [91] ». Tout aéroport de petite taille semble d’ailleurs éligible, même localisé dans une localité prospère…

86 Par ailleurs, les exceptions à l’interdiction des aides d’État étant de « stricte application », la Commission entoure le soutien public de plusieurs garde-fous. Pour éviter de trop grandes distorsions de concurrence, tant entre compagnies aériennes qu’entre aéroports, les aides en question devront être « nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif recherché ». Ainsi, les aides ne seront versées que pour l’ouverture de nouvelles liaisons et cela pendant une période de cinq années, période jugée adéquate pour certains, excessive pour d’autres. Ouverte en mai 1997, la liaison Charleroi-Dublin ne pourra dès lors plus en jouir.

87 L’incitation ne se présentera que sous la forme d’une aide au démarrage de nouvelles routes ou de nouvelles fréquences « provoquant un accroissement du volume net de passagers au départ de l’aéroport régional ». Par la suite, celles-ci devront se passer de subsides, seulement nécessaires « pour attirer les volumes de passagers qui leur permettront ensuite d’atteindre le seuil de rentabilité et de se passer des deniers publics pour survivre ». La Commission préconise d’ailleurs que les aides connaissent une certaine dégressivité afin de garantir une viabilité progressive de l’activité aidée.

88 Afin d’éviter une course à la subvention entre les aéroports régionaux, les aides ne peuvent être accordées à Ryanair « en remplacement d’une autre ligne qu’elle desservait auparavant à partir d’un autre aéroport situé dans la même zone d’attraction économique ». On se souvient, en effet, avoir vu la compagnie irlandaise jouer sur les rivalités des aéroports de Pau et de Tarbes, distants d’une trentaine de kilomètres.

89 Signalons deux autres modalités importantes : premièrement, la Commission empêche de subventionner plus de la moitié des coûts afférents à la mise en place d’une nouvelle route  [92] ; deuxièmement, l’objectif étant l’augmentation du nombre de passagers, le montant de l’aide doit se calculer et se distribuer par passager embarquant.

90 Nous avons affirmé plus haut que l’accessibilité potentielle à une aide déterminée, pour toutes les sociétés d’un même secteur, n’était pas de nature à faire échapper la mesure d’aide à la notion d’aide d’État au sens du traité CE. Ce genre de critère peut jouer comme condition de compatibilité de l’aide. C’est bien de cela qu’il s’agit : la Commission affirme ainsi que « le fait qu’un aéroport est prêt à octroyer des aides ayant comme contrepartie (…) le lancement de nouvelles lignes, doit être rendu public, de manière à permettre aux compagnies aériennes intéressées de se manifester et d’obtenir gain de cause ». Ceci ne permet cependant pas d’octroyer plusieurs fois la même aide pour la même liaison : « Les aides ne doivent pas (…) être destinées à aider un nouvel entrant à ouvrir des liaisons déjà ouvertes et se lancer en concurrence frontale avec un opérateur existant qui exploite déjà cette route au départ de l’aéroport. » En clair, un financement unique auquel tous peuvent cependant solliciter ne peut se dérouler que selon une procédure de marché public. La décision confirme que « les règles et principes en matière de marchés publics et de concessions devraient donc, le cas échéant être respectés ». Il était donc un peu excessif de reprocher à la BSCA de ne pas avoir offert à d’autres les avantages accordés à Ryanair, surtout que de nombreux contacts furent pris avec d’autres compagnies. Ce que la Commission veut en réalité imposer, c’est une transparence totale dans les contacts commerciaux des autorités publiques, ceci sur le mode des marchés publics. Une telle attitude participe du préjugé négatif général qu’entretient la Commission à l’endroit des entreprises publiques. Si l’on peut concevoir que pour l’attribution de services d’intérêt économique général, l’appel d’offres soit préconisé, il nous semble excessif de l’imposer pour l’établissement de routes commerciales, déjà contraintes à la rentabilité dans un délai de cinq années.

3.2.3. Ce que Ryanair peut garder, ce qui doit être récupéré

91 Au vu du nouvel objectif de développement des aéroports sous-utilisés, quelles sont les aides dont Ryanair peut garder le bénéfice et quelles sont les adaptations que la Région et la BSCA doivent apporter aux contrats ?

92 Concernant le rabais sur les charges aéroportuaires, aucune mesure n’est susceptible, aux yeux de la Commission, de les rendre compatibles avec le marché commun. Ces rabais auraient été attribués de manière soi-disant « discriminatoire et non transparente », ils ne peuvent donc profiter du précédent de la décision Manchester, ce sont donc des aides d’État. Leur caractère occulte semble un obstacle vraiment dirimant car c’est encore sur ce motif que la Commission affirme que « le versement de telles aides au seul bénéfice de Ryanair (…) n’était ni nécessaire, ni proportionné à l’objectif de développement aéroportuaire recherché ». Les aides doivent en conséquence être récupérées  [93].

93 Pour notre part, nous avons déjà affirmé qu’il y avait lieu de considérer ces rabais comme étant conformes au principe de l’investisseur privé en économie de marché, que la Commission a refusé d’appliquer à la Région.

94 Pour l’avenir, il est loisible à la Région d’instaurer des rabais de durée limitée sans octroyer de discrimination entre les usagers de l’aéroport. Un récent arrêté ministériel vient d’ailleurs de fixer pour une période de trois années (à partir de la date de la décision finale) une redevance d’atterrissage promotionnelle fixée à… 1 € par passager  [94]. En fin de compte, la Région n’aura commis comme seul forfait que celui de ne pas couler son contrat avec Ryanair en arrêté ministériel, ce qui est léger pour exiger une récupération des aides. La Commission le reconnaît du reste à demi-mot et précise à l’article 5 du dispositif de la décision que si le total des autres aides (compatibles) n’atteint pas 50 % des frais de démarrages des nouvelles liaisons, les rabais peuvent entrer en ligne de compte pour atteindre ce quota et ne pas être rétrocédées.

95 La décision exige également que soit rendues caduques les clauses des contrats prévoyant les garanties d’indemnisation par la Région wallonne en cas de modification du niveau des charges aéroportuaires ou des horaires d’ouvertures de l’aéroport de Charleroi. Comme nous l’avons vu cette dernière exigence relative à la suppression de la garantie sur les horaires n’est pas fondée : n’entraînant pas de ressources d’État, cette garantie n’est pas concernée par le droit des aides. Quant la garantie sur les niveau des charges, sa suppression se conçoit si, comme la Commission, on est d’avis que les rabais constituent des aides.

96 Le tarif préférentiel pour l’assistance en escale, à partir d’argent public, est à proscrire dans tous les cas selon la Commission. En tant qu’activité libéralisée, les autorités publiques ne pourraient utiliser ce levier pour atteindre l’objectif de développement des aéroports secondaires. La décision finale porte que « la récente libéralisation du secteur de l’assistance en escale et la nécessité de permettre sa mise en œuvre efficace font que, lorsque des rabais sur les services d’assistance en escale sont ainsi réputés constituer une aide d’État au bénéfice d’une compagnie aérienne, la Commission estime que ces aides ne sont pas susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché commun  [95] ». Sur le principe, on ne voit pas en quoi de telles aides nuisent à l’efficacité de la libéralisation, puisque les aides sont destinées aux compagnies aériennes et non à celles se chargeant du handling. La Commission semble craindre que ces dernières ne se comportent pas en simples vecteurs des aides et profitent de celles-ci d’une manière ou d’une autre. Ce risque est pourtant écarté par la transparence exigée par ailleurs par la Commission dans l’attribution des aides au démarrage.

97 La seule ristourne valable, pour une compagnie d’assistance en escale, est donc celle octroyée à partir des ses propres fonds. Celle accordée à Ryanair devrait donc être récupérée car on suppose qu’elle s’appuie sur un soutien public « en l’absence de toute justification de l’origine purement commerciale des fonds utilisés par BSCA pour consentir les rabais ». La démonstration de la Commission sur ce point ne paraît pas contestable  [96]. Cependant, dans la mesure où le seuil de deux millions de passagers prévu par la directive 96/67/CE n’était pas encore atteint en ce temps, la Belgique pourra déduire de ce montant les profits éventuels tirés par la BSCA de ses autres activités commerciales. Par exemple, les bénéfices provenant des aires de stationnements payantes pourraient permettre de compenser les pertes dues au tarif spécial pour le handling.

98 La position favorable de la Commission s’exprime enfin vis-à-vis du cofinancement des opérations de publicité et de la participation aux frais dans l’ouverture de la plate-forme. Il s’agit donc des aides marketing versées à hauteur de 4 € par passager, des 160 000 € offerts pour toute nouvelle route ouverte, des frais de formation des pilotes et des frais d’hôtel, soit une somme de plus de 10,25 millions € au total. Pour ces sommes déjà versées, la Commission n’en exige pas la récupération à condition de démontrer, justificatifs à l’appui, qu’elles furent utilisées pour couvrir, à concurrence maximum de 50%, les coûts de démarrage exclusivement. Dans ces cas-là, la Commission considère que les aides contribuent effectivement au développement de l’aéroport régional de Charleroi. Ainsi les frais de publicité devront concerner directement la promotion d’une ligne déterminée en vue de la rendre rentable dans les cinq ans  [97]. Pour les autres contributions, elles doivent présenter un lien étroit avec les coûts engagés par Ryanair dans l’exploitation de sa nouvelle plate-forme à Charleroi. Pour l’avenir, toutes ces contributions étant bien sûr limitées à une période de cinq ans suivant l’ouverture d’une nouvelle ligne, l’échéance se situe donc en 2006 pour la majorité d’entre elles.

99 Au total, quelle est la somme à récupérer auprès de Ryanair ? Les calculs sont à effectuer par la Région wallonne sur la base de données qui ne nous sont pas disponibles. La presse parle d’environ 4 millions €. Nous avions estimé que l’avantage total accordé à Ryanair s’élevait à environ 23 millions €. Ce chiffre, retranché des aides compatibles, donne 12,75 millions €. Les 8,75 millions restant s’expliquent normalement par les raisons suivantes. Il semble qu’on ait pu montrer à la Commission que, sur les trois dernières années, les bénéfices de la BSCA à partir de ses autres activités commerciales (freeshop, vente de carburant…) constituent une somme importante permettant d’éponger en bonne partie les rabais préférentiels sur l’assistance en escale, non encore libéralisée. Il est possible aussi que la Région ait finalement réussi à convaincre la Commission que les prestations basiques d’assistance en escale demandées par Ryanair n’exigeaient pas un tarif de handling qui, sans rabais, se chiffre à 7 € par passager. Un tarif fixé à 5 € par exemple, retranche ainsi plus de 3,5 millions du total des aides. Enfin, la Commission elle-même permet de ne pas récupérer le 1,8 million dus au rabais sur la redevance d’atterrissage si les frais de démarrage ne sont pas couverts à 50 % par les aides considérées comme licites.

CONCLUSION

100 Le but de la Commission était de fixer clairement les règles du jeu en matière de subsides aux compagnies aériennes. Ce but là est atteint : des aides ne sont admissibles que si elles sont en rapport direct avec le démarrage de nouvelles liaisons à partir d’aéroports régionaux. La Commission exclut cependant, sans justification convaincante  [98], que ces aides se présentent sous la forme de rabais sur l’assistance en escale.

101 Les éclaircissements de la Commission s’arrêtent là car, au final, la Commission aura ramené les questions posées par le cas Ryanair à un problème d’infrastructure. L’objectif du soutien public doit être de mieux rentabiliser des équipements aéroportuaires sous-utilisés. Quoiqu’elle en dise, la Commission n’apporte donc aucune précision sur le thème majeur suivant : faut-il prévoir des règles spécifiques pour le développement des compagnies low-cost ?

102 L’étude menée confirme également que la Commission a pour habitude de construire ses politiques comme des exceptions au principe de libre concurrence. Ce dernier semble un postulat tellement puissant que les politiques de développement régional, d’emploi et de transport, pour ne citer qu’elles, ne se considèrent qu’en dérogation au libre jeu des forces du marché. Cette manière de procéder ne serait pas encore problématique en soi si le Collège des commissaires ne se conformait pas si bien à l’adage voulant que les exceptions soient de stricte interprétation. L’encadrement des aides régionales, par exemple, est tellement restrictif qu’il n’appréhende aucun des effets bénéfiques apportés au Hainaut par Ryanair. C’est probablement cette raison qui a poussé alors le Collège des commissaires à imaginer une nouvelle dérogation…

103 Par ailleurs, plusieurs éléments soulignent que le secteur public ne jouit pas des faveurs de la gardienne des traités. Tantôt la Commission n’accepte pas qu’une autorité publique s’assimile à investisseur privé, alors que, selon nous, il n’y avait pas d’obstacle à considérer comme telle la Région wallonne lorsqu’elle accordait des réductions sur les redevances d’atterrissage ; tantôt, la Commission regrette que le comportement du secteur public ne s’assimile pas à celui du privé, à l’instar du reproche adressé à la BSCA, entreprise publique, de ne pas s’être assurée formellement de la pérennité des soutiens financés qui lui sont octroyés par la Région. Sur ce dernier point, il convenait plutôt de s’interroger sur la validité de ces soutiens, réflexion sur laquelle les vingt-cinq pays de l’Union n’ont pas encore trouvé d’accord. La Commission a bien l’intention de proposer à brève échéance une « communication sur le financement des aéroports » effectuant une « délimitation claire des charges pouvant être assumées par des fonds publics et de celles devant être supportées par le gestionnaire de l’aéroport sur ses ressources propres ». Mais en l’absence de règles précises, était-il justifié de sanctionner l’aéroport de Charleroi par des moyens détournés ?

104 On observe également que la Commission entend imposer une transparence complète aux autorités et aéroports publics. Les futures aides au démarrage devront être connues des opérateurs aériens et accessibles à tous, sur le mode de fonctionnement des marchés publics. S’il n’est pas sans fondement d’imposer un comportement irréprochable aux entreprises étatiques dans leur utilisation des finances publiques, cette exigence ne peut cependant aller jusqu’à des discriminations par rapport à leurs homologues privées qui peuvent garder leurs contacts commerciaux sous le sceau du secret.

105 La décision finale de la Commission surprend aussi par la méthode : une dérogation inédite à l’encadrement actuel des aides au secteur aérien fut introduite dans une décision individuelle. Un autre acte de portée générale, normalement, eut été nécessaire. Cette entorse aux principes en vigueur est cependant bénéfique à la Région et à Ryanair. Il faut espérer à présent que la modification de l’encadrement ne se fera pas trop attendre. Il est en tout cas certain que les projets d’aides doivent être notifiés à la Commission, sous peine de subir le jugement des juridictions nationales, habilitées à suspendre les aides non notifiées  [99].

106 Notre analyse a permis de relever aussi plusieurs éléments positifs. En fixant les conditions des aides aux compagnies aériennes, la Commission fortifie la position des aéroports régionaux. Ceux-ci ne sont désormais plus soumis aux enchères proposées par Ryanair, ou une autre compagnie, car ils savent que leurs concurrents ne peuvent pas offrir plus de la moitié des frais liés au démarrage de nouvelles lignes. L’actualité illustre trop souvent un phénomène courant dans les sociétés occidentales : les décideurs politiques sont fort démunis face aux menaces de délocalisations proférées par les entreprises, la sauvegarde de l’emploi étant un objectif sacré. L’imposition de règles communes en matière de subventions publiques contribue à mettre fin au chantage.

107 Par ailleurs, l’objectif de développement des aéroports secondaires est en soi un but valable et on peut espérer qu’il contribue effectivement à la décongestion des grands aéroports. De même, si les possibilités d’aides régionales sont, on l’a vu, réduites, le développement des aéroports secondaires permettra indirectement un développement de certaines régions défavorisées.

108 De manière générale, si l’action de la Commission est critiquable, il faut mettre en avant qu’elle est de toute manière préférable à l’inaction. Le contrôle des aides d’État est salutaire à tous, en premier aux entreprises de l’Union. Les enjeux importants charriés par celui-ci incitent néanmoins à considérer que la Commission n’a pas droit à l’erreur. Le recours en annulation déposé par Ryanair auprès du tribunal  [100] apprendra si elle en a commis une…

109 Sur un plan strictement financier, la décision de la Commission ne paraît pas excessive. La somme à récupérer est relativement modeste, à condition de collaborer avec la Commission. La charge de la preuve incombe en effet à la Région wallonne, elle doit mettre en rapport ces aides avec des frais de démarrage. Jusque tout dernièrement, Michael O’Leary ne semblait pas disposé à fournir les pièces justificatives, ni même à rembourser quoi que ce soit. Sous la menace de la Région de porter l’affaire devant les tribunaux irlandais, la compagnie a cependant consenti à verser la somme de 4 millions € sur un compte bloqué. Selon l’issue du recours en annulation, l’argent sera soit rétrocédé à Ryanair, soit transféré définitivement aux autorités wallonnes. La Commission ne devrait pas voir d’inconvénient à ce procédé, le but du remboursement d’une aide incompatible avec le marché commun étant de rétablir une situation de saine concurrence. Ce but est atteint, à condition que la somme ne bénéficie plus d’aucune manière à Ryanair (sous forme d’intérêts par exemple). Rien de neuf, par contre, concernant les pièces justificatives.

110 Que se passera-t-il si le Tribunal donne tort à Ryanair ? Un appel devant la Cour est encore possible, retardant d’autant l’issue définitive du conflit. Quoiqu’il advienne, nous ne pensons pas que Ryanair désertera Charleroi. D’une part, les sommes investies par la compagnie elle-même pour l’ouverture de la plate-forme sont importantes (la presse parle de 100 millions €), d’autre part, la décision de la Commission précise, bien à propos, qu’aucun subside ne peut être versé pour une ligne que Ryanair viendrait à assurer en remplacement d'une autre ligne qu'elle desservait auparavant à partir d'un autre aéroport situé dans la même zone d'attraction économique ou de population. En clair, si Ryanair quitte Charleroi, elle ne peut recevoir quelque aide d’État afin de reprendre ses liaisons à partir d’un autre aéroport situé dans la zone d’attraction économique de Bruxelles. Il serait cependant utile que la Commission cerne précisément cette zone afin de savoir si, par exemple, les aéroports de Lille ou d’Ostende y sont inclus. À suivre donc…


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/cris.1852.0005

Notes

  • [1]
    Décision de la Commission du 12 février 2004,2004/393/CE, concernant les avantages consentis par la Région wallonne et Brussels South Charleroi Airport à la compagnie aérienne Ryanair lors de son installation à Charleroi, JO, 30 mars 2004, n° L 137/1. Ci-après dénommée « la décision finale ».
  • [2]
    Ouverture de la procédure formelle d’examen publiée sous le titre suivant : Invitation à présenter des observations, conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE. Aides d'État - Belgique. Aide C 76/2002 (ex. NN 122/2002) – Avantages consentis par la Région wallonne et Brussels South Charleroi Airport à la compagnie aérienne Ryanair lors de son installation à Charleroi, JO, n° C 18/3, 25 janvier 2003. Ci-après dénommée « la décision d’ouverture de procédure ».
  • [3]
    Cf. les points 7 à 68 de la décision d’ouverture de procédure.
  • [4]
    Celle-ci, publiée au Journal officiel, mentionne les griefs de la Commission et invite les parties intéressées à soumettre leurs observations (concurrents de l’entreprise aidée, autres États membres etc.).
  • [5]
    Avant que Ryanair ne s'installe à Charleroi, l'aéroport n'accueillait que 20 000 passagers par année, soit 50 par jour en moyenne. Grâce à la route Charleroi-Dublin ouverte le 1er mai 1997, Ryanair a transporté 178 000 passagers en 2000.
  • [6]
    Les trois quarts des actions appartiennent à la Région wallonne et à la Société wallonne des aéroports (SOWAER). Une participation d’environ 20 % est également souscrite par Sambrinvest, la société d’investissement créée pour la reconversion du Bassin de Charleroi.
  • [7]
    Le contrat signé début novembre semble donc rétroagir au 1er avril de l’année 2001.
  • [8]
    De sa dénomination sociale SA Société de promotion de Brussels South Charleroi Airport.
  • [9]
    Contrairement à ce que Ryanair a prétendu, la fermeture de cette ligne n’a rien à voir avec la décision finale de la Commission. On verra plus loin que seule la liaison avec Dublin est directement visée par celle-ci. Il semble qu’un manque de rentabilité soit la cause de la fermeture, en raison sans doute d’une forte concurrence de l’Eurostar. Aujourd’hui, les 11 destinations restantes sont Shannon, Dublin, Glasgow/Prestwick, Stockholm/Skavsta, Milan/Orio al Sero, Venise/Trevise, Pise, Rome/Ciampino, Carcassonne, Gérone/Barcelone et Valladolid.
  • [10]
    Aux 1er avril 2006 et 2010, ce montant aurait dû s’élever respectivement à 1,13 € et 1,30 €.
  • [11]
    Directive 96/67/CE du Conseil du 15 octobre 1996 relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, JO, 25 octobre 1996, n° L 272/36.
  • [12]
    Cf. pts. 269-273 de la décision finale.
  • [13]
    Il s’agit de l’attribution de 4 000 € pour l’achat d’équipements de bureau, de la mise à disposition gratuite de 100 m² de bureaux et 100 m² d’engineering store, d’un droit à l’accès à la training room et d’un coût minimal ou nul pour l’utilisation d’un hangar pour la maintenance d’avions.
  • [14]
    C’est-à-dire un contrat qui contient des obligations réciproques entre les parties.
  • [15]
    Si le retrait a lieu entre 2001 et 2006, BSCA récupère la totalité. Si le retrait a lieu dans la sixième année, le remboursement est de 66%, ce chiffre étant ensuite réduit de 6,6 % par an.
  • [16]
    Cf. le pt. 35 de la décision d’ouverture de procédure. L’accord prévoit un mécanisme si la compagnie réduit à moins de deux le nombre d’avions basés, ou si le montant des redevances perçues subit une chute de plus de 50 %.
  • [17]
    Cf. arrêté du gouvernement wallon du 16 juillet 1998 portant fixation des redevances à percevoir pour l’utilisation des aéroports relevant de la Région wallonne, Moniteur belge, 15 septembre 1998, tel que complété par l’arrêté du gouvernement wallon 24 mars 2000 réglementant l'accès au marché de l'assistance en escale aux aéroports relevant de la Région wallonne, Moniteur belge, 7 avril 2000 ; tel que modifié par l’arrêté du gouvernement wallon du 22 mars 2001, Moniteur belge, 10 avril 2001.
  • [18]
    Aux 1er avril 2006 et 2010, ce montant devrait s’élever respectivement à 1,13 € et 1,30 €.
  • [19]
    Cf. pts. 24 à 27 de la décision finale.
  • [20]
    Cf. art. 7, § 3, de l’arrêté du 16 juillet 1998, précité.
  • [21]
    La redevance passagers s’élève actuellement à 7 € et est régulièrement acquittée par Ryanair. Pour la redevance stationnement, Ryanair n’est pas tenue de s’en acquitter car celle-ci est due uniquement si le stationnement dépasse douze heures consécutives ; or les appareils de Ryanair ne stationnent apparemment jamais plus de douze heures à Charleroi.
  • [22]
    Extrait de la convention du 6 novembre citée dans la décision d’ouverture de procédure, pt. 30.
  • [23]
    La partie intéressée est TBI. TBI est une entreprise possédant plusieurs aéroports dans le monde et opérant différents types de services aéroportuaires. Elle possède et gère les aéroports de Londres/Luton, Cardiff International, Belfast International et de Stockholm/Skavsta. Elle gère quatre autres aéroports appartenant à des régions et pouvoirs locaux. Elle fournit enfin des services aéroportuaires spécialisés dans 28 autres aéroports.
  • [24]
    Décret wallon du 8 juin 2001 modifiant le décret du 23 juin 1994 relatif à la création et à l’exploitation des aéroports et des aérodromes relevant de la Région wallonne, Moniteur belge, 16 juin 2001.
  • [25]
    Cette autorisation exceptionnelle devait respecter un quota de bruit global maximum fixé annuellement. Cf. arrêté du gouvernement wallon du 20 juin 2002 relatif au quota de bruit global à l’aéroport de Charleroi-Bruxelles Sud pendant les plages horaires 22h-23h et 6h-7h, Moniteur belge, 16 juillet 2002.
  • [26]
    Cet article est introduit dans le décret du 23 juin 1994 par le décret du 8 juin 2001 précité.
  • [27]
    Le texte stipule que le « décret produit ses effets le jour de son approbation ». Le texte fut voté, sanctionné et promulgué le 1er avril 2004. La publication au Moniteur belge n’eut lieu que quatre jours plus tard.
  • [28]
    Le nouvel article 1erbis énoncera ainsi : « L’aéroport de Charleroi – Bruxelles Sud est un aéroport dont l’exploitation est autorisée entre 7h et 23h. Toutefois, entre 6h30 et 7h, des mouvements d’avions sont autorisés pour autant qu’ils ne dépassent pas le quota de bruit maximal autorisé par mouvement fixé à sept points. De plus, le quota de bruit global maximal pour les mouvements effectués entre 6h30 minutes et 7h et entre 22h et 23h est fixé annuellement à six mille points. Le gouvernement peut, le cas échéant, diminuer ce quota global. Dans le cadre du quota de bruit global fixé à l’alinéa précédent entre 22h et 23h, sont autorisés les mouvements d’avions qui ne dépassent pas un quota de bruit maximal par mouvement fixé à cinq points. »
  • [29]
    Trib., 27 janvier 1998, Ladbroke, T-67/94, Rec., p. II-1, pt. 52.
  • [30]
    Il s’agit bien sûr de la Cour de justice des Communautés européennes, sise à Luxembourg.
  • [31]
    Trib., 14 janvier 2004, Fleuren Compost, T-109/01, non encore publié au Recueil, pt. 90.
  • [32]
    CJCE, 16 mai 2002, France c. Commission dit Stardust Marin, C-482/99, Rec., p. I-4397, pt. 24.
  • [33]
    Au moment des faits, la Commission estime que la Région wallonne détenait directement ou indirectement 96,28 % des parts sociales de BSCA. Si, autrefois, la SOGEPA (Société pour la gestion des participations de la Région wallonne dans des sociétés commerciales) jouait l’intermédiaire principal de la Région, aujourd’hui ce rôle est assumé par la Société wallonne des aéroports (SOWAER).
  • [34]
    Pt. 110 de la décision d’ouverture de procédure.
  • [35]
    Pt. 239 de la décision finale : « (…) La Commission constate que les avantages en cause, qu’il s’agisse de ceux fournis par BSCA ou de ceux fournis par la Région wallonne, n’ont été octroyés qu’à Ryanair. »
  • [36]
    XXVIe rapport sur la politique de concurrence, 1996, Commission européenne, Office des publications officielles des Communautés européennes, 1997, n° 167.
  • [37]
    Décision de la Commission du 21 janvier 1998,98/337/CE, concernant les aides accordées par la Région flamande à la compagnie Air Belgium et au tour-opérateur Sunair pour la fréquentation de l’aéroport d’Oostende, JO, 19 mai 1998, n° L 148/36.
  • [38]
    Décision de la Commission du 14 juin 1999 concernant l’aide NN 109/98, Manchester Airport, réf. SG(99) D/4235, non publiée au Journal officiel, disponible au 25 mai 2004, http: //europa.eu.int / comm / secretariat_general / sgb / state_aids / transports_1998.htm , cf. pt. 8 : « On the contrary, discounts do not fall within the meaning of article 87, if because of the way they are designed, they can be considered as being measures of limited duration that do not discriminate between users of the airport infrastructure.” Cf. F. MARTY, « Les aides versées par les aéroports aux compagnies lowcost : une analyse économique des contentieux impliquant Ryanair », Séminaire IREST- Paris 1 Sorbonne, disponible sur <http :// www. idefi. cnrs. fr/ hp/ fm/ travaux/ marty-2004-mars. pdf> (dernière consultation au 29 octobre 2004), Paris, mars 2004,29 p.
  • [39]
    Décision de la Commission du 14 juin 1999 concernant l’aide NN 109/98, « Manchester Airport », réf. SG(99) D/4235, : « All these elements lead to the conclusion that the discount on landing fees MA Plc granted to Continental Airlines to encourage the start-up of a new service to Newark airport can be considered as being a current practice not involving any distortion of competition between airlines and therefore not falling within the meaning of Artilce 87 », décision non publiée au Journal officiel, disponible au 15 septembre 2004 sur le site internet <http ://europa.eu.int/comm/-secretariat_general/sgb/state_aids/transports-1998/nn109-98.pdf>.
  • [40]
    Sauf application de la législation communautaire sur les ententes, abus de positions dominantes et concentrations bien sûr.
  • [41]
    Le principe de l’opérateur privé se décline en principes de l’investisseur privé, du cocontractant privé et du créancier privé selon la qualité attribuée à l’État au vu de la transaction commerciale en cause.
  • [42]
    Pt. 158 de la décision finale.
  • [43]
    C’est pourquoi la Commission prend soin de montrer que la taxe d’atterrissage est fixée réglementairement par le gouvernement wallon, cf. pt. 144 de la décision finale.
  • [44]
    L’État édicte parfois des normes générales et abstraites pour agir comme un opérateur privé : cf. par exemple l’arrêté du gouvernement wallon du 7 juillet 1994 confiant une mission spécifique de prise de participation en vue de l'implantation d'un réseau de centres fixes de recyclage pour déchets inertes de la construction en Région wallonne à la SA Spaque, Moniteur belge, 16 septembre 1994 ; cf. également la loi du 30 novembre 2001 relative à la prise de participation de l'État belge dans une société anonyme ayant pour objet social principal l'exploitation d'une plate-forme de trading électronique sur le marché secondaire des titres de la dette publique belge, Moniteur belge, 28 décembre 2001. Inversement, les contrats passés avec l’administration échappent, au moins partiellement, au droit privé.
  • [45]
    Par ailleurs, on ne peut pas considérer que l’assujettissement à l’impôt soit une transaction commerciale.
  • [46]
    Pt. 154 de la décision finale. Cf. aussi pts. 54 à 61 de la même décision. Par ailleurs, la Commission affirme, toujours dans la décision finale, aux pts. 155 à 157, que certains aéroports privés ne possèdent pas une liberté totale dans la fixation des charges aéroportuaires et que, inversement, un aéroport public peut bénéficier de cette liberté. Selon elle, on ne pourrait donc opposer public et privé en la matière. Loin de convaincre, ces remarques montrent au contraire que la fixation des charges aéroportuaires n’est pas une activité qui participe à la puissance publique. Du reste, l’usage des termes « public » et « privé » constitue seulement un moyen pratique pour désigner les réalités qui se rattachent ou non à l’État ; la Commission ne démontre rien, elle joue sur les mots.
  • [47]
    C’est peut-être parce que le terme « taxe » semble plus accréditer la thèse de la Commission que celle-ci a qualifié la redevance d’atterrissage de taxe. Dans la décision d’ouverture de procédure, on peut ainsi lire qu’il « ne s’agirait donc pas d’un paiement, par les usagers de l’aéroport, en contrepartie d’un service rendu, mais d’un ‘acte de nature régalienne’ défini par les autorités publiques ». La Commission doit pourtant bien reconnaître par la suite (cf. pts. 146-150 décision finale) que dans de nombreuses décisions relatives aux charges aéroportuaires, elle a statué sur cette notion en la qualifiant de redevance. Elle décide donc de s’en tenir à la dénomination générique de « charges aéroportuaires ».
  • [48]
    Il semble que oui car au point 96 de la décision finale, la Belgique prétend que grâce à Ryanair, la récolte des taxes à l’atterrissage est passée de 310 000 € à 5 200 000 €.
  • [49]
    Cf. Proposition modifiée de directive.
  • [50]
    Cf. les pts. 178 et s. de la décision finale sous le titre : « Application du principe dans le temps ».
  • [51]
    Du reste, en février 2004, date où fut rendu le verdict de la Commission, d’autres opérateurs manifestaient déjà de l’intérêt pour le site de Charleroi et, peu après celui-ci, les compagnies Wizz air, Airservice+ et Air Polonia y faisaient leur apparition. Ces compagnies sont cependant plutôt à ranger du côté des low-cost.
  • [52]
    C’est d’ailleurs pour cela que le droit européen refuse la qualification de PME à une entreprise détenue à plus de 25 % par une grande entreprise ; on sait qu’une telle entreprise ne sera pas confrontée aux handicaps classiques d’une PME (difficulté d’accès au crédit, aux nouvelles technologies…).
  • [53]
    CJCE, 24 octobre 2002, Aéroports de Paris c. Commission européenne, C-82/01 P, Rec., p. I-9297.
  • [54]
    CJCE, 24 juillet 2003, Altmark Trans, C-280/00, Rec., p. I-7747. L’arrêt Altmark était très attendu car on savait qu’il fixerait définitivement, après controverse, les conditions auxquelles doivent répondre les sommes versées pour le financement d’un service public (un « service d’intérêt économique général » dans le jargon communautaire) afin de ne pas être considérées comme des aides d’État et, en conséquence, être notifiées à la Commission pour contrôle. À présent, ce sont ces conditions qui sont controversées, surtout la quatrième. Nous les mentionnons par souci de complétude. Premièrement, l'entreprise bénéficiaire du financement doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculé le financement doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes. Troisièmement, le financement ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations. Quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise à charger de l'exécution d'obligations de service public, dans un cas concret, n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau du financement nécessaire doit être déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.
  • [55]
    Pt. 249 de la décision finale. La motivation se limite alors à remarquer que Ryanair « est en concurrence avec les autres compagnies aériennes communautaires sur son réseau européen ».
  • [56]
    Décision de la Commission du 14 juin 1999, Manchester Airport, op. cit.
  • [57]
    Une autre preuve que la décision Manchester effectue un raccourci est que, contrairement à ce qui prévaut en droit des aides d’État, elle effectue, au stade de la notion d’aide d’État, une analyse du marché pertinent (« the market to be taken into consideration is the new route Newark-Manchester »). Est-ce une méprise ou une pratique de la Commission consistant à jouer sur la notion d’aide d’État, afin de restreindre ou d’étendre en conséquence son contrôle, quand celui-ci lui paraît opportun ?
  • [58]
    CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland c. Commission, aff. 730/79, Rec., p. 2671, pt. 11.
  • [59]
    Appréciation portée au pt. 112 de la décision d’ouverture de procédure, non contestée par la Belgique et Ryanair.
  • [60]
    Il n’y a pas de texte obligeant la Commission à examiner d’office chaque cause de dérogation mais celle-ci le fait de son propre chef, même lorsque l’État membre ne les invoque pas toutes. Agir autrement ferait d’ailleurs courir le risque d’une annulation de la décision pour défaut de motivation.
  • [61]
    JO, 10 mars 1998, n° C 74/9.
  • [62]
    Au sens de subdivisions territoriales : il peut s’agir de provinces, de circonscriptions, de communes…
  • [63]
    Cf. point 4.1 des lignes directrices.
  • [64]
    Le point 4.4 des lignes directrices stipule : « On entend par investissement initial un investissement en capital fixe se rapportant à la création d’un nouvel établissement, à l’extension d’un établissement existant, ou au démarrage d’une activité impliquant un changement fondamental dans le produit ou le procédé de production d’un établissement existant (par voie de rationalisation, de diversification ou de modernisation). »
  • [65]
    Cf. point 4.5 des lignes directrices. Il y a bien une mise à disposition de locaux et de hangars mais cet élément n’est pas interdit par la décision finale.
  • [66]
    Par contre, la pérennité de l’investissement est garantie : les contrats courent sur une période de 15 années, un mécanisme dé récupération est prévu en cas de départ de Ryanair ainsi que des pénalités en cas d’inexécution fautive.
  • [67]
    Pt. 255 de la décision finale : « La Commission ne nie pas que les aides au bénéfice de Ryanair puissent avoir un impact socio-économique régional en Wallonie, comme peut en avoir toute aide octroyée par les pouvoirs publics destinée à encourager l’activité économique d’une entreprise. Cependant, ces aides ne répondent pas à la discipline que s’impose depuis de nombreuses années la Commission. »
  • [68]
    Application des articles 92 et 93 du traité CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation, JO, n° C 350 du 10 décembre 1994, p. 5.
  • [69]
    Nous utilisons les termes « encadrement » et « lignes directrices » comme des synonymes.
  • [70]
    Règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, JO, n° L 240 du 24 août 1992, p. 8.
  • [71]
    Encadrement communautaire des aides d'État à la recherche et au développement (JO n° C 45 du 17 février 1996, p. 5), modifié (JO n° C 48 du 13 février 1998, p. 2), et prolongé (JO n° C 111 du 8 mai 2002, p. 3).
  • [72]
    Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO n° C 37 du 3 février 2001, p. 3).
  • [73]
    Lignes directrices communautaires pour les aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (JO n°C 288 du 9 octobre 1999, p. 2) ainsi que les lignes directrices dans le secteur de l'aviation.
  • [74]
    Règlement (CE) no 70/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État en faveur des petites et moyennes entreprises (JO n° L 10 du 13 février 2001, p. 33).
  • [75]
    Communication de la Commission – Aides d'État et capital-investissement (JO n° C 235 du 21 août 2001, p. 3).
  • [76]
    Règlement (CE) n° 2204/2002 de la Commission concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État à l’emploi, JO, 2002, n° L 337/3.
  • [77]
    Règlement (CE) n° 68/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides à la formation, JO, 2001, n° L 10/20.
  • [78]
    Selon lequel peuvent être considérées comme compatibles « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités (…) quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». C’est une des dispositions qui fondent les lignes directrices dans le secteur de l’aviation.
  • [79]
    CJCE, 24 mars 1993, CIRFS, C-313/90, Rec., p. I-1177. Récemment, cf. CJCE, 13 février 2003, Espagne c. Commission, « Véhicules utilitaires », C-409/00, Rec., p. I-, pt. 95 : « La Commission est tenue par les encadrements et les communications qu'elle adopte en matière de contrôle des aides d'État, dans la mesure où ils ne s'écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres ».
  • [80]
    CJCE, 24 mars 1993, CRIFS, précité.
  • [81]
    Ibidem, pt. 45.
  • [82]
    Conclusions du 17 septembre 1992, CIRFS, C-313/90, Rec., p. I-1127, pt. 130.
  • [83]
    Trib., 30 avril 1998, Vlaams Gewest, T-214/95, Rec., p. II-.
  • [84]
    Ibidem, pt. 103.
  • [85]
    Ibidem, pt. 49.
  • [86]
    Cf. la note 108 de la décision finale. Concernant la Communication de la Commission au sujet des régimes d’aides en faveur des installations à câbles (JO, 18 juillet 2002, n° C 172/2), il n’y pas là dérogation à un encadrement existant. Au contraire, la Commission élève sa décision particulière à un rang d’encadrement par sa communication. Concernant les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Solar Tech (C-91/01), elles ne furent pas reprises dans l’arrêt dans l’arrêt du 29 avril 2004. La Cour interprétera le dispositif de la recommandation PME au vu de ses motifs sans y déroger.
  • [87]
    Pt. 278 de la décision finale.
  • [88]
    COM (2001) final, 12 septembre 2001.
  • [89]
    Il semble qu’il faille considérer comme aéroport régional, les aéroports accueillant moins de 5 millions de passagers par an ; ce cap pouvant être franchi dans des circonstances particulières sans pour autant dépasser celui de dix millions par an.
  • [90]
    Cf. le communiqué de presse de la Commission du 3 février 2004, IP/04/157 : « La décision d’aujourd’hui favorise le développement régional et conduira à un développement accru de compagnies à bas coûts dans toute l’Union européenne, au plus grand bénéfice des consommateurs. »
  • [91]
    Pt. 284 de la décision finale.
  • [92]
    Les coûts étant définis comme ceux que l’opérateur aérien n’aurait pas à supporter en rythme de croisière, cf. 323 de la décision finale.
  • [93]
    La Région wallonne peut cependant tenir compte des rabais automatiques prévus aux §§ 1 et 2 de l’article 7 de l’arrêté du gouvernement wallon du 16 juillet 1998, précité.
  • [94]
    Arrêté ministériel portant réduction, à titre promotionnel, des redevances dues pour l’atterrissage des aéronefs sur l’aéroport de Brussels South Charleroi, JO, 16 juillet 2004.
  • [95]
    Pt. 277 de la décision finale : « La récente libéralisation du secteur de l’assistance en escale et la nécessité de permettre sa mise en œuvre efficace font que, lorsque des rabais sur les services d’assistance en escale sont ainsi réputés constituer une aide d’État au bénéfice d’une compagnie aérienne, la Commission estime que ces aides ne sont pas susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché commun. »
  • [96]
    Cf. pts. 269-273 de la décision finale.
  • [97]
    Le précédent de la décision Ostende est normalement encore valable. L’aéroport de Charleroi pourrait ainsi rétribuer Ryanair pour apparaître dans les publicités au sein d’encarts bien individualisés portant spécifiquement sur l’aéroport.
  • [98]
    Cf. supra.
  • [99]
    Comme le furent les aides versées à Ryanair par la Chambre de commerce et d’industrie de Strasbourg par le Tribunal administratif de Strasbourg. Cf. la confirmation par la Cour administrative d’appel de Nancy, 18 décembre 2003, Compagnie Ryan Air et Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin c. Société Brit Air, requêtes n° 03NC00864 et 03N00859. En conséquence, Ryanair fit détourner les lignes joignant Strasbourg vers Baden-Baden.
  • [100]
    Il s’agit ici du Tribunal de première instance des Communautés européenne, compétent notamment pour les recours en annulation introduits par les particuliers. Les arrêts du Tribunal peuvent faire l’objet d’un appel devant la Cour de justice.

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